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dimanche 14 août 2022

Ruth - épisode 4 : Une fin heureuse

 

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Résumé des épisodes précédents :

Noémi s’était exilée avec son mari et ses deux fils dans le pays de Moab, pour fuir la famine en Israël. Quelques années plus tard, elle retourne dans son pays, veuve et sans descendance, dans une situation précaire. Mais Ruth, une de ses belles-filles, a choisi de lui rester loyale et l’accompagne. 

En allant glaner dans un champ, comme la loi le prévoyait, Ruth rencontre un accueil inattendu et généreux de la part du propriétaire, Booz, qui s’avère être un parent de Noémi. Pour cette dernière, ce n’est pas un hasard… c’est Dieu qui a conduit Ruth. Elle met au point un plan pour inciter Booz à exercer son droit de rachat, une coutume de solidarité familiale, afin d’épouser Ruth. 

Ruth se plie volontiers à ce plan et Booz s’empresse d’y répondre favorablement. Mais il y a un hic : il existe un autre parent plus proche de Noémi qui est prioritaire pour le droit de rachat. La belle histoire d’amour qui naît entre Ruth et Booz va-t-elle capoter à cause de lui ? 


Ruth 4

1 Booz monta à la porte de la ville et s'y assit. Le parent dont Booz avait parlé à Ruth vint à passer. Booz l'appela : « Viens par ici et assieds-toi », lui dit-il. C'est ce qu'il fit. 2 Booz prit dix hommes parmi les anciens de la ville et dit : « Venez vous asseoir ici pour siéger. » Et ils prirent place. 3 Il déclara alors au parent d'Élimélek : « Tu sais que Noémi est revenue du pays de Moab. Eh bien, elle met en vente le champ qui appartenait à Élimélek, notre parent. 4 J'ai décidé de t'en informer et de te dire : Fais-en l'acquisition, devant les anciens et les autres personnes qui siègent ici. Si tu veux exercer ton droit de rachat, fais-le, sinon déclare-le-moi et que je le sache, car c'est à moi que ce droit revient tout de suite après toi. » L'homme dit : « Je veux bien acheter le champ. » 5 Booz reprit : « Si tu achètes le champ à Noémi, tu devras en même temps prendre pour femme Ruth, la Moabite, la femme de celui qui est mort, afin de maintenir le nom du mari décédé sur son patrimoine. » 6 Le proche parent répondit : « Je ne peux exercer mon droit de rachat, de peur de ruiner mes propres biens. Exerce donc toi-même mon droit de rachat, car je ne peux vraiment pas l'exercer moi-même. »

7 Or il y avait une coutume autrefois en Israël, en cas de rachat et d'échange : l'une des personnes ôtait sa sandale et la donnait à l'autre afin de valider toute affaire. Ce geste prouvait que le marché était conclu. 8 Le proche parent dit à Booz : « Fais-en l'acquisition » et il ôta sa sandale. 9 Booz déclara alors aux anciens et à tous ceux qui étaient là : « Vous êtes témoins aujourd'hui que j'ai acheté à Noémi tout ce qui appartenait à Élimélek et à ses fils, Kilion et Malon. 10 En même temps, je prends pour femme Ruth la Moabite, la veuve de Malon. De cette façon la propriété gardera le nom du mari décédé et son nom ne sera ni effacé dans son entourage ni dans les affaires de sa localité. En êtes-vous témoins aujourd'hui ? » 11 Les anciens et tous ceux qui étaient présents répondirent : « Oui, nous en sommes témoins ! Que le Seigneur accorde à la femme qui entre dans ta maison d'être comme Rachel et comme Léa qui ont donné naissance, à elles deux, au peuple d'Israël ! Que ta richesse soit grande dans le clan d'Éfrata et que ton nom soit célèbre à Bethléem ! 12 Que le Seigneur t'accorde de nombreux enfants par cette jeune femme et qu'ainsi ta famille soit semblable à celle de Pérès, le fils que Tamar donna à Juda ! »

13 Alors Booz prit Ruth comme épouse, elle devint sa femme. Il s'unit à elle et le Seigneur lui accorda de concevoir et elle donna naissance à un fils. 14 Les femmes de Bethléem dirent à Noémi : « Béni soit le Seigneur ! Aujourd'hui il ne t'a pas laissée sans quelqu'un pour te délivrer. Que son nom soit proclamé en Israël ! 15 Il te redonne la force de vivre, il est le soutien de ta vieillesse. Car ta belle-fille qui t'aime l'a enfanté : elle vaut mieux pour toi que sept fils. » 16 Noémi prit l'enfant et le tint serré contre elle, puis elle se chargea de l'élever. 17 Les femmes du voisinage lui donnèrent son nom. Elles disaient : « Noémi a un fils ! » et elles l'appelèrent Obed. Obed fut le père de Jessé, père de David.

18 Voici la descendance de Pérès : Pérès eut un fils Hesron, 19 Hesron eut un fils Ram, Ram eut un fils Amminadab, 20 Amminadab eut un fils Nachon, Nachon eut un fils Salma, 21 Salma eut un fils Booz, Booz eut un fils Obed, 22 Obed eut un fils Jessé et Jessé eut un fils, David.


Comme promis, et comme Noémi l’avait bien deviné, Booz ne tarde pas à prendre les choses en main. Il compte bien épouser Ruth et exercer son droit de rachat. Alors il fait les choses dans les règles, tout en présentant l’affaire de telle façon qu’il ait les meilleures chances d’arriver à ses fins. 

Il va se poster à la porte de la ville, sachant que l’autre parent plus proche (dont on ne connaîtra jamais le nom…) va forcément y passer dans la journée. Dans un lieu public, il va pouvoir procéder à l’affaire devant témoins. C’est ce qu’il fait quand l’homme en question arrive, prenant avec lui dix anciens de la ville. Habilement, il ne parle pas tout de suite de Ruth et du droit de rachat. Il parle de Noémi, revenue de Moab, et d’un champ qui lui appartient et qu’elle met en vente. Un champ qui, sans doute, était en friche depuis des années puisqu’elle était partie avec son mari… Pas sûr, donc, qu’il avait encore une grande valeur. C’est sans doute pourquoi l’homme est d’accord de racheter le champ. Ça n’allait pas lui coûter grand-chose. 

Et c’est à ce moment-là seulement que Booz parle de Ruth. S’il achète le champ, il devra aussi prendre Ruth comme épouse. Et là, c’est autre chose. Ça fait deux bouches à nourrir, parce qu’il y a aussi Noémi… Et visiblement, c’est beaucoup plus compliqué à envisager pour lui. Il estime même que cela mettrait en péril ses biens. Il préfère donc renoncer. Peut-être, d’ailleurs, avait-il perçu que Booz, lui, tenait à Ruth. En tout cas, il lui donne le champ libre : « exerce toi-même mon droit de rachat… »

Voici donc l’affaire conclue, devant témoins et dans les règles. Place au dénouement heureux de l’histoire : Booz et Ruth se marient et ont un enfant, un fils. C’est un grand sujet de joie pour tous. Les femmes de Bethléem se réjouissent avec Noémi : Dieu a pris pitié d’elle. C’est elle qui va même élever l’enfant, si bien que toutes disent : « Noémi a un fils ! »

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Il faut rester jusqu’au bout, comme pour les scènes post-génériques de certaines séries ou des films Marvel. En effet, la toute fin du livre de Ruth fait entrer la petite histoire dans la grande. La généalogie de Pérès, fils de Juda, rattache Booz et Ruth, héros de cette histoire toute simple, à un des plus illustres personnages de l’histoire biblique : le roi David, et par lui à la lignée du Messie. On retrouve d’ailleurs les noms de Booz et de Ruth mentionnés dans la généalogie qui débute l’évangile de Matthieu : « Booz eut un fils de Ruth, Obed » (Matthieu 1.5). 


Dieu choisit les petits et les oubliés

Au-delà du happy end, l’épisode final de notre mini-série révèle un destin extraordinaire pour Ruth. Cette jeune femme d’origine moabite est non seulement incorporée au peuple d’Israël mais elle est intégrée à la lignée messianique !

Habituellement, dans la Bible, on ne mentionne pas les femmes dans les généalogies. Seuls les hommes le sont. D’ailleurs, la généalogie qui termine le livre ne mentionne que Booz, pas Ruth. Mais il y a évidemment tout le récit qui précède qui met Ruth largement en valeur. Dans la généalogie de Matthieu, en revanche, quelques femmes sont mentionnées. 

Aux côtés de Ruth, on trouve mentionnées Tamar et Rahab, Bathshéba est sous-entendue (elle est désignée comme la femme d’Urie) et il y a bien-sûr Marie. 

Ces quelques femmes auraient pourtant pu rester totalement anonymes dans l’histoire… 

  • Ruth n’était pas Israélite mais Moabite, une jeune femme toute simple qui n’a rien fait d’extraordinaire sinon d'être restée loyale à sa belle-mère. 
  • Tamar était la belle-fille de Juda, la première femme dans le récit biblique qui aurait dû bénéficier du devoir de rachat mais qui a été négligée. Elle va se retrouver enceinte de son beau-père, Juda, à la suite d’une histoire assez sordide. Mais le fils qui naîtra sera Pérès, dont on fait la généalogie à la fin du livre de Ruth. 
  • Rahab non plus n’était pas Israélite. C’était même une prostituée… Elle habitait Jéricho et a caché les espions Hébreux lorsqu’ils sont venus observer la ville. On apprend dans la généalogie de Matthieu qu’elle sera aussi la mère de Booz. 
  • Bathshéba n’est pas mentionnée explicitement, mais on parle d’elle en la désignant comme la femme d’Urie. Et là c’est Urie qui, d’une certaine manière, est intégré par Batshéba dans la lignée messianique. Lui que le roi David avait envoyé au front, promis à une mort certaine, pour se débarrasser de lui après avoir abusé de Batshéba et l’avoir mise enceinte. Batshéba qui, plus tard, sera la mère de Salomon, celui qui succédera à David sur le trône. 
  • Quant à Marie, la mère de Jésus, on connaît son histoire, qui n’est pas banale. C’était une jeune fille simple et humble, qui a failli être répudiée par son fiancé Joseph. 

Ce n’est pas un hasard si ce sont ces femmes-là qui sont mentionnées dans la généalogie de Jésus. Dieu aime les petits, les oubliés ou les rejetés, ceux, et ici en particulier celles, qui pourraient facilement être oubliés par l’histoire. Il les utilise pour accomplir son projet. 

