dimanche 26 novembre 2017

Souvenez-vous...

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(Cette prédication a été donnée dans le cadre d'un culte spécial pour l'Eglise persécutée, proposé par l'ONG Portes Ouvertes)

Hébreux 10.32-34 (Parole de Vie)
32 Rappelez-vous ce qui s'est passé autrefois quand vous avez reçu la lumière de Dieu. Tout de suite après, vous avez beaucoup souffert et vous avez résisté en combattant durement. 33 Ou bien on vous a insultés et on vous a fait souffrir devant tout le monde, ou encore, vous avez soutenu ceux qu'on traitait de cette façon. 34 En effet, vous avez souffert avec ceux qui étaient en prison. Vous avez accepté avec joie qu'on vous arrache vos biens, parce que vous le saviez : vous possédiez une richesse plus grande et qui dure toujours. 

Hébreux 13.3 (Colombe)
Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez en prison avec eux, et de ceux qui sont maltraités comme étant, vous aussi, dans un corps.


Dans ce dernier verset, la construction de la phrase est étonnante. Le parallélisme qu'on aurait pu attendre n'est pas respecté, sinon on aurait dû avoir : « Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez en prison avec eux, et de ceux qui sont maltraités, comme si vous étiez maltraités avec eux. » Mais la deuxième partie de la phrase dit autre chose : « (Souvenez-vous) de ceux qui sont maltraités comme étant, vous aussi, dans un corps. »

Du coup, il y a deux façons au moins de comprendre l'expression « comme étant dans un corps ». Et peut-être, d'ailleurs, ne faut-il pas trancher et accepter la double interprétation possible...

La première façon serait de le comprendre au premier degré. La phrase ferait référence au corps physique, fragile et susceptible de souffrir, de multiples façons. En se le rappelant, les destinataires de l'épître seraient aptes à comprendre ce que peuvent être les souffrances que les croyants maltraités peuvent ressentir dans leur corps.

Il pourrait même y avoir ici une référence au fait que certains des lecteurs de l'épître pouvaient se souvenir de maltraitance qu'ils avaient subies dans leur corps : « Rappelez-vous ce qui s'est passé autrefois quand vous avez reçu la lumière de Dieu. Tout de suite après, vous avez beaucoup souffert et vous avez résisté en combattant durement. » (Hb 10.32). La phrase deviendrait alors : « Souvenez-vous de ceux qui sont maltraités comme vous, un jour, vous avez été maltraité dans votre corps. »

La deuxième façon de comprendre l'expression de ce verset serait de comprendre le mot « corps » dans un sens spirituel. Il s'agirait non plus du corps physique mais du corps spirituel qu'est l'Eglise, corps du Christ. C'est une des images courantes de l'Eglise dans le Nouveau Testament. La phrase dirait alors : « Souvenez-vous de ceux qui sont maltraités puisque vous faites partie du même corps. » Ce qui conviendrait assez bien avec la première partie du verset.

Et on peut penser ici au long développement de cette métaphore dans la première lettre de Paul aux Corinthiens, notamment lorsqu'il dit : « Si une partie du corps souffre, toutes les autres parties souffrent avec elle. Si une partie est à l'honneur, toutes les autres partagent sa joie. » (1 Co 12.26).

On peut penser aussi aux paroles de Jésus dans l'évangile selon Matthieu lorsqu'il dit, en évoquant le moment du jugement, à ceux qui ont visité des malades ou des prisonniers : « Je vous le dis, c'est la vérité : chaque fois que vous avez fait cela à l'un de mes frères, à l'un des plus petits, c'est à moi que vous l'avez fait. » (Mt 25.40). C'est aussi cela la réalité du corps du Christ ! Ce que l'on fait pour un membre du corps, on le fait pour le Christ, qui est la tête du corps.

Ainsi, peut-être faut-il ne pas choisir entre ces deux options et se dire que l'auteur de l'épître aux Hébreux a voulu jouer avec le double sens de l'expression « vous êtes dans un corps. »

Cette double compréhension pourrait même alors proposer une double optique dans la solidarité avec nos frères et sœurs persécutés.

