dimanche 26 janvier 2014

Pour un témoignage vrai et réfléchi

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Lecture biblique : 1 Pierre 3.15-17

Cette lettre de Pierre est écrite dans un contexte hostile : les premiers lecteurs de l'épître subissaient la persécution à cause de leur foi. Ça donne un relief particulier à ces paroles. Quand il s'agit de rendre compte de leur espérance, pour les premiers lecteurs de l'épître, c'était devant les tribunaux ! Notre contexte est différent, mais nous sommes aussi confrontés à une certaine hostilité parfois, des réactions qui peuvent nous mettre dans des situations inconfortables.

Et nous sommes forcément amenés à nous interroger sur notre témoignage en tant que chrétien. Que dire ? Quand ? Comment ? Ce texte va nous donner quelques clés...


Le coeur et l'esprit

Tout commence dans le coeur mais on ne doit pas en rester là. Un témoignage équilibré repose sur une foi équilibrée, qui se nourrit du coeur et de l'esprit.

Dans le coeur

Tout commence dans le coeur ! La traduction du verset 15 en français n'est pas très aisée. La version « Parole de Vie », recourt à une périphrase : « Reconnaissez dans vos coeurs que le Christ seul est saint, il est votre Seigneur. ». Mais la formule originelle est plus lapidaire, et surtout elle bouleverse l'ordre de la phrase pour mettre en évidence le mot Seigneur, en début de phrase. Littéralement, ça donne : « Seigneur, le Christ, sanctifiez dans votre coeur »

On est obligé de le formuler différemment en français... Mais l'insistance tombe bien sur le Christ reconnu comme Seigneur dans notre coeur. On pourrait traduire : « Sanctifiez dans votre coeur le Christ Seigneur. »

Ça reste encore une formule très « patois de Canaan »... Il faut la décrypter. Sanctifier, c'est consacrer, réserver la place qui est due. Et le coeur, c'est nous-mêmes, en particulier notre volonté, non pas tellement nos émotions mais le siège de nos décisions. Il s'agit donc de réserver au Christ la place centrale qui doit lui revenir dans notre vie. C'est lui le Seigneur, le maître de notre vie. Nos décisions, nos projets, nos intentions, lui sont soumis.

Il ne peut pas y avoir de témoignage efficace sans une communion personnelle avec le Christ. C'est essentiel, tant au niveau du contenu du témoignage que nous serons appelés à donner qu'au niveau de l'attitude, la façon d'apporter ce témoignage.

C'est un rappel salutaire que toutes les techniques oratoires, les trucs et astuces pour être un bon témoin efficace ne servent à rien sans une consécration personnelle au Seigneur. Être témoin de l’Évangile, ce n'est pas seulement être un VRP de l’Évangile, où il suffirait d'utiliser des techniques de vente pour que ça fonctionne ! On ne vend pas un produit quand on témoigne de l’Évangile. On transmet on message de vie dont on a fait soi-même l'expérience.

Dans l'esprit

Tout commence dans le coeur... Mais ça ne doit pas en rester là ! Pour que notre foi grandisse et s'affermisse, pour que notre témoignage soit efficace, il faut que le coeur soit relié à l'esprit. Une foi équilibrée est autant ancrée dans le coeur que dans l'esprit.

En effet, il s'agit d'être prêt à rendre compte de notre espérance, ou donner des explications comme le traduit « Parole de Vie ». Le terme grec, apologia, est utilisé pour désigner la défense qu'on est appelé à donner en réponse à une attaque. Il implique une argumentation solide. Le terme a donné le mot apologétique qui désigne en théologie la défense de la foi, et implique une argumentation solide et cohérente, faisant appel à des arguments rationnels.

Il s'agit donc d'être prêt à donner une telle réponse... Il faut s'y préparer. Nous avons besoin de réfléchir notre foi. On ne peut pas se contenter de dire : « Je suis devenu chrétien, c'est super ! » C'est un peu court... Les gens attendent d'autres réponses... Pourquoi est-ce que vous croyez ? Qu'est-ce qui vous prouve que Dieu existe ? Que Jésus est ressuscité ? Pourquoi vous auriez raison et pas les autres religions ? Etc...