Dieu ne s’intéresse pas plus aux grands qu’aux petits. Pour lui, personne n’est insignifiants. Les plus petits et les plus humbles, il aime les intégrer à l'accomplissement de ses projets. Vous pouvez être oublié ou rejeté par les humains, Dieu se soucie de vous et il a des projets pour votre vie ! 

Faut-il rappeler que le projet de salut de Dieu a été pleinement accompli en Jésus qui est, certes, Fils de Dieu, mais qui est venu sur terre humblement, dans une famille toute simple, né dans une étable parce que personne ne voulait les accueillir ? 


L’évangile de Ruth

On pourrait aussi oser une lecture typologique du livre de Ruth, c’est-à-dire une lecture spirituelle et symbolique, annonçant la figure du Messie. Ne peut-on pas voir, derrière les personnages et les événements décrits, des préfigurations du Christ ? Il faut être prudent avec une telle lecture mais le Nouveau Testament nous invite bel et bien à considérer que tout l'Ancien Testament conduit au Christ.

L'épilogue du livre de Ruth est caractéristique : l'espoir renaît avec la naissance d'un fils à Ruth dont tout le monde souhaite qu’elle soit : « comme Rachel et comme Léa qui ont donné naissance, à elles deux, au peuple d'Israël ! » De plus, cet enfant naît à Bethléem, il est un ancêtre de David par la lignée duquel naîtra le Christ. Il s'appelle Obed, un nom qui signifie « serviteur » : la figure du serviteur est bien une figure messianique !

Si on regarde l'ensemble de l'histoire de Ruth, on peut aussi y voir comme une typologie du salut. La foi / fidélité de Ruth a changé le cours de sa vie, grâce à Booz, son rédempteur. Booz y apparaît comme une figure du Christ : c'est lui qui rachète Ruth et Noémi, qui les sauve. Noémi pourrait même être perçue comme une figure du peuple d'Israël, et Ruth une figure des païens, toutes deux sauvées, rachetées par Booz, comme le Christ a racheté, sauvé, Juifs et non-Juifs par amour, les unissant dans un même peuple. De plus, le Christ aussi est notre « proche parent » : il est notre frère par l'incarnation, le Fils de Dieu devenu homme.

Nous le voyons, derrière cette belle histoire familiale se cache un message d'une profondeur insoupçonnée. Un véritable évangile de Ruth… 


Conclusion

Nous voici arrivés au terme de notre mini-série de l’été. Elle se termine bien. Et même de façon inespérée quand on considère dans quelles conditions l’histoire a commencé. 

Le tournant de l’histoire, c'est évidemment la décision de Ruth, sa loyauté envers sa belle-mère alors qu’elle n’y était pas obligée. Sans cette décision, Noémi serait restée dans sa condition précaire et incertaine, Ruth n’aurait jamais glané dans le champ de Booz, les deux ne se seraient jamais mariés et Obed, ancêtre de Jésus-Christ, ne serait jamais né. La lignée messianique aurait dû passer par quelqu’un d’autre…  

Qui peut savoir les conséquences de nos décisions et de nos choix ? Qui peut se douter de la façon dont Dieu peut utiliser nos initiatives et nos actions ? 

Faisons-lui confiance, il agira selon ses plans. Dans sa providence il veille sur nous, car nul n’est insignifiant pour lui ! Nous sommes importants à ses yeux ! 


dimanche 7 août 2022

Ruth - épisode 3 : un plan sans accroc ?

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Résumé des épisodes précédents :

Veuve, sans descendance, en terre étrangère, Noémi se retrouve en situation de grande précarité. Elle avait émigré avec son mari et ses deux fils dans le pays de Moab pour fuir la famine en Israël. La voilà de retour au pays, seule… enfin pas tout à fait seule puisqu’elle est accompagnée par Ruth, une de ses belles-filles d’origine moabite qui, par loyauté, a refusé de la quitter. 

Comme la loi le prévoyait, Ruth va glaner dans un champ pour subvenir à leurs besoins. Elle y trouve un accueil inattendu et généreux de la part du propriétaire, Booz, qui s’avère être un parent de Noémi. Pour cette dernière, ce n’est pas un hasard : Dieu a conduit Ruth jusqu’à son champ. Elle encourage alors Ruth à continuer d’aller dans les champs de Booz jusqu’à la fin de la récolte. Elle a visiblement un plan… 

Ruth 3

1 Noémi, la belle-mère de Ruth, lui dit : « Ma fille, je dois chercher à assurer ta sécurité pour que tu sois heureuse. 2 Voici ce que nous allons faire. Booz notre parent, dont tu as fréquenté les servantes, ira ce soir battre l'orge sur son aire. 3 Lave-toi, parfume-toi et recouvre-toi d'un manteau. Ensuite, rends-toi sur l'aire de battage, mais ne te montre à personne avant qu'il ait fini de manger et de boire. 4 Lorsqu'il ira se coucher, observe la place où il s'installe. Approche-toi ensuite, écarte un peu sa couverture et allonge-toi à ses pieds. Après cela, il t'indiquera lui-même comment tu dois agir. » – 5 « Je ferai tout ce que tu m'as dit », répondit Ruth.

6 Ruth se rendit à l'aire de battage et fit tout ce que sa belle-mère lui avait recommandé. 

7 Booz mangea et but, ce qui le mit d'excellente humeur, puis il alla se coucher à l'écart de son tas de gerbes. Ruth s'approcha sans bruit, écarta la couverture et s'allongea à ses pieds.

8 Au milieu de la nuit, Booz se réveilla en sursaut, il se pencha en avant et voici qu'une femme était couchée à ses pieds ! 9 « Qui es-tu ? » demanda-t-il. Elle répondit : « C'est moi, Ruth, ta servante. Veuille me prendre sous ta protection, car tu as à mon égard la responsabilité du proche parent qui a droit de rachat. » 10 Booz lui déclara : « Que le Seigneur te bénisse, ma fille ! Cette preuve de fidélité que tu viens de montrer est encore plus grande que la précédente. En effet, tu n'es pas allée après les jeunes gens, riches ou pauvres. 11 Et maintenant, ne crains rien ma fille ! Je ferai pour toi tout ce que tu me diras, car toute la population sait que tu es une femme de grande valeur. 12 Il est exact que j'ai à ton égard la responsabilité du proche parent qui a le droit de rachat, mais il existe un homme dont le degré de parenté avec ta famille est plus proche que le mien. 13 Passe ici la nuit ; attendons demain matin. Nous verrons s'il veut exercer son droit de rachat à ton égard. Si oui, qu'il le fasse. S'il ne le désire pas, je l'affirme : aussi vrai que le Seigneur est vivant, j'exercerai mon droit de rachat à ton égard. En attendant, reste couchée jusqu'au matin. »

14 Ruth resta couchée aux pieds de Booz, mais elle se leva avant l'heure où l'on peut reconnaître quelqu'un. Booz se disait : « Il vaut mieux qu'on n'apprenne pas que cette femme est venue à cet endroit. » 15 Il lui dit : « Enlève le foulard que tu portes et tiens-le bien. » Elle le tint et il y versa six mesures d'orge qu'il l'aida à charger. Ensuite, il retourna à la ville. 

16 Ruth revint chez sa belle-mère. Celle-ci lui demanda : « Comment cela s'est-il passé, ma fille ? »

Ruth lui raconta tout ce que Booz avait fait pour elle. 17 Elle ajouta : « Il m'a donné ces six mesures d'orge en disant : “Ne retourne pas chez ta belle-mère les mains vides.” » 18 Noémi lui dit : « Reste ici, ma fille, jusqu'à ce que tu saches comment l'affaire tournera. Booz ne sera satisfait que s'il la règle aujourd'hui même ! »

Savez-vous ce qu’est un cliffhanger ? Dans une série, c’est un rebondissement à la fin d’un épisode, une fin ouverte qui donne envie de connaître la suite et crée l’attente de l’épisode suivant. C’est un peu ce qui se passe dans cet épisode 3 de l’histoire de Ruth. Alors que tout semblait se diriger vers un happy end évident avec le mariage de Booz et Ruth, on apprend qu’il y a un autre parent, plus proche de Noémi que Booz, qui pourrait tout faire capoter… et l’épisode s’arrête là ! Il faudra attendre la semaine prochaine pour connaître le dénouement. Mais il se passe assez de choses dans cet épisode 3 pour nourrir notre réflexion aujourd’hui. 

Revenons donc au début de l’épisode. On sentait bien, à la fin de l’épisode précédent, que Noémi avait une idée derrière la tête… Et ça se confirme dès le début de l’épisode 3. Elle dit à Ruth comment agir auprès de Booz pour lui faire comprendre qu’il peut faire valoir son « droit de rachat » pour l’épouser. On reviendra sur ce droit d’achat. Retenons simplement pour le moment qu’il s’agissait d’une coutume de solidarité familiale en cas de veuvage sans enfant. 

On peut s’étonner de la passivité apparente de Ruth, semblant soumise au plan de sa belle-mère, sans dire un mot. Pourtant, à y regarder de plus près, je pense que Ruth savait très bien ce qui se passait et qu’elle n’y allait pas à reculons. Noémi lui dit ce qu’elle doit faire : se coucher aux pieds de Booz. Et elle ajoute : « Après cela, il t'indiquera lui-même comment tu dois agir. » Or, quand on regarde la suite, ce n’est pas vraiment comme ça que ça s’est passé. Certes, Ruth est allée discrètement se coucher aux pieds de Booz mais quand celui-ci la découvre, au milieu de la nuit, ce n’est pas lui qui dit à Ruth ce qui doit se passer par la suite. C’est Ruth qui lui explique ce qu’il doit faire : « C'est moi, Ruth, ta servante. Veuille me prendre sous ta protection, car tu as à mon égard la responsabilité du proche parent qui a droit de rachat. » Jamais auparavant on nous dit que Noémi a expliqué cela à Ruth. Mais elle a compris… Et elle prend les devants pour demander à Booz de le faire ! 