Nous sommes appelés à nous souvenir d'eux parce que nous sommes comme eux, dans une même condition de fragilité où notre corps peut souffrir, de multiples façons, y compris  à cause d'une opposition qui peut même, un jour, se transformer en persécution. Et souvenons-nous qu'il suffit de remonter de quelques siècles seulement pour voir des protestants persécutés en France, contraints au culte clandestin, à l'exil, mis en prison ou envoyés aux galères, à cause de leur foi...

Nous sommes aussi appelés à nous souvenir d'eux parce que nous faisons corps avec eux, parce que nous sommes membres du même corps du Christ. Et si un membre souffre, tout le corps souffre. Si un membre est persécuté, tout le corps est persécuté. Ce qui se passe pour les chrétiens en Syrie, en Irak, en Erythrée, en Iran, en Centrafrique... tout cela nous concerne en tant que famille spirituelle. Ce sont nos frères et nos sœurs qui sont persécutés à cause de leur foi.

Portes Ouvertes nous propose différentes façons d'exprimer notre solidarité avec nos frères et sœurs de l'Eglise persécutée aujourd'hui : informations, pétitions, courriers... Mais la première, et sans doute la plus importante façon d'exprimer notre solidarité, c'est la prière. Car la prière nous lie. Non seulement elle nous connecte à Dieu mais elle nous connecte aussi les uns aux autres, par delà les frontières et les cultures.

« Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez en prison avec eux, et de ceux qui sont maltraités comme étant, vous aussi, dans un corps. »

dimanche 19 novembre 2017

L'Eglise et la mission... de Dieu

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Quelle est la mission de l'Eglise ? Quand on pose cette question, les réponses sont multiples. Il y a ceux qui disent que c'est d'abord l'évangélisation, d'autres qui disent que c'est l'engagement social, voire d'autres choses encore...

En réalité, définir la mission de l'Eglise se révèle souvent une mission... impossible !

Et si, finalement, la question était mal posée ?

« Ce n'est pas tant que Dieu a une mission pour son Eglise dans le monde, mais plutôt que Dieu a une Eglise pour sa mission dans le monde. La mission n'a pas été faite pour l'Eglise ; c'est l'Eglise qui a été faite pour la mission. Pour la mission de Dieu. » 
(Cité par Christopher J.H. Wright : La mission de Dieu, Excelsis, p.60)

Avant de parler de mission de l'Eglise, il faut comprendre la mission de Dieu. Une Eglise en mission, ce n'est pas une Eglise qui accomplit « sa » mission, c'est une Eglise qui entre dans la mission de Dieu.

Le Dieu qui nous est présenté dans la Bible, dès la première page, est un Dieu en mouvement, en action. Un Dieu en mission. La mission de Dieu en Genèse 1, c'était de créer un monde parfait et il ne s'est reposé que lorsque sa mission a été accomplie, lorsqu'il constata à la fin du 6e jour que ce qu'il avait fait n'était pas seulement bon comme les jours précédents mais très bon.

Mais le mal est apparu, le péché est venu abîmer la création très bonne de Dieu, il est venu défigurer l'humanité créée en image de Dieu. Dès lors, la mission de Dieu est de restaurer ce monde sous la domination du mal. C'est ce dont parle tout le reste de la Bible : la façon dont Dieu s'est impliqué dans l'histoire du monde pour le racheter. Avec comme point névralgique de cette mission de Dieu, la venue et l'oeuvre de Jésus-Christ. Et Dieu ne se reposera que lorsqu'il aura pleinement accompli la mission qu'il s'est choisie. Ce repos de Dieu est évoqué dans les dernières pages de la Bible, avec l'humanité réconciliée et un monde racheté, dans la nouvelle création.

Je vous propose donc de lire un des grands textes bibliques sur l'incarnation, centre névralgique de la mission de Dieu, et de le lire dans cette optique de comprendre la mission de Dieu dans laquelle nous sommes appelés à entrer...


