dimanche 29 décembre 2013

Une vraie bonne résolution

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Lecture biblique : Colossiens 3.12-17

Avez-vous pris des bonnes résolutions pour la nouvelle année ? Arrêter de fumer, faire du sport, commencer un régime, arrêter les régimes...

Si vous êtes en panne de bonne résolution, ce texte est peut-être pour vous !

Nous avons dans ces versets toute une série d'exhortations, qui concernent en particulier nos relations appelées à être marquées par l'amour, le pardon, la paix, une exhortation à laisser toute sa place à la parole du Christ dans notre vie. Il y aurait beaucoup à dire sur chacune d'entre elles mais c'est en particulier la dernière, qui à elle seule résume l'intention globale, qui a retenu mon attention :
17 « Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en remerciant par lui Dieu le Père. »


Tout, absolument tout

Le texte original, en grec, insiste sur le « tout ». Littéralement : « Tout, quoi que vous fassiez, en paroles ou en actions, (faites) tout au nom du Seigneur Jésus, rendant grâce à Dieu le Père par lui. »

Et encore, le deuxième verbe « faire » de la phrase est sous-entendu, si bien qu'on pourrait aussi le comprendre non à l'impératif mais à l'indicatif : « Tout ce que vous pouvez dire ou faire, vous le faites au nom du Seigneur Jésus... » Qu'on le veuille ou non, c'est le cas ! C'est ainsi que le Seigneur le voit, c'est aussi ainsi que les autres, ceux qui nous entourent, le voient souvent....

Tout, absolument tout doit être fait au nom du Seigneur. Aucune parole, aucun acte, aucun domaine de notre vie, ne peut être considéré comme n'étant pas concerné. On ne peut pas dire : dans ce domaine-là, avec ces personnes-là ou à ces moments-là, ma foi n'intervient pas et je n'agis pas au nom du Seigneur Jésus. Tout, quoi que vous fassiez, est concerné. Rien n'y échappe. Ce n'est pas seulement notre pratique religieuse ou notre piété personnelle qui est concerné mais tout, paroles ou actions.

Le Nouveau Testament regorge de textes avec cette intention. A commencer par Jésus qui appelle ses disciples à renoncer à tout pour le suivre : « Si quelqu'un veut venir avec moi, il ne doit plus penser à lui-même. Il doit porter sa croix et me suivre. » (Mt 16.24). L'apôtre Paul, ailleurs que dans notre texte, a la même exigence : « Offrez-lui votre personne et votre vie, c'est le sacrifice réservé à Dieu et qui lui plaît. Voilà le vrai culte que vous devez lui rendre. » (Rm 12.1)

Tout, absolument tout dans notre vie, participe à cette vocation de disciple du Christ. Mais attention : ça ne fait pas de nous des petits saints, avec une vie austère, qui passent leur temps à prier, lire la Bible et chanter des cantiques. Ce ne sont pas les seules choses que nous puissions faire au nom de Jésus-Christ ! Loin de là...

L'idée principale est que rien dans notre vie n'est en dehors de la sphère de notre foi. Tout la concerne : notre piété, notre famille, notre travail, nos loisirs...


Tout faire au nom du Seigneur Jésus

Venons-en justement à ce que signifie « tout faire au nom du Seigneur Jésus ». En commençant d'abord peut-être et disant ce que ça ne signifie pas !

Il ne s'agit pas, en effet, de « mettre Jésus à toutes les sauces », de ponctuer toutes nos phrases par des formules devenues creuses (« Dieu voulant... »), ou pire des formules teintées de superstition... comme si le « nom de Jésus » avait des vertus magiques.

Il ne s'agit pas non plus de chercher toujours un verset biblique pour justifier toutes nos décisions et nos paroles. Ou d'être constamment dans le stress de se demander si chacune de nos décisions, même les plus banales, sont vraiment conformes à la volonté du Seigneur, à son plan tracé pour nous ! Ou de s'interroger à tout bout de champ : « qu'est-ce que Jésus ferait à ma place ? »

Il ne s'agit pas plus de croire que toute notre vie ne doit être faite que de prière, de lecture de la Bible, d'évangélisation, etc... Ce n'est certainement pas le modèle que Jésus nous a laissé dans les évangiles.

Finalement, il s'agit avant tout d'une nécessaire prise de conscience. On l'a déjà dit, ce verset peut être traduit par un impératif ou un indicatif. Qu'on le veuille ou non, tout ce qu'on dit et fait nous engage en tant que disciple du Christ. Notez bien la formulation : il ne s'agit pas seulement de tout faire « au nom de Jésus » mais de tout faire « au nom du Seigneur Jésus ». La nuance a son importance. Tout ce que nous faisons témoigne de la façon dont Jésus est, ou non, notre Seigneur. Et là, bien-sûr, cet impératif est compris différemment selon la vision que vous avez de Jésus !

Si vous voyez en lui un maître intraitable, surveillant vos faits et gestes et cherchant toujours l'erreur ou l'imperfection à corriger, alors vous serez un chrétien stressé, préoccupé par une vie qui ne sera jamais à la hauteur...

Mais si vous voyez en lui un maître, certes exigeant mais pour nous faire avancer, un maître qui se fait aussi compagnon de route, patient et bienveillant, plein de compassion, alors la réalité sera toute autre. Elle sera une invitation à vivre pleinement, dans notre quotidien, la communion avec le Christ vivant.

L'exhortation s'accompagne d'une promesse. Si nous pouvons tout dire et tout faire en son nom, c'est parce qu'il nous a envoyé et qu'il nous a promis d'être là avec nous. Si tout ce que nous faisons, nous le faisons au nom du Seigneur Jésus, alors c'est qu'il sera toujours là, avec nous, dans tout ce que nous faisons.

La bonne résolution s'accompagne donc d'une promesse pour la nouvelle année...


Tout faire en rendant grâce à Dieu

Une dernière remarque mérite encore d'être faite. La fin de notre verset précise qu'il s'agit de tout faire au nom du Seigneur Jésus « en remerciant par lui Dieu le Père. »

Voilà qui souligne encore que ce dont il est question avant tout ici, c'est d'une attitude de coeur. L'état d'esprit que le Seigneur attend d'abord de nous est la reconnaissance. On est loin de la peur d'un Dieu inquisiteur, du stress de savoir si chacun de nos actes ou de nos paroles seront en tout point conformes à la volonté de Dieu... On est dans la confiance et la paix devant un Dieu qui veut notre bien et duquel nous recevons toutes choses. Et si on reçoit toutes choses dans notre vie comme des dons de Dieu, alors nos paroles et nos actes témoigneront de notre appartenance à Jésus-Christ. Parce que nous serons dans une juste et saine relation avec notre Dieu.

Tout faire en rendant grâce à Dieu ce n'est pas tout faire en craignant de se tromper, en ayant peur de déplaire à Dieu ou de s'écarter de sa volonté. C'est tout faire dans la confiance en un Dieu bienveillant. C'est considérer notre vie comme une façon de répondre, concrètement, à la grâce de Dieu manifestée envers nous. C'est faire de notre vie un grand merci à l'amour de Dieu.


Conclusion

« Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en remerciant par lui Dieu le Père. »

Une bonne résolution et une promesse pour le même prix, c'est bon à prendre ! Or, c'est bien ce qu'est ce texte.