C’est intéressant d’ailleurs comme les femmes prennent les devants dans cette histoire, alors que tout était organisé pour que ce soient les hommes qui exercent les responsabilités et prennent les décisions. Le livre de Ruth est aussi un petit récit féministe… 

Pour autant, on ne peut pas dire que Booz soit manipulé, pas plus que Ruth ne l’était par Noémi. En fait, on peut relever au moins deux raisons pour lesquelles Booz n’a pas pris l’initiative auprès de Ruth :

  • Booz était visiblement plus âgé que Ruth et il ne voulait pas s’imposer à elle. C’est bien ce qu’il sous-entend au verset 10 : « Que le Seigneur te bénisse, ma fille ! Cette preuve de fidélité que tu viens de montrer est encore plus grande que la précédente. En effet, tu n'es pas allée après les jeunes gens, riches ou pauvres. »
  • D’autre part, il n’était pas prioritaire pour exercer le droit de rachat. Il y avait un autre parent, plus proche. Le fait, d’ailleurs, qu’il le mentionne tout de suite à Ruth montre bien qu’il y avait pensé ! 

Booz était un homme de bien, loyal et respectueux. Mais l’attitude de Ruth fait éclater les verrous. Il répond avec empressement à la demande de Ruth et décide sans tarder d’essayer de lever l’obstacle qui reste à leur mariage. 

Pour tout dire, je ne crois pas du tout qu’on soit ici en présence d’un mariage forcé, ni pour Ruth ni pour Booz. La façon dont les choses se passent laisse entendre qu'ils étaient sans doute l’un et l’autre consentants. Certes, ce n'est pas explicite... Mais les paroles de Ruth lorsqu'elle évoque Booz à sa belle-mère, le traitement de faveur que Booz lui accorde dès le début et l'empressement avec lequel il veut régler cette affaire, tout laisse entendre qu'il s'agit de bien plus qu'un mariage forcé. C’est une histoire d’amour !

Une histoire d’amour dont nous verrons, lors du prochain et dernier épisode, si elle se termine bien ou pas… 


La loi et l’esprit de la loi

Revenons sur cette fameuse loi du droit de rachat au cœur de notre épisode. Il s’agissait d’une coutume ancienne, qu’on voit apparaître pour la première fois dans la Genèse avec Tamar, la fille de Juda : 

Genèse 38.8

Alors Juda dit à Onan : « Va vers la femme de ton frère et remplis ton devoir de proche parent envers elle : épouse-la afin de donner une descendance à ton frère. »

Elle est codifiée ainsi dans le Deutéronome : 

Deutéronome 25.5-10

5 Si deux frères vivent ensemble sur le même domaine et que l'un meurt sans avoir de fils, alors sa veuve ne doit pas épouser quelqu'un d'extérieur. C'est son beau-frère qui la prendra comme épouse. 6 Le premier fils qu'elle mettra au monde sera alors considéré comme le fils de celui qui est mort, afin que son nom continue d'être porté en Israël.

7 Si l'homme n'est pas d'accord d'épouser sa belle-sœur, celle-ci se rendra devant les anciens et expliquera : « Mon beau-frère n'a pas voulu exercer son devoir envers moi, il a refusé de donner à son frère un fils qui continue de porter son nom en Israël. » 8 Les anciens de la ville convoqueront l'homme et l'interrogeront. S'il maintient son refus d'épouser la veuve de son frère, 9 celle-ci s'avancera jusqu'à lui en présence des anciens, elle lui retirera sa sandale du pied, lui crachera au visage et déclarera : « Voilà comment on traite un homme qui refuse de donner une descendance à son frère ! » 10 Dès lors, en Israël, on surnommera la famille de cet homme “la famille du déchaussé”.

On trouve bien des échos de cette loi dans notre récit mais les choses se passent quand même différemment de ce qui est écrit. 

L’idée principale était que si un homme mourait sans enfant, son frère devrait prendre sa veuve pour femme et le premier garçon qui naîtrait serait considéré comme l’enfant du mari décédé, pour perpétuer son nom. Et si le beau-frère refusait d’exercer ce devoir, il s’exposait à une humiliation publique. 

Vous noterez que la femme n’avait pas son mot à dire… et que la loi semblait ne se préoccuper que des hommes. La façon dont la loi est appliquée dans l’histoire de Ruth est sensiblement différente. La préoccupation de Noémi, c’est le bonheur de Ruth : « je dois chercher à assurer ta sécurité pour que tu sois heureuse. »

On verra dans le chapitre suivant – j’anticipe un peu – que c’est moins le nom d’Elimélek qui sera perpétué que celui de Noémi et qu’il y aura bien une histoire de sandale mais juste pour valider l’affaire, pas pour humilier celui qui refuse d’exercer son droit de rachat. 

La loi est donc appliquée de façon moins contraignante et dans un but différent. C’est bien pour venir en aide à Noémi et à Ruth que la loi du droit de rachat est utilisée. Nous voilà à nouveau dans une optique féministe… Autrement dit, on n'est pas dans une application stricte et froide de la loi mais on comprend l'esprit de la loi. Ici, c'est la nécessaire solidarité familiale, le secours des femmes veuves qui se retrouvent dans une situation précaire, surtout dans une société patriarcale. 

J’y vois un exemple très intéressant d’une juste attitude à l’égard des textes de loi dans la Bible. Il ne suffit pas de les appliquer à la lettre pour leur être fidèle. Il s'agit d'en comprendre l'intention profonde pour l’appliquer de façon pertinente. Les contextes changent, les coutumes et les cultures évoluent... la façon d'appliquer les commandements doit aussi évoluer. 

Aujourd'hui, à plus forte raison, il ne suffit pas de se référer à un commandement de l'Ancien Testament pour se faire une opinion définitive sur tel ou telle pratique, il ne suffit pas de citer un verset biblique pour répondre à telle ou telle question d'éthique. Nous n’avons pas le droit d’utiliser la Bible comme un livre de recettes ou comme une machine à distribuer des versets ou des réponses toutes faites. 

C’est pourquoi pour bien diriger notre vie devant Dieu, pour prendre les bonnes décisions et faire les bons choix en tant que croyants, c’est bien d’une vision d’ensemble de la Bible que nous avons besoin. Nous devons chercher à comprendre le projet de Dieu dans sa globalité, et ne pas oublier qu’il s’est pleinement accompli dans la personne et l’œuvre de Jésus-Christ.  Nous devons demander le discernement de l’Esprit saint pour comprendre, vivre et appliquer ces principes aujourd’hui, de façon pertinente. 

Si Noémi et Ruth ne l’avaient pas fait, elles seraient sans doute restées veuves toutes les deux… 


Conclusion

Il ne reste plus que l’épisode final de notre mini-série de l’été… un épisode dont je vous ai déjà dévoilé quelques éléments. Mais nous découvrirons le dénouement la semaine prochaine. En tout cas, cet épisode 3 a révélé quelques accents féministes et, surtout, a fait basculer le récit dans une histoire d’amour, pour laquelle on espère un happy end ! 

Cette belle histoire toute simple, paisible et champêtre, est aussi une histoire de loyauté et de fidélité, de générosité et de solidarité. Un bel exemple d’amour concret pour Dieu et pour le prochain. 

Ruth, Noémi et Booz, chacun à leur manière, mettent bel et bien en pratique ce double commandement central souligné par Jésus. Leur exemple nous rappelle que toute loi et tout commandement de la Bible sont motivés par ce double principe fondamental de l’amour pour Dieu et de l’amour pour le prochain. C’est le mètre étalon de toute notre vie de croyant. 

dimanche 31 juillet 2022

Ruth - épisode 2 : Glaner n'est pas voler

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Résumé de l’épisode précédent :

Après le décès d'Elimelek, son mari, et celui de ses deux fils, Noémi se retrouve seule avec ses belles-filles, Orpa et Ruth. Elle avait quitté Israël qui traversait un temps de famine et s'était réfugiée en Moab où ses fils avaient trouvé des filles du pays pour se marier.

Veuve, sans descendance, en terre étrangère, Noémi se retrouve en situation de grande précarité. Quand elle entend que les récoltes ont repris en Israël, elle décide d'y retourner, proposant à ses belles-filles de la quitter et de refaire leur vie. Qu’avait-elle encore à leur proposer ? Mais Ruth s'y refuse et choisit de rester loyale et fidèle à sa belle-mère : « Là où tu iras, j'irai. »

Noémi retourne donc dans son pays, avec Ruth, mais le cœur n'y est pas : elle ne comprend pas pourquoi Dieu l'a ainsi frappé par cette épreuve. Ruth, quant à elle, va découvrir un pays qu’elle ne connaît pas, dans un contexte bien compliqué. 

Elles arrivent en Israël au moment de la récolte de l'orge...

Ruth 2

1 Noémi avait un parent du côté d'Élimélek, son mari. C'était un homme riche et considéré, appelé Booz. 2 Ruth la Moabite dit à Noémi : « Permets-moi d'aller dans un champ ramasser les épis que les moissonneurs laissent derrière eux. J'irai derrière celui aux yeux duquel je trouverai grâce. » – « Vas-y, ma fille », répondit Noémi. 3 Ruth partit et alla glaner dans un champ, derrière les moissonneurs. Or il se trouva, vraiment par hasard, que ce champ appartenait à Booz, de la famille d'Élimélek.

4 Et voici que Booz arriva de Bethléem. Il salua les moissonneurs en disant : « Que le Seigneur soit avec vous ! » – « Que le Seigneur te bénisse ! » répondirent-ils. 5 Booz demanda au jeune homme responsable des moissonneurs : « À qui est cette jeune femme ? » 6 Celui-ci répondit : « C'est la jeune Moabite, celle qui est revenue avec Noémi de Moab. 7 Elle a dit : “Permettez-moi de glaner et de récolter entre les gerbes derrière les moissonneurs.” Elle est venue ce matin et jusqu'à maintenant c'est à peine si elle s'est reposée. » 8 Alors Booz dit à Ruth : « Écoute bien, ma fille. Ne va pas glaner dans un autre champ ; le mieux est de rester ici et de travailler avec mes servantes. 9 Observe bien à quel endroit le champ est moissonné et suis-les pour glaner. J'ai ordonné à mes serviteurs de te laisser tranquille. Si tu as soif, va boire de l'eau dans les jarres qu'ils ont remplies. » 10 Ruth se jeta face contre terre, se prosterna et dit à Booz : « Pourquoi ai-je trouvé grâce à tes yeux, et t'intéresses-tu à moi qui suis une étrangère ? » 11 Booz répondit : « On m'a raconté plusieurs fois comment tu as agi à l'égard de ta belle-mère après la mort de ton mari. Tu as quitté ton père, ta mère et le pays où tu es née pour aller vers un peuple que tu ne connaissais pas auparavant. 12 Que le Seigneur te récompense pour ton action ! Oui, que le Seigneur, le Dieu d'Israël, te récompense abondamment, puisque c'est sous ses ailes que tu es venue chercher refuge. » 13 Ruth répondit : « Je trouverai grâce à tes yeux, maître ! Car tu m'as consolée, oui tu as parlé au cœur de ta servante et je ne serai pas comme l'une de tes servantes. »

14 À l'heure du repas, Booz dit à Ruth : « Approche-toi d'ici, mange du pain, prends un morceau et trempe-le dans la vinaigrette. » Ruth s'assit à côté des moissonneurs et Booz lui offrit des grains grillés. Elle en mangea autant qu'elle voulut et il lui en resta. 15 Puis elle se leva pour glaner. Booz donna cet ordre à ses serviteurs : « Laissez-la glaner également entre les gerbes sans lui adresser de remarques. 16 Retirez même quelques épis des gerbes et abandonnez-les par terre pour qu'elle les ramasse, sans lui faire de reproches. » 17 Ruth glana dans le champ jusqu'au soir, puis elle battit les épis qu'elle avait ramassés et elle remplit un grand sac de grains d'orge.