Lecture biblique : Jean 1.1-18

1 Au commencement était la Parole. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu. 2 Au commencement, la Parole était avec Dieu. 3 Par elle, Dieu a fait toutes choses et il n'a rien fait sans elle. 4 En elle, il y a la vie, et la vie est la lumière des êtres humains. 5 La lumière brille dans la nuit, mais la nuit ne l'a pas reçue. 
6 Dieu a envoyé un homme qui s'appelait Jean. 7 Il est venu comme témoin pour être le témoin de la lumière, afin que tous croient par lui. 8 Il n'était pas la lumière, mais il était le témoin de la lumière.
9 La Parole est la vraie lumière. En venant dans le monde, elle éclaire tous les êtres humains.
10 La Parole était dans le monde, et Dieu a fait le monde par elle, mais le monde ne l'a pas reconnue. 11 La Parole est venue dans son peuple, mais les gens de son peuple ne l'ont pas reçue. 12 Pourtant certains l'ont reçue et ils croient en elle. À ceux-là, la Parole a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. 13 Et ils sont devenus enfants de Dieu en naissant non par la volonté d'un homme et d'une femme, mais de Dieu.
14 La Parole est devenue un homme, et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire. Cette gloire, il la reçoit du Père. C'est la gloire du Fils unique, plein d'amour et de vérité.
15 Jean est son témoin. Il affirme d'une voix forte : C'est de lui que j'ai parlé quand j'ai dit : « L'homme qui vient après moi est plus important que moi, parce qu'il existait déjà avant moi. » 
16 Oui, nous avons tous reçu une part de sa richesse, nous avons tous été remplis de son amour, et de plus en plus. 17 Dieu nous a donné la loi par Moïse, mais l'amour et la vérité sont venus par Jésus-Christ. 18 Personne n'a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique, qui est Dieu et qui vit auprès du Père, nous l'a fait connaître.


1. Une mission qui n'est pas la nôtre mais celle de Dieu

La mission de Dieu n'est pas la nôtre mais celle de Dieu. Elle remonte à la nuit des temps, à l'origine de l'univers !

  • Elle nous précède : « Au commencement était la Parole. »... « Par elle, Dieu a fait toutes choses et il n'a rien fait sans elle. »... 
  • Et elle nous rejoint : « La Parole est devenue un homme, et il a habité parmi nous. » « nous avons tous reçu une part de sa richesse, nous avons tous été remplis de son amour, et de plus en plus. »

C'est le même Dieu qui a tout créé et qui est venu en Jésus-Christ. C'est, d'une certaine manière la même mission, ou disons plutôt les deux faces de la même mission : Dieu a tout créé et Dieu restaure tout ce qu'il a créé.

Alors élargissons notre regard ! Prenons conscience que l'Eglise, depuis 2000 ans et malgré ses imperfections et même ses fautes, est une part de la mission de Dieu. Et l'Eglise locale à laquelle j'appartiens est une toute petite part de cette Eglise universelle, elle-même une part de la mission de Dieu. Et moi je suis une part de l'Eglise locale à laquelle j'appartiens, qui est une petite part seulement de cette Eglise universelle, elle-même une part de la mission de Dieu.

Elargissons notre regard pour comprendre le privilège extraordinaire de faire humblement partie d'une mission si grande, celle de Dieu. Et cela doit nous déculpabiliser : cette mission, ce n'est pas la mienne, ni celle de mon Eglise. Elle ne repose pas sur nos épaules... C'est la mission de Dieu, celle qu'il accomplit pour une petite partie avec moi, avec nous. 

La vision de l'Evangile est universelle, infinie et éternelle. Et notre vision de l'Evangile est souvent locale, limitée et ponctuelle. La mission de Dieu vient du fond des âges, elle a une dimension universelle et même cosmique (elle concerne l'univers entier). Ma vision de la mission de Dieu se limite souvent à ma vie, voire à mon Eglise, et se restreint à telle action d'évangélisation ou tel témoignage concret.

Alors oui, élargissons notre regard et ouvrons-nous à la mission de Dieu. Ca déculpabilise, ça libère, ça motive !