Bonne résolution : il peut traduire notre désir de glorifier Dieu, par nos paroles et nos actes, en agissant au nom du Seigneur Jésus, dans un esprit de reconnaissance. Promesse : de la part de celui qui nous envoie en son nom, il sera avec nous, pour que nous puissions agir en son nom.

dimanche 15 décembre 2013

Deux métaphores pour une espérance

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Lecture biblique : Esaïe 35.1-10

Quel beau texte ! Un poème qui chante l'espérance. Certes, il s'adresse à un peuple exilé et promet le retour dans leur pays. Mais il va bien au-delà. Ce poème nous est donné pour nous encourager (v.3-4) :

Redonnez de la force aux bras fatigués,
rendez plus solides les genoux tremblants.
Dites à ceux qui perdent courage :
« Soyez forts ! N'ayez pas peur !
Voici votre Dieu.
Il vient vous venger
et rendre à vos ennemis
le mal qu'ils vous ont fait,
il vient lui-même vous sauver. »

D'ailleurs Jésus lui-même a fait référence à ce texte pour encourager Jean-Baptiste alors qu'il était en prison et qu'il se demandait si Jésus était bien le Messie qui devait venir.

Laissons-nous donc encourager ce matin par ce beau texte d'espérance ! Explorons les deux métaphores qui y sont développées : celle du désert qui refleurit et celle du chemin.


Un désert qui refleurit

La sonde américaine Curiosity a découvert à la surface de Mars des preuves directes d'un ancien lac d'eau douce. On a déjà cherché vainement de l'eau sur la Lune. Depuis des années on en cherche sur Mars. Pourquoi ? Parce qu'en cherchant de l'eau, on espère trouver des traces de vie. Là où il y a de l'eau, il pourrait y avoir de la vie.

Dans la Bible aussi, l'eau et la vie sont étroitement liées, dès les premières pages de la Genèse (les eaux primitives, le fleuve qui irrigue le jardin d'Eden...) jusqu'aux dernières de l'Apocalypse (retour du fleuve de la vie dans la Nouvelle Jérusalem), en passant par les paroles de Jésus (« Celui qui boit l'eau que je lui donnerai, il n'aura plus jamais soif. Au contraire, l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source, et cette source donne la vie avec Dieu pour toujours. » - Jn 4.14).

Et il en est de même dans notre texte. Si le désert se couvre de fleurs, c'est parce que le pays desséché est à nouveau irrigué (v.6-7) :

De l'eau jaillira dans le désert,
des fleuves couleront dans la terre sèche.
Le sable brûlant se changera en lac,
la terre de la soif deviendra une région de sources.
À l'endroit où les chacals habitaient,
le roseau et le
 papyrus pousseront.

Or, l'eau, dans notre texte, ne se contente pas de donner la vie, elle redonne vie à ce qui était mort. Elle n'est pas seulement symbole de vie, elle est symbole de renaissance, de résurrection. Voilà pourquoi notre texte ne parle pas de naissance mais de guérison (v.5-6) :

Alors les yeux des aveugles verront clair,
les oreilles des sourds entendront.
Les boiteux bondiront comme des gazelles,
et la bouche des muets s'ouvrira pour exprime
r leur joie.

Cette espérance de vie, de restauration, de résurrection, a évidemment connu un accomplissement partiel lors du retour de l'exil. Mais comment ne pas y avoir un plein accomplissement avec la venue de Jésus-Christ ? Cette eau qui donne la vie, c'est lui qui l'a apportée. C'est lui qui a guéri des aveugles, des sourds, des boiteux et des muets. La puissance de vie s'est manifestée dans toute sa gloire au jour de sa résurrection.

Notre espérance de vie et de résurrection, elle est bien dans le Christ. Une espérance qui nous aide à traverser les déserts de nos vies, à supporter nos souffrances et nos blessures. Un jour, aussi, le désert de nos vies refleurira !


Un chemin vers Dieu

L'autre métaphore développée dans notre texte d'espérance est celle du chemin : « Il y aura là une route qu'on appellera 'le chemin de Dieu' » (v.8). Son nom est, littéralement : « La voie sacrée », c'est à dire le chemin qui appartient à Dieu. C'est donc un chemin privé ! D'où la précision (v.8) :

Aucune personne impure n'y passera,
Il sera réservé au peuple du SEIGNEUR.

Tout le monde ne peut pas l'emprunter. Il faut appartenir au peuple du Seigneur. Mais pour celui qui l'emprunte, c'est un chemin sûr, sur lequel on peu marcher en sécurité. On n'y rencontre ni lion ni bête sauvage.

Enfin, ce chemin conduit à Sion, mont sur lequel le temple était construit. C'est donc un chemin qui conduit à Dieu. Et sur lequel on marche dans la joie. Voilà qui rappelle les cantiques des montées, ces psaumes chantés par les pèlerins qui montaient au temple à Jérusalem.

La perspective est bien celle d'une reconstruction du temple. Pour le peuple de Juda exilé, ce chemin est donc la promesse d'un retour dans le pays mais c'est aussi un appel à un retour à Dieu. Un appel auquel il convient de répondre dès maintenant, sans attendre le retour de l'exil.

C'est là que ce texte garde toute sa pertinence pour nous. D'autant que sa perspective va au-delà du contexte du prophète. Cette joie absolue, une joie plus jamais assombrie par le chagrin et la souffrance, nous oriente vers un autre accomplissement. Ce chemin d'Esaïe rappelle la vision de la Nouvelle Jérusalem, à la fin de l'Apocalypse, où les portes de la ville sont constamment ouvertes, où les peuples apportent leurs richesses et où « rien d'impur ne pourra entrer dans cette ville » (Ap 22.27). Une ville où il n'y aura plus de malédiction, plus ni deuil, ni cris, ni souffrance...

Ce chemin décrit par Esaïe, pour nous, c'est le chemin du salut. Celui qui donne sens à notre vie, qui nous mène jusqu'à Dieu et nous procure une joie que rien ne peut ôter. Notre salut est un chemin. Ce n'est pas juste un ticket d'entrée pour le ciel qu'on devra présenter après notre mort pour accéder au paradis ! Notre salut est un chemin sur lequel nous marchons dès aujourd'hui.

Ce chemin a un nom : Jésus-Christ. Il l'a dit lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. » (Jn 14.6) Cette « voie sacrée », c'est celle que Jésus a empruntée pour nous en mourant sur la croix. Et sa résurrection nous ouvre les portes de la présence de Dieu. Marcher sur ce chemin dès aujourd'hui, c'est vivre en communion avec Jésus-Christ.


Conclusion

Un désert qui refleurit et un chemin qui mène à Dieu. Une espérance de vie et une espérance qui donne sens à notre vie. Voilà ce qu'annonce ce beau texte d'Esaïe. Sa portée va bien au-delà du retour de l'exil pour le peuple de Juda, même s'il y fait bien référence.

C'est un texte que nous pouvons nous approprier, à la lumière de la personne et de l’œuvre de Jésus-Christ. C'est lui la source qui dispense l'eau de la vie. C'est lui le chemin qui mène à Dieu. C'est dans la foi et la communion avec le Christ vivant que nous pouvons vivre l'espérance. Non pas demain seulement, mais dès aujourd'hui !

dimanche 1 décembre 2013

La paix dans le monde ? Et pourquoi pas !


Lecture biblique : Esaie 2.1-5

A la première lecture, ça semble trop beau pour être vrai... L'amour, la paix universelle ! Ça ressemble presque à un discours d'élection de Miss France qui souhaite « la paix dans le monde » !

En réalité ce texte est bien plus profond que cela. Certes, il parle de paix. Mais en quels termes ? Et de quelle paix parle-t-il ?

