dimanche 12 octobre 2014

Un festin pour tous


Lecture biblique : Esaïe 25.6-8

Le ton de ce texte magnifique tranche avec ceux qui l'entourent. La tonalité générale de la première partie du livre d'Esaïe (chapitres 1-39) est assez sombre. Le prophète dénonce l'infidélité du peuple d'Israël, l'idolâtrie tolérée en son sein, les injustices sociales criantes, la corruption des puissants, etc... Du coup est annoncé le jugement de Dieu, à travers l'exil. Et les peuples environnants ne sont pas en reste. Tyr, Moab, Babylone en prennent aussi pour leur grade et la destruction leur est promise.

Et puis, au milieu de ces textes de jugement fleurissent quelques textes d'espérance, non seulement pour le peuple d'Israël mais pour tous les peuples. Notre texte en est un des plus beaux exemples.

Il contient deux promesses : l'invitation à un festin géant et la fin du deuil. Les deux promesses sont pour tous les peuples, et les deux sont situées « sur la montagne de Sion ».

Mais je crois sincèrement qu'on se trompe lourdement si on comprend une telle prophétie de façon littérale. Comme si la promesse allait s'accomplir par un pique-nique géant sur l'esplanade du temple à Jérusalem ! Ou par un défilé de tous les peuples avant de passer à table, pour une cérémonie où tout le monde enlèverait joyeusement ses habits de deuil pour revêtir des habits de fête !


Sur la montagne de Sion

L'indication n'est donc pas géographique ! Mais que signifie alors l'expression « sur la montagne de Sion » ?

La montagne de Sion, c'est bien la montagne où était construit le temple, lieu central du culte, symbole de la présence de Dieu. Ça n'échappait pas aux contemporains d'Esaïe. Plus tard, pour les Israélites en exil, une telle promesse ne pouvait qu'évoquer la perspective d'un retour dans le pays et la reconstruction du temple. Mais la promesse ne s'est pas accomplie littéralement... Certes, le peuple est retourné dans son pays, le temple a été reconstruit. Mais rien qui ressemble au grand festin, et encore moins l'accomplissement de la promesse de la fin de tout deuil !

Faut-il encore l'attendre ? Faut-il espérer, aujourd'hui que le temple est à nouveau détruit, une nouvelle reconstruction du temple et un festin géant à Jérusalem ? Je ne le pense pas...

Souvenons-nous des paroles de Jésus à propos de la destruction et la reconstruction du temple (Jean 2.19-21) :
19Jésus leur répond : « Détruisez ce temple, et en trois jours, je le remettrai debout. »
20(les chefs religieux) lui disent : « On a mis 46 ans pour construire ce temple, et toi, en trois jours, tu vas le remettre debout ! »
21Mais quand Jésus parlait du temple, il parlait de son corps. 22C'est pourquoi, quand Jésus se réveillera du milieu des morts, ses disciples se souviendront qu'il a dit cela. Alors ils croiront à ce que disent les Livres Saints et aux paroles de Jésus.

Ou ses paroles à la femme Samaritaine invitant désormais à un nouveau culte (Jean 4.21-24) :
21Jésus lui dit : Femme, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23Mais l'heure vient — c'est maintenant — où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car tels sont les adorateurs que le Père cherche. 24Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité. 

A la lumière du Nouveau Testament, l'expression « sur la montagne de Sion » doit être comprise non comme une indication géographique mais comme une indication spirituelle. La perspective est celle du jour où le temple de Dieu, au sens spirituel, sera à nouveau parmi nous, le jour où Dieu se rendra pleinement présent, c'est-à-dire, à la lumière du NT, le jour du retour du Christ... alors il offrira un festin à tous les peuples et il leur ôtera leurs vêtements de deuil.


Un festin et des vêtements de fête

L'image du festin évoque la joie, la fête, le partage, l'abondance. C'est une image courante, reprise aussi dans le Nouveau Testament, pour parler du Royaume de Dieu. Jésus l'utilise dans son enseignement, notamment avec des paraboles, l'Apocalypse aussi pour évoquer le festin des Noces de l'Agneau, fêtant la victoire ultime de Dieu.