2. Une mission qui nous fait briller de la lumière de Dieu

Quelle rôle sommes-nous alors amenés à jouer dans cette mission de Dieu ? Car nous en avons bien un, celui que le Christ lui-même a confié à ses disciples, à la fin de l'évangile : « Comme le Père m'a envoyé, moi je vous envoie » (Jean 20.21)

Il y a dans ces paroles un passage de relais. La mission de Dieu s'accomplit pleinement en Christ. Désormais, c'est à travers ses disciples qu'il continuera de le faire. Ce qui est vrai de la mission de Dieu à travers le Christ doit être aussi vrai, d'une certaine façon, de la mission de Dieu à travers ses disciples, son Eglise... nous ! Mais ce doit être un peu à la manière de Jean-Baptiste dans notre texte. « Il n'était pas la lumière, mais il était le témoin de la lumière. »... « L'homme qui vient après moi, dit-il, est plus important que moi, parce qu'il existait déjà avant moi. »

La mission de Jean-Baptiste, c'était de s'effacer devant la lumière du Christ. Il doit en être de même pour nous. Nous sommes bien appelés à briller... mais on ne brille que de la lumière du Christ, pas de la nôtre !

Puiser à la source

Si vous voulez entrer dans la mission de Dieu, il faut que vous appreniez sans cesse à connaître Dieu. Il faut s'exposer à sa lumière pour pouvoir la refléter. Il faut avoir reçu de Dieu pour pouvoir donner autour de nous :

« Oui, nous avons tous reçu une part de sa richesse, nous avons tous été remplis de son amour, et de plus en plus. » (v.16)

Recevoir une part des richesses de Dieu, être rempli de son amour, vivre dans sa lumière. Voilà notre premier impératif. Vous avez beau avoir le miroir le plus beau et le plus efficace, si vous ne l'orientez pas dans la bonne direction, il ne reflétera rien... Pour briller de la lumière du Christ dans le monde, on a beau étudier des méthodes, élaborer des stratégies, confectionner des outils pertinents, apprendre la culture dans laquelle on vit... si on ne va pas se ressourcer sans cesse auprès du Seigneur, tout cela ne servira à rien !

Une lumière qui s'expose et ne se cache pas...

Dans le prologue de l'Evangile selon Jean, la Parole est venue pour être entendue, la lumière est venue pour éclairer et révéler :

« La Parole est devenu un homme. Et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire. Cette gloire, il la reçoit du Père. » (v.14)
« Personne n'a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique, qui est Dieu et qui vit auprès du Père, nous l'a fait connaître. » (v.18)

C'est à nous maintenant de briller de la lumière du Christ. On pense forcément à cette fameuse parole de Jésus dans le Sermon sur la Montagne : « Quand on allume une lampe, ce n'est pas pour la mettre sous un seau ! Au contraire, on la met bien en haut, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. »  (Matthieu 5.15).

Or, briller, c'est s'exposer. Et s'exposer c'est parfois se mettre en difficulté voire en danger. On ne sait jamais comment les gens vont réagir à la lumière... Cacher la lumière sous un seau, la garder pour nous, bien au chaud, c'est beaucoup plus confortable... Mais c'est contraire à la mission de Dieu qui, elle, brille, rayonne, illumine. Alors, avons-nous vraiment le désir de rayonner ?

Une lumière qui s'offre à tous mais qui ne s'impose pas

Dernier aspect de la lumière du Christ dans le prologue de Jean, c'est qu'elle a brillé pour tous, même si beaucoup refusaient de la recevoir. Elle s'offre à tous mais elle ne s'impose pas.

« La Parole est la vraie lumière. En venant dans le monde, elle éclaire tous les êtres humains. » (v.9)
« La Parole est venue dans son peuple, mais les gens de son peuple ne l'ont pas reçue. » (v.11)

La lumière de l'Evangile est une lumière généreuse, qui ne choisit pas sa cible. Un peu comme la semence que jette le Semeur, dans la parabole, et qui tombe dans tous les terrains, même le moins hospitalier.