18 Elle porta le sac jusqu'à la ville et sa belle-mère vit tout ce qu'elle avait récolté. Elle ramena également ce qui était resté de son repas et le lui donna. 19 Sa belle-mère lui demanda : « Où as-tu glané aujourd'hui ? Dans quel champ as-tu travaillé ? Que Dieu bénisse celui qui s'est intéressé à toi ! »

Ruth raconta à sa belle-mère qu'elle avait travaillé dans le champ d'un homme appelé Booz. 20 Noémi déclara : « Qu'il soit béni par le Seigneur qui garde sa bonté pour nous les vivants, comme pour ceux qui sont morts ! » Elle ajouta : « Cet homme, Booz, est notre proche parent, un de ceux qui peuvent exercer le droit de rachat envers nous. » 21 Ruth la Moabite reprit : « Il m'a même dit : “Travaille avec mes serviteurs jusqu'à la fin de la récolte de tous mes champs”. » 22 Noémi dit à Ruth, sa belle-fille : « Très bien, ma fille, continue de travailler avec les servantes de Booz. Si tu allais dans le champ de quelqu'un d'autre, tu risquerais d'être maltraitée. »

23 Ruth resta ainsi avec les servantes de Booz jusqu'à ce que toute l'orge et tout le blé aient été récoltés. Elle continua à habiter avec sa belle-mère.


Sans ressource, Noémi et Ruth doivent trouver un moyen de se nourrir. Heureusement, en Israël, certaines lois de solidarité avec les plus démunis existaient. Ainsi, il était permis d’aller glaner dans les champs les épis que les moissonneurs laissaient ou de récolter les grappes de raisins laissées dans la vigne :

Lévitique 19.9-10

9 Quand tu moissonnes, ne coupe pas les épis qui ont poussé en bordure de tes champs, et ne retourne pas ramasser les épis oubliés ; 10 ne repasse pas non plus dans tes vignes pour ramasser les grappes oubliées ou les grains tombés à terre. Laisse-les pour les pauvres et pour les immigrés. Je suis le Seigneur votre Dieu.

C’est ce que fait Ruth. Elle choisit un champ, au hasard, et va glaner les épis laissés par les moissonneurs. Or, il se trouve que ce champ est la propriété de Booz, un homme qui est apparenté à Noémi. Mais personne ne le sait à ce moment de l’histoire. A part le lecteur, puisque c’est précisé au début du chapitre. 

Lorsque Booz entre en scène, on découvre un personnage généreux et bon. Riche propriétaire, il se montre proche de ses moissonneurs et il remarque la jeune femme qui glane dans son champ. Il se renseigne à son sujet et visiblement il a entendu parler d’elle. Les nouvelles vont vite... Les gens parlaient de Noémi revenu de Moab avec sa belle-fille qui avait choisi de rester avec elle. Ce que Booz avait retenu de cette histoire, c’est la générosité de Ruth. C’est pourquoi il va se montrer généreux avec elle, allant au-delà de ce que la loi prescrivait et veillant à ce qu’elle reparte le soir avec bien assez de nourriture pour elle et sa belle-mère, lui proposant même de revenir dans son champ jusqu’à la fin de la récolte. 

Au retour de Ruth, Noémi est d’ailleurs étonnée. Elle ne s’attendait pas à ce que ça fonctionne aussi bien. Je ne suis pas sûr que tous les propriétaires respectaient scrupuleusement la loi du Lévitique... J’imagine que souvent ils faisaient le strict minimum et ce qu’ils laissaient dans les champs était plus symbolique qu’autre chose. En ce temps-là comme aujourd’hui, il y a la loi et il y a la façon de l’appliquer… voire de la contourner ! 

En tout cas, l’étonnement de Noémi va grandir encore quand elle apprend que le propriétaire généreux du champ est en fait Booz, un de ses parents. Elle dit alors à sa belle-fille de continuer d’aller dans le champ de Booz pendant tout le temps de la récolte et de ne pas aller ailleurs. Non seulement parce que Booz l’a proposé à Ruth mais parce qu’elle a sans doute une idée derrière la tête… Un plan a commencé à s’ébaucher dans son esprit. Mais ça, on le découvrira dans le prochain épisode. N’allons pas trop vite ! 


Et Dieu dans tout ça ?

Il est intéressant de noter que Dieu n’est jamais un acteur direct dans le livre de Ruth. Il n’est jamais écrit : « Dieu dit… » ou « Dieu fit ceci ou cela… ». A une exception près, au chapitre 4, et encore c’est pour dire que le Seigneur donna à un personnage de concevoir et de donner naissance à un fils (4.13). 

Si Dieu est d’une certaine façon presque invisible du récit de Ruth, ça ne veut pas dire qu’il n’est pas présent. Il est là, il agit dans les coulisses, en secret. Et on trouve tout au long du texte, des indices de sa présence et de son action. C’est le cas, par exemple, de la première phrase de notre chapitre : « Noémi avait un parent du côté d'Élimélek, son mari. C'était un homme riche et considéré, appelé Booz. » (2.1) Pourquoi le préciser à ce moment-là ? Sinon pour laisser entendre que ce qui va se passer avec lui n’est pas une coïncidence mais bel et bien l’effet de la providence divine. 

Pour les personnages du livre de Ruth, c’est bien le Seigneur qui est derrières les événements de leur histoire. Pour Noémi, par exemple, c’est très clair. Quand elle entend dire qu’il y a de bonnes récoltes en Israël, c’est le Seigneur qui est intervenu (1.6), et quand le malheur s’abat sur elle, c’est le Seigneur qui s’est tourné contre elle et a causé son malheur (1.21). Tout au long du livre, Dieu est pris à témoin pour les engagements pris par les uns ou les autres. Par exemple lorsque Ruth s’engage à rester avec Noémi : « Je le jure par le nom du Seigneur, seule la mort me séparera de toi ! » (1.17) On trouvera une formule du même type dans la bouche de Booz plus tard. Les personnages se saluent au nom de Dieu : « Que le Seigneur te bénisse » et expriment leur reconnaissance en souhaitant la bénédiction du Seigneur sur ceux qui ont agi avec bonté. 

En fait, dans le récit lui-même, Dieu est presque absent mais dans les paroles des différents personnages, il est omniprésent. 

C’est finalement une belle façon d’évoquer la providence de Dieu. La providence, c’est la main invisible de Dieu qu’on ne peut voir que par la foi. La réalité de la providence, de l’action de Dieu dans notre vie et dans l’histoire, ne peut jamais être prouvée. C’est toujours une affirmation de foi. 

On pourra toujours tout expliquer par des coïncidences, des concours de circonstance, liés au hasard ou à la nécessité. On pourrait très bien faire cette lecture du livre de Ruth et se dire que Noémi et Ruth ont un sacré coup de bol, que Ruth a su créer sa chance par son initiative et que Noémi a su forcer le destin. Mais on peut aussi, comme les personnages du récit de Ruth, voir dans les différents évènements, les rencontres, même les attitudes et les initiatives des uns et des autres, les fruits de l’action discrète, invisible, indirecte, de Dieu. L’œuvre de sa providence. 

C’est pareil dans notre vie. Jamais on ne pourra prouver par A + B que tel événement, telle circonstance, telle rencontre, est le fruit de la providence divine. C’est toujours une affirmation de foi. Mais pourquoi serait-ce plus absurde que de tout expliquer par le hasard et les coïncidences ?

Oui, la foi change notre regard sur la réalité, sur le monde, sur la vie. Et elle nous permet de voir l’invisible : la présence et l’action de Dieu. Comme l’affirme avec force l’épître aux Hébreux : « Mettre sa foi en Dieu, c'est être sûr de ce que l'on espère, c'est être convaincu de la réalité de ce que l'on ne voit pas. » (Hébreux 11.1)


Généreux comme Booz

Quelques mots encore sur le nouveau personnage du récit, qui fait une entrée remarquée dans ce deuxième épisode, je veux parler de Booz. Il est un exemple d’accueil et de générosité. Booz, non seulement respecte les lois du Lévitique sur le glanage mais il va bien plus loin, par pure générosité. 

D’ailleurs Ruth s’étonne de la bonté de Booz à son égard, surtout, dit-elle, étant une étrangère. Dans sa réponse, Booz ne fait nullement mention du fait qu’elle est étrangère. Il ne voit que la loyauté dont elle a fait preuve envers sa belle-mère. Il discerne en elle une jeune femme fidèle et généreuse. Peu importe qu’elle soit Moabite ou de n’importe quelle origine. Pas de préférence nationale pour Booz ! 

Booz c’est l’exemple même de l’homme généreux. Son personnage est une invitation à ne pas limiter notre générosité, à ne pas nous retenir dans le bien que nous pouvons faire. 

Croire en la providence ne signifie pas que nous soyons de simples pantins dans les mains de Dieu. Dans sa mystérieuse souveraineté, Dieu intègre notre liberté, nos décisions et nos initiatives dans le déploiement de son œuvre. Si bien qu’on peut affirmer à la fois que toutes choses sont dans ses mains et que ce que nous disons ou faisons compte vraiment. 

Loin de nous rendre inactif, la providence de Dieu doit au contraire nous pousser à l’action. Parce que nous avons la certitude que Dieu saura rattraper nos erreurs, il pourra au besoin rectifier le tir voire changer le mal en bien, et il saura aussi utiliser et valoriser nos actions belles et bonnes. 


Conclusion

A la fin du deuxième épisode de notre mini-série, l’horizon est déjà bien moins sombre qu’à la fin du premier épisode. L’arrivée d’un nouveau personnage apporte un espoir nouveau et on sent bien que Noémi prépare quelque chose. 