Quelle place accordons-nous, dans notre vie de chrétien, à l'approfondissement de notre foi ? Quel temps consacrons-nous à la lecture de la Bible et d'ouvrage chrétiens, à la fréquentation d'études bibliques, à la participation à des séminaires ou des formations bibliques et théologiques ?

La douceur et la crainte

La douceur devant les hommes est en contraste avec leur hostilité possible. La crainte devant Dieu rappelle qu'on est à la fois témoin devant les hommes et devant Dieu.

La douceur

Être prêt, c'est bien. Mais il faut encore faire attention à la façon dont nous portons notre témoignage. Pierre qualifie l'attitude requise par deux termes : la douceur et la crainte.

La douceur tranche avec le contexte d'hostilité. Il s'agit de répondre à des attaques, mais de le faire avec douceur. Et ce n'est pas une faiblesse mais une force, parce qu'elle naît de la paix de Dieu. La douceur implique le respect de l'autre, le refus de vouloir passer en force, d'user d'agressivité et d'intrusion.

Il est sans doute utile de souligner qu'ici comme ailleurs sans doute, le témoignage est de l'ordre de la réponse. Ce n'est pas un témoignage qui s'impose par la force, c'est un témoignage qui répond aux questions. Des questions suscitées par notre attitude, notre façon de vivre. Des questions qui surgissent naturellement de nos relations avec notre prochain. Il ne s'agit pas alors de contredire nos paroles par nos actes, ou inversement. C'est sans doute cela, la « conscience pure » dont parle Pierre ici...

La crainte

Quant au respect, c'est le mot grec phobos qui est utilisé. Celui qu'on traduit souvent par « crainte » et qui traduit notre attitude de respect devant Dieu. Si la douceur concernait notre attitude devant les hommes, le respect pourrait bien concerner notre attitude devant Dieu. Et dans ce cas, il vaut mieux sans doute le traduire par « crainte ».

La crainte de Dieu, faut-il le rappeler, n'est pas la peur bleue d'un Dieu tyrannique. C'est le profond respect que Dieu inspire quand on a conscience de qui il est... et de ce que nous sommes devant lui. Elle ne nous fait pas fuir Dieu, elle ne fait que renforcer notre émerveillement devant son amour et sa grâce !

En tout cas, la mention de la crainte en lien avec le témoignage est très intéressante. Elle permet de dire que notre témoignage nous place non seulement devant notre prochain mais aussi devant Dieu. Il ne s'agit donc pas simplement de nous interroger sur l'efficacité de notre témoignage auprès des hommes, mais aussi du respect de Dieu qu'il manifeste. Dans le témoignage, la fin ne justifie pas les moyens !

Un témoignage fidèle, raisonnable, réfléchi, et dit dans la douceur, respecte le Seigneur. Parce qu'il reflète sa nature patiente et bienveillante. Par contre, il y a des témoignages agressifs, malhonnêtes, irréfléchis, manipulateurs, qui ne respectent pas le Seigneur. Nous devons aussi réfléchir et rester vigilant quant à notre façon de témoigner de l’Évangile, tant individuellement qu'en Église !


Conclusion

Ce texte ne nous présente pas une méthode infaillible pour un témoignage efficace. De toute façon, ça n'existe pas... Il rappelle quelques principes de base incontournables.

A commencer par le fait que nous sommes appelés à le rendre avec le coeur et l'esprit. Avec le coeur pour qu'il soit authentique et vrai, fondé sur notre communion avec le Christ. Avec l'esprit pour qu'il soit pertinent et qu'il honore le Seigneur.

Car si nous sommes appelés à être témoins de l’Évangile devant les hommes, nous le sommes aussi, de fait, devant Dieu. Notre témoignage doit à la fois être pertinent pour notre prochain et être à la gloire de Dieu.

