Nous poursuivons notre mini-série de l’Avent, centrée sur la personne de Jésus mais abordée sous l’angle de chansons françaises, des chansons dont le sujet principal est Jésus.
Nous allons ce matin remonter jusqu’en 1970. Nous sommes une année après Woodstock, le grand événement musical emblématique de la culture hippie dans les années 1960. La vague "Peace and Love" est à son apogée…
De retour de San Francisco, Philippe Labro écrit un petit texte dans l’avion. Il trouvait que les hippies de l’époque avaient une allure christique. Il montre le texte à un ami, Eddy Vartan, qui va composer une musique sur ces paroles et proposer la chanson à son beau-frère, Johnny Hallyday. Ce dernier n’a pas encore 30 ans mais il est déjà une star en France.
Le 45 tours avec la chanson « Jésus-Christ » sort mais fait immédiatement polémique. Elle est interdite de diffusion sur l’ORTF, mais Europe 1 la diffuse 7 fois dans la même journée ! Le titre va rester plusieurs semaines en tête du hit-parade mais suscite aussi des réactions indignées. On dit que la polémique est remontée jusqu’au Vatican !
Johnny, lui, a assumé : « Je suis croyant. Je suis sûr que Jésus, lui, ne m’en veut pas. » Et moi, je suis d’accord avec Johnny. Parce que, même si certaines paroles sont un peu provocatrices, je trouve que cette chanson a quelque chose d’intéressant à dire sur Jésus…
Il doit vivre aux Etats-Unis
Il doit jouer de la guitare
Et coucher sur les bancs des gares
Il doit fumer de la marijane
Avec un regard bleu qui plane
Jésus, Jésus-Christ
Jésus-Christ est un hippie
Autour de son front, un bandeau
Il est barbu et chevelu
Il s'est battu à Chicago
Il aime les filles aux seins nus
Il est né à San Francisco
Jésus, Jésus-Christ
Jésus-Christ est un hippie
Il vit dans un sac de couchage
On n'arrête pas de l'arrêter
Pour délit de vagabondage
Au grand festival de Woodstock
C'est lui qui soignait les blessés
Jésus, Jésus-Christ
Jésus-Christ est un hippie
Sa mère s'appelait Mary, je crois
Il a trente-trois ans, je crois
Le FBI lui court après, je crois
Et s'ils arrivent à le coincer
Ils mettront notre ami en croix
Jésus, Jésus-Christ
Jésus-Christ est un hippie
Qui serait Jésus aujourd’hui ?
Ce que je trouve intéressant dans les paroles de cette chanson, c’est qu’elles proposent de transposer la personne de Jésus dans notre monde d’aujourd’hui. En l’occurrence, le monde des années 1970. Avec malice, le texte de la chanson fait de Jésus un hippie sdf, qui vit dans les rues de San Francisco ou soigne les blessés à Woodstock. On l’arrête pour vagabondage et le FBI est même à ses trousses… et s’ils arrivent à le coincer, ils vont le crucifier.
En 2025, on ne parlerait plus de hippies évidemment… Mais qui serait Jésus aujourd’hui ? Et où le trouverait-on ? Serait-il un zadiste ? Un altermondialiste ? Ou alors un influenceur qui traîne sur Instagram et Tiktok ? Serait-il seulement dans les Eglises ? Sans doute quand même le dimanche matin, comme il allait dans les synagogues. Et je ne sais pas s’il serait bien reçu… Mais le reste de la semaine, il serait dehors, là où les gens se trouvent, là où ils se rassemblent, là où il peut aider, accueillir, guérir, transmettre la Bonne Nouvelle. Et je ne suis pas sûr du tout que les responsables politiques, et les responsables religieux d’aujourd’hui, verraient toujours d’un bon œil ses paroles et ses actes.
Une des idées intéressantes de la chanson, c’est de laisser entendre que quelle que soit l’époque à laquelle Jésus viendrait, il serait poursuivi et crucifié… ou du moins écarté, rejeté voire éliminé. Dans la chanson, c’est le FBI qui cherche à mettre la main sur lui, et qui risque de le mettre en croix.
Le rejet subi par Jésus il y a deux mille ans n’est pas lié au lieu ou à l’époque de sa venue. Il est lié à la réalité du cœur humain, qui n’a guère changé depuis. Un cœur humain qui peine à accepter Dieu, à se tourner vers lui, qui résiste à son appel.
Il faut dire que Jésus n’est pas forcément là où on l’attend, il ne dit pas forcément ce qu’on a envie d’entendre, il est en dehors du cadre où on voudrait l’enfermer. Et ça dérange… Hier comme aujourd’hui.
Jean-Baptiste, hippie aussi ?
Le texte de l’évangile de ce deuxième dimanche de l’Avent évoque un autre personnage biblique, lié à Jésus… et qu’on pourrait d’ailleurs assez facilement qualifier aussi de hippie. C’est Jean-Baptiste.