Ce dont on se rend compte surtout, c’est que le Seigneur avait tout prévu. Qu’il est l’acteur principal bien qu’invisible de l’histoire. Comme il est l’acteur principal de notre vie. Par la foi nous pouvons le reconnaître, et apprendre à voir sa main invisible agir dans notre quotidien. 

C’est ce que vont continuer d’expérimenter Ruth, Noémi et Booz… Nous verrons dans la suite, au prochain épisode ! 


dimanche 24 juillet 2022

Ruth - épisode 1 : "là où tu iras, j'irai"

> Ecouter la prédication

Le livre de Ruth est un petit livre qui raconte une belle histoire, toute simple. C’est une histoire champêtre, une histoire de loyauté et de fidélité, et même une histoire d’amour. Mais derrière cette histoire toute simple se cache un récit théologique qui parle de foi, d’alliance, de providence, avec aussi des thématiques qui gardent une grande actualité comme l’accueil de l’étranger, le soin des plus faibles, la maternité (et même la maternité de substitution !)… 

Dans la Bible hébraïque, le livre de Ruth fait partie des 5 rouleaux lus lors des grandes fêtes religieuse juives. On lit le livre de Ruth lors de la fête des récoltes, devenue la fête de Pentecôte où est commémoré le don de la Loi à Moïse. 

On ne sait pas qui l’a écrit, on ne sait même pas quand il a été écrit… Mais l’histoire est située au temps des Juges, donc entre l’arrivée du peuple Hébreux en Canaan et l’institution de la royauté. On est environ au XIIe siècle avant Jésus-Christ. C’était un temps troublé, il y avait de nombreux conflits pour les Israélites avec les peuples voisins et en interne c’était un peu chaotique et assez violent. Dans ce contexte, l’histoire de Noémi, Ruth et Booz, les trois personnages principaux du récit, apparaît comme un havre de paix. 

Notre mini-série comptera quatre épisodes qui correspondent aux quatre chapitres du livre. 

Ruth 1

1 À l'époque où gouvernaient les juges, il y eut une famine dans le pays. Alors un homme de Bethléem en Juda partit avec sa femme et ses deux fils ; ils immigrèrent pour un temps dans le pays de Moab. 2 L'homme s'appelait Élimélek, sa femme Noémi et ses deux fils Malon et Kilion ; ils appartenaient au clan d'Éfrata. Au cours de leur séjour en Moab, 3 Élimélek, le mari de Noémi, mourut et elle resta seule avec ses deux fils. 4 Ceux-ci épousèrent des Moabites ; l'une d'elles s'appelait Orpa, l'autre Ruth. Ils habitèrent là-bas pendant dix ans. 5 Malon et Kilion moururent à leur tour. Noémi resta seule, privée de ses deux enfants et de son mari.

6 Alors Noémi se leva, elle et ses deux belles-filles, et quitta le pays de Moab pour revenir chez elle. Elle avait en effet appris que le Seigneur était intervenu en faveur de son peuple et lui avait donné de bonnes récoltes. 7 Elle partit de l'endroit où elle se trouvait, accompagnée de ses deux belles-filles, et elles allèrent sur le chemin du retour vers le pays de Juda. 8 Noémi dit à ses deux belles-filles : « Allez, rentrez chez vous maintenant, chacune dans la maison de sa mère. Que le Seigneur soit bon pour vous comme vous l'avez été pour ceux qui sont morts et pour moi-même ! 9 Que le Seigneur permette à chacune de vous de trouver la sécurité, celle d'une femme dans la maison de son mari ! » Puis elle les embrassa. Elles élevèrent leur voix et se mirent à pleurer abondamment 10 et lui dirent : « Non ! nous t'accompagnons. Avec toi, nous retournerons auprès de ton peuple. » 11 Noémi reprit : « Rentrez chez vous, mes filles ! Pourquoi voulez-vous venir avec moi ? Je ne suis plus en âge d'avoir des fils qui pourraient vous épouser. 12 Rentrez chez vous mes filles, allez ! Je suis trop vieille pour me remarier. Et même si je disais : “Il y a encore de l'espoir pour moi, cette nuit même je serai à un homme qui me donnera des fils”, 13 attendriez-vous qu'ils aient grandi ? Renonceriez-vous à épouser quelqu'un d'autre ? Non, mes filles ! ma situation est plus amère que la vôtre, car la main de Dieu s'est abattue sur moi. »

14 Les deux belles-filles élevèrent la voix et pleurèrent de plus belle. Finalement Orpa embrassa sa belle-mère avant de la quitter, mais Ruth s'attacha à elle. 15 Noémi dit à Ruth : « Regarde, ta belle-sœur est retournée vers son peuple et vers ses dieux. Retourne chez toi, prends exemple sur ta belle-sœur. » 16 Mais Ruth répondit : « N'insiste pas pour que je t'abandonne et que je retourne chez moi. Là où tu iras, j'irai ; là où tu t'installeras, je m'installerai. Ton peuple sera mon peuple ; ton Dieu sera mon Dieu. 17 Là où tu mourras, je mourrai et c'est là que je serai enterrée. Je le jure par le nom du Seigneur, seule la mort me séparera de toi ! »

18 Quand Noémi vit que Ruth était résolue à l'accompagner, elle cessa d'insister 19 et elles allèrent ensemble jusqu'à Bethléem.

Leur arrivée suscita de l'émotion dans toute la localité. Les femmes s'exclamaient : « Est-ce vraiment Noémi ? » 20 Elle leur déclara : « Ne m'appelez plus Noémi, “l'heureuse”, mais appelez-moi Mara, “l'affligée”, car le Dieu souverain m'a durement affligée. 21 Je suis partie d'ici les mains pleines et le Seigneur m'a fait revenir les mains vides. Pourquoi m'appelleriez-vous encore Noémi, alors que le Seigneur s'est tourné contre moi et que le Dieu souverain a causé mon malheur ? »

22 C'est ainsi que Noémi revint du pays de Moab avec Ruth, sa belle-fille moabite. Et elles arrivèrent à Bethléem au début de la récolte de l'orge.


Ce premier épisode nous emmène dans le pays de Moab. Les moabites étaient un de ces peuples voisins souvent en conflit avec Israël. Il se situait dans une région montagneuse sur la côte est de la Mer Morte (en Jordanie actuelle). En se rendant à Moab pendant la famine, Elimélek va donc chez l’ennemi… mais il va aussi chez le cousin. Parce le peuple de Moab est apparenté au peuple d’Israël : Moab était un des fils de Loth, le neveu d’Abraham. 

Réfugié climatique en quelque sorte, Elimélek s’installe à Moab avec toute sa famille, c’est-à-dire sa femme et ses deux fils. Et cela dure plusieurs années puisqu’Elimélek meurt et que les deux fils trouvent chacun une épouse moabite. Dix années passent, les fils aussi meurent, sans qu’aucun enfant soit né. 

Il faut comprendre ici la situation de détresse que cela représentait pour Noémi : elle est réfugiée en pays étranger, veuve et sans descendance. Ça signifiait, concrètement, dans le contexte de l’époque, une réelle précarité et un avenir bouché. Ça pouvait même être perçu alors comme un signe de malédiction ! C’est d’ailleurs bien ce que Noémi sous-entend quand elle dit à ses belles-filles : « ma situation est plus amère que la vôtre, car la main de Dieu s'est abattue sur moi. » (v.13) 

On comprend bien, dans ces conditions, qu’elle propose à ses deux belles filles de la quitter et de refaire leur vie en trouvant un nouveau mari. Noémi n’avait rien à leur offrir… Sa décision de retourner en Israël n’y change rien. Elle ne sera plus réfugiée, certes, mais elle sera toujours veuve et sans descendance. Il suffit de voir dans quel état d’esprit elle se trouve en arrivant chez elle, accueillie avec surprise par toute la localité.

Ruth 1.20-21

20 Elle leur déclara : « Ne m'appelez plus Noémi, “l'heureuse”, mais appelez-moi Mara, “l'affligée”, car le Dieu souverain m'a durement affligée. 21 Je suis partie d'ici les mains pleines et le Seigneur m'a fait revenir les mains vides. Pourquoi m'appelleriez-vous encore Noémi, alors que le Seigneur s'est tourné contre moi et que le Dieu souverain a causé mon malheur ? »

Franchement, ça n’a pas dû être facile pour Ruth d’arriver dans ces conditions en Israël, un pays qui n’était pas le sien, avec sa belle-mère dans un tel état psychologique. Mais c’est ce qu’elle avait choisi. Pourtant, ce n’était pas sa mère, elle n’avait aucune obligation envers elle, surtout alors qu’elle l’encourageait à partir. 

Ruth 1.16-17

16 Mais Ruth répondit : « N'insiste pas pour que je t'abandonne et que je retourne chez moi. Là où tu iras, j'irai ; là où tu t'installeras, je m'installerai. Ton peuple sera mon peuple ; ton Dieu sera mon Dieu. 17 Là où tu mourras, je mourrai et c'est là que je serai enterrée. Je le jure par le nom du Seigneur, seule la mort me séparera de toi ! »

Pourquoi Ruth a-t-elle fait ce choix de suivre Noémi ? Par fidélité à sa belle-mère, tout simplement. Le personnage de Ruth dans ce premier épisode est l’exemple même de la fidélité. Une fidélité qui s’exprime ici dans le cadre de la famille mais qui nous dit sans doute quelque chose de la fidélité en général. Et ça nous intéresse aussi parce que la fidélité est bien une des dimensions de la foi. 

Je vous propose, en guise d’application, de souligner deux aspects de la fidélité, inspirés de l’exemple de Ruth. 


La fidélité est un choix librement consenti

Ruth n’était pas obligée de se montrer fidèle à Noémi, d’autant que celle-ci lui demande, à plusieurs reprises, de partir. Et il n’y a jamais aucun reproche fait à Opra, l’autre belle-fille, lorsqu’elle décide de laisser sa belle-mère. Il n’y a aucune raison de penser qu’elle n’aimait pas Noémi. Elle pleure autant que Ruth quand elle leur demande de la laisser partir seule en Israël. Ruth, elle, fait le choix de rester avec Noémi, elle choisit la fidélité à sa belle-mère.