Voilà pourquoi nous devons nous y préparer, sérieusement. Dans la prière et dans la réflexion.

dimanche 12 janvier 2014

Le baptême de Jésus : décryptage d'un épisode étonnant

Lecture biblique : Matthieu 3.13-17

On considère en général que le baptême de Jésus constitue le début de son ministère publique. Et c'est sans doute vrai. Mais c'est aussi un événement étonnant à plusieurs égards, tant pour le baptême lui-même que pour les phénomènes qui l'entourent.


Le baptême de Jésus

Jean n'était pas le premier à pratiquer des baptêmes. C'était un rite de purification qu'on rencontrait dans le Judaïsme. Il a été repris par Jésus et investi d'un sens nouveau pour devenir le baptême chrétien.

Jean était un prophète et le baptême qu'il pratiquait était un signe qui accompagnait sa prédication. Un signe de purification, de consécration, de repentance, à destination de ceux qui répondaient à son message et voulaient se préparer à la venue du Messie.

Et c'est justement là que le baptême de Jésus semble poser un problème théologique... Comment Jésus-Christ, le Fils de Dieu, pouvait avoir besoin de se faire baptiser par Jean ? Avait-il besoin de se repentir ? Non ! Devait-il se préparer à la venue du Messie ? Non ! C'est lui le Messie !

D'ailleurs Jean ne comprend pas. Il résiste. N'avait-il pas dit dans sa prédication : « Celui qui vient après moi est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de lui enlever ses sandales. » (v.11) ?

Alors comment pourrait-il baptiser Jésus ? Il ne veut pas le faire et il dit à Jésus : « C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi, et c'est toi qui viens vers moi ! » (v.14)

Mais Jésus ne demande pas le baptême à Jean parce qu'il en aurait besoin ! Il le fait pour une autre raison. Parce qu'il convient de le faire à ce moment-là : « Accepte cela pour le moment. Oui, c'est ainsi que nous devons faire tout ce que Dieu demande. » (v.15)

Et Jean accepte... Mais la question demeure : pourquoi Jésus s'est-il fait baptiser ?

Les gens se faisaient baptiser en signe de repentance pour se préparer à la venue du Messie. Or, Jésus est le Messie. Mais il ne vient pas en Messie triomphant. Auquel cas, en effet, il n'aurait pas demandé le baptême à Jean et c'est lui qui l'aurait baptisé !

Ce n'est pas ainsi que le Messie est venu. Il est venu humblement, homme parmi les hommes. Et on peut sans doute voir dans le baptême de Jésus un signe de son incarnation. Jésus emprunte le même chemin que les autres. Homme parmi les hommes, il a endossé la condition de l'humanité pécheresse, sans pour autant pécher lui-même.

D'une certaine façon, le baptême reçu par Jésus clôt le baptême de Jean. Plus besoin de se préparer pour la venue du Messie, il est là ! Même si Jean a semble-t-il continué de baptiser après cet événement (cf. Jean 3), il ne l'a plus fait très longtemps. Peu de temps après il sera arrêté et mis en prison et finalement mis à mort.

Le baptême de Jésus est l'accomplissement de la prophétie de Jean. Mais il ne l'accomplit pas en triomphateur mais en humble serviteur. En demandant à recevoir le même baptême que les autres, en s'identifiant aux hommes qu'il est venu sauver.

Dès le début de son ministère public, Jésus donne le ton et révèle sa nature profonde. Il est venu en serviteur. Homme parmi les hommes, pour sauver l'humanité.


Ce qui entoure le baptême de Jésus 

Il se passe des choses étonnantes autour du baptême de Jésus, dès le moment où il sort de l'eau.

