Nous poursuivons notre mini-série de l’Avent, avec des prédications centrées sur la personne de Jésus mais à travers quatre chansons françaises.
Il y a quelque temps, je suis tombé par hasard sur la vidéo d’une chanson de François Morel, grâce à laquelle j’ai eu l’idée de cette mini-série de l’Avent. François Morel, on le connaît comme comédien et humoriste, très fin. On le connaît moins comme chanteur… Mais en 2016, il a sorti un album intitulé « La vie (titre provisoire) » dans lequel il y a une chanson qui s’intitule « Petit Jésus, tu m’as déçu ». Je ne connaissais pas la chanson mais les paroles sont assez savoureuses, certes ironiques mais pleines de poésie. Et puis elles disent quelque chose de très sérieux. Elles témoignent de quelqu’un qui connaît les récits des évangiles, qui connaît le personnage Jésus, mais qui a été déçu…
Tu changeais l'Evian en Cahors,
La Cristalline en Chambertin,
Et la Vittel en St Pourçain,
Mais depuis plus une nouvelle,
Pas un message, pas un e-mail,
Petit Jésus, tu m'as déçu.
Après tu nous as tous bluffés,
Au désespoir des boulangers,
Il t’avait suffi d'un quignon,
Pour nourrir toute une légion,
Mais depuis c'est silence radio,
Pas un coup d'fil, pas un texto,
Petit Jésus, tu m'as déçu.
Je n'oublie pas tes fantastiques
Talents dans les sports aquatiques,
Tes aptitudes d'orateur,
Tes facultés de guérisseur,
Je t'évoque à Noël, à Pâques,
Mais je n'attends plus ton come-back,
Petit Jésus, tu m'as déçu.
Juste après ta crucifixion,
Il y a eu ta résurrection,
Tout le monde a crié chapeau (chapeau !)
Vas-y prophète, tu déchires trop,
Mais pas de renouveau depuis,
Même pas un p’tit tour de magie,
Petit Jésus, tu m'as déçu.
Fallait qu'il ait bon caractère,
Entre nous Joseph ton beau-père,
Quand un jour Marie lui a dit :
J'suis enceinte mais... c'est le St Esprit,
Dans chaque famille y'a des dossiers,
Quand même chez toi, c'est gratiné,
J'en dis pas plus, Petit Jésus.
Tes aventures ont fait long feu,
Y'aura jamais de saison deux,
Quand tu es remonté au ciel,
Il n'y avait pas de minitel,
Il faut se faire une raison,
Vivons sans toi et puis chantons,
Petit Jésus, tu m'as déçu,
Petit Jésus, tu m'as déçu !
Déçu de Jésus
La déception exprimée dans cette chanson, à propos de Jésus, fait écho à la déception que de nombreuses personnes peuvent ressentir. Elles sont peut-être déçues de Jésus… ou du moins de l’idée qu’elles se font de lui. Ou alors elles sont déçues de celles et ceux qui se réclament de Jésus, déçues des chrétiens, de l’Eglise, de la religion…
Quelle est donc la nature de la déception exprimée par la chanson ? Remarquez d’abord que la personne de Jésus est largement évoquée, avec sa naissance, sa vie, ses miracles, sa mort, sa résurrection et son ascension. C’est très complet !
Qu’est-ce qui coince alors ? C’est l’impression d’un Jésus qui appartient au passé, un personnage de l’histoire désormais absent de notre présent : « Pas un message, pas un e-mail » Quelqu’un qui n’a pas grand-chose à nous dire ou à nous apporter aujourd’hui… « Mais pas de renouveau depuis, même pas un p’tit tour de magie. » Et encore moins demain : « Je t'évoque à Noël, à Pâques, mais je n'attends plus ton come-back »
La voilà, la déception ! On n’attend plus rien de Jésus… Et c’est pourquoi la chanson se termine sur cette conclusion : « Il faut se faire une raison, vivons sans toi et puis chantons ! »
Et pourtant, j’ai l’impression de percevoir une autre déception dans les paroles de la chanson. Comme si François Morel aurait bien voulu y croire… mais « il faut se faire une raison ».
Que faire quand on est déçu de Jésus ?
Le texte de l’évangile de ce troisième dimanche de l’Avent peut justement faire écho à cette question. On le trouve dans l’évangile de Matthieu :
Matthieu 11.2-112 Jean le baptiste, dans sa prison, entendit parler des œuvres du Christ. Il envoya ses disciples 3 demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » 4 Jésus leur répondit : « Allez raconter à Jean ce que vous entendez et voyez : 5 les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés de leur lèpre, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. 6 Heureux celui qui n'abandonnera pas la foi à cause de moi ! »7 Après le départ des disciples de Jean, Jésus se mit à parler de celui-ci à la foule en disant : « Qu'êtes-vous allés voir au désert ? un roseau agité par le vent ? 8 Alors qu'êtes-vous allés voir ? un homme vêtu d'habits magnifiques ? Mais les personnes qui portent des habits magnifiques se trouvent dans les palais des rois. 9 Qu'êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, vous dis-je, et même bien plus qu'un prophète. 10 Car Jean est celui dont l'Écriture déclare : “Voici que j'envoie mon messager devant toi, pour t'ouvrir le chemin.” 11 Je vous le déclare, c'est la vérité : parmi les humains, il n'a jamais existé personne de plus grand que Jean le baptiste ; pourtant, celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui.