On ne peut pas obliger quelqu’un à être fidèle. Sous la contrainte, ce n’est plus de la fidélité, c’est de la soumission voire de l’esclavage. Par définition, la fidélité est un choix librement consenti. Dans le mariage par exemple, la fidélité repose sur un choix libre de l’un envers l’autre, un engagement réciproque. En France, devant le Maire, chaque époux ou épouse doit publiquement consentir à prendre l’autre comme époux ou épouse. C’est un engagement à être fidèle à ce choix librement consenti. Un choix qu’on peut confirmer solennellement devant Dieu par une cérémonie religieuse.  

La fidélité, dans le mariage ou ailleurs, n’est donc pas une contrainte qu’on nous impose, c’est un choix qu’on assume. C’est tout simplement une preuve d’amour, qui ne peut se vivre que dans la liberté car sans liberté, il n’y a pas d’amour. 


La fidélité se mesure dans l’épreuve 

Ruth n’avait rien à gagner à rester fidèle à Noémi. Sa belle-mère n’avait plus rien à lui offrir et partir avec elle, dans un pays qu’elle ne connaissait pas, surtout dans ces conditions, c’était s’engager sur un chemin très incertain… Mais c’est son choix de rester fidèle à Noémi, coûte que coûte.

C’est facile d’être fidèle quand tout va bien, quand tout réussit et quand c’est dans notre intérêt d’être fidèle. Un peu comme avec les cartes de fidélité d’enseignes et de magasins. On les prend parce que c’est notre intérêt, parce qu’au bout d’un certain temps, on aura des cadeaux ou des bons d’achat. 

Mais est-ce encore de la fidélité ? C’est un avantage commercial, c’est du calcul, c’est intéressé… Et certains, plus ou moins consciemment, gèrent un peu comme ça leurs relations et leurs amitiés. De manière intéressée… et ça finit mal en général. 

On reconnaît nos vrais amis, ceux qui nous sont vraiment fidèles, quand ça va mal, quand ce n’est pas drôle d’être avec nous parce qu’on est au fond du trou. Un véritable ami est fidèle quand ça lui coûte, en temps, en argent, en énergie… 

On peut se faire la même réflexion quant à la foi. On l’a dit, la fidélité est un des aspects de la foi. Avoir foi en Dieu, c’est choisir de lui rester fidèle. C’est facile d’être fidèle à Dieu quand tout va bien dans notre vie, c’est facile d’avoir la foi quand tout nous réussit, quand Dieu répond à nos prières

Mais la vie chrétienne n’est pas toujours comme ça… Elle est faite aussi d’épreuves et de moments difficiles, Dieu ne répond pas toujours à nos prières, en tout cas pas comme on l’espère… Et c’est là, dans l’épreuve, la difficulté ou l’adversité que se mesure notre foi-fidélité. 

Certaines théologies prétendent le contraire et disent que la foi nous garantit santé, réussite et prospérité. Eh bien moi je vous dis que je vois une foi bien plus grande et une fidélité bien plus affermie chez un chrétien qui reste fidèle à Dieu dans l’épreuve et garde l’espérance dans la difficulté que chez un chrétien qui prétend ne connaître qu’abondance et bénédiction grâce à sa foi !


Conclusion

Evidemment, l’histoire n’est pas finie. Il reste encore trois épisodes à la mini-série. Nous verrons par la suite où la fidélité de Ruth la mènera. Je ne veux pas vous spoiler la suite mais il va y avoir des rebondissements !

En tout cas, ce premier épisode suffit à nous fournir un bel exemple de fidélité de la part de Ruth, qui interroge la façon dont nous faisons preuve ou non de fidélité dans nos relations, et qui stimule à vivre notre foi comme l’expression de notre fidélité à Dieu, en toutes circonstances.  


dimanche 23 août 2015

Ruth, la moabite (4)

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Résumé des épisodes précédents

Lorsque son mari Elimélek et ses deux fils meurent alors qu'elle est exilée en Moab, Noémi décide de retourner en Juda. Ruth, une de ses belles-filles, refuse de la quitter et choisit de l'accompagner.

Sans le savoir, Ruth se retrouve alors à glaner des épis dans le champ de Booz, un proche parent d'Elimélek. Pour Noémi, ça ne peut pas être un hasard : le Seigneur l'a conduite jusqu'à ce champ. Elle va alors mettre au point une stratégie, en faisant référence à une loi de Moïse interprétée selon les coutumes de l'époque, pour que Booz épouse Ruth.

L'un et l'autre semblent tout à fait consentants, mais il reste un obstacle. Un autre homme est un plus proche parent que Booz. C'est lui qui a la priorité. Booz va donc tenter de régler cette affaire au plus vite...

Lecture biblique : Ruth 4


Explication

Voilà donc le dénouement de l'histoire ! Un véritable happy end, au-delà même de ce qu'on pouvait espérer.

Comme Noémi l'avait prédit, et comme il s'y était engagé devant Ruth, Booz s'empresse de s'occuper de l'affaire, et en plus dans les règles. Sur la place publique, il rassemble des témoins et traite avec l'autre proche parent d'Elimélek. Il le fait selon les coutumes de l'époque : le symbole de la sandale doit d'ailleurs être expliqué aux premiers lecteurs du livre de Ruth.

Il faut d'ailleurs noter que cet autre proche parent, dont on ne dit jamais le nom, était au courant du retour de Noémi au pays (v.3), et sans aucun doute aussi de la présence de Ruth à ses côtés. Mais il n'a rien entrepris pour exercer son droit... Il n'en avait, semble-t-il, tout simplement pas les moyens. Il le dit : il ne peut pas à la fois racheter le champ et prendre Ruth pour femme, prendre soin d'elle. Et il a bien dû se rendre compte aussi que Booz, lui, était motivé ! Il lui laisse le champ libre : « prends pour toi le droit de racheter » !

Booz et Ruth se marient alors, pour la joie de tous. Y compris celle de Noémi, accentuée encore après la naissance de leur fils, dont Noémi va s'occuper comme s'il s'agissait du sien.

On pourrait presque dire à la fin : ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. C'est le happy end traditionnel... Sauf que l'épilogue va encore plus loin et donne une dimension particulière à l'histoire de Ruth. Obed, le fils de Booz et Ruth, deviendra le grand-père du roi David. Il entre dans la lignée royale, la lignée messianique. Ruth est d'ailleurs une des rares femmes mentionnées dans la généalogie de l'évangile selon Matthieu (1.5) qui fait du reste de Rahab, une autre femme non-juive, une habitante de Jéricho ayant caché les espions Israélites, la mère (ou l'ancêtre) de Booz. Voilà encore des signes que la providence de Dieu est bien à l'oeuvre...

Application

Au-delà des beaux exemples de fidélité dont témoigne cette histoire familiale, l'épilogue du livre lui donne une nouvelle dimension, qui transcende le personnage de Ruth.

La fidélité du Dieu de l'Histoire

On y voit l'expression de la fidélité de Dieu, par la mise en œuvre de sa providence, bien au-delà de l'histoire de Ruth. C'est la fidélité de Dieu dans l'Histoire qui est soulignée. Jusqu'à l'accomplissement de son plan, avec la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Une fidélité qui s'étend à travers les siècles et qui se manifeste dès le jour où l'humanité s'est détournée de son Créateur. Dans la Genèse, Dieu donne une promesse de victoire, assurant à la descendance de la femme d'écraser la tête du serpent (Gn 3.15). Cette fidélité de Dieu, tout au long de l'histoire, passe par Noé, Abraham, Moïse, David, les prophètes... mais elle passe aussi par Ruth et Booz !

Nos histoires s'imbriquent dans l'Histoire, par la providence de Dieu. Le même Dieu, fidèle à son projet pour l'humanité, se montre fidèle dans notre vie. Nos histoires personnelles ont de l'importance aux yeux de Dieu. Jamais Ruth, ni Booz, n'auraient pu imaginer être intégrés dans la lignée qui allait conduire au Messie. Jamais ils n'auraient imaginé que leur petit-fils allait devenir le grand roi David. D'autant que Ruth était moabite, une étrangère... comme Rahab était habitante de Jéricho. Mais la bénédiction de Dieu s'étend à toutes les familles de la terre, comme il l'avait promis à Abraham.


L'évangile selon Ruth

La dimension messianique de l'épilogue nous invite à une lecture typologique de l'histoire de Ruth. Il s'agit de discerner, derrière les événements décrits, des préfigurations du Christ. Il faut être prudent avec une telle lecture mais le Nouveau Testament nous invite bien à considérer que tout l'Ancien Testament conduit au Christ.

Ainsi, l'épilogue du livre de Ruth est caractéristique. En effet, l'espoir renaît avec la naissance d'un fils à Ruth dont tout le monde dit : « Qu'elle ressemble à Rachel et à Léa, les deux femmes de Jacob qui ont donné naissance au peuple d'Israël ! ». De plus, cet enfant naît à Bethléem, il est ancêtre de David par la lignée duquel naîtra le Christ. Il s'appelle Obed. Or, son nom signifie « serviteur » : la figure du serviteur est bien une figure messianique !

Si on regarde l'ensemble de l'histoire de Ruth, on peut aussi la voir comme une typologie du salut. La foi – fidélité de Ruth a changé le cours de sa vie, grâce à Booz, son rédempteur. Booz y apparaît comme une figure du Christ. C'est lui qui rachète Ruth et Noémi, qui les sauve. Noémi pourrait même être perçue comme une figure du peuple d'Israël, et Ruth une figure des païens, toutes deux sauvées, rachetées par Booz. Comme le Christ a racheté, sauvé, Juifs et non-Juifs par amour, les unissant dans un même peuple. De plus, le Christ aussi est notre « proche parent » : il est notre frère par l'incarnation, le Fils de Dieu devenu homme.

Nous le voyons, derrière cette belle histoire familiale se cache un message d'une profondeur insoupçonnée. Un véritable évangile selon Ruth.


Conclusion

Gardons les deux niveaux de lecture de ce récit. Prenons exemple sur la fidélité de Ruth et la générosité de Booz. Inspirons-nous d'eux pour être à notre tour fidèle et généreux. Mais contemplons aussi avec reconnaissance l'action de Dieu dans l'Histoire. Soyons émerveillés par son plan de salut, accompli en Jésus-Christ, et dont il nous donne de nombreuses illustrations tout au long de l'Ecriture. Louons-le pour son action dans nos vies, le salut mis en œuvre pour nous en Jésus-Christ. Il est notre Rédempteur, celui qui nous sauve et nous donne une espérance nouvelle.

dimanche 16 août 2015

Ruth, la moabite (3)

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Résumé des épisodes précédents

Exilée dans le pays de Moab, Noémi voit mourir son mari, Elimélek, et ses deux fils. En situation de précarité, elle choisit alors de rentrer dans son pays, en Juda, en permettant à ses belles-filles moabites de refaire leur vie dans leur pays.

