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dimanche 19 avril 2020

Le défi de la communion

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Cette courte prédication fait partie d'un "mini-culte" filmé spécialement pour le temps de confinement dû à l'épidémie de covid-19. La vidéo peut être visionnée sur la page de l'Eglise évangélique libre de Toulouse.

On dit parfois que l’Eglise, ou les Églises, appartiennent au passé. Mais depuis 2000 ans que l’Eglise existe, elle a dû sans cesse se réinventer. Elle a plus ou moins réussi à le faire… et il faut avouer que les circonstances particulières que nous traversons nous y invitent de façon nouvelle.

Or, l’un des textes proposés pour ce dimanche nous ramène justement aux origines de l’Eglise. Plus précisément au lendemain de ce qu’on peut considérer comme l’événement fondateur de l’Eglise : la descente du Saint-Esprit sur les croyants réunis à Jérusalem, lors de la fête de la Pentecôte. Mais ce n’est pas ce récit qui nous est proposé, plutôt celui qui le suit immédiatement. On le trouve dans le livre des Actes des apôtres, au chapitre 2, les versets 42 à 47. Le passage que nous allons lire trace le portrait de la toute première Église.

Actes 2.42-47
42 Tous s'appliquaient fidèlement à écouter l'enseignement que donnaient les apôtres, à vivre dans la communion fraternelle, à partager ensemble le pain et à participer aux prières. 43 Chacun reconnaissait l'autorité de Dieu car il accomplissait beaucoup de prodiges et de signes extraordinaires par l'intermédiaire des apôtres. 44 Tous les croyants étaient unis et partageaient entre eux tout ce qu'ils possédaient. 45 Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et ils répartissaient l'argent ainsi obtenu entre tous, en tenant compte des besoins de chacun. 
46 Chaque jour, d'un commun accord, ils se réunissaient dans le temple, ils partageaient ensemble le pain dans chaque maison et prenaient leur nourriture avec joie et sincérité de cœur. 47 Ils louaient Dieu et ils étaient estimés par tout le monde. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à leur groupe les personnes qu'il amenait au salut.


Voilà un texte qui peut paraître incongru pour un temps de confinement ! Ce portrait de la première communauté chrétienne a sans doute valeur d’exemple… Mais comment l’entendre, alors que nous sommes contraints de rester chez nous et que nous ne pouvons pas nous réunir ?

Il y a forcément des choses évoquées dans ce texte qu’on ne peut pas faire : se réunir chaque jour, au temple ou ailleurs, partager le pain et manger ensemble, c’est impossible aujourd’hui. Même partager ses biens pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin n’est pas forcément évident aujourd'hui. Il y a, bien-sûr, des choses qu’on peut faire autrement. Une forme de partage et de solidarité peut s’organiser. On peut aussi profiter des moyens technologiques actuels pour se réunir par vidéoconférence et prier ensemble, on peut proposer des ressources sur Internet pour lire la Bible, etc.

Mais ce n’est pas la même chose… les téléphones et les vidéoconférence ne peuvent pas remplacer le contact humain et la proximité.


Le défi de la communion


En réalité, ce texte pose le défi de la communion, quelles que soient les circonstances. Evidemment, c’est un défi que ressentent particulièrement ceux qui sont contraints de vivre aujourd’hui dans l’isolement…

Peut-on dire pour autant que la communion n’est pas possible en confinement ? Qu’est-ce qui unissait les chrétiens de Jérusalem au lendemain de la Pentecôte et qui continue d’unir les chrétiens aujourd’hui, au milieu de la pandémie de coronavirus ?

En tout temps, l’unité de l’Eglise dépend de l’Esprit saint. C’est lui qui est descendu sur les croyants réunis le jour de la Pentecôte. C’est lui qui nous unit, qui garantit notre communion, hier comme aujourd’hui, et en toutes circonstances. Ce ne sont pas les moyens technologiques, aussi performants soient-ils. Et aucune restriction, aucune barrière, aucun virus ne pourra jamais empêcher le Saint-Esprit d’agir, et de nous unir à Dieu, et les uns aux autres. Mais il ne le fait pas sans nous, sans notre participation active. Et les circonstances que nous connaissons nous poussent à trouver des nouvelles façons d’être en communion.