La lumière de l'Evangile n'est pas un rayon laser, un faisceau lumineux intense et concentré qui vise, stigmatise, agresse. C'est une lumière rayonnante et large, une lumière ouverte et accueillante. Voyez Jésus qui allait à la rencontre de tous ceux que les autres rejetaient ou jugeaient.

C'est très bien de briller. Mais de quelle lumière brillons-nous ?


Conclusion

Parler de la mission de Dieu, c'est parler de l'oeuvre de Dieu dans l'histoire, dans le monde, dans notre vie. C'est reconnaître que tout ce que nous sommes et ce que nous avons, c'est à lui que nous le devons.

Et c'est libérateur parce que le poids de la mission ne repose pas sur nos épaules. C'est l'oeuvre de Dieu ! Mais, par grâce, la mission de Dieu passe par nous, elle traverse nos vies, elle emporte nos Eglises.

Elle déborde nos schémas et nos a priori. Elle nous surprend. Laissons-nous éclairer par la lumière du Christ et découvrons quels reflets elle est appelée à prendre dans notre Eglise et dans chacune de nos vies ! C'est là notre mission.

dimanche 5 novembre 2017

Soli Deo gloria

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Matthieu 23.1-12
1 Alors Jésus dit aux foules et à ses disciples : 2 « Les maîtres de la loi et les Pharisiens sont chargés d'expliquer la loi de Moïse. 3 Donc, vous devez leur obéir et vous devez faire tout ce qu'ils vous disent, mais n'agissez pas comme eux. En effet, ils ne font pas ce qu'ils disent. 4 Ils rassemblent des charges très lourdes et ils les mettent sur les épaules des gens. Mais eux, ils refusent d'y toucher, même avec un seul doigt ! 5 Toutes leurs actions, ils les font pour que les gens les regardent. Ainsi, ils agrandissent leurs phylactères. Ils allongent aussi les franges de leurs vêtements. 6 Ils choisissent les premières places dans les grands repas et les premiers sièges dans les maisons de prière. 7 Ils aiment qu'on les salue sur les places de la ville et que les gens les appellent « Rabbi ». 8 Mais vous, ne vous faites pas appeler « Rabbi ». En effet, vous avez un seul enseignant et vous êtes tous frères. 9 N'appelez personne sur la terre « Père » . En effet, vous avez un seul Père, celui qui est dans les cieux. 10 Ne vous faites pas non plus appeler « Maître ». En effet, vous avez un seul maître, le Christ. 11 Le plus important parmi vous doit se mettre à votre service. 12 Celui qui veut être au-dessus des autres recevra la dernière place. Et celui qui prend la dernière place sera mis au-dessus des autres. »

Le grand compositeur allemand Jean-Sébastien Bach signait ses partitions avec les trois lettres SDG, et parfois avec l'expression latine en entier : Soli Deo Gloria. A Dieu seul la gloire. A travers ses exhortations, c'est un peu cette même signature que Jésus aimerait que nous fassions figurer sur la partition de nos vies : A Dieu seul la gloire ! Contrairement aux chefs religieux que Jésus critique ici...

Dans les versets qui nous intéressent, Jésus parle bien des chefs religieux mais ce n'est pas tellement à eux qu'il s'adresse. Il le fera à la suite de ces versets, dans une longue diatribe contre les maîtres de la loi et les pharisiens en leur disant à plusieurs reprises : « malheur à vous ! ».

Ici, c'est à la foule et à ses disciples qu'il parle. Ce qu'il dit concerne donc tout le monde... Et il prend les chefs religieux comme des contre-exemples à ne pas suivre. En un mot : « Faites ce qu'ils disent mais ne faites pas ce qu'ils font ! »

Au verset 8 : « Ne vous faites pas appeler « Rabbi ». En effet, vous avez un seul enseignant et vous êtes tous frères. » « Rabbi » est un mot araméen et c'est le titre qu'on donnait à ceux qui enseignaient, à un maître avec ses disciples. C'est un titre qu'on donne souvent à Jésus dans les évangiles.

