dimanche 29 décembre 2019

Eloge du bon sens

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C’est la fin de l’année, le temps des bilans et des projets. On se demande souvent en quoi l’année écoulée a été bonne ou mauvaise. Quand on est croyant on en fait un sujet de reconnaissance ou de prière. On prend parfois de bonnes résolutions pour l’année qui vient… quitte à oublier que les bonnes résolutions prises une année auparavant ne sont souvent restée que de belles intentions !

Je ne vous propose pas ce matin de prendre des bonnes résolutions mais quand même d’écouter quelques conseils. Ils ne viennent pas de moi mais de la Bible... Et plus précisément d’un livre qui a pour objet de parler de sagesse, une sagesse pratique qui nous rejoint dans notre quotidien : le livre des Proverbes.

Dans le passage qui nous est proposé pour ce matin, le texte est écrit sous la forme de conseils qu’un père donne à son enfant pour que ce dernier se conduise avec sagesse dans la vie.

Proverbes 23.15-26
15 Mon enfant, si ton cœur s'attache à la sagesse, j'en aurai une grande joie. 16 Je serai profondément heureux si tu parles avec droiture.
17 N'envie pas intérieurement les pécheurs, mais respecte constamment le Seigneur. 18 Alors tu auras un avenir, ton espérance ne sera pas déçue.
19 Toi, mon enfant, écoute-moi et tu deviendras sage, tu iras droit ton chemin. 20 Ne fréquente pas les gens qui s'enivrent de vin et se gavent de viande. 21 Car les buveurs et les gloutons seront réduits à la misère, à force de somnoler ils n'auront plus que des vêtements en loques à se mettre.
22 Écoute ton père, car tu lui dois la vie ; ne méprise pas ta mère lorsqu'elle a vieilli. 23 Apprends à être véridique, sage, discipliné et intelligent, et ne renonce pas à ces qualités. 24 Le plus grand bonheur d'un père est d'avoir donné la vie à un enfant juste et sage. 25 Donne cette joie à ton père et à ta mère, ce bonheur à celle qui t'a mis au monde.
26 Mon enfant, fais-moi confiance, prends plaisir à suivre mon exemple. 

A part l’appel à respecter le Seigneur, au verset 17, ces conseils n’ont rien de spécifiquement “croyants”. C’est le cas, d’ailleurs, de presque tout le livre des Proverbes… Bien-sûr, on y parle parfois de Dieu, qui est considéré comme la référence ultime : “Reconnaître l'autorité du Seigneur est le commencement de la sagesse.” (Pr 1.7) Mais les Proverbes ne disent pas grand chose de la personne et de l’oeuvre de Dieu, et presque rien en rapport avec l’histoire du salut et le projet de Dieu pour les humains. A la rigueur, il n’y aurait pas besoin d’être croyant pour les suivre, ni même pour les formuler. D’ailleurs, plusieurs des proverbes bibliques sont explicitement issus de sages d’autres peuples que le peuple d’Israël !

On l’a dit, la sagesse dont parle le livre des Proverbes est une sagesse pratique. Elle se base sur l’expérience de la vie et l’observation du monde des humains, pour en tirer des leçons liées au comportements, aux relations, aux priorités à se donner dans la vie. La démarche et les objectifs des Proverbes sont d’ailleurs clairement décrits au début de l’ouvrage :

Proverbes 1.2-5
2 Ces proverbes apprennent à se conduire avec sagesse et à accepter les avertissements. Ils permettent de comprendre des paroles pleines de sens. 3 Ils enseignent à vivre de façon intelligente, en se comportant de manière juste, équitable et droite. 4 Ils donnent des exemples de bon sens aux ignorants, des connaissances et des sujets de réflexion aux jeunes gens. 5 Même les sages les consulteront avec profit, même les personnes intelligentes y trouveront des directives.

La présence même de ce livre dans la Bible est significative. Elle souligne l’importance du bon sens pour le croyant. Or, parfois, à être trop spirituels, j’ai l’impression que les croyants en arrivent à perdre leur bon sens !

Il ne s’agit pas, évidemment, de remplacer la foi par le bon sens... Il y a sans doute des croyants qui manquent d’audace dans leur foi, qui sont trop prudents, trop sages. Mais je suis persuadé qu’il y en a d’autres qui manquent de bon sens. La foi ne peut pas être un prétexte pour faire n’importe quoi et agir de manière irréfléchie !

Dans l’Eglise, on valorise en général les hommes et les femmes de foi, dans leur audace voire leur folie parfois. Et c’est bien. Mais on devrait aussi valoriser les hommes et les femmes de bon sens, qui font preuve d’une sagesse pratique. C’est moins spectaculaire… mais c’est tout aussi important. Une vie chrétienne équilibrée arrive à intégrer les deux : la foi et le bon sens, l’audace et la sagesse.


Un principe de bon sens

Quels sont donc ces principes de bon sens que l’on trouve dans notre texte ? Peut-être faudra-t-il un peu les reformuler mais quelle est leur pertinence aujourd’hui ?

Le premier conseil, on l’entend à travers cet appel répété d’un père qui demande à son enfant de l’écouter pour devenir sage. C’est pour son bien et pour le bonheur de ses parents. Et je comprends très bien cela ! J’ai le privilège d’être papa de deux filles devenues adultes. Les voir aujourd’hui mener leur barque, en étant attachées à des valeurs que nous nous sommes efforcés de leur transmettre en tant que parents, et le faire à leur propre façon, c’est incontestablement une de mes plus grandes joies !

On pourrait reformuler ce premier principe de bon sens ainsi : être à l’écoute des anciens, ou apprendre de l’expérience des autres. La sagesse non seulement s’acquiert mais elle se transmet.

Il ne s’agit pas simplement de reproduire ce qu’ont fait ses parents. Vous savez comme moi qu’il y a toujours plein de choses que nous ne voulons ni ne devons faire comme nos parents, et que nos enfants ne doivent pas faire comme nous ! Mais même si chacun doit prendre sa vie en main, nous ne partons pas de zéro. On ne se fait pas tout seul. Jamais. On ne construit pas son identité, ses valeurs tout seul, on ne mène pas sa vie tout seul. On est précédé par des anciens, dont les premiers sont nos parents, mais ils ne sont pas les seuls. Et le bon sens veut qu’on les écoute et qu’on apprenne de leurs exemples. C’est vrai dans tous les domaines de notre vie, y compris dans sa dimension spirituelle évidemment.


Deux conseils de bon sens

On peut encore souligner deux conseils plus spécifiques dans notre texte. Le premier apparaît au verset 17 :

17 N'envie pas intérieurement les pécheurs, mais respecte constamment le Seigneur. 18 Alors tu auras un avenir, ton espérance ne sera pas déçue.

C’est ici la seule parole qui intègre le Seigneur. Le danger souligné est celui de l’envie, de la jalousie, mais aussi celui des frustrations et de l’insatisfaction. Le pécheur, c’est celui qui se conduit mal. Le danger souligné ici, c’est de mettre le bien-être personnel, ou la réussite, avant les valeurs morales. Pourquoi envier le pécheur ? Parce que, malgré voire à cause de son comportement condamnable, il semble aller bien, il réussit, il prospère. Alors pourquoi ne pas agir comme lui ?

C’est une vision à court terme… qui vaudra bien des déconvenues à ceux qui s’y limitent. La vision à long terme met les valeurs morales en premier, d’où le respect du Seigneur. Sans cette vision à long terme, il n’y a pas d’espérance possible.

Le deuxième conseil est au verset 20 :

20 Ne fréquente pas les gens qui s'enivrent de vin et se gavent de viande. 21 Car les buveurs et les gloutons seront réduits à la misère, à force de somnoler ils n'auront plus que des vêtements en loques à se mettre.

Le conseil peut résonner de façon particulière en cette période de fêtes, où on se laisse plus facilement aller aux plaisir de la table... En fait, la mise en garde concerne surtout ceux qui mettent le plaisir avant le devoir ou la responsabilité, la fête avant le travail.

Dit de la sorte, ça fait un peu rabat-joie… En réalité, c’est un conseil de bon sens. La vie facile, sans contrainte, où on estime que tout nous est dû, est une illusion. Tôt ou tard, ça se retournera contre nous. Ce que veut dire le proverbe ici, c’est qu’on n’a rien sans rien !

Je trouve que ces deux conseils de bon sens gardent toute leur pertinence aujourd’hui.
C’est particulièrement vrai dans notre monde hyper-connecté, où tout est à portée de clic, en une fraction de seconde. On est formaté à vouloir tout tout de suite, à rechercher le plaisir immédiat, à ne s’intéresser finalement qu’au court terme.

Et il existe des versions “spirituelles” de ce formatage. On les trouve dans les théologies de la prospérité qui promettent aux croyants la prospérité physique et matérielle ici et maintenant, en réponse à leur foi. Tout et tout de suite ! On les trouve aussi dans les réponses toutes faites, qui font l’économie de la réflexion pour proposer des solutions simplistes : “il suffit de prier”, “il suffit de se repentir”...

Voilà des attitudes qui manquent, pour le moins, de bon sens ! Et qui, du coup, ne sont pas spirituellement pertinentes non plus !


Conclusion

Les paroles de bon sens du sage qui s’expriment dans notre texte de ce matin sont pertinentes pour nous aujourd’hui. Elles sont de bon conseil sur la façon d’envisager notre quotidien.

On peut même en faire une lecture spirituelle et y voir une invitation à privilégier une vision à long terme, qui nourrit l’espérance, plutôt qu’une vision à court terme, qui nourrit l’immaturité spirituelle.

Et si c’était une bonne résolution à prendre pour la nouvelle année ? Privilégier une vision à long terme, pour nourrir notre espérance !



mardi 24 décembre 2019

Méditation de Noël

Marie dit alors :
« De tout mon être je dirai la grandeur du Seigneur,
mon cœur déborde de joie à cause de Dieu, mon sauveur !
Car il a porté son regard sur l'abaissement de sa servante.
Oui, dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse,
car celui qui est puissant a fait pour moi des choses magnifiques.
Il est le Dieu saint, il est plein de bonté de génération en génération
pour ceux qui reconnaissent son autorité.
Il a montré son pouvoir en déployant sa force :
il a mis en déroute ceux qui ont le cœur orgueilleux,
il a renversé les puissants de leurs trônes
et il a élevé les humiliés au premier rang.
Il a comblé de biens ceux qui avaient faim,
et il a renvoyé les riches les mains vides.
Il est venu en aide à Israël, le peuple qui le sert :
il n'a pas oublié de manifester sa bonté
envers Abraham et ses descendants, pour toujours,
comme il l'avait promis à nos ancêtres. »
(Luc 1.46-55 - Nouvelle Français Courant)

Ce cantique de Marie, qu’on appelle souvent Magnificat (à cause du premier mot de la version latine) est un cantique qui emprunte largement aux psaumes de la Bible. On pourrait dire qu’à travers ce cantique, Marie s’approprie ces prières et ces promesses anciennes. Elle les dit à la première personne. Elle est consciente que les promesses de Dieu sont en train de s’accomplir et elle se réjouit, humblement, de les voir se réaliser dans sa propre vie.