Au temps du Nouveau Testament, il n’y avait pas de Zoom, de Skype ou de WhatsApp. Mais lorsque l’apôtre Paul a été emprisonné, il écrivait. Par ses nombreuses lettres, il entretenait la communion avec les Églises qu’il connaissait. Et nous en sommes aussi les bénéficiaires aujourd’hui encore, grâce aux épîtres parvenues jusqu’à nous à travers le Nouveau Testament. Alors qui sait ? Que restera-t-il de ce temps que nous vivons, pour notre communion demain ?


Le risque d’un “retour à la normale”


Attention au risque d’un simple “retour à la normale”. Je parle d’un risque, parce ce que ce serait une erreur de simplement recommencer comme avant, sans tirer les leçons de l’épreuve traversée. Et là, ce ne sont pas que les chrétiens qui sont concernés… Comment sera notre monde demain ? Comment seront nos relations sociales au quotidien alors qu’aujourd’hui l’autre est devenu pour nous un danger de contamination avec lequel il faut garder ses distances ? Comment sera notre économie alors qu’on se rend compte aujourd’hui des dangers de ne rechercher que la production au moindre coût ? Comment sera le monde du travail alors que nous voyons que les métiers les plus utiles, et même nécessaires à la société, ne sont pas les plus valorisés et reconnus ?

Apprendrons-nous de cette épreuve ou recommencerons-nous tout comme avant ?

Et pour l’Eglise aussi, la question se pose. Est-ce que, demain, nous continuerons de vivre l'Église à distance, de façon presque virtuelle ? C’est la façon de vivre l’Eglise habituellement pour certains… sans forcément participer aux rassemblements de l'Église, ou seulement occasionnellement. Et comment se prolongeront, concrètement, les nouvelles façons de communiquer, de prendre des nouvelles les uns des autres, de prier ensemble ? Notre communion demain sera-t-elle enrichie des leçons apprises à travers cette épreuve ?


Réinventer l'Église 


Le temps particulier que nous traversons nous oblige à prendre du recul sur notre vie, et si nous sommes croyants, sur notre foi, notre façons de vivre l'Église.

Si, par la force ces choses, nous devons réinventer l’Eglise aujourd’hui, il faudra la réinventer demain encore. Le portrait de la première Église témoigne de la façon dont les premiers chrétiens ont vécu la mission qui leur était confiée. Il ne s’agit pas de bêtement copier ce qu’ils faisaient. Le contexte a changé. Et il changera encore ! La vraie question est de se demander comment vivre la mission de l’Eglise aujourd’hui, et comment la vivre demain.

Or, il me semble que le récit du livre des Actes des apôtres souligne trois aspects de la mission de l’Eglise auxquels nous devons toujours rester attentifs :

  • Ecouter Dieu et le voir agir. 
  • Vivre le partage et la solidarité. 
  • Rayonner de l’amour de Dieu. 


Ecouter Dieu et le voir agir. C’est la première priorité, en toutes circonstances. L'Église se nourrit de la Parole de Dieu et de son action. Notre texte souligne d’une part l’assiduité de l’Eglise réunie pour écouter l’enseignement des apôtres et d’autre part une action visible de Dieu dans l’Eglise. Et les deux sont liés ! C’est en se mettant à l’écoute de Dieu que nous le verrons agir. Ce moment où, pour la plupart, nous sommes obligés de nous arrêter est un temps propice pour la prière et l’écoute de Dieu. Profitons-en ! Mais nous devrons apprendre demain à ne pas compter sur les circonstances pour consacrer du temps à Dieu.

Vivre le partage et la solidarité. Les premiers chrétiens ont vécu cet impératif de façon très concrète. En réalité, c’est la seule façon de voir si la foi que nous professons n’est pas qu’un discours creux et superficiel. Voilà la question à se poser : comment notre foi se traduit-elle en actes ? La réponse est : par le partage et la solidarité. Et nous en aurons particulièrement besoin demain. On ne mesure pas encore les conséquences, les difficultés, la précarité accentuée dans laquelle se trouveront beaucoup. Serons-nous au rendez-vous ?

Rayonner de l’amour de Dieu. Ce troisième impératif, je le retire des deux verbes associés au verset 47 : “Ils louaient Dieu et ils étaient estimés par tout le monde.” La louange du croyant exprime son amour pour Dieu, et sa vie entière est appelé à le manifester, si bien qu’elle suscite un regard favorable de la part des autres.