D'abord, le ciel s'ouvre. Une formule que l'on retrouve dans les visions reçues par des prophètes. Le ciel s'est ouvert pour Ezéchiel dans sa vision de la gloire de Dieu, il s'est ouvert pour Etienne pour l'encourager au moment de son martyre, il s'est ouvert pour Jean quand il a reçu ses visions de l'Apocalypse... Et il s'ouvre ici pour Jésus au moment de son baptême. C'est comme si Jésus, sortant de l'eau après son baptême, avait reçu une révélation.

D'autant que cela s'accompagne d'une théophanie, une apparition de Dieu. L'Esprit Saint, sous la forme d'une colombe se pose sur lui. Et la voix de Dieu retentit dans le ciel, affirmant que Jésus est son Fils bien-aimé, celui qu'il a choisi.

La façon dont les évangiles relatent cet épisode ne souffre d'aucune ambiguïté. Nous avons ici une des plus étonnantes affirmations bibliques de la Trinité. Un des très rares épisodes bibliques où le Père, le Fils et le Saint-Esprit apparaissent en même temps.

Bien-sûr, il faut les discerner derrières les symboles. Discerner le Saint-Esprit derrière la colombe. Voir en Jésus plus qu'un homme et faire confiance aux paroles de Dieu qui viennent du ciel affirmant que Jésus est son Fils bien-aimé.

Mais alors que le Fils de Dieu était sur terre incognito depuis une trentaine d'années, son baptême marque le début de son ministère public. A qui sait le voir, il apparaît maintenant officiellement comme le Messie !

Mais à l'origine, sans doute que très peu l'ont compris. C'est Jésus qui était le premier destinataire du message. Sans doute y a-t-il eu une colombe qui s'est posée sur lui, mais ceux qui l'ont vu n'ont pas saisi la signification spirituelle. A part Jean-Baptiste. C'est en tout cas ce que nous en dite l’Évangile selon Jean, dans sa version de l'épisode (cf. Jn 1.32-34). Quant à la voix, il est tout à fait possible que seul Jésus l'ait entendue. Chez Marc et Luc, les paroles sont d'ailleurs légèrement différentes et s'adressent clairement à Jésus : « Tu es mon Fils bien-aimé... ». Et dans l’Évangile selon Jean, où on semble se placer du point de vue du prophète Jean-Baptiste, il n'est fait nul mention de la voix de Dieu.

Peut-être Jésus avait-il besoin de tels signes pour être encouragé au début de son ministère public. Comme il aura besoin d'être soutenu par des anges dans sa tentation au désert, ou dans sa lutte spirituelle dans le jardin de Gethsémané... Peut-être même avait-il besoin d'une confirmation, d'un signe fort de sa mission.

Mais la réalité est là. Le Fils de Dieu est sur terre et il est venu pour accomplir le projet de salut de Dieu. Et si les témoins oculaires du baptême de Jésus ont eu du mal à le comprendre, l'Ecriture est là pour nous l'affirmer. Et nous le proclamons aujourd'hui : le Fils de Dieu est venu sur terre pour accomplir le projet de salut de Dieu.


Conclusion

Le baptême de Jésus, s'il constitue d'une certaine façon le début officiel de son ministère terrestre, est aussi révélateur de la nature et de la personne du Christ.

Si le récit des évangiles fait clairement apparaître sa divinité, en l'intégrant dans une théophanie trinitaire, il est fort probable que personne, à part peut-être Jean-Baptiste, ne l'ont perçu.

Parce que le baptême de Jésus souligne aussi l'humble condition de serviteur que le Fils de Dieu a choisie pour accomplir le plan de salut de Dieu. Homme parmi les hommes, il est pleinement devenu l'un des nôtres pour nous sauver. Son baptême en témoigne.

C'est la merveille de l'incarnation, dont la célébration doit se poursuivre bien au-delà de Noël, parce qu'elle est au coeur de notre foi et notre espérance. Car si Dieu s'est fait homme en Jésus-Christ, c'est pour nous être le plus proche possible. Et il l'est encore aujourd'hui. Proche de nous. C'est ce que nous pouvons vivre, dans la communion par la foi avec le Christ vivant.