Il faut bien-sûr se replacer dans le contexte d'Esaïe : la région est à feu et à sang, la menace assyrienne, puissance redoutable à la soif d'expansion intarissable est aux portes du pays. Que faire pour se protéger ? Trouver une alliance ? Attendre les bras croisés, résignés ?

La guerre semble inéluctable. Le peuple s'apprête à vivre des jours sombres...

De plus, le contexte social et spirituel du peuple n'est pas au beau fixe non plus. La majeure partie du discours du prophète, dans les premiers chapitres, est de dénoncer l'idolâtrie et l'injustice qui règnent dans le peuple.

Et là, après un premier chapitre sévère mais réaliste sur l'état spirituel du peuple, et avant un nouveau long discours dénonçant les mêmes travers, interviennent ces quelques versets. Comme un havre de paix au milieu de la tourmente. Une promesse qui concerne l'avenir, sans savoir précisément quand : « Un jour, dans l'avenir... » (« Dans la suite des temps... » - NBS). L'espérance que grâce à l'intervention du Seigneur, la paix sera instaurée sur toute la terre.

Mais c'est le verset 4 qui a retenu particulièrement mon attention dans ce chapitre, notamment avec ses métaphores étonnantes de la paix. Un verset d'une grande profondeur qui nous aide à comprendre ce que doit être la paix, et pas seulement pour les peuples d'Israël et de Juda au temps d'Esaïe !


Pas de paix sans un Dieu de paix

Une idée au coeur de ce texte est qu'il ne peut pas y avoir de véritable paix sans l'intervention de Dieu. C'est évidemment la vision d'un croyant, celle d'un prophète du Seigneur... Mais pour nous, c'est incontournable. Et même, pour utiliser le langage du Nouveau Testament, il ne peut pas y avoir de paix sans l'établissement du règne de Dieu. Jamais l'humanité, livrée à elle-même, ne parviendra à établir la paix sur terre.

Il y a certes une pointe polémique dans les premiers versets du chapitre où la montagne du temple du Seigneur s'élève au-dessus des autres montagnes. C'est une affirmation de la suprématie du Seigneur par rapport aux autres dieux, dont les sanctuaires étaient traditionnellement établis sur des collines et des montagnes. Ces dieux des peuples environnants, y compris les Assyriens, ces dieux que le peuple d'Israël avait laissé pénétré dans leur pratique idolâtre.

La montage du temple du Seigneur plus haute que les autres montagnes, c'est l'établissement du règne de Dieu, qui se traduit aussi par la reconnaissance universelle de son autorité : tous les peuples se rendent auprès de lui pour entendre son enseignement et recevoir sa justice.

Mais dans notre fameux verset 4, lorsque la justice de Dieu est évoquée, ce n'est pas du tout une justice terrible et punitive, une vengeance face aux ennemis. C'est une justice pacifiée et pacificatrice. Le Seigneur n'y apparaît pas comme un justicier mais comme un arbitre !

N'est-on pas ici dans la lignée de la justice de Dieu telle qu'elle nous sera pleinement révélée dans le Nouveau Testament, à travers la personne et l’œuvre de Jésus-Christ ? Non pas une justice selon la loi du talion (oeil pour oeil, dent pour dent) mais selon la loi de l'amour. Non pas une justice implacable et froide, mais une justice pleine de grâce. Le but de la justice de Dieu, ce n'est pas la punition mais la restauration ! Une justice qui apporte la paix.

Le temps de l'Avent qui commence aujourd'hui nous conduira jusqu'à Noël, la naissance de Jésus-Christ. Une naissance annoncée par les anges comme une source de paix pour tous les hommes : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre paix à ceux que Dieu aime ! » (Luc 2.14)


La paix n'est pas seulement l'absence de conflit

Venons-en maintenant à ce que les métaphores du verset 4 nous apprennent sur la paix que Dieu veut apporter.

Avec leurs épées,
ils fabriqueront des socs de charrue,
avec leurs lances,
ils feront des faucilles.
Un pays n'attaquera plus un autre pays,
les hommes ne s'ent
raîneront plus pour la guerre.

Les métaphores évoquent le fait que les soldats redeviennent cultivateurs. Plus besoin d'épées ou de lances, il faut maintenant des charrues et des faucilles. Les projets de guerre n'existent même plus. Non seulement, on n'a plus besoin d'épée et de lance, mais on ne s'entraîne plus pour la guerre. Plus d'arme, plus d'armée, plus de service militaire...

Il n'y a plus ni animosité ni peur entre les peuples ! On ne parle plus de force de dissuasion, plus personne ne dit « si tu veux la paix, prépare la guerre », on n'a même plus besoin d'envisager la légitime défense. Chacun y trouve son compte, paisiblement, Dieu étant devenu l'arbitre entre les peuples.

Vous aurez remarqué d'ailleurs que dans les paroles d'Esaïe, la perspective de paix qu'il décrit n'est pas celle issue d'une victoire sur ses ennemis mais d'une réconciliation de tous les peuples convergeant vers le Seigneur.

La perspective ultime d'amitié entre les peuples qui transparaît dans de nombreux écrits bibliques devrait nous mettre en garde de façon absolue contre toute tentation de racisme ou de communautarisme !

Mais remarquez un détail qui a son importance : dans les paroles d'Esaïe, il ne s'agit pas seulement de détruire les armes mais de les recycler en instruments agricoles. La paix n'est pas seulement l'absence de guerre, c'est aussi un travail pacifique, un travail de reconstruction. Il ne suffit pas de faire la paix, il faut la cultiver !

Et cela est vrai aussi dans nos relations : la paix ce n'est pas seulement l'absence de conflit ! Faire la paix, se réconcilier avec quelqu'un, ce n'est pas seulement enterrer la hache de guerre. C'est transformer cette hache en outil pour reconstruire une relation, un projet commun.

Et ici, la belle expression utilisée parfois, « artisan de paix », prend toute sa dimension. La paix, y compris dans nos relations, se construit, se façonne et se cultive.

Comment, dans nos relations, dans notre famille, dans l’Église, cultivons-nous la paix ? Est-ce que nous nous contentons d'éviter le conflit ? Est-ce que nous nous suffisons d'enterrer la hache de guerre, tout en gardant de la rancune voire de la haine ? Ou nous efforçons-nous d'être de véritable artisans de paix ?


Conclusion

Loin d'être une utopie doucereuse, cette prophétie d'Esaïe est une promesse qui continue à nous être adressée. Nous ne sommes plus dans le contexte des contemporains d'Esaïe, mais n'aspirons-nous pas aussi à la paix ?

Le projet ambitieux de Dieu pour une paix s'étendant à tous les peuples doit avoir un écho et des conséquences concrètes dans nos vies. Si le règne de Dieu apportera la paix universelle, comment nous qui prétendons être citoyens du Royaume de Dieu pourrions-nous ne pas être artisans de paix dans notre quotidien ?

dimanche 17 novembre 2013

Une fidélité vivante et dynamique

Lecture biblique : 1 Jean 2.3-6

Certes, le mot « fidélité » n'apparaît pas dans ce texte mais il en est bien question ! Jean écrit son épître dans un contexte de polémique avec des faux docteurs qui troublaient les Églises par leur enseignement (de type gnostique). Il veut remettre les pendules à l'heure, dénoncer les faux prophètes, et rappeler l'enseignement reçu par Jésus-Christ.

Il s'efforce de donner des outils à ses lecteurs pour « tester » ceux qui se prétendent enseignants et discerner ceux qui sont véritablement prophètes du Christ et ceux qui ne le sont pas. En quelque sorte, ceux qui sont fidèles et ceux qui ne le sont pas.

