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dimanche 26 mai 2024

Interrogez donc le passé !

 

Le texte de l’Ancien Testament de ce dimanche se trouve dans le Deutéronome. C’est le livre qui clôt le Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible, dans lesquels on trouve les récits des origines, celui de l’Exode avec la sortie d’Egypte des Hébreux, les différents textes de loi donnant un cadre de vie pour le peuple de Dieu. 

Deutéronome signifie « deuxième loi ». Ça ne signifie pas que Dieu donnerait ici une nouvelle loi qui viendrait remplacer la précédente. Il s’agit plutôt d’un rappel de la loi, ou d’une relecture de la loi. On rappelle les fondamentaux, juste avant l’entrée dans le pays promis. C’est ainsi que le livre se présente dans la Bible. 

Rien d’étonnant donc que dans le passage que nous allons lire, Moïse invite le peuple à se souvenir du passé.

Deutéronome 4.32-40
32 Interrogez donc le passé, ce qui est arrivé longtemps avant vous, depuis que Dieu a créé l'humanité sur la terre. Méditez sur tout ce qui s'est passé d'un bout à l'autre du monde. Un fait aussi extraordinaire s'est-il déjà produit ? A-t-on déjà entendu raconter une chose pareille ? 33 Existe-t-il un autre peuple qui ait entendu un dieu lui parler du milieu du feu et qui ait survécu, comme cela vous est arrivé ? 34 Ou bien un autre dieu que le vôtre a-t-il essayé un jour d'arracher son peuple à la domination d'un peuple ennemi en recourant à des signes impressionnants et des prodiges, des exploits irrésistibles et terrifiants ? Non, mais le Seigneur votre Dieu vous a arrachés de cette manière de l'Égypte, comme vous l'avez vu de vos propres yeux ! 35 Vous avez vu pour comprendre que le Seigneur est ce Dieu-là, qu'il n'y en a pas d'autre égal à lui. 36 Des cieux, il vous a fait entendre sa voix pour vous enseigner à être obéissants ; sur terre, il vous a fait voir un grand feu, et vous l'avez entendu parler du milieu de ce feu. 37 Parce qu'il aimait vos ancêtres et qu'il vous a choisis, vous, leurs descendants, il vous a fait sortir d'Égypte lui-même, grâce à sa force immense. 38 Il va maintenant mettre en fuite, à votre approche, des peuples plus nombreux et plus puissants que vous, et vous conduire dans leur pays pour vous le donner en possession dès aujourd'hui. 39 Reconnaissez donc aujourd'hui, et réfléchissez-y sans cesse, que le Seigneur est ce Dieu-là, aussi bien dans les cieux que sur la terre, et qu'il n'y en a pas d’autre. 40 Mets en pratique ses lois et ses commandements, que je te transmets aujourd'hui. Toi et tes descendants par la suite, tu y trouveras le bonheur, et tu vivras ainsi longtemps dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne pour toujours.


Moïse invite le peuple à se souvenir, ou plus précisément à interroger le passé. Il les invite à un retour en arrière en deux temps. D’abord en remontant le plus loin possible, en considérant « ce qui est arrivé longtemps avant vous, depuis que Dieu a créé l'humanité sur la terre. »  Il s’agit en réalité de contempler l’œuvre du Créateur, de s’émerveiller devant la création et la façon dont elle témoigne de la grandeur du Dieu qui l’a créée. Ensuite, il s’agit d’interroger un passé plus proche, qui remonte à quelques années à peine pour le peuple hébreu, avec la sortie d’Egypte. Moïse fait alors référence à la façon dont Dieu a délivré son peuple de l’esclavage en Egypte. 

Les questions qu’il pose sont rhétoriques. Les réponses sont sous-entendues. « Un fait aussi extraordinaire s'est-il déjà produit ? » La réponse est non, évidemment ! « Existe-t-il un autre peuple qui ait entendu un dieu lui parler du milieu du feu et qui ait survécu, comme cela vous est arrivé ? » La réponse est non, évidemment. 


Interroger le passé

Vous arrive-t-il aussi d’interroger le passé ? Vous arrive-t-il de considérer la façon dont Dieu a agi, par le passé… dans le monde ou dans votre vie ? Le texte de ce matin nous y invite, et c’est un exercice utile. 

On peut, comme dans notre texte, remonter aux origines et contempler l’œuvre extraordinaire du Créateur. Et si la délivrance de l’esclavage en Egypte est, pour nous, une autre œuvre éloignée de Dieu, il y en a une autre que nous sommes invités à contempler sans cesse. Une œuvre datant de 2000 ans, celle du Christ. Elle est bien plus grande encore que celle de la sortie d’Egypte. Elle est aussi extraordinaire que l’œuvre de création elle-même.