Ce que souligne ce Magnificat, c’est que Dieu regarde avec bonté les humbles mais qu’il abaisse les orgueilleux. C’est un principe courant dans la Bible. C’est le renversement de valeurs que proclame l’Evangile : les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers. C’est aussi l’exemple qui est donné à Noël, avec le Fils de Dieu qui devient un être humain. Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, se fait serviteur, il devient un petit enfant.

A Noël, la puissance du Seigneur, c’est la force de son amour. Un amour qui s’exprime dans le service, qui accepte la faiblesse, la pauvreté, même le rejet… pour aimer vraiment. C’est la force des humbles, aux antipodes de celle des puissants.

Les puissants dominent alors que les humbles servent. Les puissants suscitent la crainte alors que les humbles inspirent la confiance. Les puissants font usage de la force alors que les humbles font preuve de douceur. Les puissants accusent et jugent alors que les humbles pardonnent.

C’est bien la voie des humbles que Dieu a choisie en Jésus-Christ !

Alors comment nous approprier le message de Noël aujourd’hui ? Comment faire du récit de Noël un récit à la première personne ? En accueillant dans notre vie le Fils de Dieu qui est venu dans notre humanité. Car celui qui est venu pour tous les humains est venu aussi pour moi, pour toi.

Alors la joie annoncée par Esaïe pour Jérusalem peut être la nôtre en ce soir de Noël, nous pouvons nous l’approprier :

“Brille de mille feux, 
car la lumière se lève pour toi :
la gloire du Seigneur
t'éclaire comme le soleil levant.”
(Esaïe 60.1)

Alors que nous entendons encore le récit de la Nativité, laissons cette joie nous animer, partageons-la avec les anges et les bergers, partageons-la avec Marie et Joseph, partageons-la avec tous ceux qui savent, aujourd’hui encore, accueillir dans leur vie le Fils de Dieu devenu homme, Jésus, le Sauveur !

dimanche 8 décembre 2019

La preuve par les actes

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Samedi dernier, j’ai vu, j’ai entendu un prophète ! C’est vraiment le sentiment que j’ai eu en assistant à la conférence du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, et fils de pasteur évangélique. Il était invité par la Fédération Protestante de France à l’occasion du colloque sur les églises évangéliques membres de la FPF. Il a pendant 45 minutes raconté son parcours, son engagement et ses convictions. Et c’était vraiment impressionnant. “L’homme qui répare les femmes” (c’est le le surnom qu’on lui a donné) s’efforce de restaurer, de réparer, les femmes de tous âges (jusqu’aux bébés !) victimes de violences et notamment des viols utilisés comme armes de guerre, au Congo.

Assister à sa conférence a été une expérience dont je me souviendrai très longtemps. J’étais bouleversé, au bord des larmes, par le récit des horreurs dont il a été témoin, et qui n’ont fait qu’affermir sa détermination. J’étais secoué par ses questions et ses interpellations adressées en particulier aux Églises, aux chrétiens. Je suis admiratif pour son courage face aux menaces qui pèsent sur lui (plusieurs de ses collaborateurs ont été assassinés).

Avec le recul, je me suis demandé : qu’est-ce qui fait que ses paroles touchent autant au coeur ? Ca va bien au-delà de l’éloquence… il y a bien-sûr sa conviction profonde mais, surtout, le fait qu’il ait une vie en plein accord avec ses paroles. Ce qu’il dit, il le fait. Quand le Dr Mukwege nous interpelle sur le silence complice et l’inaction dans l’aide envers les victimes de toute violence, les délaissés, les laissés pour compte… on l’écoute. Quand il nous invite à interpeller nos théologies et nos pratiques, parfois misogynes, jusque dans les églises… on l’écoute. Parce qu’on sait ce qu’il fait dans ces domaines, l’aide qu’il apporte, le plaidoyer qu’il porte.

Il y a des hommes, ou des femmes, dont la parole porte plus que d’autres. Des personnalités exceptionnelles qui bouleversent. En un mot : des prophètes. Et la question, pour nous, est de savoir comment nous les écoutons… et qu’est-ce que ça change dans notre vie, notre comportement.

Des prophètes, évidemment, on en rencontre dans la Bible. Et il en est un dont on lit le récit chaque année, dans le temps de l’Avent. C’est Jean le baptiste. Un grand prophète, un homme au message sans concession, qui vivait comme un ermite au bord du Jourdain et que les foules venaient écouter. C’est la lecture biblique qui nous est proposée pour ce deuxième dimanche de l’Avent.

Matthieu 3. 1-12
1 En ce temps-là paraît Jean le baptiste qui se met à proclamer dans le désert de Judée : 2 « Changez de vie, car le royaume des cieux est tout proche ! » 3 Jean est celui dont le prophète Ésaïe a parlé lorsqu'il a dit :
« C'est la voix d'un homme qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
faites-lui des sentiers bien droits ! »
4 Jean avait un vêtement fait de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 5 Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région voisine de la rivière du Jourdain venaient à sa rencontre. 6 Ils reconnaissaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans le Jourdain.
7 Jean vit que beaucoup de pharisiens et de sadducéens venaient à lui pour être   baptisés ; il leur dit : « Espèce de vipères ! Qui vous a appris à échapper à la colère de Dieu qui vient ? 8 Montrez par des actes que vous avez changé de vie 9 et ne pensez pas qu'il suffit de dire en vous-mêmes : “Abraham est notre père !” Car je vous dis que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des enfants d'Abraham ! 10 La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
11 Moi, je vous baptise dans l'eau pour que vous changiez de vie ; mais celui qui vient après moi vous baptisera dans l'Esprit saint et dans le feu. Il est plus fort que moi : je ne suis pas digne d'enlever ses sandales. 12 Il tient en sa main la pelle à vanner et séparera le grain de la paille. Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint jamais. »


Ca devait être quelque chose d’entendre Jean le baptiste haranguer les foules ! Dans son vêtement sommaire en poils de chameaux, le corps émacié par son régime alimentaire frugal, un ermite solitaire dans le désert de Judée… Quel regard avait-il ? Quelle voix ? En tout cas on venait de toute la région pour l’écouter, fasciné par son discours sans concession. Beaucoup répondaient à son appel et se faisaient baptiser. D’autres étaient sceptiques, d’autres, sans doute, le critiquaient.


Un changement de coeur 

Au coeur de son discours, il y avait cette interpellation radicale : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” (v.8) Les versions anciennes traduisaient “Produisez donc du fruit digne de la repentance” Mais le terme grec traduit traditionnellement par “repentance” implique un changement radical, en profondeur. C’est beaucoup plus que du regret ou du remord. Quant au fruit, c’est ce qui est produit par l’arbre. L’image est utilisée aussi par Jésus : on reconnaît un arbre à ses fruits. Un “fruit digne de la repentance”, c’est donc une vie qui témoigne d’un changement en profondeur. Si le fruit n’a pas changé, c’est que l’arbre n’a pas changé...

Voilà pourquoi la traduction de la Bible “Nouvelle Français Courant” est très bonne : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” !

Et l’interpellation demeure pertinente pour nous aujourd’hui. La repentance devrait faire partie du quotidien du croyant, comme une discipline de vie. Je ne parle pas ici d’une confession mécanique pour recevoir l’absolution, ou d’une simple prière de demande de pardon pour effacer l’ardoise… et recommencer jusqu’à la prochaine demande de pardon.

La repentance comme discipline de vie du croyant, c’est le fait de laisser Dieu continuer de changer notre coeur. C’est reconnaître que nous avons besoin d’être transformé, changé en profondeur, refaçonné en image de Dieu. La repentance commence par une prise de conscience de nous-mêmes, nos limites, nos failles, nos incohérences. Elle commence aussi par une prise de conscience de l’amour et de la grâce de Dieu, qui veut nous transformer.


L’arbre d’abord, les fruits ensuite

Le problème, quand on parle de repentance, c’est de se limiter aux fruits et d’oublier l’arbre. On coupe les fruits qui ne sont pas bons mais l’arbre reste le même. Or la repentance concerne moins les fruits que l’arbre, elle concerne moins les actes que le coeur. Car si le coeur change, les actes changeront aussi.

La repentance, ce n’est pas d’abord demander pardon à Dieu pour tel acte, tel péché commis. C’est demander à Dieu de changer notre coeur. Dans l’appel de Jean le baptiste : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” ce qui compte d’abord c’est le changement de vie pas les actes. Les actes ne sont que la manifestation du changement de coeur.

Dans la repentance, si on se concentre sur les fruits, alors on dresse plus ou moins consciemment une liste de péchés, d’actes à ne pas commettre, de comportements condamnables… et on risque facilement de devenir le juge de son frère ou sa soeur, autant que de soi-même.

Mais si on se concentre sur le coeur, alors on regarde d’abord à soi car qui peut connaître le coeur de son prochain ? Qui peut connaître ses intentions, ses motivations et ses aspirations profondes ?

La repentance, ce n’est pas tellement regretter nos actes, c’est comprendre que notre coeur doit changer.


Changer pour avoir une parole audible

La mission de Jean le baptiste était de préparer à la venue du Messie, puis de s’effacer lorsqu’il paraîtrait. Et c’est bien ce qu’il a fait. Il a même payé de sa vie l’audace de sa prédication…

A notre tour, nous sommes appelés à prendre la posture du prophète, car nous avons une Bonne Nouvelle à annoncer ! Et comme pour Jean, ce qui compte ce n’est pas nous, notre Eglise, mais celui qui est venu : Jésus-Christ.

Mais ce n’est certainement pas avec des discours creux, même agrémentés de belles paroles évangéliques, que nous accomplirons la mission. Et surtout pas avec des paroles contredites par nos actes et notre vie ! Mais seulement avec des paroles incarnées dans des actes, avec un discours qui se traduit dans nos vies. Sinon, nous serons inaudibles !

Qui a vraiment incarné ses paroles jusqu’au bout, en parfaite adéquation entre ce qu’il disait et ce qu’il faisait ? Encore bien plus que Denis Mukwege ou Jean le Baptiste… C’est Jésus-Christ, évidemment. Sa vie démontrait son amour pour les petits, les rejetés, les délaissés… Il est venu pour nous sauver de la mort, alors il a donné sa vie. Il s’est fait serviteur, lui, le Fils de Dieu, jusqu’à la mort infâme sur une croix. Lui, l’innocent, condamné et crucifié comme un vulgaire brigand.


Conclusion

Comment pourrions-nous annoncer l’amour de Dieu si nous n’aimons pas notre prochain ? Comment proclamer la grâce si nous nous positionnons en juge de notre frère ou notre soeur ? Comment parler de réconciliation avec Dieu si nous sommes incapables de pardonner ?

Oui, notre coeur doit changer. Dieu doit nous transformer, si nous voulons montrer par des actes que nous avons changé de vie !

dimanche 24 novembre 2019

Vivre à contre-courant

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(Cette prédication a été donnée dans le cadre du culte de l'Eglise persécutée, proposé par Portes Ouvertes)

“Êtes-vous prêts à vivre à contre-courant ?” La vidéo nous laisse avec cette question… Une question qui prend une dimension toute particulière quand on entend ces témoignages, quand le fait de vivre à contre-courant conduit à la prison et la persécution pour sa foi. Mais la question demeure pertinente pour nous, aujourd’hui, dans notre contexte. Même si nous ne risquons pas la prison…

C’est une question qui s’est d’ailleurs posée très vite dans l’histoire de l’Eglise, dès le chapitre 4 du livre des Actes. Dans le contexte de cet épisode biblique, ce qui a déclenché le problème, c’est la guérison miraculeuse d’un infirme ! Et aussi, évidemment, la discussion qui a suivi où Pierre en a profité pour expliquer qu’ils avaient agi au nom de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, mort et ressuscité.