De ces quelques versets, nous pouvons retirer trois affirmations que je vous invite à vous approprier. Non pas les utiliser pour jauger les autres, mais pour nous laisser chacun interpeller quant à notre propre fidélité.


Être fidèle à Dieu, c'est écouter sa parole et la mettre en pratique

La première affirmation découle des versets 3 et 4 où Jean dit deux fois la même chose, d'abord de façon positive et ensuite de façon négative :

3 Si nous gardons les commandements de Dieu, nous savons que nous connaissons Dieu.
4 Si quelqu'un dit : « Je connais Dieu », mais s'il n'obéit pas à ses commandements, c'est un menteur, la vérité n'est pas en 
lui.

On ne peut pas prétendre connaître Dieu et ne pas garder ses commandements. C'est impossible. Ou pour utiliser une terminologie qu'on entend si souvent, on ne peut pas être des croyants non pratiquants. C'est impossible.

Être fidèle, c'est être croyants pratiquants. On pourrait penser ici à la parabole des deux maisons, que Matthieu place en conclusion du Sermon sur la Montagne. Je parle ici de la parabole et de l'explication que Jésus en donne, pas celle qu'en donne le fameux chant pour enfants qui dit que bâtir sa maison sur le roc, c'est bâtir sa maison sur Jésus, ce qui n'est pas tout à fait juste...

Si on regarde bien ce que dit Jésus, bâtir sa maison sur le roc, c'est écouter la parole du Christ ET la mettre en pratique. Alors que celui qui bâtit sa maison sur le sable écoute la parole mais ne la met PAS en pratique. Là est toute la différence. Le fou est « croyant non pratiquant » et le sage est « croyant pratiquant ».

Pour Jean, le « croyant non pratiquant » est un menteur. Il ment aux autres, et il se ment à lui-même. Car la foi n'est pas une simple croyance, à mettre au même rang qu'une opinion politique ou une thèse philosophique. De même, la connaissance de Dieu dont il est question dans ces versets n'est pas une connaissance intellectuelle, encyclopédique, mais une connaissance du coeur.

La foi prend place au coeur de nos vies, elle a des ramifications dans tous les domaines de notre existence, elle impacte nos pensées, nos projets, nos valeurs... et forcément nos pratiques.


Être fidèle à Dieu, c'est une question d'amour, pas de religion.

La deuxième affirmation découle du verset 5, où il est question à la fois d'obéissance à la Parole de Dieu et d'amour pour Dieu. C'est ici qu'on comprend que la pratique religieuse ne suffit pas. Garder sa Parole, être fidèle à Dieu, c'est une question d'amour, pas de religion. Être fidèle à Dieu, c'est l'aimer. C'est un peu comme une histoire de couple... où fidélité rime avec amour !

Aimer, c'est obéir à la parole de Dieu. Et inversement : obéir, c'est aimer. On n'est pas ici dans la contrainte mais dans la preuve d'amour.

Si votre vie chrétienne est basée sur la contrainte, si vous venez au culte parce que vous vous sentez obligé de le faire, si vous lisez votre Bible et priez parce qu'un chrétien doit le faire, si vous essayez d'aimer votre prochain juste parce que Jésus l'a dit et que vous voulez être un bon chrétien obéissant... laissez tomber ! Arrêtez tout de suite ! Vous êtes à côté de la plaque. D'une certaine façon, vous vous mentez à vous-mêmes...

On n'est pas fidèles à Dieu en s'astreignant à une pratique religieuse ! On est fidèles à Dieu en l'aimant, et en laissant notre amour pour lui se manifester dans notre vie. Dans toute notre vie. Ne mesurez pas votre fidélité à Dieu à l'intensité de votre pratique religieuse, mais à l'intensité de votre amour pour lui.

Bien-sûr que si vous aimez Dieu, cet amour va se manifester concrètement. C'est bien ce que dit Jean... C'est aussi le sens de cette célèbre phrase de Saint-Augustin : « Aime, et fais ce que tu veux ! »

La pratique religieuse, l'obéissance aux commandements, ce n'est qu'une expression externe de cette réalité interne. Et si nous pouvons tromper les hommes par une pratique religieuse superficielle, Dieu n'est jamais dupe.

La fidélité de Dieu à notre égard est une expression de son amour, il n'en attend pas moins de nous. Être fidèle à Dieu, c'est l'aimer !


Être fidèle à Dieu, c'est marcher à la suite de Jésus-Christ

La troisième affirmation découle du verset 6. Et pour une fois, je ne suis pas fan de la traduction dans la version « Parole de Vie ». Car il y a un paradoxe dans la formulation qu'il faut faire ressortir. Comme le traduit la TOB : « Celui qui prétend demeurer en lui, il faut qu'il marche lui-même dans la voie où lui a marché. »

Vous saisissez le paradoxe ? « Celui qui prétend demeurer en lui, il faut qu'il marche... » Être fidèle à Dieu, ce n'est pas demeurer immobile et ferme, c'est marcher dans ses voies, être des disciples en marche.

La formulation de Jean est particulièrement intéressante parce qu'on peut souvent associer la fidélité à une forme d'immobilisme. Les fidèles, ce sont les gardiens du temple, ceux qui préservent la saine doctrine, ceux qui sont garants des bonnes traditions.

Or Jean le dit, pour demeurer, il faut marcher ! Être uni à Dieu, c'est vivre comme Jésus-Christ. Nous avons en lui un modèle... mais un modèle qui s'est largement écarté des modèles de son époque ! Un modèle qui, bien souvent, n'était pas là où on l'attendait.

La fidélité que Dieu attend de nous est dynamique, pas statique. Avec le Seigneur, être fidèle, ce n'est pas regarder en arrière. Voyez l'apôtre Paul. Pour lui, ce qui comptait ce n'était pas ce qui était derrière lui mais le but à atteindre. C'est dans ce sens qu'il utilisait l'image de la course. C'est la ligne d'arrivée qui l'intéresse, pas les startingblocks.

Or, j'ai l'impression que pour certains chrétiens, être fidèle c'est être crispé sur certains principes et certaines valeurs, et surtout ne pas vouloir en bouger... et d'une certaine manière, rester bloqués dans les startingblocks alors qu'il y a une course à mener !

La fidélité à laquelle le Seigneur nous appelle veut nous mettre en marche, à la suite de Jésus-Christ, notre modèle !


Conclusion

La fidélité à Jésus-Christ ne nous laisse pas dans le confort d'une écoute passive, ou d'une pratique simplement religieuse, ou de la conservation des acquis. Elle nous met à l’œuvre, elle nous pousse à aimer Dieu et notre prochain, elle nous met en marche.

On est appelé à être fidèle, non pas à une religion, une doctrine ou une Église, mais à Jésus-Christ. Il ne s'agit pas d'une fidélité figée et sclérosante mais d'une fidélité relationnelle et vivante. Une fidélité qui est une expression de l'amour que nous avons pour Dieu.

dimanche 20 octobre 2013

Histoire de famille

Lecture biblique : Romains 8.12-17

On dit souvent, et on a sans aucun doute raison, que l’Église est le lieu de la communion fraternelle. Mais que met-on derrière cette expression ? La convivialité ? La solidarité ? L'amour les uns pour les autres ? Sans doute... Et c'est en effet extrêmement important dans une Église !

Mais j'aimerais que nous nous demandions ce qui fonde cette communion fraternelle. En d'autres termes, qu'est-ce qui fait de nous des frères et des soeurs ? Qu'est-ce qui nous permet de comparer l’Église à une famille et qu'est-ce que cela implique ?