Alors comment est-ce que nous rayonnons, aujourd’hui, en ce temps de confinement ? Je m’interroge notamment sur ce que nous postons ou relayons sur les réseaux sociaux… je ne suis pas sûr qu’ils expriment toujours la foi, l’espérance et l’amour que nous sommes censés montrer ! Et comment allons-nous rayonner demain, pour que notre vie entière soit une louange à Dieu et suscite un regard favorable de nos contemporains ?

Encore une fois, si nous réinventons l’Eglise aujourd’hui, contraints par les circonstances, il nous faudra encore le faire demain. Car si la mission ne change pas, la façon de l’accomplir évolue, parce que notre monde évolue. Voilà notre triple défi, aujourd’hui comme demain : écouter Dieu et le voir agir en nous et à travers nous, vivre vraiment le partage et la solidarité et rayonner de façon pertinente de l’amour de Dieu.



dimanche 3 mai 2015

Débusquer la bête

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Lecture biblique : Apocalypse 13

On a beau dire que l'Apocalypse n'est pas un livre écrit pour nous faire peur, cette vision n'est quand même pas très rassurante...

On y rencontre deux bêtes. La première, très impressionnante, sort de la mer. Son apparence rappelle les bêtes de la prophétie de Daniel, au chapitre 7, qui symbolisaient la succession de plusieurs royaumes humains. Elle sort de la mer, élément naturel inquiétant (beaucoup de marins périssaient dans les tempêtes). Mais du coup, elle vient aussi de l'occident, là où se trouve Rome. C'est bien l'empire romain qui est dans le viseur : l'empire qui en ce temps-là s'élevait contre Dieu en persécutant les chrétiens.

L'autre bête est moins inquiétante : elle n'a que deux cornes comme celles d'un agneau. De plus, elle vient de la terre, beaucoup moins inquiétante que la mer. Mais son pouvoir est dans sa parole : elle parle comme un dragon. C'est le prophète de la première bête, séduisant et menaçant les hommes pour les conduire à adorer la bête.

Il est frappant de constater combien cette double image est parlante, non seulement dans le contexte de l'empire romain au Ier siècle mais tout au long des siècles, jusqu'à aujourd'hui ! Dans toute l'histoire, des empires, des puissances humaines se sont élevés et sont devenus monstrueux. La bête a pris de nombreux visages, ceux de la puissance de pouvoirs politiques totalitaires et de la propagande de leur idéologie. Avec plus ou moins de collusion avec telle ou telle religion, y compris chrétienne, d'ailleurs !

Les bêtes ont changé de visage dans l'histoire, maniant tour à tour la terreur et la séduction. Avec une même motivation : prendre la place de Dieu. C'est le sens du fameux 666 dont l'interprétation la plus plausible est celle d'une trinité humaine singeant Dieu : 3 x 6, le chiffre de l'homme. Comme le Dragon et les deux bêtes singent la Trinité divine. Le Dragon prend la place du Père, la bête qui sort de la mer prend celle du Fils (envoyée par le Dragon, l'une de ses têtes est blessée à mort mais ressuscite) et la bête qui sort de la terre prend celle du Saint-Esprit, qui convainc la terre d'adorer la première bête.

Que faire d'une telle vision aujourd'hui ? Je vous propose trois pistes, résumées en trois verbes.


Décrypter

Cette vision nous invite à décrypter notre monde. Sans pour autant vouloir jouer au « Nostradamus évangélique », cherchant à deviner l'avenir ! C'est là une mauvaise compréhension de l'Apocalypse qui veut d'abord nous donner des clés pour comprendre l'histoire mais pas des énigmes pour nous faire deviner l'avenir !

Des « Nostradamus évangéliques », il y en a eu et il y en aura encore... D'ailleurs récemment, j'ai lu un article parlant d'un « prophète » évangélique qui a écrit un livre et qui donne des conférences, annonçant que l'enlèvement de l’Église aura lieu en septembre prochain et que l'Antichrist était le prince William !