Ce discours et ce miracle embarrassaient les chefs religieux. Les apôtres étaient devenus gênants, il fallait les faire taire. C’est tout de même étonnant : les apôtres étaient gênants… parce qu’ils faisaient le bien et annonçaient une bonne nouvelle ! Les raisons de leur emprisonnement étaient donc profondément injustes. Exactement comme dans la vidéo, avec le témoignage de Mojtaba.

Certes, il arrive que l’Evangile soit détourné ou instrumentalisé ! Et c’est évidemment condamnable. Il arrive aussi que les chrétiens tendent le bâton pour se faire battre, par leur attitude ou leur discours... Mais quand l’Evangile est simplement partagé, qu’il est véritablement vécu, et que c’est ça qui est perçu comme un risque de trouble à l’ordre publique, alors il y a un problème…

Portes Ouvertes nous fait part du témoignage du pasteur Wang Yi, en Chine. Lui, son épouse et d’autres responsables de leur église de 750 membres s’attendaient à être arrêtés un jour ou l’autre. Et c’est ce qui s’est passé le 9 décembre 2018 à Chengdu dans la province du Sichuan. Ce dimanche soir, plus d’une centaine de fidèles ont été interpellés à l’église, à leur domicile ou dans la rue. S’ils ont la plupart d’entre eux ont été libérés après avoir été interrogés, Wang Yi et 10 responsables sont restés en détention. Il encourt une peine de 15 ans de prison pour “incitation à la subversion contre le pouvoir de l’État.”

Quelques semaines avant d’être arrêté, le pasteur Wang Yi a rédigé sa « déclaration de désobéissance fidèle.» En voici un extrait :
« La Bible nous dit de respecter les autorités, mais elle ne nous dit pas d’aller à l’encontre de notre conscience ou du message de l’Évangile. L’Église utilise donc des moyens pacifiques pour manifester sa foi et répandre l’Évangile. En tant que pasteur, ma désobéissance fait partie du mandat de l’Évangile. Le Grand Mandat du Christ exige de nous une grande désobéissance. Le but de la désobéissance n’est pas de changer le monde, mais de témoigner d’un autre monde. » 

Le témoignage du pasteur Wang Yi fait écho aux paroles prononcées par les apôtres Pierre et Jean, devant le conseil religieux, à la fin de l’épisode du livre des Actes des apôtres :

Actes 4.18-20
18 (Les membres du conseil) rappelèrent (les apôtres) et leur interdirent catégoriquement de prononcer ou d'enseigner le nom de Jésus. 19 Mais Pierre et Jean leur répondirent : « Jugez vous-mêmes s'il est juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu'à Dieu. 20 Quant à nous, nous ne pouvons pas renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu. » 

L’attitude des apôtres, comme celle de nos frères et soeurs qui font face à la persécution, nous interpelle. Arrêtons-nous donc sur les paroles de Pierre et Jean.


Soyons à contre-courant mais pour de bonnes raisons !

“Jugez vous-mêmes s'il est juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu'à Dieu.”

Être à contre-courant n’est pas une valeur en soi. C’est une conséquence possible de l’impératif de fidélité à Dieu. On peut se retrouver légitimement à contre-courant quand on est dans une situation où il faut choisir entre obéir aux hommes ou obéir à Dieu. Ce n’est pas toujours le cas… mais parfois c’est nécessaire.

Alors soyons à contre-courant mais pour de bonnes raisons ! Soyons à contre-courant parce que nous faisons le bien, et parce que nous témoignons de notre foi.

On pensera sans doute en premier, aujourd’hui, à l’évolution des moeurs, celle des normes éthiques et sociétales, qui peuvent nous donner l’impression d’être à contre-courant. Et il me paraît légitime d’assumer nos convictions dans ces domaines, pour autant que nous les argumentions sérieusement d’un point de vue biblique et théologique, et que nous n’en restions pas à des discours simplistes. Et même si ce n’est pas le coeur de l’Evangile qui est touché, nous devons sans doute accepter d’être en décalage dans ces questions qui touchent à la famille, au mariage, à la sexualité... quitte parfois à être taxé de réactionnaires et de rétrogrades !

Mais il ne faudrait pas penser que ce sont les seules questions où nous devrions être à contre-courant ! Nous devons interroger nos comportements du quotidien… là où l’Evangile a aussi quelque chose à nous dire. Être à contre-courant, c’est peut-être aussi refuser les petites magouilles du quotidien “que tout le monde s’autorise”, ne pas cautionner “ce que tout le monde pense tout bas” pour désigner des boucs émissaires (les immigrés, les musulmans…), ne pas se laisser enfermer dans le moule consumériste, égocentrique, compétitif. véhiculé par la publicité, les médias sociaux… Dans toutes ces petites questions du quotidien, nous pouvons facilement nous laisser emporter par le courant !

Soyons donc à contre-courant mais pour de bonnes raisons !


Assumons-le et osons le dire !

“Quant à nous, nous ne pouvons pas renoncer à parler de ce que nous avons vu et entendu.”

Les apôtres assument ouvertement leur désobéissance ! Ils ne peuvent pas se résoudre à se taire en ce qui concerne “ce qu’ils ont vu et entendu”. Cette formule sera reprise par Jean au début de sa première épître :

1 Jean 1.1-3
1 La parole qui donne la vie existe depuis le commencement. Nous l'avons entendue. Nous l'avons vue de nos propres yeux. Nous l'avons observée. Et nos mains l'ont touchée. 2 Cette vie s'est manifestée et nous l'avons vue ! Nous en sommes témoins et nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s'est manifestée à nous. 3 Ce que nous avons vu et entendu, c'est à vous que nous l'annonçons aussi ; ainsi vous serez comme nous dans la communion que nous avons avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.

Ce que les apôtres ne peuvent pas garder sous silence, c’est le témoignage à propos de la personne et de l’oeuvre de Jésus. Ca, on ne peut pas le taire. C’est le coeur de notre foi, ce qui a changé notre vie, c’est la même bonne nouvelle qui est pour tous. Comment ne pas en parler ?

C’est une vraie interpellation pour nous, aujourd’hui, dans un contexte où on veut de plus en plus enfermer la foi dans la sphère privée. Et qu’on le veuille ou non, je pense que nous sommes influencés, conditionnés par cela. Est-ce que, si on en parle, ça va nous conduire à être persécuté ? Non. Pas en France. Mais être incompris, rejeté, moqué, oui, peut-être… Et on n’en a sans doute pas envie ! Alors on s’auto-censure. On arrive presque à avoir honte d’être chrétien, et pour éviter les ennuis, on ne le dit pas, on se tait…

En réalité, dire notre foi publiquement, même affirmer que les religions doivent avoir pleinement leur place dans le débat publique… c’est déjà presque vivre à contre-courant aujourd’hui !


Conclusion

Les apôtres Pierre et Paul devant le conseil religieux, Mojtaba en Iran, le pasteur Wang Yi en Chine… autant de chrétiens persécutés à cause de leur foi qui nous interpellent.

Ce n’est pas parce que nous ne risquons pas la persécution qu’il n’y a pas d’enjeu pour nous. Car le Seigneur nous appelle à être des témoins de la Bonne Nouvelle. Et il y a plein de raisons qui pourraient nous pousser à nous taire. Mais comme le dit l’apôtre Paul dans sa lettre aux Romains :

Romains 10.14
Comment feront-ils appel (au Seigneur) sans avoir mis leur foi en lui ? Et comment mettraient-ils leur foi en lui sans en avoir entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler si personne ne l'annonce ?

Et tant pis si on répondant à cet appel, nous nous nous retrouvons à contre-courant…




dimanche 10 novembre 2019

Faux débats et vraies questions

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J’ai de plus en plus de mal à regarder à la télévision les émissions de débat politique ou sociétal, en particulier sur les chaînes d’information continue… On nous y abreuve de débats qui attisent la suspicion, les peurs voire la haine. Ces derniers temps, c’est à propos du voile et des soi-disant signes extérieurs de radicalisation… J’ai vu que sur une chaîne de télévision, on a quand même débattu sur la différence entre une barbe innocente et une barbe signifiante ou préoccupante !

Et puis il est de bon ton, depuis quelque temps, pour ne pas être taxé d’islamophobie, de mettre dans le même sac les islamistes et les évangélistes (sic!). Ça c’est nous… décrits comme de dangereux obscurantistes rétrogrades, des prosélytes qui bafouent la laïcité. Bonjour les clichés et les amalgames !

Ceci dit, ce n’est pas nouveau. De tout temps, il y a eu des faux débats qui occultaient les vraies questions. Même dans l’Eglise… N’est-il pas arrivé, et n’arrive-t-il pas encore parfois, que des questions secondaires prennent tellement d’importance qu’on en vient à oublier l’essentiel ? Certains doivent se souvenir qu’il y a quelques années, dans le milieu évangélique, on se jetait mutuellement l’anathème pour des questions de chronologie des événements liés à la fin des temps ! Il peut même arriver encore que des Églises se déchirent pour des questions de choix de cantiques ou de tenues vestimentaires !

Bref, hier comme aujourd’hui, il y a des faux débats qui peuvent occulter les vraies questions, et faire oublier ce qui est vraiment important. Le texte de l’Evangile de ce matin nous en donne un exemple édifiant :

Luc 20.27-40
27 Quelques sadducéens vinrent auprès de Jésus. Ce sont eux qui affirment qu'il n'y a pas de résurrection. Ils l'interrogèrent 28 de la façon suivante : « Maître, Moïse a écrit pour nous : “Si un homme a un frère qui meurt en laissant une femme sans enfant, il doit épouser la veuve pour donner une descendance à celui qui est mort.” 29 Or, il y avait sept frères. Le premier se maria et mourut sans laisser de descendance. 30 Le deuxième épousa la veuve, 31 puis le troisième. Il en fut de même pour tous les sept, qui moururent sans laisser de descendance. 32 Finalement, la femme mourut à son tour. 33 À la résurrection des morts, de qui sera-t-elle l'épouse ? Car tous les sept l'ont eue comme épouse ! » 34 Jésus leur répondit : « Les hommes et les femmes de ce monde-ci se marient ; 35 mais les hommes et les femmes qui sont jugés dignes de ressusciter d'entre les morts et de vivre dans le monde à venir ne se marient pas. 36 Ils ne peuvent plus mourir, ils sont pareils aux anges. Ils sont enfants de Dieu, car il les a ressuscités. 37 Moïse indique clairement que les morts doivent ressusciter. Dans le passage qui parle du buisson, il appelle le Seigneur “le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob” 38 Dieu n'est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour lui. » 39 Quelques spécialistes des Écritures prirent alors la parole et dirent : « Tu as bien parlé, maître. » 40 Et ils n'osaient plus lui poser d'autres questions.