La réponse à ces questions tient en une phrase. C'est l'Esprit de Dieu qui fait de nous des enfants de Dieu : « Tous ceux que l'Esprit de Dieu conduit sont enfants de Dieu. » (v.14) Ce qui fait de nous des frères et des soeurs, ce n'est pas le fait d'être bien ensemble, ni même d'être membre d'une même Église, c'est notre relation à Dieu, par son Esprit.

Mais faire partie de la même famille spirituelle, qu'est-ce que cela implique ?


Être conduit par le même Esprit

« Tous ceux que l'Esprit de Dieu conduit sont enfants de Dieu. » !

Il s'agit de partager le même guide, le même moteur. Être animé de la même vie. Être engagé sur le même chemin spirituel.

La métaphore de la marche est très présente dans le Nouveau Testament. Il suffit de se souvenir de l'appel de Jésus répété à ses disciples : « Viens et suis-moi ! ». A plusieurs reprises, nous trouvons l'exhortation de « marcher par l'Esprit ». Et parfois, plus que la marche, c'est l'image de la course qui est utilisée :

Philippiens 3.13-16
J'oublie la route qui est derrière moi, je suis tendu en avant, et je fais la seule chose importante : courir vers le but pour gagner le prix. (…) Et si, sur un point, vous pensez autrement, Dieu vous éclairera aussi là-dessus. En tout cas, continuons la même route que nous avons suivie jusqu'à maintena
nt !

Remarquez-le : l'important c'est de courir vers le but, mais c'est aussi de le faire ensemble, de continuer sur la même route. Être en communion fraternelle, c'est marcher sur le même chemin, à la suite du Christ.

Pourtant certains considèrent la vie chrétienne comme une marche solitaire. La foi est alors une affaire privée, la vie chrétienne est personnelle, intime, cachée. Mais la perspective biblique est différente. Il s'agit non seulement de se mettre en marche chacun, mais de marcher ensemble !

Ca ne veut pas dire que nous devions marcher au pas ! Mais si on parle de communion fraternelle, on ne pas seulement se retrouver sur le même chemin en s'ignorant... Prêtons attention les uns aux autres. Soyons prêts à soulager le fardeau de celui qui est fatigué, voire s'arrêter quelques instants avec celui qui en a besoin.


Être adoptés par le même Père

L'affirmation est on ne peut plus claire : « L'Esprit Saint lui-même nous donne ce témoignage : nous sommes enfants de Dieu. » (v.16)

Mais nous le sommes par adoption... Le seul fils « naturel » de Dieu, c'est Jésus-Christ. Nous sommes ses fils et ses filles adoptifs. C'est ce que nous pouvons déduire du statut de « cohéritiers » du Christ (v.17).

Adoptés par le même Père, nous faisons partie de la même famille. La famille de Dieu. Et cela change notre relation à Dieu. « L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves qui ont encore peur, mais il fait de vous des enfants de Dieu. » (v.15)

« Abba ! Père ! » est un cri personnel, intime. L'araméen « Abba » implique une relation personnelle. Dieu n'est pas simplement « Père » dans un sens général de Créateur, il est « mon Père », celui qui m'a sauvé. Celui qui m'a adopté parce qu'il m'aime.

L'apôtre Paul insiste ici sur la différence entre esclave et enfant adopté. Deux façons d'appartenir à Dieu, mais deux façons différentes d'être en relation avec lui. Même si la notion de serviteur de Dieu est aussi présente dans la Nouveau Testament, Paul insiste ici sur le statut d'enfant de Dieu.

Si nous sommes tous serviteurs de Dieu, et rien de plus, alors nous sommes des compagnons de service. Mais rien de plus... On pourrait presque dire des collègues de bureau ! Mais si nous sommes tous enfants de Dieu, alors nous sommes frères et soeurs. Notre relation à Dieu est basé sur l'amour, dans le respect. Notre relation les uns aux autres en est changée.

Je ne choisis pas mes frères et mes soeurs, mais eux comme moi avons été choisis par Dieu. Et d'une certaine façon, eux comme moi avons choisi Dieu comme Père. Notre relation personnelle avec Dieu détermine notre relation avec nos frères et soeurs. Et si nous voulons développer notre communion fraternelle, nous devons développer ensemble notre communion avec notre Père...


Partager le même héritage par le Fils

Littéralement, le texte dit simplement que nous sommes héritiers de Dieu. Simplement... Ce n'est quand même pas rien ! Mais l'apôtre précise que nous sommes cohéritiers du Christ. C'est par lui que nous recevons cet héritage.

La communion fraternelle, c'est partager le même héritage par le Fils. Notre nom est inscrit sur le testament de Dieu, sur le livre de vie. Nous sommes cohéritiers du Christ. Mais le Christ n'appartient à aucun chrétien et à aucune Église !

Car on sait les problèmes que les questions d'héritage posent souvent dans les familles. Où chacun veut avoir la meilleure part du gâteaux, où on conteste telle ou telle clause du testament, etc... Et j'ai peur qu'il en soit aussi ainsi parfois dans les Églises. Au moins entre les Églises, parfois même à l'intérieur des Églises !

Pourtant, partager l'héritage de Dieu, ce n'est pas le diviser mais le multiplier. L'infini se partage à l'infini sans jamais se réduire ! Or, notre héritage, c'est la vie éternelle. Nous partageons une même foi, une même espérance et un même amour.

Mais on n'est propriétaire de rien du tout... Méfions-nous des Églises qui s'estiment propriétaires du Christ, détentrices de la vérité, seules fidèles à la vraie foi. Bref, seules héritières de Dieu !

En voulant s'accaparer l'héritage de Dieu, on s'appauvrit. En le partageant, on s'enrichit.

Peut-on rêver d'une Église où la communion fraternelle serait centrale sans qu'il y ait une communion fraternelle avec d'autres Églises ? Une communion fraternelle sectaire est-elle encore une communion fraternelle ? Nos frères et soeurs en Christ ne sont pas que dans notre Église. L'héritage de Dieu se partage avec tous ceux qui lui appartiennent.


Conclusion

Mettre la communion fraternelle parmi les priorités dans l’Église, c'est bien. Mais ce n'est pas simplement espérer plus de convivialité, de joie d'être ensemble ou espérer qu'on s'occupera mieux de nous... C'est vouloir vivre vraiment la réalité de la famille de Dieu, chacun pour sa part.

Cheminer ensemble par l'Esprit, et pas seulement les uns à côté des autres. Être adoptés par le même Père, et pas seulement être collègues dans le même « bureau spirituel ». Partager le même héritage par le Fils, et pas vouloir se l'accaparer.

Alors notre vie d'Eglise sera vraiment une histoire de famille. La famille de Dieu.

lundi 14 octobre 2013

La leçon de foi du dixième lépreux

Lecture biblique : Luc 17.11-19

Des récits de miracles, et notamment de guérisons, il y en a beaucoup dans les Évangiles. Les évangélistes ne nous les racontent pas seulement pour dire que Jésus était formidable et qu'il accomplissait des choses extraordinaires ! Jésus lui-même se méfiait d'une popularité basée sur ses miracles... Ils nous sont racontés parce qu'ils ont valeur de signe et qu'ils sont toujours l'occasion d'une rencontre, avec des gens qui souffrent, qui sont en détresse, et qui trouve en Jésus une libération.

En général, ces rencontres se transforment en leçon de vie, en leçon de foi.