Alors interrogeons le passé en nous souvenant de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Il est le Fils de Dieu devenu homme pour partager notre condition humaine, avec toutes nos épreuves, nos faiblesses, la souffrance, jusqu’à la mort. Y a-t-il une preuve d’amour plus grande que celle-ci ? La réponse est non, évidemment ! 

Interrogeons le passé en nous souvenant de la mort injuste et scandaleuse de Jésus, qu’il a pourtant acceptée par amour pour nous. Sa mort est le sacrifice ultime qui nous accorde le pardon. Y a-t-il une source de paix et d’assurance plus grande ? La réponse est non, évidemment ! 

Interrogeons le passé pour contempler le matin de Pâques, avec le tombeau vide, les premiers témoins du Resuscité. Il a vaincu la mort. Y a-t-il un triomphe plus éclatant dans toute l’histoire de l’humanité ? La réponse est non, évidemment !

Interrogeons le passé pour nous souvenir des promesses de Jésus accomplies après son Ascension et son retour auprès du Père, lorsque le Saint-Esprit a été envoyé, le jour de Pentecôte, que nous avons célébré la semaine dernière. Y a-t-il promesse plus extraordinaire que celle du Saint-Esprit qui vient faire sa demeure en nous, Dieu lui-même qui fait de nous sa maison, le lieu de sa résidence ? La réponse est non, évidemment ! 

On peut aussi interroger le passé plus récent, plus personnel. Le passé de notre chemin avec le Seigneur. On peut se souvenir des différentes façons dont Dieu a cheminé avec nous, les réponses qu’il a données à nos prières, ses interventions en notre faveur, les expériences qu’il nous a permis de vivre, les rencontres, les découvertes. Bref, toutes les fois où nous avons eu l’occasion de voir Dieu agir dans notre vie ou autour de nous, de manière évidente ou discrète. Interrogeons notre passé, pour y discerner la présence fidèle de Dieu. 


Le Seigneur est Dieu et il n’y en a pas d’autre

Pourquoi interroger le passé ? En tout cas pas pour s’y réfugier. Il ne s’agit pas d’être nostalgique d’un passé révolu, il ne s’agit pas céder au refrain du « c’était mieux avant… »  Si Moïse interroge le passé, c’est pour en arriver à aujourd’hui : 

Deutéronome 4.39-40
39 Reconnaissez donc aujourd'hui, et réfléchissez-y sans cesse, que le Seigneur est ce Dieu-là, aussi bien dans les cieux que sur la terre, et qu'il n'y en a pas d’autre. 40 Mets en pratique ses lois et ses commandements, que je te transmets aujourd'hui. Toi et tes descendants par la suite, tu y trouveras le bonheur, et tu vivras ainsi longtemps dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne pour toujours.

Deux impératifs sont liés à « aujourd’hui » dans cette conclusion :

  • Reconnaître que le Seigneur est Dieu et qu’il n’y en a pas d’autre
  • Mettre en pratique ses lois et ses commandements

Le premier impératif est bien-sûr, une affirmation théologique forte, celle du monothéisme. Il y a un seul Dieu et ce Dieu, c’est le Seigneur. Et en interrogeant le passé, on peut affirmer que c’est lui qui a créé l’univers, c’est lui qui a délivré son peuple d’Egypte, c’est lui qui a envoyé son Fils pour notre salut, c’est lui qui habite en nous par son Esprit, c’est lui qui manifeste de différentes façons sa présence dans notre vie. 

Il y a donc ici plus qu’une affirmation théologique. Il ne s’agit pas seulement de croire qu’il y a un seul Dieu, il s’agit de le reconnaître et d’y réfléchir, littéralement de le « faire revenir vers notre cœur ». Il y a un effort d’assimilation à faire, un travail d’appropriation, de réflexion quant à toutes les implications, pour soi, de cette affirmation absolue : le Seigneur est Dieu et il n’y en a pas d’autre. 

Le Seigneur est le seul Dieu, en-haut dans le ciel et en bas sur la terre. L’est-il aussi dans notre cœur ? Ou doit-il partager la place avec d’autres « dieux » en qui nous mettons notre confiance ou notre espérance ? Les dieux de l’argent, des richesses ou du confort. Les dieux de la réussite, de la popularité ou de la renommée. Les dieux du pouvoir, de l’influence ou des réseaux. 

Voilà pourquoi il faut sans cesse faire revenir cette vérité vers notre cœur : le Seigneur est le seul Dieu et il n’y en a pas d’autre.