Les Sadducéens étaient un parti religieux important au temps de Jésus, différent des Pharisiens. En fait, les deux partis n’étaient pas vraiment amis, ils s’opposaient même souvent quant à la façon de comprendre la Bible ! Luc précise ici un point important, essentiel même pour comprendre la question qu’ils vont poser à Jésus : ils affirmaient qu’il n’y a pas de résurrection. Or, la foi en une résurrection finale était largement répandue parmi les Juifs du temps de Jésus. Les Pharisiens le croyaient par exemple. Mais pas les Sadducéens…

Quelques membres de ce parti religieux viennent donc poser une question à Jésus, en se référant à la loi de Moïse, qui faisait autorité pour tous. Et, justement, la question qu’ils posent est liée à la résurrection ! On peut donc déjà s’interroger sur la sincérité de leur question, eux qui n’y croyaient pas… Et puis leur question est quand même assez tarabiscotée. Évidemment, le cas qu’ils évoquent est théoriquement possible. On peut imaginer une femme être veuve sept fois, de sept frères successivement ! Même si, d’ailleurs, la question pourrait se poser à partir de deux mariages successifs, pas besoin d’aller jusqu’à sept…

La réponse de Jésus a fait couler beaucoup d’encre. Et je vous avoue que je ne suis pas sûr de bien tout comprendre. Jésus affirme-t-il que les liens tissés dans ce monde-ci ne compteront plus après la résurrection ? Que signifie l’expression désignant les hommes et les femmes ressuscités comme étant “pareils aux anges” ? C’est une phrase qui a pu alimenter un vieux débat, pendant le Moyen- ge, sur le sexe des anges ! C’est fou quand même : alors que Jésus répond à une question tarabiscotée, les chrétiens ont trouvé dans la réponse de Jésus une occasion de débattre sur une autre question tarabiscotée !

Comment faut-il donc comprendre la réponse de Jésus ? Je me demande s’il ne reste pas volontairement mystérieux dans sa réponse, pour nous dire qu’on ne peut pas vraiment comprendre. On ne peut pas comparer notre situation ici-bas à celle qui nous est réservée dans l’éternité, après notre résurrection. C’est comme vouloir se comparer aux anges… Se perdre dans des hypothèses ou des élucubrations sur le sujet est une perte de temps.

Parce que finalement, le point important est ailleurs. On le voit apparaître à la fin de la réponse de Jésus, lorsqu’il affirme explicitement quelque chose de clair et sans ambiguïté : “Moïse indique clairement que les morts doivent ressusciter.” (v.37) En réalité, Jésus répond donc à la question que les Sadducéens ne lui ont pas posée… celle de la réalité ou non de la résurrection à venir. Pour Jésus, c’est clair, il y aura bien une résurrection, parce que Dieu n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants. Essayons de comprendre l’argument de Jésus.

Il fait référence à l’épisode du buisson ardent, lorsque le Seigneur s’est révélé à Moïse et qu’il lui dit : “Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob.” (Exode 3.6) Plus loin il l’enverra vers le Pharaon pour délivrer son peuple de l’esclavage. C’est alors que Moïse demanda à Dieu de lui révéler son nom. Et Dieu lui répondit par une phrase un peu énigmatique que l’on peut traduire par “Je suis qui je suis”, ou “je serai qui je serai”. Et il ajoute : ”Voici donc ce que tu diras aux Israélites : “‘Je serai’ m'a envoyé vers vous”. (Exode 3.14).

Dieu est et il sera. Il est éternel, sans commencement ni fin. Et pour Jésus c’est à cause de la personne et de la nature même de Dieu qu’il peut affirmer qu’il y aura une résurrection. Parce que ce Dieu “qui est et qui sera” a choisi, depuis Abraham et même avant, de se révéler aux humains et de les sauver. “Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob” : Comment ce Dieu-là pourrait-il laisser se perdre dans la mort ceux avec qui il fait alliance ? D’ailleurs, Jésus l’affirme avec force :  “Dieu n'est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour lui.”

De plus, ce que personne alors, ni les Sadducéens ni les disciples, ne pouvait savoir, c’est que Jésus lui-même allait en donner la preuve la plus éclatante par sa résurrection !

La vraie question n’est donc pas seulement de savoir s’il y aura ou non une résurrection d’entre les morts, mais de savoir si on connaît vraiment aujourd’hui le Dieu des vivants. Ce n’est pas une question théologique abstraite, c’est une question existentielle et relationnelle ! Voilà ce qui est vraiment important et qu’aucun faux débat ne devrait occulter !

C’était vrai pour les Sadducéens… ça reste vrai pour nous aujourd’hui !


Une question de curseur

Quels sont, aujourd’hui, les faux débats qui peuvent nous faire oublier ce qui est vraiment important ? Ou peut-être pourrait-on poser d’abord la question de façon positive : qu’est-ce qui est vraiment important ? Quel est le coeur du message que nous proclamons et que nous nous efforçons de vivre ?

Quelques éléments de réponse possibles : l’amour de Dieu ; la personne et l’oeuvre de Jésus ; comprendre comment dire cette bonne nouvelle aujourd’hui pour être compris ; aimer notre prochain, concrètement ; approfondir notre connaissance de Dieu, être transformé par lui…

Là on touche à l’essentiel. Et tout le reste n’est pas sans importance… mais doit avoir une importance relative. Et c’est important de le reconnaître. Nous devons accepter une certaine hiérarchisation dans la foi. Tout, dans la foi chrétienne, dans la vie chrétienne, tout n’a pas la même importance. Sinon, plus rien n’a d’importance… on nivelle toujours par le bas !

Nous devons accepter qu’il y ait des choses importantes et d’autres moins. Accepter qu’on puisse ne pas être d’accord sur la compréhension de certains textes bibliques, sur la façon de prier, sur certaines convictions doctrinales, sur des positionnements éthiques… et pour autant s’aimer, se respecter, se reconnaître comme frères et soeurs. Sinon aucune Église n’est possible… ou alors comme un groupement sectaire !

Tout est ici une question de curseur. Toutes les questions peuvent être intéressantes… dans la mesure où on y consacre le temps et l’énergie appropriés.

Il y a des questions vraiment secondaires. Là, le curseur est tout en bas. Pourtant elles peuvent prendre parfois une importance démesurée. Ce sont des questions de goût, de sensibilité personnelle. Je me souviens (pas dans cette Église !) du temps que nous avons consacré à choisir la couleur des nouveaux rideaux et des nouvelles chaises ! Incroyable ! Sur la question des cantiques et des tenues vestimentaires, évoquées en introduction, je suis sûr qu’on trouverait des versets bibliques pour alimenter le débat. Et c’est pareil pour plein d’autres questions… par exemple, en vrac, la longueur des cheveux, ou celle des jupes pour les jeunes filles, les tatouages, le fait de boire ou non de l’alcool, de fumer...

Je ne dis pas qu’on n’a rien à dire sur toutes ces questions. Je dis simplement qu’on peut facilement se perdre dans des débats stériles, faire de ces questions somme toute secondaires, des sujets de dispute, parfois même de division !

Je pousse un peu le curseur, avec des questions plus polémiques… mais qui peuvent aussi prendre trop de place ! Le fait de parler en langues ou pas, la compréhension du Millénium, le ministère pastoral féminin, la Création et l’évolution…

Allez, je monte encore un peu le curseur ? On se rapproche de la zone rouge… ça commence à devenir chaud ! L’interprétation des prophéties bibliques, la défense du modèle familial traditionnel, notre attitude face aux revendications LGBT...

Vous me direz que là, quand même, ce sont des questions importantes. C’est vrai… Mais ne sont-elles pas moins importantes que celles qui sont au coeur de l’Evangile, et qui doivent être notre motivation première ? Les questions pour lesquelles nous devons consacrer le plus de temps et d’énergie ?

Je les rappelle ? L’amour de Dieu ; la personne et l’oeuvre de Jésus ; comprendre comment dire cette bonne nouvelle aujourd’hui pour être compris ; aimer notre prochain, concrètement ; approfondir notre connaissance de Dieu, être transformé par lui…


Conclusion

Ne laissons pas des questions secondaires, ou moins importantes, nous faire passer à côté de l’essentiel. Soyons bien au clair sur ce qui constitue le coeur de notre foi. Nous pourrons toujours discuter des autres questions, sans y mettre trop d’énergie… et surtout sans perdre de vue le plus important : le Dieu vivant qui nous aime et qui nous sauve !


dimanche 20 octobre 2019

Face à l’adversité

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Parmi les textes bibliques proposés dans la liste de lectures de ce dimanche, il y a une histoire que l’on trouve dans le livre de l’Exode. C’est un récit de bataille, au cours de laquelle Moïse a adopté une attitude plutôt surprenante…

Exode 17.8-13
8 Les Amalécites vinrent attaquer les Israélites à Refidim. 9 Moïse dit à Josué : « Choisis des hommes capables de nous défendre et combats les Amalécites. Demain je me tiendrai au sommet de la colline, avec le bâton de Dieu à la main. » 10 Josué partit combattre les Amalécites, comme Moïse le lui avait ordonné, tandis que Moïse, Aaron et Hour se postaient au sommet de la colline. 11 Tant que Moïse tenait un bras levé, les Israélites étaient les plus forts, mais quand il le laissait retomber, les Amalécites l'emportaient. 12 Lorsque les deux bras de Moïse furent lourds de fatigue, Aaron et Hour prirent une pierre et la placèrent près de Moïse. Moïse s'y assit. Aaron et Hour, chacun d'un côté, lui soutinrent les bras, qui restèrent ainsi fermement levés jusqu'au coucher du soleil. 13 Josué remporta une victoire complète sur l'armée amalécite.

Nous sommes peu de temps après la sortie d’Egypte. L’euphorie qui devait accompagner cet épisode extraordinaire pour les Hébreux est retombée : tout n’est pas aussi simple qu’ils l’auraient imaginé. Tout le monde est fatigué, des tensions naissent, des récriminations s’élèvent. Bref, le peuple est fragilisé, vulnérable. Et c’est ce moment que les Amalécites, un peuple autochtone, choisissent pour attaquer. Le livre du Deutéronome, qui parle aussi de notre épisode, le souligne :

Deutéronome 25.17-18
17 Souviens-toi de ce qu'Amalec t'a fait, lorsque vous étiez en route, après la sortie d'Égypte. 18 Ils n'avaient aucune crainte de Dieu, si bien qu'ils t'ont attendu le long du chemin, alors que tu étais complètement épuisé. Ils ont attaqué les retardataires à l'arrière.

Les Amalécites apparaissent dans l’histoire biblique comme l’un des ennemis les plus acharnés d’Israël. L’Ancien Testament relate de nombreux conflits entre les deux peuples. C’est ici le premier d’entre eux.

C’est en particulier l’attitude de Moïse qui va nous intéresser. Il envoie Josué se battre et lui se tient en arrière, sur les hauteurs, avec le “bâton de Dieu”. Quand il lève les bras avec ce bâton, les Israélites dominent la bataille, quand il baisse les bras, ce sont les Amalécites qui dominent.

Ce “bâton de Dieu” est le même que Moïse a brandi au-dessus de la mer qui s’est ouverte en deux pour laisser passer le peuple Hébreux qui sortait d’Egypte et était poursuivi par le Pharaon et son armée. L’épisode est récent, impossible de ne pas y penser ! Le message est clair : comme le Seigneur a délivré son peuple de l’armée du Pharaon, Moïse espère qu’il le délivrera de son ennemi Amalec.

Mais comme la bataille dure, Moïse se fatigue et a besoin de l’aide d’Aaron et Hour pour maintenir ses bras en l’air… jusqu’au coucher du soleil, jusqu’à la victoire complète d’Israël..