La foi – confiance

Une première question se pose : est-ce vraiment Jésus qui a guéri les dix lépreux ou pas ? Certaines guérisons ne laissent pas d’ambiguïté : les paroles et les gestes de Jésus sont explicites. Pas ici... Il leur dit simplement d'aller se montrer aux prêtres, et c'est en chemin qu'ils sont guéris. Mais, au moins pour l'un des dix lépreux, il n'y a pas de doute : c'est bien Jésus qui les a guéri.

Mais pourquoi Jésus s'y prend-il ainsi ? Il n'est pas en train de se débarrasser d'eux. Il ne leur dit pas « Allez voir les prêtres ! » mais « Allez vous montrer aux prêtres ! » Ce n'est pas la même chose. On ne distinguait pas vraiment la lèpre d'autres maladies de peau plus ou moins graves. Mais deux chapitres entiers du livre du Lévitique sont consacrés au sujet, avec la description des maladies (Lv 13) et les rites de purification à accomplir une fois guéri (Lv 14).

La lèpre était considéré non seulement comme une maladie mais aussi comme une malédiction, un signe d'impureté, une image du péché. Ce qui faisait des lépreux des parias. Obligés de vivre en marge de la société, ils ne devaient avoir aucun contact avec les gens, sous risque de les rendre impurs à leur contact. On le voit dans notre récit : les lépreux se tiennent à distance de Jésus, ce qui les oblige à crier : « Aie pitié de nous ! »

Or, un lépreux allait se montrer aux prêtres au début de sa maladie, pour être déclaré impur, mais aussi lorsqu'il était guéri, pour que les prêtres constatent la guérison. L'authentification de leur guérison leur permettait de retrouver une vie sociale.

C'est évidemment le deuxième cas qui concernait les lépreux de notre récit. A l'exception près qu'ils n'étaient pas encore guéris ! En fait, Jésus fait appel à leur foi. En leur disant d'aller se montrer aux prêtres, Jésus les envoie avec une promesse de guérison. Il met leur foi à l'épreuve. Et ils le font ! Tous les dix ! En cela, les dix lépreux font preuve de foi. Et ils sont bel et bien guéris en chemin.

Les dix lépreux illustrent de façon impressionnante ce qu'est fondamentalement la foi : une confiance placée dans la parole du Christ. Une confiance qui s'exprime alors même qu'on ne possède pas encore ce qu'on espère, qu'on ne voit pas encore ce qui nous est promis.

La foi ne se démontre pas, elle n'est fondée ni sur la vue ni sur la raison. Elle est, fondamentalement, un choix, une décision de placer sa confiance en Dieu. La foi met en marche, et c'est cette mise en marche qui nous permet d'entrer dans les promesses de Dieu.

La foi – attachement

Mais le récit ne s'arrête pas là... il y a quelque chose qui cloche. Les dix lépreux ont eu confiance dans la parole du Christ, et les dix ont été guéris... mais un seul est revenu auprès de Jésus.

Pourquoi ? Est-ce de l'ingratitude ? Peut-être... Ou alors ils ont privilégié l'obéissance aux rites à la reconnaissance spontanée envers celui qui les a guéris. En tout cas, Jésus s'en étonne : « Les neufs autres, où sont-ils ? ».

Celui qui est revenu n'est pas allé voir les prêtres... On ne sait pas s'il est allé les voir après être revenu auprès de Jésus. Mais en tout cas, il a considéré comme une priorité d'interrompre cet acte rituel pour exprimer sa reconnaissance à Jésus. Et plus que cela, lui apporter un hommage digne de Dieu lui-même (il se prosterne devant lui).

Qu'est-ce qui fait la différence entre la foi du lépreux revenu auprès de Jésus et celle des neuf autres ? Les dix lépreux ont fait preuve de foi. Mais un seul a fait preuve de reconnaissance et d'attachement à Jésus. C'est cette foi-là que Jésus montre en exemple : « Lève-toi, va, ta foi t'a sauvé ! »

La différence est là, dans l'attachement au Christ. La foi ne peut pas se contenter d'une mise en marche dans la confiance, elle doit s'enraciner dans un attachement au Christ. Un attachement au-delà de la religion ou du rite. Il y a une spontanéité chez le lépreux de notre récit qui est l'expression même d'une foi vivante et authentique !

Il ne respecte pas scrupuleusement ce qui était commandé par la loi de Moïse, ni même ce que Jésus avait dit... et c'est pourtant bien ce qui plaît à Jésus. Parce qu'il témoigne d'une foi authentique et vraie. Il ne s'agit pas de mettre en cause la réalité de la foi des neufs autres lépreux guéris mais de souligner l'exemple de foi vivante du dixième.

Or, la foi vivante que le Christ attend de nous n'est pas un attachement à un rite ou une doctrine mais un attachement à sa personne. Mieux vaut une foi spontanée et vivante, quitte à sortir un peu du cadre prévu, qu'une foi réduite à une stricte observance de rites et de croyances.

Et pourtant nous avons parfois du mal à accepter en notre sein des hommes et des femmes qui sont « hors-cadre ». D'une manière ou d'une autre, on a du mal à accueillir celui qui ne prie pas comme nous ou qui ne vit pas sa foi comme nous. Dans tout groupe constitué, il y a une tendance forte à vouloir accueillir en intégrant de gré ou de force à sa propre culture, à ses propres valeurs, selon les normes et le modèle préconisé. Et cette tendance existe aussi dans les Églises...

Mais un détail mérite d'être souligné dans notre récit. D'autant que Jésus le fait lui-même. L'homme qui est donné en exemple par sa foi était Samaritain ! « Parmi eux tous, personne n'est revenu pour dire 'Gloire à Dieu'. Il n'y a que cet étranger ! » (v.18)

Le mot « étranger » souligne ici la piètre opinion que les Juifs du temps de Jésus avaient des Samaritains. Véritables frères ennemis, les Samaritains et les Juifs ne s'appréciaient guère. Pourtant, devant ses disciples, Jésus donne en exemple cet « étranger » !

D'ailleurs, quand on considère les Evangiles, il faut bien reconnaître que ceux que Jésus donne en exemple quant à leur foi sont rarement de bons Juifs pieux. Ici, un Samaritain. Ailleurs, un collecteur d'impôts. Ou une femme païenne. Aujourd'hui, peut-être que Jésus prendrait en exemple un Rom ou un sans-papier !

Jésus dira même aux Pharisiens que les collecteurs d'impôts et les prostituées les devanceront dans le Royaume de Dieu ! On lui a d'ailleurs suffisamment reproché de fréquenter des gens de mauvaise vie !

Jésus est du côté des plus faibles et des rejetés, non pas parce qu'il exalterait la faiblesse ou le fait d'être marginal en tant que tels. Mais parce qu'il est auprès de ceux qui savent reconnaître leur besoin de lui.

Il n'y a rien de pire que le confort pour croire qu'on n'a pas vraiment besoin de Dieu...

« Ils sont heureux, ceux qui ont un coeur de pauvre,
parce que le Royaume des cieux est à eux ! »
(Matthieu 5.3)


Conclusion

Que retenir de ce récit ? Une leçon de foi de ce lépreux Samaritain guéri ! Et plus encore après sa guérison qu'avant. Sa foi s'exprime non seulement dans la confiance qu'il a placé dans la parole du Christ mais aussi et surtout dans son attachement joyeux et enthousiaste au Christ qui l'a sauvé. C'est cette foi-là que le Christ montre en exemple.

Un exemple qui souligne l'importance d'une foi vivante et authentique, plus spontanée que soumise aux rites. Une foi qui s'attache moins à une religion qu'à une personne : le Christ vivant.