Les doutes de Jean-Baptiste
Vous vous souvenez peut-être que dimanche dernier, nous étions déjà avec Jean-Baptiste, et nous avions dit qu’il avait été surpris par Jésus, qui ne semblait pas cadrer exactement avec le Messie dont il annonçait la venue. Nous retrouvons Jean-Baptiste, quelque temps plus tard. Il n’est plus au bord du Jourdain parce qu’il a été arrêté. Il est en prison et il sait sans doute que ses jours sont comptés. Et il est visiblement encore troublé. Alors il envoie ses disciples auprès de Jésus pour lui poser une question : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »
Est-ce que Jean-Baptiste était déçu de Jésus ? On ne peut certainement pas le dire ainsi. Mais indéniablement, il avait des doutes, des interrogations.
Jésus répond en citant plusieurs paroles du prophète Esaïe. Sa réponse indirecte devrait être suffisante pour Jean-Baptiste. Lui qui était « la voix qui crie dans le désert » selon la formule du même prophète Esaïe, lui qui s’inscrit dans la lignée des prophètes comprendra cette référence biblique. Ses doutes seront levés, très certainement.
Et Jésus ne s’arrête pas là. Il profite de l’occasion pour chanter les louanges de Jean : « Je vous le déclare, c'est la vérité : parmi les humains, il n'a jamais existé personne de plus grand que Jean le baptiste… » Ce n’est pas rien quand même ! Et Jésus dit cela de quelqu’un qui doute.
Pour que la foi ne déçoive pas…
Les doutes, les interrogations, les frustrations, même les déceptions, font partie de nos chemins de foi. La question est : que fait-on de nos déceptions et de nos doutes ? Comment gère-t-on nos interrogations et nos frustrations ?
Est-ce que, comme dans la chanson, on se fait une raison et on les laisse gagner ? Alors nous disons : vivons sans Jésus et chantons… Ou alors, nous pouvons décider de ne pas nous résigner, de ne pas nous faire une raison mais de choisir, malgré tout, de vivre avec Jésus.
Il ne s’agit pas de nier, ou de minimiser nos doutes, nos frustrations et nos déceptions. Il faut, au contraire, les prendre en compte, les accepter. Il ne faut pas s’en étonner. Il faudrait même plutôt s’inquiéter si on n’en avait jamais… Le chemin de la foi est parsemé de doutes, de frustrations et de déceptions qui rendent la marche parfois périlleuse, voire qui peuvent nous faire trébucher.
Et si nous faisions de nos doutes et nos déceptions des occasions d’affermir notre foi ? En les surmontant, notre foi s’approfondit…
Quelle est la nature de notre déception ? Est-ce Jésus qui nous a déçu ou l’image que nous nous faisions de lui ? Peut-être est-ce alors l’occasion de corriger notre vision de Jésus-Christ, d’en approfondir notre compréhension ? Et d’ainsi affermir notre foi, vers une compréhension plus réfléchie, plus équilibrée, plus nuancée.
D’où viennent nos frustrations ? De la non-réponse de Dieu et de son inaction à notre égard, ou de notre incapacité à faire face, de la confrontation à nos failles et nos limites ? Voilà peut-être l’occasion d’exercer notre patience, d’apprendre la persévérance… et d’ainsi affermir notre foi dans une confiance et une espérance qui dépendent moins des circonstances.
De qui doutons-nous finalement ? De Jésus-Christ ou de nous-mêmes ? Il s’agira peut-être alors de recevoir tout à nouveau la grâce de Dieu, saisir plus profondément son accueil sans condition… et ainsi affermir notre confiance, notre foi.
C’est bien en tout cela que nos doutes, nos frustrations, nos déceptions peuvent être des occasions d’affermir notre foi. En les surmontant, notre foi s’affermit, elle s’approfondit.
Conclusion
J’ai lu dans une interview de François Morel qu’il disait, à propos de sa chanson Petit Jésus, tu m’as déçu : « Je l'ai fait écouter à une vieille dame parmi mes amis, 101 ans et pour qui la foi est un pilier. Dans un doux sourire, Raymonde m'a dit : Tu ne crois pas qu'on l'a aussi un peu déçu ? »
Et elle a mille fois raison, Raymonde… Peut-être même pourrait-on dire que la déception que nous pouvons ressentir quant à Jésus est liée à la déception de celles et ceux qui s’en réclament et qui, eux, déçoivent. Et nous en faisons forcément partie.
Dans cette même interview, François Morel posait la question : « Est-ce que douter de Dieu, ce n'est pas y croire mieux ? » En tout cas, c’est en acceptant nos doutes, nos frustrations et nos déceptions, et non en les niant, que nous pourrons croire mieux. C’est bien en y étant confronté que notre foi peut s’affermir, dans la confiance et l’espérance.
Alors je terminerai en prenant le contre-pied de la conclusion de la chanson de François Morel, comme une confession de foi :
Vivre avec toi et puis chanter
Jésus, tu ne m’as pas déçu !