On peut aussi voir dans la posture de Moïse une attitude de prière. En effet, au temps biblique c’est en élevant les mains que l’on priait. On en trouve à plusieurs reprise l’expression dans les Psaumes par exemple. Ainsi, sur la colline, lorsque Moïse levait ses bras il implorait Dieu de leur donner la victoire. Lorsqu’il baissait les bras, il cessait de prier. Et grâce à l’aide d’Aaron et Hour, il a persévéré dans la prière jusqu’au coucher du soleil. Jusqu’à la victoire totale.

Qu’est-ce qu’un tel récit peut nous dire aujourd’hui ? Les Amalécites ont disparu… Mais pour nous, ils peuvent représenter sans doute plutôt nos ennemis, extérieurs ou intérieurs, qui profitent de nos situations de faiblesse, de vulnérabilité, pour nous attaquer et chercher à nous détruire. L’exemple de Moïse peut nous inspirer face à l’adversité.


Prendre des initiatives


Avez-vous noté que dans ce récit, Dieu ne parle pas ? Il ne dit pas à Moïse d’attaquer les Amalécites, il ne lui dit pas de monter sur la colline et de brandir son bâton. Visiblement, Moïse fait tout cela de sa propre initiative. Il ne le fait pas sur un coup de tête ! Il a appris de ses expériences passées et il n’attend pas que Dieu lui dicte tout le temps ce qu’il doit faire pour agir ! N’y a-t-il pas là une leçon pour nous ?

Face à l’adversité, Dieu attend que nous prenions des initiatives !

Il ne veut pas des robots qui obéissent aux commandes. Il veut des croyants responsables, adultes spirituellement, capables d’agir et de réagir avec sagesse et discernement.

Evidemment, en prenant des initiatives, on risque de se tromper. Parfois, on fera des mauvais choix… Mais c’est aussi comme ça qu’on apprend. Et Dieu veillera sur nous. Ne croyons-nous pas qu’il peut corriger nos erreurs ?

Il ne s’agit pas non plus de faire n’importe quoi ! Moïse n’a pas fait n’importe quoi ! Sa réaction était réfléchie et sensée. Elle s’appuyait sur ce que Dieu avait promis et sur ce qu’il avait déjà accompli pour son peuple. 

Bien-sûr que parfois on aura besoin d’aide, face à des décisions difficiles. Mais bien souvent, Dieu s’attend à ce ce que nous fassions preuve de logique, de discernement, d’initiative. C’est aussi très spirituel de prendre des initiatives, d’agir sans attendre toujours un ordre de mission ou un feu vert explicite de Dieu.


Saisir les promesses de Dieu


Parlons un peu maintenant de ce “bâton de Dieu”. On l’a dit, c’est le même que Moïse avait utilisé lors de la traversée de la mer. Cette fois-là, d’ailleurs, c’est Dieu qui lui avait dit de lever son bâton au-dessus de la mer.

Brandir le bâton de Dieu, c’est se souvenir des délivrances passées, de ce que Dieu a déjà accompli, et de ce qu’il a promis de faire. Voilà sans doute ce que nous sommes aussi appelés à faire face à l’adversité.

Face à l’adversité, nous sommes appelés à nous saisir des promesses de Dieu.

Pas plus que le bâton de Moïse n’avait de vertu magique, les promesses de Dieu ne sont pas des formules magiques par lesquelles nous remportons la victoire. Mais les promesses de Dieu, celles qui sont consignées dans la Bible, celles qui découlent de l’oeuvre accomplie par le Christ, mort et ressuscité, ces promesses sont précieuses face à l’adversité. Parce qu’elles nous rappellent que Dieu nous aime et qu’il ne nous abandonnera pas. Elles nous rappellent que la mort n’aura pas le dernier mot car Jésus-Christ l’a vaincue le dimanche de Pâques. Elles nous permettent de tenir ferme, de résister, d’endurer avec patience… parce que nous avons une espérance.

N’hésitons pas à “brandir le bâton de Dieu”, à nous remémorer les promesses de Dieu pour nous !


Demander de l’aide


L’autre aspect étonnant de ce récit de bataille, c’est l’aide d’Aaron et Hour à Moïse pour qu’il puisse garder ses bras levés jusqu’au coucher du soleil !

Si les bras levés de Moïse sont bien un signe de prière de sa part, alors on comprend qu’il a dû lutter aussi, dans la prière, avec persévérance. Et qu’il a eu besoin d’aide pour y arriver.

Face à l’adversité, nous avons besoin d’aide.

Car l’adversité ne cessera jamais... Que nous soyons croyant ou non, nous avons tous à lutter, tout au long de notre vie, contre des ennemis extérieurs ou intérieurs à nous-mêmes. Nous avons tous nos combats, nos fragilités qui nous rendent vulnérables et qui menacent, parfois, de nous faire tomber, de nous détruire. Chacun, pour sa part, sait quels sont ses combats…

La première aide dont nous avons besoin, c’est celle de Dieu. Dans l’adversité, prions ! Avec persévérance, comme Moïse gardait ses bras levés ! Prions pour demander l’aide de Dieu. Jésus lui-même nous y invite lorsqu’il intègre, dans le Notre Père, la prière qu’il enseigne à ses disciples :  “Ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du mal !”

Mais il arrive aussi que nous ayons besoin d’une aide supplémentaire. Il nous faut des Aaron et des Hour qui nous soutiennent, qui sont avec nous sur la colline, qui trouvent des pierres où nous pouvons nous asseoir, qui maintiennent nos bras levés dans la prière. Nous avons besoin de compagnons de route, qui se tiennent à nos côtés, qui prient pour nous et avec nous.

Et si nous ne trouvons pas cette aide dans l’Eglise alors où la trouverons-nous ?


Conclusion


L’adversité est notre lot commun… et nos adversaires peuvent autant nous être extérieurs qu’intérieurs. Mais ils sont bien là. La vie est un combat. Face à l’adversité, l’exemple de Moïse dans notre récit nous invite à prendre des initiatives, à saisir les promesses de Dieu, et à demander de l’aide.

Moïse et le peuple d’Israël ont été secourus par Dieu et ils ont vaincu les Amalécites, leurs ennemis. Alors à plus forte raison pouvons-nous espérer dans le secours du Christ, qui a vaincu même la mort, cet ennemi ultime. Il combat avec nous, il se tient sur la colline avec nous, il nous permet de rester debout, ou il nous relève si nous tombons.

Face à l’adversité, le Christ est en nous et avec nous. C’est notre plus grand espoir, en toutes circonstances.

dimanche 13 octobre 2019

Prier, être exaucé… ou pas !

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Parmi les nombreuses questions liées à la prière, il y a celle de l’exaucement. Et ce n’est pas la plus facile… Elle n’est pas évidente d’un point de vue théologique, et elle n’est pas évidente d’un point de vue pratique, parce qu’elle a forcément des échos dans notre vie de prière. Qui peut prétendre qu’il ne s’est jamais interrogé pourquoi Dieu n’a pas exaucé telle ou telle prière ? Qui peut affirmer haut et fort qu’il n’a aucun souci avec ses prières, qu’elles sont toutes exaucées et que si elles ne le sont pas, ça ne lui pose aucun problème, ça ne suscite en lui aucune question ?

Il n’y a sans doute pas de réponse simple à une question aussi complexe. La prière demeure, dans une certaine mesure, un mystère, qui ne se résout pas dans un discours théologique ou philosophique mais dans la relation avec Dieu. Ça ne veut pas dire que nous n’avons rien à en dire…

Jacques 5.13-18
13 Quelqu'un parmi vous souffre-t-il ? Qu'il prie. Quelqu'un est-il heureux ? Qu'il chante des louanges. 14 L'un de vous est-il malade ? Qu'on appelle les anciens de l'Église ; ceux-ci prieront pour lui et ils feront une onction d'huile sur sa tête au nom du Seigneur. 15 Une telle prière, faite avec foi, sauvera la personne malade : le Seigneur la remettra debout, et si elle a commis des péchés, ils lui seront pardonnés. 16 Reconnaissez donc vos péchés les uns envers les autres, et priez les uns pour les autres, afin d'être guéris. La prière fervente d'une personne juste a une grande efficacité. 17 Élie était quelqu'un de semblable à nous : il pria avec ardeur pour qu'il ne pleuve pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre pendant trois ans et demi. 18 Puis il pria de nouveau ; alors le ciel donna de la pluie, et la terre produisit ses récoltes.

Qu’est-ce que Jacques nous dit sur la prière dans ce texte ? D’abord qu’il y a toujours une prière appropriée à chaque situation. Dans la joie comme dans l’épreuve, seul ou avec d’autres, on peut toujours trouver une prière qui réponde à une situation particulière.

Il insiste en particulier sur les promesses d’exaucement de la prière, notamment pour les malades. Il le fait avec cette formule qui claque, qui résonne presque comme un slogan :  “La prière fervente d'une personne juste a une grande efficacité.”

Mais cette formule pose un certain nombre de questions…

  • Qu’est-ce qu’une prière fervente ? Et d’ailleurs, comment comprendre le mot “fervent” employé ici ? Est-ce que l’exaucement dépend de l’intensité de la prière ? 
  • Qui est le “juste” qui prie ? Est-ce que l’exaucement dépend de l’intégrité morale et spirituelle de celui qui prie ? 
  • De quoi parle-t-on quand on parle d’efficacité dans la prière ? S’agit-il d’un exaucement certain, presque automatique ? 

A l’origine, comme tout le Nouveau Testament, cette lettre est écrite en grec. Et la traduction en français de cette phrase n’est pas évidente. Il suffit de comparer les différentes versions pour s’en convaincre :

  • “La prière fervente d'une personne juste a une grande efficacité.” (Nouvelle Français Courant)
  • “La prière d'un homme juste est très puissante.” (Parole de Vie)
  • “La prière agissante du juste a une grande efficacité.” (Colombe)
  • “Quand un juste prie, sa prière a une grande efficacité.” (Semeur)
  • “La prière du juste, mise en œuvre, a beaucoup de force.” (Nouvelle Bible Segond)
  • “La requête d’un juste agit avec beaucoup de force.” (Traduction Oecuménique de la Bible)

On comprend bien qu’on parle de la prière, et de la prière du juste. On retrouve dans tous les cas l’idée de force, de puissance ou d’efficacité liés à la prière. C’est donc bien l’exaucement de la prière qui est évoqué. La difficulté principale est dans la traduction d’un terme grec, un participe du verbe energeomai (qui a donné “énergie” en français). Il est carrément laissé de côté dans certaines versions (Parole de Vie, Semeur) et traduit différemment selon les autres : une prière “fervente” (Nouvelle Français Courant), “agissante” (Colombe), “mise en oeuvre” (Nouvelle Bible Segond), ou qui “agit” (TOB)...

L’exemple d’Elie, que Jacques évoque pour illustrer son propos, va nous aider à mieux comprendre. Il le souligne dès le début : Elie était quelqu’un comme nous. Il avait beau être prophète, il n’était pas un surhomme. Il avait aussi ses failles, ses faiblesses, ses limites. Le juste n’est pas celui qui est parfait. Elie ne l’était pas. Le juste est celui qui est fidèle à Dieu, attaché au Seigneur. Elie l’était.