C'est l'attachement au Christ qui est la sève qui rend notre foi vivante. Et la vie ne peut être limitée par des carcans, des rites et des traditions. Des exemples un peu « hors cadre » comme les Evangiles en contiennent sont là pour nous le rappeler.

Soyons vivants, soyons attachés au Christ vivant !

dimanche 22 septembre 2013

Les leçons du serviteur habile

Lecture biblique : Luc 16.1-13

Cette parabole n'est pas politiquement correcte du tout ! Elle parle d'argent, de magouilles et donne en exemple un serviteur malhonnête !

C'est assez incroyable : Jésus prend comme exemple un serviteur qui fait mal son boulot et qui, au moment où il apprend qu'il va être viré, se débrouille avec les clients de son maître, par des petits arrangements, pour assurer ses arrières. Evidemment, Jésus ne dit pas qu'il faut agir comme ce serviteur. Il ne cautionne pas les magouilles !

Les paraboles sont des histoires inspirées de la vie quotidienne pour enseigner une vérité spirituelle. Ici comme dans d'autres paraboles, il y a une part de provocation de la part de Jésus, pour nous surprendre et nous interpeller. Il s'agit donc de comprendre le sens de la comparaison.

Finalement, qu'est-ce qu'elle nous dit, cette parabole ?
- Soyez malins pour le Seigneur !
- Faites de l'argent un serviteur et pas votre maître !
- Apprenez à discerner les vraies richesses !


Soyez malins pour le Seigneur !

Les « gens du monde » le sont bien pour de l'argent et pour leur sécurité matérielle... pourquoi pas les « enfants de lumière » pour le Royaume de Dieu ?

Jésus le dit, d'une façon un peu critique : « Les gens de ce monde sont plus habiles entre eux que ceux qui appartiennent à la lumière. » (v.8) Il y a même un peu de cynisme dans ces paroles de Jésus. Le serviteur de la parabole s'est montré malin pour assurer son propre avenir. Si seulement nous nous montrions aussi malins, aussi entreprenants, aussi inventifs pour le Royaume de Dieu...

Il faut bien-sûr comprendre malins dans le sens d'habiles, inventifs... Il n'y a aucune connotation négative. Jésus ne prétend pas que, pour le Royaume de Dieu, la fin justifie les moyens. Il y a eu, et il y a encore, trop de dérives, de manipulations au nom de l’Évangile. Et il faut s'en garder.

Mais il y a aussi parfois de la naïveté et un manque cruel d'inventivité dans les Églises, ou dans notre façon de travailler pour le Royaume de Dieu.

Il y a une parole de Jésus à ses disciples que je trouve très pertinente :

« Voici que moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc rusés comme les serpents et candides comme les colombes. »
Matthieu 10.16 
[TOB]

Ce sont deux attitudes qui peuvent paraître contradictoires : comment être à la fois rusé et candide, serpent et colombe ? Tout est une question de nuance et d'équilibre. Rusé, oui. Mais pas fourbe, malhonnête. Candide, oui. Mais pas naïf.

Prenons exemple sur le serviteur habile de la parabole qui a su s'adapter à une situation délicate pour la tourner à son avantage. Comment arrivons-nous à faire en sorte que nos contextes pas toujours propices à l’Évangile deviennent des occasions favorables pour le Royaume de Dieu ?


Faites de l'argent un serviteur et pas votre maître !

Comme cette parabole parle d'une histoire d'argent, Jésus en profite pour proposer un prolongement sur ce thème. Il l'aborde assez souvent d'ailleurs, les mises en garde contre les dangers liés aux richesses sont très présentes dans l'enseignement de Jésus.

On pourrait résumer l'idée principale ainsi : « Faites de l'argent un serviteur et pas votre maître ! »

Le problème, ce ne sont pas les richesses en elles-mêmes mais le rapport que nous entretenons avec elles. L'argent, ce n'est pas le mal ! Notre ennemi, ce n'est pas la finance ! Mais notre espérance, ce n'est pas non plus de travailler plus pour gagner plus !

En réalité, Jésus remet l'argent et les richesses à leur juste place. C'est un danger s'il devient comme un dieu. Mamon. Si c'est juste un moyen, où est le problème ? « Faites-vous des amis avec l'argent trompeur ! » Mais la question mérite d'être posée aujourd'hui, dans notre société occidentale.

Je sais bien qu'il faut être prévoyant, épargner un peu, penser à sa retraite... mais on vit quand même dans un monde gouverné par le fric ! Un monde où tout devient marchandise, les ouvriers, les enfants, les candidats de téléréalité... Tout le monde est jetable ! Un monde où les paradis fiscaux se portent à merveille, où la corruption persiste à tous les échelons. Un monde où un club de foot paye 100 millions d'euros pour transférer un joueur. Un monde où le fossé entre les quelques très riches et les plus pauvres ne cesse de s'accroître. Un monde où l'image de la réussite véhiculée par les médias est catastrophique : la célébrité, le fric, tout de suite !

Et nous vivons dans ce monde-là... En sommes-nous vraiment indemnes ? Quelle part les questions d'argent tiennent-elles dans vos préoccupations, vos envies, vos projets ?


Apprenez à discerner les vraies richesses

Mais au-delà de la mise en garde, il y a une exhortation positive. Celle qui concerne le Royaume de Dieu, l'accueil de Dieu pour toujours, les vraies richesses.

D'un côté, il y a l'argent trompeur. C'est ainsi que Jésus le qualifie. Il est trompeur parce qu'il procure une fausse sécurité à ceux qui le possèdent, et donne de fausses illusions à ceux qui n'en ont pas. L'argent n'est pas un bon maître. C'est un menteur. Un dieu qui asservit ceux qui le servent.
De l'autre côté, il y a les vraies richesses. Celles qui ne s'arrêtent pas avec notre vie ici-bas. C'est cela aussi qui fait de l'argent une « petite chose » par rapport à la « grande chose » du Royaume de Dieu. L'argent est une petite chose, parce qu'on ne l'emporte pas avec nous au jour où le Seigneur nous rappelle à lui. Alors que si on se préoccupe des vraies richesses, le Seigneur nous prendra avec lui « quand l'argent n'existera plus. » (v.9).

Finalement, l'argent, les richesses matérielles, un compte bancaire bien garni, une belle voiture, une belle maison, une assurance vie... ce sont des « petites choses » ! Des « petites choses » qui ont tendance à prendre une place considérable dans notre monde. Mais qui n'ont pas de valeur en soi dans le Royaume de Dieu.

La seule monnaie d'échange dans le Royaume de Dieu, c'est l'amour. La seule assurance vie, c'est la grâce. Notre seule épargne, l'espérance. Notre belle maison, c'est l’Église. Les biens que nous partageons, c'est le service, le pardon, la communion. Voilà les vraies richesses que personne ne peut nous dérober. Des richesses qui se multiplient si elle sont partagées !


Conclusion

Cette parabole n'est certes pas politiquement correcte... Elle veut nous étonner, voire nous déranger. Pour que nous nous interrogions sur notre façon de travailler pour le Royaume de Dieu. Y met-on toute notre habileté, notre inventivité ?

Elle permet aussi de pointer du doigt un sujet sensible, au temps de Jésus comme aujourd'hui : l'argent et les richesses. L’Évangile, une fois de plus, nous invite à un renversement radical des valeurs. Ce qui prend tellement de place dans notre monde doit être regardé comme de petites choses. Les vraies richesses sont ailleurs. Partageons-les, elles viennent directement du Dieu d'amour, ses ressources sont inépuisables !

dimanche 8 septembre 2013

L'Evangile, c'est le changement !