Au verset 10 : « Ne vous faites pas non plus appeler « Maître ». En effet, vous avez un seul maître, le Christ. » Ici c'est bien un terme grec qui est utilisé et désigne un conducteur, un guide.

On pourrait donc, dans les deux cas, parler d'un maître, à la fois dans le sens d'enseignant et de conducteur spirituel. Et Jésus dit : attention, seul Dieu doit être votre maître.

Entre ces deux exhortations, il y a celle du verset 9, qui propose la perspective inverse, non pas celle de ceux qui veulent se faire appeler « maître » mais de ceux qui veulent se trouver des maîtres ou des « Pères » : « N'appelez personne sur la terre « Père » . En effet, vous avez un seul Père, celui qui est dans les cieux. »

Et puisque nous sommes tous frères, Jésus propose alors une autre voie, celle du service mutuel : « Le plus important parmi vous doit se mettre à votre service. Celui qui veut être au-dessus des autres recevra la dernière place. Et celui qui prend la dernière place sera mis au-dessus des autres. » (v.11-12)

De ces exhortations on peut faire ressortir trois principes complémentaires :
- N'avoir d'autre maître que Dieu
- Se reconnaître comme frères
- Se faire serviteur

Trois principes pour donner à Dieu seul la gloire...


N'avoir d'autre maître que Dieu

C'est le sens premier de cette triple exhortation. Ni se faire appeler maître ni appeler quelqu'un maître ici-bas. Ce n'est pas « Ni Dieu ni maître », c'est « Dieu seul maître ».

En réalité, cela rappelle une des grandes affirmations des Réformateurs du XVIe siècle : le sacerdoce universel des croyant. Autrement dit : nous sommes tous prêtres ! Il ne peut y avoir d'intermédiaire entre le croyant et Dieu, si ce n'est Jésus-Christ seul. Pas des clercs d'un côté et des laïcs de l'autre mais tous des prêtres... tous des frères.

Le problème c'est qu'il y a, dans l'Eglise comme dans toute institution ou toute communauté humaine, des fonctions et des responsabilités différentes qui peuvent mettre certains plus que d'autres en position d'autorité. Une position dangereuse ou la tentation de « se faire appeler » maître, guide, père... est là.

Lorsque Jésus fait cette mise en garde, il ne dit pas que personne ne doit être responsable ou enseignant. Il met en lumière le danger de se faire appeler « maître ». Le danger de la recherche du prestige d'être chef, directeur, président, responsable, pasteur... au risque d'éclipser l'autorité de Dieu. Nul homme ne doit, d'une façon ou d'une autre, prendre la place de Dieu. Dans l'Eglise en particulier, les responsables, quels qu'ils soient, doivent s'effacer derrière Celui qui les a appelé.

Mais Jésus dit aussi qu'il y a un autre danger. Il est pour ceux qui se cherchent des pères, des maîtres ici-bas. Il souligne alors le danger de mettre sa foi dans un homme ou une femme, même au service de Dieu, plutôt qu'en Dieu. Le danger existe, de s'attacher plus à un pasteur, un prédicateur, un enseignant qu'à Dieu. Et lorsque ce pasteur ou ce prédicateur s'en va, la foi vacille...

N'avoir d'autre maître que Dieu est un principe garant d'un service humble qui s'efface devant Dieu et d'une foi solide, ancrée en Dieu et non en l'homme.


Se reconnaître comme frères 

L'affirmation de Jésus, « Vous êtes tous frères », est liée à la fois l'exhortation qui précède (vous avez tous un seul maître) et celle qui suit (vous avez un seul Père, qui est dans les cieux). Deux exhortations qui colorent différemment l'expression.

Si nous sommes frères parce qu'il y a un seul maître, alors nous sommes tous à égalité devant Dieu. Il n'y a pas des pères ou des mères et des frères ou des sœurs. Il n'y a que des frères et des sœurs. Nul ne peut se placer au-dessus de son frère, que ce soit à cause de son expérience, de sa connaissance ou même de son appel ! Nous sommes frères et sœurs parce que nous sommes tous disciples !