Au temps du roi Achab, l’idolâtrie allait bon train en Israël. Le roi avait même fait ériger un temple dans la capitale en l’honneur de Baal, divinité païenne de l’orage et la pluie. Elie, lui, est resté fidèle au Seigneur. Il annonce alors que Baal, soit disant maître de la pluie, est en réalité incapable de la faire tomber. Il annonce que la sécheresse ravagera Israël, parce que le peuple n’adore plus le Seigneur. Et sa prière est exaucée : une sécheresse frappe le pays. Plus tard, après une période de découragement où Elie a même demandé à Dieu de lui ôter la vie, le prophète décide de défier les prophètes de Baal. Et ça sera l’occasion pour le Seigneur de montrer de manière éclatante sa puissance face au prières vaines des prophètes de Baal. C’est suite à cet épisode que la pluie est enfin de retour dans le pays. La prière d’Elie est une nouvelle fois exaucée.

Les prières d’Elie, que Dieu a exaucées, sont des prières exprimées avec confiance et audace, des prières auxquelles sont associées des paroles et des actes courageux, dont les exaucements permettaient de rendre gloire à Dieu. C’est sans doute un peu tout cela qu’il doit y avoir dans ces prières “ferventes” et/ou “agissantes” dont parle Jacques.

Sur la base de l’affirmation de Jacques, et de l’exemple d’Elie, nous pouvons souligner deux éléments clés pour un exaucement de la prière.


La conviction


Qu’on parle de ferveur ou de mise en action, ce qui pourrait caractériser la prière dont parle Jacques, c’est la conviction. Elie était tellement convaincu de sa prière qu’il n’a pas hésité à défier publiquement tous les prophètes de Baal.

C’était une prière courageuse, audacieuse. Une prière convaincue, c’est-à-dire une prière engagée, dans laquelle on est totalement investi. On est loin d’une prière dite du bout des lèvres, ou récitée par habitude. Il s’agit d’une prière dans laquelle nous ne sommes pas seulement spectateurs mais acteurs, une prière qui se prolonge dans des paroles et des actes.

Il y a donc bien un lien entre la ferveur, la conviction d’une prière et son exaucement. Mais ce n’est évidemment pas un lien mécanique. L’exaucement, ce n’est pas automatique ! On a de nombreux contre-exemples, y compris dans la Bible.

Si l’exaucement était mécanique, on pourrait dire que si on n’est pas exaucé, c’est parce qu’on n’est pas convaincu, parce qu’on manque de foi. On le dit parfois, ou on le sous-entend. Et c’est catastrophique !

Ce n’est pas notre foi qui exauce la prière, c’est le Seigneur. Mais il utilise notre foi, notre conviction, pour nous associer à son exaucement. Nous sommes aussi acteurs de notre prière. C’est comme dans les récits de guérison des évangiles, c’est le Seigneur qui guérit mais Jésus dit au malade : “ta foi t’a sauvé !”


L’intégrité


C’est “la prière du juste” dont parle Jacques qui nous pousse à évoquer l’idée d’intégrité. Elle se manifeste dans la fidélité d’Elie, dans son attachement intact au Seigneur alors même que le roi entraînait le peuple loin de Dieu. L’intégrité est donc aussi un élément important dans l’exaucement de la prière. Rappelons-le, pour Jacques, c’est la prière du juste qui est exaucée.

Parler d’intégrité nous conduit à évoquer ce qui, en nous, peut faire obstacle à l’exaucement de nos prières. Or, un des principaux obstacles à l’exaucement, c’est notre péché. Il ne faut pas le nier. Si Dieu n’exauce pas notre prière, c’est peut-être parce que nous avons d’abord quelque chose à régler dans notre vie. Et que cette chose à régler est plus importante pour nous que l’objet de notre prière.

C’est aussi pour cela que Jacques parle dans notre texte de la confession et du pardon des péchés ! Dans la perspective de l’Evangile, est juste celui qui est pardonné… Le pardon de Dieu peut libérer des exaucements dans notre vie !

Et le non-exaucement d’une prière peut être un message de la part du Seigneur, pour nous inviter à nous demander s’il n’y a pas, dans notre vie, un obstacle à l’exaucement, une zone d’ombre à laisser éclairer par la lumière de Dieu, un péché à confesser.


Conclusion


Prier, être exaucé… ou pas ! C’est l’expérience de tout chrétien. Il n’y a pas de truc pour garantir l’exaucement. Ca n’est pas automatique. Dieu n’est pas obligé de répondre favorablement à notre prière, même si nous le lui demandons avec conviction. D’ailleurs, le non-exaucement peut être parfois la meilleure réponse à notre prière, parce que nous avons besoin d’autre chose.

Il n’y a pas de truc… mais il y a bien une promesse : “La prière fervente d'une personne juste a une grande efficacité.”

Grâce à elle, Jacques nous encourage à nous saisir de la prière, en toutes circonstances. Il nous invite à comprendre tout le potentiel que Dieu met dans la prière, par laquelle il nous associe à son oeuvre.

Mais il nous avertit aussi. Si nous voulons voir des exaucements dans notre vie, il y a quelques principes à respecter :

  • Ayons une prière fervente, persévérante, intense, dans laquelle on s’engage pleinement, avec conviction. Osons des prières audacieuses et ardentes !
  • Cherchons à être intègre et juste devant le Seigneur, en approfondissant notre communion avec Dieu. Ca nous évitera aussi de demander des choses qui ne sont pas selon le coeur de Dieu…

A chacun de voir sur lequel de ces principes il doit le plus travailler…


dimanche 22 septembre 2019

Christ est ma vie (2) Être transformé par le Christ

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Est-ce que vous êtes satisfait de ce que vous êtes ? Et si vous êtes croyant, est-ce que vous êtes le chrétien ou la chrétienne que vous rêvez d'être ? Sans doute pas... En tout cas, moi, je n'ai pas cette impression pour moi-même.

La semaine dernière nous nous sommes interrogés sur ce que cela impliquait d'être disciple du Christ : répondre à l'appel du Christ et choisir de le suivre, en s'efforçant chaque jour de discerner ce qu'il attend de nous. On a beau vouloir suivre le Christ, se laisser inspirer par son exemple, le prendre comme modèle... on n'y arrive pas toujours. Malgré toute notre bonne volonté, on est rapidement confronté à nos limites. Sans compter nos incohérences et parfois nos mauvais choix... Et c'est une source de frustration, de découragement voire de culpabilité.

On peut vite se dire qu'on n'est pas à la hauteur, qu'on ne progresse plus... bref, qu'on n'est pas un bon chrétien !

Or, on veut tous être quelqu'un de bien. Et si on est croyant, on veut être un bon chrétien... Mais qu'est-ce que c'est être quelqu'un de bien ? Qu'est-ce qu'un bon chrétien ? Comment va-t-on mesurer le fait d'être quelqu'un de bien ? Qui va nous dire si nous sommes un bon chrétien ?

Bien-sûr, il est légitime de se dire que notre marche à la suite du Christ va nous changer, qu'elle doit nous rendre, d'une certaine manière, meilleur... Parce que notre maître est le meilleur modèle qui soit ! Mais comment l'évaluer ? Et comment entrer, ou rester, dans une dynamique positive ? Comment peut-on être transformés par le Christ ?

Voyons ce qu'en dit l'apôtre Paul dans sa deuxième lettre aux Corinthiens :

2 Corinthiens 3.12-18
12 C'est parce que nous avons une telle espérance que nous faisons preuve d'une grande franchise. 13 Nous ne faisons pas comme Moïse, qui se couvrait le visage d'un voile pour empêcher les Israélites de fixer leur attention sur la disparition de l'éclat passager. 14 Mais ils ont refusé de comprendre ; en effet jusqu'à ce jour, ce même voile est présent quand ils lisent les livres de l'ancienne alliance. Il ne leur a pas été révélé que c'est à la lumière du Christ que ce voile disparaît. 15 Aujourd'hui encore, chaque fois qu'ils lisent les livres de Moïse, un voile recouvre leur intelligence. 16 Mais, comme il est écrit : «Lorsqu'on se tourne vers le Seigneur, le voile est enlevé.» 17 Or le Seigneur, ici, c'est l'Esprit ; et là où l'Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté. 18 Nous tous, le visage dévoilé, nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur, et nous passons d'une gloire à une gloire plus grande encore. Voilà en effet ce que réalise le Seigneur, qui est l'Esprit.

Les versets 12 et suivants proposent une lecture métaphorique d'un épisode de l'Ancien Testament. Moïse se tenait dans la présence même de Dieu, sur le mont Sinaï, et lorsqu'il redescendait, son visage rayonnait de la gloire de Dieu. Pour protéger les Israélites, qui n'étaient pas prêts à être ainsi confrontés à la gloire de Dieu, Moïse se voilait le visage. L'apôtre Paul y voit le symbole du voile qui recouvre les yeux de ses frères et soeurs Juifs, incapables de discerner en Jésus-Christ le Fils de Dieu. Mais grâce au Christ, le voile est levé. Et en lui un processus de transformation en profondeur peut s'enclencher en nous : "nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur".

Au coeur de ce processus de transformation, il y a la gloire de Dieu. Au premier abord, ça peut surprendre... Il convient donc de bien comprendre de quoi il s'agit.


La gloire de Dieu

Le terme hébreu utilisé dans la Bible et que l'on traduit par "gloire" dérive d'une racine qui évoque le poids. Dans le monde antique en particulier, le poids permettait de mesurer la valeur de quelque chose. La gloire de Dieu, c'est son "poids", sa valeur, son importance.

Quand la gloire de Dieu se manifeste, notamment dans des visions données à des prophètes, elle se manifeste toujours sous la forme d'un éclat éblouissant qui émane de Dieu. Dans la vision d'Esaïe (chapitre 6), par exemple, l'éclat de la gloire de Dieu est si vif que les séraphins eux-mêmes, ces êtres célestes qui vivent dans la présence même de Dieu, sont obligés de cacher constamment leurs yeux avec leurs ailes.

D'ailleurs, dans l'Ancien Testament, la gloire de Dieu inspirait la crainte voire la terreur. Il y avait une maxime qu'on répétait sans cesse : on ne peut pas voir Dieu et rester en vie !

Dans le Nouveau Testament, on trouve le terme grec doxa. Il évoque la valeur. Mais il est aussi utilisé pour évoquer l'éclat (par exemple d'un astre ou d'une lumière). Il s'applique naturellement à Dieu aussi.

La gloire de Dieu c'est donc sa valeur inestimable, c'est son éclat, sa perfection, sa sainteté. Elle nous est inaccessible, elle nous terrasse, nous qui sommes pécheurs.

"Nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur..."

Aujourd'hui pourtant, cette même gloire, nous pouvons la contempler. Qu'est-ce qui a changé ? La venue de Jésus-Christ !

"La Parole est devenue un homme et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire, la gloire qu'un Fils unique, plein du don de la vérité, reçoit du Père." (Jean 1.14)

Le Christ n'est pas un voile qui nous sépare de la gloire de Dieu, il est un filtre qui nous permet de la contempler. Un peu comme les lunettes spéciales qu'on doit chausser pour regarder une éclipse de soleil.

Pour Paul, ce nouvel accès, par le Christ, à la gloire de Dieu, change tout ! C'est la clé de notre transformation.

"Nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformés..."