Lecture biblique : Philémon 1.8-21

La lettre à Philémon est un petit livre biblique passionnant. Une lettre envoyée par l'apôtre Paul à son ami Philémon, sans doute un homme assez riche, chez qui se réunissait une Église. Il devait avoir des esclaves, comme toutes les personnes aisées en ce temps-là. Et Paul écrit justement à propos d'un de ses esclaves, qui s'est enfui. Un esclave qui s'appelait Onésime, nom qui signifie « utile »... un nom d'esclave !

Toute l'économie romaine reposait sur l'esclavage : on estime que la moitié de la population était esclave ! Rien d'étonnant à ce que des chrétiens aussi aient des esclaves, et que des esclaves aient été chrétiens. On trouve d'ailleurs plusieurs enseignements dans les épîtres de Paul adressés à la fois aux esclaves et aux maîtres.

Notre texte de ce matin constitue le coeur de la lettre de Paul, le moment où il demande à Philémon d'accueillir Onésime malgré ce qu'il lui a fait, notamment parce qu'une donnée essentielle a changé : il s'est converti auprès de Paul. Il faut bien savoir que la sanction pour un esclave qui s'enfuyait était très sévère, souvent la mort. C'est pourquoi Paul met les formes dans sa façon de le demander...

Un détail, avant notre texte, a son importance... Les premiers versets de l'épître soulignent que même s'il s'agit bien d'une lettre personnelle, elle est aussi adressée à toute l’Église qui se réunissait dans la maison de Philémon. Au-delà du cas particulier d'Onésime, ce que Paul écrit ici a donc quelque chose à dire à tous.

Le cas d'Onésime illustre la réalité du changement profond provoqué par l’Évangile. Un changement radical qui doit nécessairement avoir des implications concrètes, dans notre vie, dans nos relations. Et quand on réalise que parmi les chrétiens qui se réunissaient dans la maison de Philémon, il devait y avoir des esclaves, on peut imaginer l'impact de la lettre de Paul.

Pas de doute, avec l’Évangile, le changement, c'est maintenant !


Plus rien n'est comme avant

D'une certaine façon, plus rien n'est comme avant ! Les termes que Paul utilise pour décrire Onésime sont parlants :
Il est devenu le « fils » de Paul. Une façon très forte de parler de sa conversion mais visiblement aussi, du lien fort qui l'unissait désormais à Paul
Jouant sur le sens de son nom, Paul souligne qu'Onésime (« utile ») l'est vraiment maintenant, utile...
Il est devenu plus qu'un esclave pour Philémon : il est désormais un frère !

Tout cela traduit de manière très forte le changement radical intervenu chez Onésime. Le changement radical qu'apporte l’Évangile... On pourrait même dire qu'il illustre de façon assez parlante ce qu'est le salut en Jésus-Christ :
Le commencement d'une vie nouvelle.
La découverte de sa véritable identité. Comme Onésime est devenu vraiment « utile », nous découvrons qui nous sommes vraiment en Jésus-Christ.
L'entrée dans une « famille » spirituelle, la découverte de frères et de soeurs dans la foi.

C'est l'exemple d'Onésime : le salut en Jésus-Christ offre la chance de recommencer une vie nouvelle, c'est l'occasion d'un nouveau commencement. Qui que nous soyons. Quoi que nous ayons fait... Onésime lui-même avait des choses à se reprocher. Il avait fuit, sans doute avec de l'argent volé à son maître (on le déduit de ce que Paul dit au verset 18...). C'est au nom de l'amour, au nom de l’Évangile, que Paul demande à Philémon de lui accorder une nouvelle chance.

C'est au nom du Christ, de ce qu'il a accompli pour nous, que nous pouvons espérer un nouveau commencement, une vie nouvelle. Qui que nous soyons. Quoi que nous ayons fait !


Mais tout est comme avant

Ceci dit, on pourrait dire aussi que d'une certaine manière, tout est encore comme avant...

Onésime est toujours esclave. En tout cas tant que Philémon ne l'a pas affranchi, ce que Paul suggère à demi-mot dans sa lettre... Mais Paul ne le garde pas auprès de lui, il le renvoie à son maître. Philémon reste le maître d'Onésime. C'est à lui de décider de son sort. Rien n'a vraiment changé.

Chrétien ou pas chrétien, Onésime est l'esclave de Philémon. Ce sont là les réalités sociales, humaines. Et ce n'est pas parce qu'on devient chrétien qu'on y est soustrait...

J'y vois aussi le signe que le changement apporté par l'Evangile prend du temps pour se mettre à l'oeuvre, tout n'est pas immédiat. Et nous l'expérimentons tous ! Il ne suffit pas de se convertir pour que tout soit réglé dans notre vie.

Et puis on n'est pas transporté instantanément dans le Paradis ! On continue à vivre ici-bas, avec les réalités, les pesanteurs, les épreuves de la vie quotidienne. Ca peut du reste être une difficulté majeure pour le chrétien, d'avoir l'impression que rien ne change dans sa vie, ou autour de lui.

Lorsque Paul affirme haut et fort, dans son épître aux Galates, qu'« Il n'y a plus ni Juifs ni non-Juifs, ni esclaves ni personnes libres, ni hommes ni femmes. » (Galates 3.28), il affirme la radicalité de la libération apportée par l’Évangile. On ne peut pas dire qu'elle se soit si facilement que cela imposée dans la société, ni même dans l’Église !


Le changement maintenant, dans nos relations

Pour autant, l'apôtre Paul laisse entendre qu'il y a un domaine où le changement doit se manifester dès maintenant. Et c'est au niveau des relations. Il invite Philémon, non seulement à accepter qu'Onésime revienne auprès de lui mais qu'il l'accueille comme si c'était Paul lui-même. Il ne s'agit pas seulement de l'accepter mais de l'aimer !

Ce changement-là ne doit pas attendre... Nos relations doivent changer dès aujourd'hui, si nous appartenons au Christ. Nous sommes invités à accueillir l'autre de façon nouvelle, à lui donner une nouvelle chance, à vivre dans la grâce. C'est sans doute ici la leçon valable pour tous, au-delà de l'exemple d'Onésime et Philémon.

En tant que chrétien, on ne peut pas s'interroger seulement sur l'état de notre relation à Dieu. Qu'en est-il de nos relations avec nos frères et soeurs, avec notre prochain ? Nos relations sont-elles marquées par la grâce, le don gratuit, le pardon ? Sommes-nous prêts à donner à notre frère, notre soeur, une seconde chance ou les enfermons-nous dans leurs actes passés ?

Est-ce que nous cherchons vraiment à nous aimer les uns les autres ? Il ne s'agit pas tellement d'avoir de l'affection ou de la sympathie. Aimer est un commandement dans la Bible. C'est dire qu'il s'agit d'abord d'une question de choix, de volonté. Un regard porté sur l'autre, un accueil bienveillant, une décision de s'intéresser à l'autre, de se rendre disponible.

Voilà où le changement doit avoir lieu, et dès maintenant !


Conclusion

De cette lettre au ton assez intime, on retire une grande leçon de vie pour tout chrétien. L’Évangile, c'est le vrai changement. Un changement radical et immédiat aux yeux de Dieu. Un changement progressif, et souvent long, dans notre vie. Mais un changement qui doit déjà se voir sans attendre, notamment dans nos relations.

La procrastination n'est pas dans l'esprit de l’Évangile. Mais l'impatience non plus ! Demandons au Seigneur de nous donner non seulement la volonté de nous laisser transformer par lui, mais aussi la patience d'accepter que le changement prenne du temps. Chez nous comme chez les autres...