Mais l'une d'elles, Ruth, témoigne de sa fidélité et refuse de la quitter. Elle choisit de l'accompagner, restant attachée à elle et à Dieu.

En Juda, Ruth décide d'aller glaner des épis dans un champ afin de se nourrir, elle et sa belle-mère. Or, il se trouve que le champ dans lequel elle va appartient à Booz, un proche parent. Mais Ruth ne le sait pas.

Pour Noémi, ce n'est pas un hasard. C'est le Seigneur qui l'a conduite jusqu'à ce champ. Dans sa providence, Dieu s'est ainsi montré fidèle !

Lecture biblique : Ruth 3


Explication

Ruth n'est pas Israélite. Elle ne connaît pas toutes les lois et coutumes en Israël. Noémi va donc prendre les choses en main pour mettre à profit la situation. Ruth, quant à elle, fait confiance à sa belle-mère.

En permettant à Ruth d'aller glaner des épis dans le champs de Booz, Dieu a lui-même préparé les circonstances qui permettront à Ruth de refaire sa vie. Noémi saisit donc l'occasion qui se présente pour se montrer à son tour fidèle à Ruth et lui assurer un avenir heureux.

Elle donne donc ses instructions à sa belle-fille pour que celle-ci fasse comprendre à Booz qu'elle était prête à envisager de se marier. Mais les choses doivent se faire dans la discrétion et avec prudence. Le geste d'écarter la couverture et de se coucher au pied du proche parent, était suffisamment explicite. Surtout avec les paroles que Ruth dit à Booz lorsqu'il la surprend au milieu de la nuit : « C'est moi, Ruth. Protège-moi. En effet, tu es un proche parent et tu as la responsabilité de prendre soin de moi. »

Et, visiblement, il n'en espérait pas tant ! Il n'hésite pas une seconde... mais il veut faire les choses dans les règles. Il y a un autre parent, plus proche que lui d'Elimélek. C'est lui qui a la priorité. Il doit d'abord voir avec lui. Lorsque Ruth raconte à Noémi ce qui s'est passé, sa réponse est pleine de confiance. Elle n'a aucun doute sur le fait que Booz fera tout pour faire aboutir sa démarche : « Cet homme-là ne sera pas satisfait s'il ne règle pas cette affaire aujourd'hui. »



Application

Au cœur de ce chapitre, il y a l'application d'un commandement biblique sur la solidarité familiale en cas de veuvage. On pense en particulier au texte de Deutéronome 25.5-10, qu'il est intéressant de citer :

Moïse dit : Supposons ceci : Deux frères habitent ensemble, et l'un d'eux meurt sans avoir de fils. Sa veuve ne doit pas se remarier avec quelqu'un d'extérieur à la famille. Son beau-frère doit accomplir son devoir de beau-frère : il la prendra pour femme et il s'unira à elle. Alors on considérera le premier garçon qu'elle mettra au monde comme le fils de l'homme qui est mort. Ainsi, son nom continuera d'être porté en Israël. Si un homme ne veut pas prendre sa belle-sœur pour femme, cette femme se rendra au tribunal, devant les anciens. Elle dira : « Mon beau-frère ne veut pas accomplir envers moi son devoir de beau-frère. Il refuse de donner à son frère un fils qui continue de porter son nom en Israël. » Les anciens de la ville feront venir cet homme et ils parleront avec lui. S'il continue à refuser de prendre pour femme la veuve de son frère, celle-ci s'avancera vers lui devant les anciens. Elle lui enlèvera la sandale de son pied, elle lui crachera au visage et dira : « Voilà ce qu'on fait à un homme qui refuse de donner un fils à son frère ! » Ensuite, en Israël, on appellera la famille de cet homme « la famille de l'homme au pied nu ».

On peut relever deux éléments de surprise dans notre épisode :

  • Ce n'est pas Booz mais Noémi qui prend les choses en main pour accomplir ce commandement. 
  • L'application du commandement est plus large et moins contraignant que dans le Deutéronome.


Noémi prend les choses en main

Le livre de Ruth a un petit côté féministe ! Ce sont les femmes qui montrent l'exemple et qui prennent les choses en main. Ruth l'a fait en faveur de sa belle-mère, Noémi lui rend ici la pareil.

Noémi n'a pas l'intention d'attendre que Booz se décide tout seul à exercer son devoir de solidarité familiale. Elle va forcer le destin et donner un petit coup de pouce à Booz, en mettant au point une stratégie. C'est la pichenette qui était nécessaire pour que Booz se lance.

D'ailleurs, il ne faudrait pas jeter la pierre trop vite à Booz. Une fois lancé, il s'empressera de régler l'affaire. Et on peut discerner au moins deux raisons pour lesquelles il n'a pas pris l'initiative dans cette affaire :
1° Booz était plus âgé que Ruth et ne voulait pas s'imposer à elle : « Que le SEIGNEUR te bénisse ! Tu n'as pas cherché l'amour des jeunes gens, riches ou pauvres. » (v.10)
2° Il n'était pas prioritaire pour exercer le devoir de rachat. Il y avait un autre parent, plus proche que lui d'Elimélek (v.12)

Il est intéressant de noter ce respect de la loi et des coutumes mais aussi ce respect de la personne de Ruth. Nous sommes dans un contexte culturel très patriarcal où le respect des femmes n'était pas forcément la préoccupation première... Booz est un homme de bien.

Enfin, je ne crois pas du tout qu'on soit en présence d'un mariage sous la contrainte pour Booz et Ruth. La façon dont les choses se passent laisse entendre qu'ils étaient sans doute consentants. Certes, ce n'est pas explicite... Mais les paroles de Ruth lorsqu'elle évoque Booz à sa belle-mère, le traitement de faveur que Booz accorde dès le début à Ruth et l'empressement avec lequel il règle cette affaire, tout laisse entendre qu'il s'agit de bien plus qu'un « mariage arrangé » !

Une application plus large et moins contraignante

L'application de la loi du Deutéronome révèle aussi quelques surprises. L'idée principale de ce commandement est que lorsqu'un homme mourait sans enfant, son frère devait prendre sa veuve pour femme, et le premier garçon qui naîtrait serait considéré comme l'enfant du mari décédé, pour perpétuer son nom. Si le beau-frère refuse d'exercer ce devoir, il s'exposait à une humiliation publique.

Le ton du texte du Deutéronome est tout de même assez différent de l'impression qui se dégage de l'histoire de Ruth. Le texte de loi est froid et tranchant. Le récit de Ruth présente le devoir de rachat de façon moins contraignante et plus large. Moins contraignante parce que l'autre proche parent refusera de l'exercer (chapitre 4) sans contrainte ni humiliation. D'autre part, Deutéronome 25 ne parle que du devoir du beau-frère d'une femme veuve. Ni Booz ni l'autre parent proche ne semblent être frères d'Elimélek. Sans compter que, strictement, ce n'est pas vraiment Ruth qui était concernée mais Noémi !

Bref, on n'est pas dans une application stricte et froide de la loi mais on comprend l'esprit de la loi. Ici, c'est la nécessaire solidarité familiale, le secours des veuves qui se retrouvent dans une situation précaire. Et Booz, qui est un homme de bien, est prêt à exercer ce droit et aller ainsi encore plus loin que la générosité dont il a déjà fait preuve jusqu'ici.

Bel exemple de la juste attitude face aux textes de loi dans la Bible. Il ne suffit pas de les appliquer à la lettre pour leur être fidèle. Il s'agit d'en comprendre l'intention profonde. Les contextes changent, les coutumes évoluent... la façon d'appliquer les commandements doit aussi évoluer. Aujourd'hui, à plus forte raison, il ne suffit pas de se référer à un commandement de l'Ancien Testament pour se faire une opinion définitive sur tel ou telle pratique, de citer un verset biblique pour répondre à telle ou telle question d'éthique.

C'est bien l'intention globale de Dieu, qui ressort d'une compréhension de l'ensemble de la Bible, que nous devons rechercher. Pas des solutions toutes faites et des raccourcis simplistes.


Conclusion

L'histoire n'est pas finie. On attend encore son dénouement, dans l'ultime chapitre. Mais on semble bien s'acheminer vers un « happy end », ce qui est inespéré quand on considère le début de l'histoire. La fidélité de Dieu est grande... et elle passe aussi par la fidélité des hommes et des femmes. Celle de Ruth, de Noémi et de Booz. Tout trois fidèles et solidaires.

La fidélité engendre la fidélité. La solidarité entraîne la solidarité. Et c'est Dieu lui-même qui en donne l'exemple. Lui qui s'est montré fidèle à son plan de salut pour l'humanité qu'il a créée. Lui qui s'est monté solidaire en Jésus-Christ, partageant notre condition jusqu'à la mort sur la croix. C'est là le cœur du message biblique, que nous ne devons jamais réduire à une morale ou une liste de commandements à respecter.

Soyons donc fidèles et solidaires, à la suite de Ruth, Noémi et Booz, à l'image du Dieu fidèle et solidaire, manifesté pleinement en Jésus-Christ.

dimanche 9 août 2015

Ruth, la moabite (2)

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Résumé de l'épisode précédent 

A la mort d'Elimelek, son mari, et de ses deux fils, Noémi se retrouve seule avec ses belles-filles, Orpa et Ruth. Elle avait quitté Israël qui traversait une période de famine et s'était réfugiée en Moab où ses fils avaient trouvé des filles du pays pour se marier.

Veuve, sans enfant, en terre étrangère, Noémi se retrouve en situation de grande précarité. Quand elle entend que les récoltes ont repris en Israël, elle décide d'y retourner, proposant à ses belles-filles de rester et refaire leur vie. Mais Ruth s'y refuse et choisi de rester fidèle à sa belle-mère et à son Dieu : « Là où tu iras, j'irai. Là où tu habiteras, j'habiterai. Ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu. »

Noémi retourne donc dans son pays mais le cœur n'y est pas : elle ne comprend pas pourquoi Dieu l'a ainsi frappé par cette épreuve : « Ne m'appelez pas Noémi, la femme heureuse. Appelez-moi Mara, la femme amère, car le Tout-Puissant a rendu ma vie très amère. »

Noémi et Ruth arrivent en Israël au moment de la récolte de l'orge...