On ne sait pas grand chose de ce qui nous attend dans l'éternité. Mais l'image du festin, moi, me donne envie ! Même si Woody Allen disait que l'éternité c'est long, surtout vers la fin, je me dis qu'avec de telles images de fête, il n'y a pas de risque que l'on s'ennuie !

Et puis l'idée de fête est accentuée encore par l'autre promesse : le voile de deuil enlevé. Il s'agit du voile dont on se couvrait pour signifier le deuil. On parlerait aujourd'hui d'habits de deuil. Quand au « drap des morts », il pourrait s'agir du linceul dont on recouvrait les corps.

En tout cas, la promesse est claire : il n'y aura plus de deuil, parce que la mort ne sera plus. C'est la raison principale du festin : la mort sera définitivement vaincue. Evidemment que cette promesse a pris plus d'envergure encore depuis la résurrection de Jésus-Christ. Nous savons que la promesse est vraie, parce que Jésus-Christ est ressuscité ! C'est le cœur de notre espérance.

Nous le croyons aujourd'hui déjà. Mais quand nous le vivrons vraiment, au jour de notre résurrection, alors la fête sera grande. Les habits de deuil seront définitivement rangés et nous revêtiront les habits de fête. Pour l'éternité.


Pour tous les peuples

Soulignons-le encore une fois, ces promesses sont pour tous les peuples. D'une certaine façon, cette dimension universelle du projet de Dieu contraste avec les textes qui entourent ce chapitre. Des textes où les peuples s'affrontent, où les nations environnantes sont des ennemis.

On réalise peut-être mal ce que ça pouvait représenter pour un Israélite menacé ou même en guerre avec ses voisins que d'imaginer un festin pour tous les peuples. Une perspective où il peut se retrouver à la même table que ses ennemis, parce que Dieu aura établi la paix. On peut le percevoir peut-être à travers l'histoire de Jonas, pas du tout prêt à partager la part du gâteau de la grâce de Dieu avec l'ennemi Ninive !

Mais cette perspective de festin universel contraste aussi avec notre actualité où nous peinons à voir la fraternité entre tous les peuples ! Non seulement par les guerres et les violences terribles dont les hommes sont toujours capables. Mais aussi pour l'écho favorable que reçoivent aujourd'hui chez nous les discours haineux, racistes, xénophobes, par les stigmatisations de l'étranger, de l'immigré, qui sont monnaie courante.

Notre espérance universelle, celle d'un Dieu qui convie tous les peuples à sa table, celle d'une Église que Dieu rassemble, issue de tous les peuples, cette espérance doit nous pousser à résister à ces discours et prôner l'accueil, la fraternité, la grâce.


Conclusion

Voilà un texte qui met l'eau à la bouche ! C'est peut-être d'ailleurs cela, vive l'espérance. Avoir l'eau à la bouche dans l'attente du Royaume de Dieu.

Mais ce menu qui nous est proposé change notre comportement aujourd'hui. L'espérance de la victoire sur la mort, grâce à la résurrection de Jésus-Christ, est source de consolation dès aujourd'hui. La perspective d'un festin pour tous les peuples doit nous pousser dès aujourd'hui au partage, à l'accueil et à la grâce, pour embrasser le projet universel de Dieu, par Jésus-Christ, comme le dit l'apôtre Paul aux Colossiens (chapitre 1) :
18lui, il est la tête du corps — qui est l'Eglise.
Il est le commencement,
le premier-né d'entre les morts,
afin d'être en tout le premier.
19Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude
20et, par lui, de tout réconcilier avec lui-même,
aussi bien ce qui est sur la terre que
ce qui est dans les cieux,
en faisant la paix par lui,
par le sang de sa croix.


C'est un message que nous devons proclamer, et vivre, aujourd'hui !

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