Le décryptage auquel notre texte nous invite est tout autre. Il nous invite à la lucidité sur tout pouvoir humain. Bref, à ne pas être dupe, ne pas s'illusionner. Nous sommes heureux de vivre en démocratie mais comme disait Winston Churchill, « la démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres déjà essayés dans le passé. » Le cœur de l'homme étant ce qu'il est, ce n'est pas un type de régime politique en lui-même qui préserve de toute dérive. Hitler est arrivé démocratiquement au pouvoir en Allemagne... N'oublions pas que c'est la seconde bête, d'apparence inoffensive, qui conduit à la première bête terrifiante.

Décrypter, c'est être vigilant sur notre monde, notre société, ses dirigeants et ses puissants. C'est chercher à comprendre les enjeux spirituels, parfois évidents et parfois cachés.


Résister

La deuxième piste découle de la première. Après avoir décrypté, il s'agit de résister. Veiller à ne jamais plier le genou devant la bête, quelle que soit la forme qu'elle prend.

Il y a eu dans l'histoire des manifestations évidentes de cette bête, d'autres plus insidieuses. Aujourd'hui, il y a une bête évidente à identifier. C'est la bête islamiste. Pas de doute possible. Daesh a la marque des bêtes de l'Apocalypse, avec sa logique de terreur, sa volonté d'expansion et d'extermination, en particulier envers les chrétiens. Avec sa puissance totalitaire et sa force de propagande. Il faut la combattre, prier pour que la communauté internationale mette tout en œuvre pour la vaincre.

Mais est-elle la seule contre laquelle se prémunir aujourd'hui ? L'apparence inoffensive de la seconde bête doit nous mettre en garde. Sa voix de dragon n'est-elle pas aussi dans les discours haineux et xénophobes, antisémites ou islamophobe, qui ont tendance à se banaliser ? La poussée des partis politiques extrêmes en Europe, et en particulier en France, est inquiétante. Surtout quand elle se confirme dans les urnes...

Saviez-vous que l'ONU, à travers son comité pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd) a dénoncé cette semaine la banalisation du discours haineux en France à l’égard des minorités ?

Il nous faut résister aux deux bêtes : la première, terrifiante et inquiétante, autant que la seconde, insidieuse et séductrice.


Prier

La troisième piste découle des deux premières. Prier. L'exhortation n'est pas présente explicitement dans notre texte mais elle en est la conséquence inévitable pour le croyant.

Prier pour avoir la sagesse de comprendre le « chiffre de la bête », débusquer la bête et ne pas nous laisser séduire ou terroriser. Prier pour décrypter notre monde avec discernement et ne pas s'engager dans des théories fumeuses ou farfelues.

Prier pour avoir la force et le courage de résister quand cela est nécessaire. Le courage de s'élever contre le pouvoir quand il se transforme en bête, le courage de dénoncer les idéologies haineuses et moribondes.

Prier aussi pour les autorités, comme l'apôtre Paul nous y invite. C'est une façon de leur être soumis, de les respecter. Car si tout pouvoir humain a le risque de basculer dans le côté obscur, Dieu peut aussi utiliser des hommes et des femmes pour le bien de tous. Résister au mal, c'est aussi promouvoir le bien.

Prier enfin pour garder l'espérance, en toute circonstance. Car l'Apocalypse nous apprend que ce ne sont ni le Dragon ni les bêtes qui auront le dernier mot mais le Christ ressuscité. Au chapitre 19 de l'Apocalypse, la bête et le faux prophète sont vaincus par le cavalier montant un cheval blanc, une image du Christ. Ils sont jetés dans l'étang de feu, là où le diable les rejoindra.


Conclusion

Faut-il avoir peur de l'Apocalypse ? Non ! Certes, la vision assez terrifiante de ce chapitre ne nous encourage guère à l'optimisme. Mais elle est là avant tout pour nous mettre en garde et nous appeler à la vigilance, pour que nous sachions être attentifs aux véritables enjeux spirituels.

Les pouvoirs politiques ne sont pas toujours bienveillants à l'égard des chrétiens, ils ne sont pas toujours en accord avec les valeurs de l’Évangile. Loin de là... C'est pourquoi nous sommes appelés à la vigilance, pour décrypter, résister et prier. Tout en sachant que le dernier mot ne sera pas à un quelconque pouvoir humain, aussi terrifiant et monstrueux soit-il, mais à Celui qui est mort et ressuscité et qui viendra un jour établir son règne d'amour, de justice et de paix.