Matthieu 3.1-121En ce temps-là paraît Jean le baptiste qui se met à proclamer dans le désert de Judée : 2« Changez de vie, car le royaume des cieux est tout proche ! » 3Jean est celui dont le prophète Ésaïe a parlé lorsqu'il a dit :« C'est la voix d'un homme qui crie dans le désert :Préparez le chemin du Seigneur,faites-lui des sentiers bien droits ! »4Jean avait un vêtement fait de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 5Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région voisine de la rivière du Jourdain venaient à sa rencontre. 6Ils reconnaissaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans le Jourdain.7Jean vit que beaucoup de pharisiens et de sadducéens venaient à lui pour être baptisés ; il leur dit : « Espèce de vipères ! Qui vous a appris à échapper à la colère de Dieu qui vient ? 8Montrez par des actes que vous avez changé de vie 9et ne pensez pas qu'il suffit de dire en vous-mêmes : “Abraham est notre père !” Car je vous dis que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des enfants d'Abraham ! 10La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.11Moi, je vous baptise dans l'eau pour que vous changiez de vie ; mais celui qui vient après moi vous baptisera dans l'Esprit saint et dans le feu. Il est plus fort que moi : je ne suis pas digne d'enlever ses sandales. 12Il tient en sa main la pelle à vanner et séparera le grain de la paille. Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint jamais. »
Faut-il rappeler que, quelque temps plus tard, et c’est relaté juste après dans l’évangile de Matthieu, Jésus va se rendre auprès de Jean-Baptiste, au bord du Jourdain, pour se faire lui-même baptiser ?
Jean était le dernier prophète à annoncer la venue du Messie. Son rôle était de préparer à l’arrivée de Jésus. Alors il le fait avec un langage direct, dérangeant, invitant à changer de vie pour se préparer à un jugement qu’il associe à la venue du Messie. « Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint jamais. »
Mais Jésus ne sera pas exactement comme Jean l’avait imaginé. D’ailleurs, au début, il ne comprendra pas vraiment ce qui se passe. Lorsque Jésus viendra lui demander de le baptiser, Jean résistera. « C’est toi qui devrais me baptiser, pas moi. » Jésus n’est pas venu pour condamner mais pour sauver, il est venu pour donner sa vie et annoncer la grâce de Dieu. Lui qui n’a pas besoin de repentance passe par le baptême de Jean parce qu’il est venu pour nous, comme l’un d’entre nous, vivre et mourir pour nous.
On peut donc dire que Jean-Baptiste lui-même, que Jésus présentera plus tard comme le plus grand des prophètes, a été surpris par Jésus. Ça n’enlève rien à l’importance de son ministère, d’ailleurs Jésus lui rendra hommage publiquement. Mais il s’est trompé, au moins en partie, sur Jésus.
Pas étonnant que nous aussi, nous ayons encore à apprendre, à découvrir, à approfondir notre connaissance de Jésus. Peut-être avons-nous besoin de tordre le cou à certains a priori, de remettre en question certaines certitudes, voire de sortir un peu du cadre, pour vraiment rencontrer Jésus-Christ.
Rencontrer Jésus et changer
Je ne sais pas si Jésus-Christ est un hippie mais en tout cas, il est à la fois semblable et différent de nous, à la fois proche et décalé. Jésus est comme nous, l’un des nôtres… mais il est aussi différent de ce qu’on imagine, il n’est pas forcément là où on l’attend.
Jésus est comme nous. Il est pleinement humain. Il est le Fils de Dieu devenu homme, c’est bien ce que nous célébrons à Noël. Il est pleinement solidaire de l’humanité, il s’identifie à nous jusque dans notre condition de pécheur, en passant par le baptême de Jean.
Mais Jésus est aussi différent de ce qu’on peut croire ou imaginer. En tout cas, il ne peut pas être enfermé dans une case, une catégorie, ni même peut-être une théologie. Il s’agit moins de le comprendre que de le rencontrer.
Et c’est là que l’appel de Jean-Baptiste prend toute sa valeur : « Changez de vie, car le royaume des cieux est tout proche ! » Si le Royaume est tout proche, c’est parce que le Roi est là. Il s’agit de changer de vie pour entrer dans le Royaume, mais aussi de s’apprêter à être changé par notre rencontre avec le Roi.
Conclusion
Ce n’est pas sur les bancs de San Francisco, comme dans la chanson, que Jésus se rencontre aujourd’hui. C’est sur les chemins de nos vies. Et c’est une rencontre à laquelle nous devons sans cesse nous préparer, car elle nous conduit à changer, elle nous transforme.
Je terminerai donc cette prédication par une simple question d’appropriation : Qu’est-ce qui doit encore changer en moi, aujourd’hui, pour pleinement rencontrer Jésus-Christ ? Dans quels domaines de ma vie dois-je encore laisser Jésus-Christ me changer ?