Lecture biblique : Ruth 2


Commentaire

« Je le vois, le SEIGNEUR continue à nous montrer sa bonté. Il est bon pour nous les vivants, comme il est bon pour les morts. Qu'il bénisse cet homme ! Booz est un homme de notre famille proche. Il est l'un de ceux qui ont la responsabilité de prendre soin de nous. » (v.20)

La fin de ce chapitre contraste avec la fin du précédent. Noémi était alors au fond du trou, se lamentant de l'épreuve que le Seigneur lui avait envoyé. Ici, elle se réjouit au contraire de la bonté de Dieu envers elle. L'histoire est en train de basculer.

Ruth ne savait pas que le champ dans lequel elle allait glaner des épis était celui de Booz, un parent d'Elimélek. C'est Noémi qui le lui apprend. Que Ruth ait trouvé un propriétaire aussi généreux lui laissant glaner autant d'épis est une chance. Mais qu'en plus il s'agisse de Booz, un proche parent d'Elimélek qui pourrait exercer son droit de rachat pour leur venir en aide, ça ne pouvait être un hasard...

Il faut noter que cet épisode illustre une loi sociale intéressante ayant cours alors en Israël. Il s'agit de la loi sur le glanage. Les propriétaires devaient laisser des épis à glaner dans leurs champs et des grappes à cueillir dans leurs vignes, pour que ceux qui n'avaient pas de terre, les démunis, les immigrés, puissent trouver à manger (cf. Lévitique 19.9-10). Une sorte de « Restos du coeur » de l'époque !

A la fin du chapitre, Noémi évoque aussi une autre loi, liée à la responsabilité familiale en cas de veuvage. La façon dont Booz exercera ce droit sera développé aux chapitres 3 et 4. Nous le verrons donc dans les prochains épisodes...

Application

Avec le premier chapitre, nous avons parlé de la fidélité de Ruth. Ici, c'est de la fidélité de Dieu qu'il faut parler. Nous pouvons le faire à la suite de Noémi, dont le désespoir s'est changé en espoir et en reconnaissance :

« Je le vois, le SEIGNEUR continue à nous montrer sa bonté. Il est bon pour nous les vivants, comme il est bon pour les morts. Qu'il bénisse cet homme ! Booz est un homme de notre famille proche. Il est l'un de ceux qui ont la responsabilité de prendre soin de nous. » (v.20)

1° Au cœur de l'épreuve, il est difficile de discerner la fidélité de Dieu

La tête dans le sac, on est incapable de prendre du recul. Dieu semble absent de l'épreuve. Pour Noémi, c'est grâce à Ruth et sa détermination qu'elle finit par reconnaître la fidélité de Dieu. Elle a eu besoin de la fidélité de sa belle-fille pour discerner la fidélité de Dieu.

Si nous voulons aider ceux qui traversent des épreuves, il ne faut certainement pas leur « faire la leçon », les inviter coûte que coûte à croire en la bonté de Dieu à coup de versets bibliques. Sans doute est-ce mieux de se montrer solidaire, concrètement, d'être présent à leur côté, prenant parfois les choses en main pour les aider et les accompagner. Se montrer soi-même fidèle et confiant.

2° Dieu exerce sa fidélité par sa providence

Parler de providence, c'est parler d'une action discrète de Dieu, dans la banalité du quotidien. Ce ne sont pas des actions éclatantes et spectaculaires mais une présence au cœur de l'Histoire... et de nos histoires.

Cette présence discrète explique pourquoi il faut souvent du recul pour la discerner. Et de la foi aussi. Parce qu'on pourra toujours parler de coïncidence et de hasard. Si Ruth a glané des épis dans le champs de Booz, c'est soit un coup de bol, soit un indice de la providence divine. Et nous pourrions sans doute multiplier les exemples dans nos vies. A nous de choisir !

3° Être confiant dans la fidélité de Dieu, c'est aussi prendre des initiatives.

Noémi a pris l'initiative de rentrer en Israël. Ruth a pris les choses en main en accompagnant sa belle-mère et en allant glaner des épis. Elle n'a pas attendu que tout tombe du ciel...

La foi et la confiance ne doivent pas être des oreillers de paresse ! Dieu honore nos initiatives en s'y inscrivant dans sa providence. Bien-sûr, toutes nos initiatives ne sont pas forcément bonnes. On fait parfois de mauvais choix... Mais Dieu est suffisamment puissant et fidèle pour les corriger au besoin, dans sa providence.

La foi ce n'est pas : « Seigneur, j'attends que tu agisses, que tu me parles, que tu me montres... et après j'irai ». C'est plutôt : « Seigneur, accompagne-moi dans mes choix, conduis-moi dans mes initiatives, guide-moi sur ton chemin. »

Le Seigneur ne répond pas à tous les caprices de ceux qui restent assis et attendent que tout leur tombe du ciel. Il accompagne ceux qui marchent.

Conclusion

Si comme Ruth et Noémi nous voulons voir la fidélité de Dieu dans notre vie :

  • Soutenons-nous les uns les autres. On discerne mieux la fidélité de Dieu ensemble que chacun pour soi.
  • Ouvrons les yeux de la foi, choisissons la confiance dans la providence divine.
  • Mettons-nous en marche, prenons le risque de faire des choix et croyons que Dieu s'y inscrira dans sa providence, au besoin en les corrigeant.


dimanche 2 août 2015

Ruth, la moabite (1)

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Pour ce mois d'août, je vous propose un petit feuilleton de l'été. Une saga familiale en quatre épisodes, une belle histoire d'amour et de fidélité dont l'héroïne se prénomme Ruth.

Nous sommes au XIIe ou XIe siècle avant Jésus-Christ, au temps des Juges en Israël. Une période troublée, marquée par les conflits, le désordre et la violence. Mais notre histoire ne commence pas en Israël mais à Moab, un peuple voisin souvent en conflit avec Israël, y compris au temps des Juges.

La belle histoire de Ruth, la moabite, offre un saisissant contraste avec ce contexte sombre.

Lecture biblique : Ruth 1

« Là où tu iras, j'irai. Là où tu habiteras, j'habiterai. Ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu. » (v.16)


Commentaire

Noémi est âgée au moment où elle se retrouve seule, sans mari ni enfant, tous décédés. Il est trop tard pour elle d'avoir d'autres enfants et donc de trouver un nouveau mari. Exilée à Moab, elle décide de rentrer en Israël où elle trouvera peut-être du secours. Le veuvage est difficile à vivre dans le contexte culturel de cette époque, surtout dans un pays étranger, loin des siens.

Mais ses belles-filles, elles, sont encore jeunes. Il est encore temps pour elle de trouver un mari et de refaire leur vie. Noémi les y encourage et c'est bien la décision prise par Orpa. Il faut se garder de porter un jugement hâtif sur elle. Elle aimait aussi sa belle-mère. On voit que cela lui coûte de la quitter. Mais sa décision est légitime et parfaitement compréhensible.

En réalité, c'est la décision de Ruth qui est étonnante. Choisir de rester malgré tout avec sa belle-mère, envers qui elle n'avait aucune obligation, est une marque remarquable de fidélité. Elle avait sans doute compris la situation précaire dans laquelle se trouvait Noémi et qu'elle pouvait lui venir en aide en l'accompagnant. La suite lui donnera raison...

La fidélité de Ruth est d'ailleurs sans doute bien plus qu'un simple attachement à sa belle-mère : « Ton Dieu sera mon Dieu », dit-elle. Il y a aussi dans sa démarche une dimension de foi. Elle choisit Noémi mais elle choisit aussi le Dieu de Noémi. A son attachement à sa belle-mère s'ajoute une adhésion de cœur à son Dieu.

Dans la tradition juive, Ruth est considérée comme un modèle des femmes prosélytes, les non-juives qui épousent la foi juive. Dans l'histoire de Ruth, le choix de la foi n'entre pas en conflit avec le choix du cœur. La fidélité à Dieu va de paire avec la fidélité à ceux qu'on aime.


Application

Dès le premier épisode de cette histoire, Ruth nous offre un remarquable exemple de fidélité et de foi.

On l'a dit, la fidélité de Ruth n'allait pas de soi. Elle lui a coûté : elle a dû quitter son pays... Une décision qui rappelle celle d'Abraham en réponse à l'appel de Dieu, lui demandant de quitter son pays pour aller là où il le conduirait. Pour Ruth, pas d'appel, pas de voix intérieure, mais une volonté ferme de se montrer fidèle à sa belle-mère et de s'attacher à Dieu. Comme pour Abraham, c'est une démarche de foi !

Une démarche de foi qui coûte. On peut d'ailleurs se demander si toute fidélité n'implique pas un renoncement... C'est facile d'être fidèle quand tout va bien ! Quand tout roule comme sur des roulettes, on est tous fidèles ! Ça l'est beaucoup moins dans l'épreuve, quand nos projets tombent à l'eau ou quand les événements semblent se liguer contre nous. Là, c'est difficile d'être fidèle. Ça coûte. Être fidèle peut impliquer de renoncer à certains conforts, à certaines ambitions personnelles.

L'exemple suprême est ici encore Jésus-Christ. Renonçant à la gloire céleste, il est devenu l'un des nôtres en venant sur terre, humblement. Par fidélité à l'appel de son Père. Par fidélité à son amour pour l'humanité. Une fidélité qui l'a conduit jusqu'à la mort sur la croix !

Et si notre foi se mesurait à la qualité de notre fidélité ? Notre fidélité à Dieu, bien-sûr ! Mais pas seulement... Ne se mesure-t-elle pas aussi à notre fidélité dans nos relations, dans nos projets et nos engagements ? C'est finalement une variante du double commandement majeur d'aimer Dieu ET d'aimer son prochain. La fidélité, elle est à Dieu et à notre prochain envers lequel nous nous sommes engagés, ou elle n'est pas ! Comment pourrais-je prétendre être fidèle à Dieu si je ne suis pas fidèle à mon conjoint, à mes amis, à mes paroles ou mes engagements ?


Conclusion

Ruth, la moabite, nous montre la voie d'une foi concrète, qui s'exprime dans le quotidien par sa fidélité remarquable à sa belle-mère. Comment, concrètement, notre fidélité s'exprime-t-elle ? Comment notre foi, notre fidélité à Dieu, se manifeste-t-elle dans notre fidélité de tous les jours ? Sommes-nous fidèles envers nos frères, nos amis nos prochains ?

Il faut le rappeler : c'est bien à la fidélité, y compris dans les « peu de choses » du quotidien, que Dieu nous invite, comme le dit le maître de la parabole des talents à son serviteur : « C'est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.» (Mt 25.21)