C'est de la contemplation que naît la transformation ! Contempler, c'est s'exposer. C'est une démarche gratuite, d'ouverture, d'accueil. Il s'agit de puiser dans l'éclat de Dieu l'énergie qui nous fait grandir. Comme une plante a besoin de la lumière du soleil pour croître.

Il nous faut redécouvrir les vertus de la contemplation. Elle nous décentre de nous-mêmes, de nos soucis, nos craintes, nos culpabilités, nos frustrations, mais aussi nos exigences, nos revendications, nos mécontentements, nos égocentrismes... Elle nous tourne vers Dieu : c'est lui qui est vraiment important, le seul à avoir du poids. Et sa gloire, sa lumière, sa vie, nous transforme.

"Nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur..."

Il ne s'agit pas de nous améliorer par nos propres forces, de chercher à nous transformer nous-mêmes mais à nous laisser transformer par Dieu. C'est l'oeuvre de l'Esprit saint en nous. C'est même la raison pour laquelle l'Esprit saint vient habiter en nous.

Le Saint-Esprit qui habite en nous, c'est la sainteté de Dieu qui habite en nous. C'est sa gloire dans notre coeur. La proximité avec la gloire de Dieu, le Christ qui nous la révèle, voilà ce qui nous transforme. Comme Moïse était transfiguré en redescendant de la montagne.

"Nous passons d'une gloire à une gloire plus grande encore."

Le processus de transformation est enclenché, et il n'est pas censé s'arrêter... On passe d'une gloire à une gloire plus grande encore. Dieu prend de plus en plus de poids dans notre vie.

La transformation n'est certes pas linéaire. Elle est plus ou moins rapide, parfois elle semble un peu stagner, mais elle est réelle. C'est Dieu qui s'en charge !


Être transformé

En centrant son exhortation sur la contemplation de la gloire de Dieu en Christ, l'apôtre Paul ne nous dit pas de chercher à être quelqu'un de bien, à être un bon chrétien. Il nous invite à nous laisser transformer par Dieu, à travers le Christ, à le laisser prendre de plus en plus de poids dans notre vie.

Pourtant j'ai l'impression que nous sommes souvent préoccupés par le fait d'être quelqu'un de bien. Et parfois même, on peut avoir l'impression que notre but, en tant que croyant, est d'être un bon chrétien.

Si c'est le cas, nous faisons fausse route. Ou du moins, nous posons mal le problème. Parce que cela nous conduit à une logique de performance. C'est un mal de notre siècle, un conditionnement auquel il est difficile de se soustraire. On le voit aussi dans l'Eglise : on se compare aux autres, on n'est pas suffisamment ceci ou cela. Alors on est découragé parce qu'on n'est pas un bon chrétien, c'est-à-dire un chrétien performant, dans son témoignage, dans sa vie de piété, dans son engagement dans l'Eglise... Et là c'est vrai qu'on n'est jamais assez bon !

Dans cette optique, on risque de tomber aussi dans une vision utilitariste de l'Eglise : elle doit m'aider à devenir un bon chrétien. Elle doit me fournir des services qui contribuent à mon développement personnel, à ma croissance spirituelle, elle doit me faire me sentir bien dans ma vie de bon chrétien. Et le maître étalon, c'est moi...

Entendons l'appel de l'apôtre Paul à contempler la gloire de Dieu et nous laisser transformer par elle. Autrement dit, ce qu'il faut rechercher, ce n'est pas notre transformation mais c'est la gloire de Dieu.

Si ce que je recherche, c'est ma transformation pour devenir un bon chrétien, je risque de m'éloigner de la gloire de Dieu, en me centrant sur moi-même. Mais si je cherche à contempler, à m'exposer à la gloire de Dieu, alors elle me transformera. Dieu prendra de plus en plus de poids dans ma vie, et je changerai.

"Nous tous, le visage dévoilé, nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur, et nous passons d'une gloire à une gloire plus grande encore. Voilà en effet ce que réalise le Seigneur, qui est l'Esprit."

dimanche 15 septembre 2019

Christ est ma vie (1) Être disciple du Christ

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Nous commençons notre campagne de quatre semaines sur le thème "Christ est ma vie" en parlant du fait d'être disciple du Christ. Et ça tombe bien en ce dimanche de rentrée de l'Eglise ! Pourquoi ? Parce que, dans le Nouveau Testament, le mot « disciple » traduit le grec mathetes, c'est celui qui apprend. Le mot français « mathématique » vient de la même racine grecque. Un disciple, c'est donc un élève, un étudiant.

D'une certaine façon, on peut donc dire que ce matin, c'est notre rentrée de disciples !

Evidemment, les disciples au temps de Jésus n'étaient pas tout à fait comme les étudiants aujourd'hui... Pas de prépa, de concours ou de parcours sup ! Pas de week-end d'intégration, de carte étudiant ou de logement étudiant à trouver... 

Mais il y avait des enseignants. Ou plutôt il y avait en général un maître auquel le disciple s'attachait. C'est ce qu'ont fait les disciples dans les évangiles. C'est ce qu'on fait les premiers croyants du Nouveau Testament. Et c'est pour cette raison que les disciples de Jésus ont été appelés chrétiens. C'est le livre des Actes qui nous en parle : « C'est à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens. » (Ac 11.26) Ce ne sont pas les disciples qui ont choisi eux-mêmes de s'appeler chrétiens, c'est un nom qu'on leur a donné, peut-être même comme un sobriquet au début. Mais c'est un nom qui leur convenait bien et qui s'est imposé. Un disciple se définit par son maître :  un disciple de Christ (Christos) est un chrétien (christianos).

Mais qu'est-ce que cela implique d'être disciple de Jésus-Christ ? Voyons ce que Jésus lui-même en dit, dans l'évangile selon Matthieu :

Matthieu 16.24-28
24 Puis Jésus dit à ses disciples : «Si quelqu'un veut me suivre, qu'il s'abandonne lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive. 25 En effet, celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. 26 À quoi bon gagner le monde entier, si c'est au prix de sa vie ? Que donnerait-on en échange de sa vie ? 27 En effet, le Fils de l'homme va venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon la façon dont il aura agi. 28Je vous le déclare, c'est la vérité : quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront pas avant d'avoir vu le Fils de l'homme venir comme roi.»

Juste avant ces paroles de Jésus, Pierre avait publiquement confessé le Christ, reconnaissant en Jésus le Messie. Puis Jésus avait annoncé à ses disciples sa mort et sa résurrection... Une annonce que les disciples ont d'ailleurs du mal à comprendre, en particulier Pierre qui fait même des reproches à Jésus en lui disant que ça ne lui arrivera pas !

Probablement que pour Pierre, tout va bien. Jésus accomplit des miracles, les foules sont subjuguées par son enseignement. Que peut-il lui arriver ? Il est invincible... et ses disciples avec lui ! Sauf que Jésus n'est pas dupe et qu'il sait très bien comment les choses vont se terminer... alors il se doit de remettre les points sur les i pour ses disciples. Et leur rappeler à quoi ils se sont engagés.


Suivre Jésus

"Si quelqu'un veut me suivre..." Voilà, fondamentalement, ce qu'est un disciple : quelqu'un qui suit son maître. Jésus-Christ est notre maître, nous le suivons !

Cet appel à suivre le Christ, qui traverse les évangiles, nous invite à ne pas définir la foi chrétienne d'abord comme une appartenance à une religion, une adhésion à des articles de foi mais comme le choix de suivre Jésus-Christ. Quand je dis que je suis chrétien, je ne devrais pas être en train de dire : "je crois en ceci ou cela". Je devrais être en train de dire : "je suis Jésus, je m'efforce de suivre le Christ"

Suivre Jésus, c'est d'abord, un jour, répondre à son appel : "viens et suis-moi". On devient disciple de Jésus quand on se met en marche à sa suite. Et on le reste en continuant de marcher. Ça ne s'arrête jamais ! Le chemin est sans cesse renouvelé. La vie chrétienne n'est vraiment pas une vie de routine... et si on la vit comme ça, c'est de notre faute, pas de celle du Christ !

Suivre Jésus, c'est regarder à lui comme un guide, un exemple, un modèle. Concrètement, c'est se poser la fameuse question : "Que ferait Jésus à ma place ?" Je n'ai pas toujours trouvé cette question très pertinente... Je me disais que c'était un peu simpliste, que ça ressemblait trop à une formule, une méthode trop mécanique. Et puis j'ai changé d'avis. Et aujourd'hui je me dis qu'il n'y a probablement pas de meilleure question à se poser en tant que disciple de Jésus.

"Que ferait Jésus à ma place ?" Une telle question implique bien plus que des réponses toutes faites, qu'une soumission servile à une liste d'interdits et d'obligations, elle ne trouve pas la réponse dans un verset biblique miracle qu'il suffirait de citer. Pour répondre correctement à cette question, il faut apprendre à connaître Jésus tel qu'il nous est présenté dans les évangiles : ce qu'il a dit, ce qu'il a fait, la façon dont il a réagi dans telle ou telle situation, ce qui était vraiment important pour lui... Et il nous faut approfondir notre relation avec lui, aujourd'hui, dans la prière. C'est cela, suivre Jésus !

Un disciple du Christ, c'est donc celui ou celle qui choisit un jour de répondre à l'appel du Christ : "Viens et suis-moi !", et qui chaque jour se demande : "que ferait Jésus à ma place ?"


Payer le coût 

Mais Jésus ne cache pas qu'il y a un coût à payer pour le suivre... Il n'est pas en train de dire que la vie de disciple est un long fleuve tranquille, un chemin bordé de roses sans épine. L'Evangile n'est pas une publicité mensongère !

Mais avouons que les paroles de Jésus dans notre texte ne sont pas agréables à entendre. On peut même les trouver choquantes ! "Si quelqu'un veut me suivre, qu'il s'abandonne lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive."  S'abandonner soi-même, prendre sa croix... qui a envie de le suivre dans ces conditions ?

S'abandonner soi-même

L'expression est souvent traduite par "se renier soi-même", et c'est bien ce que le verbe grec signifie. Il s'agit de s'effacer derrière le Christ, de lui donner la priorité, la première place dans notre vie. Le Christ passe d'abord... et je passe ensuite, parce que je le suis ! Je ne choisis par d'emmener le Christ avec moi, de l'intégrer dans ma vie, c'est lui qui m'emmène avec lui.

C'est à lui que revient la première place dans la vie d'un disciple du Christ. Florence a bien montré la semaine dernière les implications pour nous de donner la priorité au Christ, et que cela ne se fait pas au détriment des autres, bien au contaire. Je vous invite à relire sa prédication !

Prendre sa croix

Je vais donc me concentrer un peu plus sur la deuxième expression, qui n'est pas moins choquante. Elle se réfère au supplice de la crucifixion, qui était courant au temps de l'empire romain. Or celui qui allait être crucifié portait lui-même sa croix, du moins le poteau transversal de celle-ci. De plus, la crucifixion était une mort infamante. Elle était réservée d'abord aux esclaves, puis aux brigands, et n'était pratiquement jamais pratiquée pour les citoyens romains, sinon dans des cas exceptionnellement graves, à titre d'humiliation.