Si nous sommes frères et sœurs parce que nous avons un seul et même Père, qui est dans les cieux, alors nous sommes liés les uns aux autres, indépendamment de nos amitiés, nos « atomes crochus » ou non. Nous avons le même Père céleste : c'est Lui qui me dit qui est mon frère ou ma sœur, ce n'est pas moi qui décide...

Il est fondamental dans l'Eglise de se reconnaître comme frères et sœurs. Et il est fondamental de comprendre que ce qui fait de mon frère mon frère, c'est sa relation avec son Père céleste qui est aussi mon Père céleste. Ce n'est pas sa forme de piété, ou son appartenance à telle ou telle Eglise, ni même sa théologie . Et cela, je ne peux m'en rendre compte que si je vais à la rencontre des autres différents de moi, si je suis ouvert au dialogue et si je ne m'enferme pas dans mes a priori ou mes dogmatismes.

Se reconnaître comme frères, au-delà de nos différences, c'est glorifier notre Père commun, par le Christ qui nous unit !


Se faire serviteur

Vous êtes tous frères, vous avez un seul et même Père, un seul et même maître. Dès lors, en tant que frères et sœurs, c'est au service mutuel que vous êtes appelés. Dans le Nouveau Testament, le service est l'expression concrète de l'amour fraternel.

Le modèle du croyant, ce n'est pas le maître, c'est le serviteur. Tous les responsables, quels qu'ils soient, doivent s'en souvenir. Le « ministère » c'est le service, le « ministre » c'est le serviteur.

Notre Maître lui-même, Jésus-Christ, n'a-t-il pas montré le chemin en se faisant serviteur ? C'est toute la dynamique de l'incarnation : le Fils de Dieu qui quitte le ciel pour humblement venir sur terre, prenant la forme d'un serviteur. C'est tout le chemin du Calvaire, où le Christ a choisi de se mettre au service de nous, pécheurs, en acceptant l'humiliation jusqu'à la mort sur la croix, pour nous. Sa mort est son service ultime...

C'est pourquoi, Jésus dans ses paroles va au-delà de l'exhortation à ne pas appeler ni se faire appeler maître ici-bas, au-delà du fait d'être frères, égaux les uns envers les autres. Il s'agit d'aller plus loin et de se faire serviteur. Devant Dieu, nous sommes tous frères et sœurs. Devant notre frère ou notre sœur, nous sommes appelés à être des serviteurs.

Jésus le fait avec une formule qui exprime le renversement typique de l'Evangile : « Celui qui veut être au-dessus des autres recevra la dernière place. Et celui qui prend la dernière place sera mis au-dessus des autres. » (v.12).

Ici encore, nous avons à l'esprit l'exemple donné par le Christ. Car lui qui s'est humilié en tant que serviteur, jusqu'à la mort sur la croix, il est aussi ressuscité, élevé à la droite du Père. Comme l'apôtre Paul le dit dans son hymne de Philippiens 2.9-11 :

C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé 
et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom,
pour qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse 
dans les cieux, sur la terre et sous la terre,
et que toute langue reconnaisse que Jésus-Christ est le Seigneur 
à la gloire de Dieu, le Père.


Conclusion

N'avoir d'autre maître que Dieu, se reconnaître comme frères et sœurs, et se faire serviteur. Quel est le but ultime de ces trois principes sinon de glorifier Dieu seul ?

  • N'avoir d'autre maître que Dieu, c'est lui réserver l'obéissance, lui reconnaître son autorité absolue et bienveillante.
  • Se reconnaître comme frères et sœurs, c'est glorifier dans nos relations le Père céleste qui nous unit.
  • Se faire serviteur, c'est agir à l'image de Jésus-Christ, qui s'est fait serviteur jusqu'à donner sa vie pour nous. 


Alors vivons-le ! Et la partition de nos vies portera bien cette mention : Soli Deo gloria...  A Dieu seul soit la gloire !