Bref, on ne peut pas dire que la perspective soit enthousiasmante ! Mais entendre cet appel de Jésus me fait toujours penser à ces chrétiens pour qui devenir disciple du Christ impliquait une mort quasi-certaine, en martyr. Et c'est encore vrai aujourd'hui, dans certains pays où les chrétiens sont persécutés à cause de leur foi. Dans notre contexte, ces paroles résonnent différemment... Mais elles demeurent. Suivre le Christ a un coût, qui peut impliquer certaines souffrances.

Les disciples ne pouvaient sans doute pas percevoir toute la portée des paroles de Jésus. Et ils ne pouvaient certainement pas comprendre ce qu'il a dit ensuite : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. » Mais nous qui savons par quel chemin le Christ est passé, nous pouvons le comprendre. Cette croix dont Jésus parle, il l'a lui-même portée. Il a été crucifié. Suivre Jésus c'est aussi emprunter le même chemin que lui, porter sa croix c'est aussi suivre le Christ crucifié.

Mais à la lumière du récit de la Passion, nous pouvons affirmer :

  • Que la croix ne sera pas la fin de l'histoire de Jésus. Il est ressuscité. Il l'annonce d'ailleurs juste avant notre texte. Les épreuves et les souffrances que nous pouvons connaître en tant que disciple du Christ, les croix que nous pouvons porter, ne sont jamais le dernier mot de notre histoire. Notre espérance triomphe même de la mort !
  • Que la croix que nous portons, Jésus la porte avec nous... c'est pour cela qu'il a promis à ses disciples de leur envoyer "un autre consolateur", le Saint-Esprit, Dieu qui vient habiter en nous. C'est un peu comme Simon de Cyrène, dans le récit de la Passion, qui a porté la croix de Jésus alors qu'il n'avait plus la force de le faire. Jésus-Christ, par son Esprit, fait de même pour nous. Nous ne sommes jamais seuls dans nos épreuves et nos souffrances. Il les porte avec nous. 


Conclusion

Être disciple du Christ, c'est un choix ! Et vous pouvez très bien choisir de ne pas suivre le Christ. D'ailleurs Jésus dit : "si quelqu'un veut me suivre". Chacun fait ce qu'il veut... Mais si vous choisissez de suivre le Christ, alors vous devez savoir à quoi ça vous engage.

Et, il faut le dire, suivre le Christ a un coût. Un vrai coût, qui implique un renoncement. Mais y a-t-il un seul choix important dans la vie qui n'implique aucun renoncement ? Choisir c'est aussi toujours renoncer à ce qu'on ne choisit pas !

Et choisir de suivre le Christ, c'est choisir la vie. C'est choisir comme maître celui qui est mort et ressuscité, et qui nous fait connaître Celui qui est la source de toute vie. Ça en vaut vraiment la peine !

dimanche 25 août 2019

Les prières les plus courtes peuvent être les meilleures !

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Je vous propose de commencer par un petit quiz...

Connaissez-vous le verset le plus court de la Bible ?
Jean 11.35 : « Jésus pleura »

Et le plus long ?
Esther 8.9 : « Le même jour, le troisième mois, ou mois de Sivan, le 23 du mois, on réunit les secrétaires du roi. Selon les ordres de Mardochée, ils écrivent des lettres. Ils les envoient aux Juifs, aux représentants du roi, aux gouverneurs et aux fonctionnaires importants des 127 provinces du royaume, qui s'étend de l'Inde jusqu'à l'Éthiopie. Ils écrivent ces lettres avec l'écriture des habitants de chaque province et dans la langue de chaque peuple. Ils les écrivent aussi dans la langue des Juifs avec leur écriture. »

Certes, la numérotation en chapitres et versets est un ajout tardif dans la Bible, des repères qui ont été intégrés dans le texte biblique pour nous aider à nous repérer. Mais il y a bien dans la Bible des livres plus ou moins longs... Ainsi par exemple quel est le prophète dont le livre est le plus long ? Esaïe, avec 66 chapitres. Et le plus court ? Abdias, un seul chapitre qui tient sur une page de la Bible.

Au-delà du quiz, cela témoigne de la diversité de la Bible, c'est une indice de sa richesse. Elle contient aussi bien une longue épître en forme d'exposé théologique structuré et complet comme l'épître aux Romains, ou l'épître aux Hébreux, qu'une petite lettre personnelle de quelques lignes adressée à un certain Philémon à propos d'un de ses ex-esclaves devenu chrétien.

La même diversité se retrouve dans les Psaumes. Quel est le psaume le plus long ? Le psaume 119 avec ses 176 versets. Il faut près d'un quart d'heure pour le lire en entier à haute voix ! C'est un psaume très structuré : ce qu'on appelle un psaume alphabétique (chaque strophe de 8 versets commence par la même lettre de l'alphabet). Il décline toutes les facettes de la richesse de la Parole de Dieu. C'est une belle façon de dire qu'on ne fait jamais le tour de cette Parole, et que de nouvelles richesses se révèlent toujours à nous.

Et puis quel est le psaume le plus court ? Le psaume 117. Il ne fait que deux versets... C'est sur celui-là que je vous propose de nous arrêter ce matin :

1 Pays du monde entier, chantez la louange du SEIGNEUR !
Tous les peuples, chantez la grandeur de Dieu !
2 Oui, son amour envers nous est le plus fort.
La fidélité du SEIGNEUR est pour toujours.
Chantez la louange du SEIGNEUR !



De la longueur des prières...  


Un psaume, c'est d'abord une prière. Et dans le recueil des 150 psaumes de la Bible, on y trouve des prières de toutes sortes, abordant des sujets nombreux, avec une grande variété de couleurs et de tons utilisés, et une longueur très variable. C'est d'une richesse incroyable.

Une première leçon que l'on peut tirer de la présence d'un psaume si court dans la Bible est que les prières les plus courtes peuvent aussi être les meilleures... En tout cas, qu'il n'y a pas besoin de longues prières compliquées pour qu'elles soient entendues par Dieu, que ce soit dans la prière communautaire ou dans la prière personnelle.

Il faut le reconnaître : certaines personnes ont un don pour la prière communautaire. Leur prière à haute voix est une source d'encouragement et d'édification. C'est une vraie richesse pour une Eglise !

Mais je ne pense pas forcément ici à ceux qui utilisent les mots les plus compliqués ou qui citent le plus de versets bibliques dans leurs prières ! D'ailleurs, on est en droit de se demander, parfois, pour qui certaines personnes prient. Par qui veulent-ils être entendu ? C'est ce que Jésus dénonce quand il parle des hypocrites qui prient dans les synagogues ou au coin des rues pour que tout le monde les voie (cf. Matthieu 6.5).

On dit parfois de certaines personnes qu'elles s'écoutent parler. Eh bien je crois qu'il y a aussi le risque, pour certains croyants, de s'écouter prier... et de vouloir que les autres les écoute.

Sans compter qu'il y a parfois des croyants qui, dans leurs prières publiques, déballent leur vie privée ou, pire, règlent leurs comptes avec des gens présents autour d'eux (j'en ai déjà entendu)...

Mais heureusement, à l'inverse, il y a aussi des prières toutes simples, très courtes, parfois même constituées d'une seule phrase, mais qui vont droit au cœur... Elles sont humbles, authentiques, profondes. Et Dieu prend plaisir à de telles prières. Bien plus qu'à celles de ceux qui s'écoutent prier...

Alors oui, pas de doute : les prières les plus courtes peuvent parfois être les meilleures...


Pour une prière universelle


Si on s'arrête maintenant au contenu du Psaume 117, on constate qu'il est comme un condensé de psaume, centré sur la louange. Il va à l'essentiel.

Le Psaume commence par une invitation universelle, adressée aux pays du monde entier et à tous les peuples, une invitation à louer le Seigneur. On se situe ici entre la promesse universelle faite à Abraham et la promesse de la vision de Jean dans l'Apocalypse :

Genèse 12.3
A travers toi, je bénirai toutes les familles de la terre. 

Apocalypse 7.9
Je vois une très grande foule : ce sont des gens de tous les pays, de toutes les tribus, de tous les peuples et de toutes les langues. Personne ne peut les compter. Ils sont debout devant le siège du roi et devant l'Agneau. Ils portent des vêtements blancs et ils tiennent une palme à la main.

Ce petit psaume nous invite à travailler la dimension universelle de notre prière ! Même s'il est légitime d'adresser des demandes personnelles à Dieu dans la prière, il nous faut aussi sortir d'une prière égocentrée, où on ne prie que pour soi, pour ses problèmes, ses besoins, ses attentes.

La prière doit nous ouvrir sur les autres, sur le monde. C'est Karl Barth, le célèbre théologien suisse, qui disait que pour le croyant « la journée doit commencer avec une Bible dans une main et le journal dans l'autre. » Voilà qui devrait inspirer notre prière et lui donner un véritable caractère universel. Notre prière doit se nourrir de la Bible et du journal (ou de votre tablette). Il faut qu'elle cultive une dimension universelle. Et ça doit être vrai autant de la prière personnelle que de la prière communautaire.

Alors peut-être aurons-nous à faire un effort, pour décentrer un peu notre prière, pour plus l'ouvrir sur le monde. En sachant que le monde commence avec notre prochain, notre voisin...


Compter sur l'amour et la fidélité de Dieu


Le verset 2 évoque la raison principale de la louange, résumée en deux mots complémentaires appliqués à Dieu : l'amour et la fidélité.

Le psalmiste l'affirme : « Oui, son amour envers nous est le plus fort. ». Le verbe utilisé ici se trouve ailleurs dans la Bible. Par exemple, dans une bataille, il désigne le camp qui prend le dessus sur l'autre : « Quand Moïse lève son bras, les Israélites sont les plus forts. Mais quand il le laisse retomber, les Amalécites sont les plus forts. » (Exode 17.11). Le même verbe évoque les eaux du Déluge qui dépassent les plus hautes montagnes (cf. Genèse 7.18-20)

Notre psaume affirme que l'amour de Dieu nous dépasse, qu'il est le plus fort. L'expression évoque une situation de conflit ou de lutte. Car il y a de nombreuses forces dans notre vie qui essayent de contrecarrer l'amour de Dieu. Mais l'amour de Dieu est plus fort. Plus fort que nos adversaires. Plus fort que nos tentations et nos épreuves. Plus fort que nous-mêmes et nos faiblesses.

Quant à la fidélité de Dieu, elle est pour toujours. Elle n'est pas conditionnelle, limitée dans le temps ou incertaine. On peut compter sur elle.

On pourrait se demander si ce message n'est pas idéaliste, peu conforme à la réalité. Car parfois, l'épreuve semble nous submerger, notre foi vacille, le mal semble triompher, la réponse de Dieu semble tarder et son silence s'installer durablement...


Mais justement, ce psaume nous invite à percevoir l'amour de Dieu comme un combat, et mesurer la fidélité de Dieu à l'aune de l'éternité. La prière est le lieu de ce combat. On y apprend la patience et la persévérance. Et on peut y expérimenter cette espérance : oui, l'amour de Dieu est le plus fort !


Conclusion


Finalement, que nous apprend ce psaume sur la prière ?

  • Que ce n'est pas la longueur ou la complexité de la prière qui en fait sa valeur. 
  • Qu'elle doit nous ouvrir sur le monde, à une dimension universelle
  • Qu'elle est le lieu où on expérimente que l'amour de Dieu est le plus fort et où on apprend la patience et la persévérance. 

C'est quand même pas mal pour un psaume qui ne fait que deux versets !