Le deuxième « aujourd’hui » de notre texte nous invite à écouter et mettre en pratique la parole du Seigneur, comme une concrétisation de sa présence en Souverain dans notre cœur : « Mets en pratique ses lois et ses commandements, que je te transmets aujourd'hui. »

Il ne s’agit pas d’obéir aveuglément, comme un soldat qui obéit aux ordres sans poser de question. Il s’agit de les suivre dans la confiance, en sachant que le Seigneur nous les donne pour notre bien, pour entrer dans ses bénédictions. Comme Moïse l’affirme dans notre texte : « Toi et tes descendants par la suite, tu y trouveras le bonheur, et tu vivras ainsi longtemps dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne pour toujours. »

Les lois et les commandements du Seigneur nous sont donnés pour notre bonheur. Pourquoi Dieu nous aurait-il créé et sauvé, si ce n’est pas pour notre bonheur ? Pourquoi aurait-il délivré son peuple de l’esclavage pour le mettre sous un autre joug de contraintes arbitraires ? Pourquoi le Fils de Dieu serait-il devenu homme, et serait-il mort pour nous, si c’est pour faire de nous des esclaves ? Dieu aurait-il fait tout cela pour nous laisser contraindre, nous opprimer ou nous laisser tomber aujourd’hui ? Non, évidemment !

C’est pour cela qu’en interrogeant le passé, en nous souvenant de ce que Dieu a fait pour nous, dès son œuvre de Création, nous savons que nous pouvons lui faire confiance pour aujourd’hui et demain. Il est le même hier, aujourd’hui et pour l’éternité. 


Conclusion

C’est un exercice utile que d’interroger le passé, de se remémorer ce que le Seigneur a fait pour nous, depuis la Création du monde jusqu’à aujourd’hui. L’action du Seigneur s’inscrit dans l’histoire de l’humanité, et elle s’inscrit aussi dans notre histoire. Nous avons là une source d’émerveillement inépuisable. 

Je vous laisse ces deux questions, évoquées au cours de la prédication :

  • Vous arrive-t-il d’interroger le passé ? Vous arrive-t-il de considérer la façon dont Dieu a agi, par le passé… dans le monde ou dans votre vie ?
  • Le Seigneur est le seul Dieu, en-haut dans le ciel et en bas sur la terre. L’est-il aussi dans notre cœur ? Ou doit-il partager la place avec d’autres « dieux » en qui nous mettons notre confiance ou notre espérance ?

En répondant à ces questions, nous chercherons à interroger le passé pour mieux accueillir aujourd’hui le Seigneur comme notre Dieu, le seul et l’unique.


dimanche 7 août 2022

Ruth - épisode 3 : un plan sans accroc ?

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Résumé des épisodes précédents :

Veuve, sans descendance, en terre étrangère, Noémi se retrouve en situation de grande précarité. Elle avait émigré avec son mari et ses deux fils dans le pays de Moab pour fuir la famine en Israël. La voilà de retour au pays, seule… enfin pas tout à fait seule puisqu’elle est accompagnée par Ruth, une de ses belles-filles d’origine moabite qui, par loyauté, a refusé de la quitter. 

Comme la loi le prévoyait, Ruth va glaner dans un champ pour subvenir à leurs besoins. Elle y trouve un accueil inattendu et généreux de la part du propriétaire, Booz, qui s’avère être un parent de Noémi. Pour cette dernière, ce n’est pas un hasard : Dieu a conduit Ruth jusqu’à son champ. Elle encourage alors Ruth à continuer d’aller dans les champs de Booz jusqu’à la fin de la récolte. Elle a visiblement un plan… 

Ruth 3

1 Noémi, la belle-mère de Ruth, lui dit : « Ma fille, je dois chercher à assurer ta sécurité pour que tu sois heureuse. 2 Voici ce que nous allons faire. Booz notre parent, dont tu as fréquenté les servantes, ira ce soir battre l'orge sur son aire. 3 Lave-toi, parfume-toi et recouvre-toi d'un manteau. Ensuite, rends-toi sur l'aire de battage, mais ne te montre à personne avant qu'il ait fini de manger et de boire. 4 Lorsqu'il ira se coucher, observe la place où il s'installe. Approche-toi ensuite, écarte un peu sa couverture et allonge-toi à ses pieds. Après cela, il t'indiquera lui-même comment tu dois agir. » – 5 « Je ferai tout ce que tu m'as dit », répondit Ruth.

6 Ruth se rendit à l'aire de battage et fit tout ce que sa belle-mère lui avait recommandé. 

7 Booz mangea et but, ce qui le mit d'excellente humeur, puis il alla se coucher à l'écart de son tas de gerbes. Ruth s'approcha sans bruit, écarta la couverture et s'allongea à ses pieds.

8 Au milieu de la nuit, Booz se réveilla en sursaut, il se pencha en avant et voici qu'une femme était couchée à ses pieds ! 9 « Qui es-tu ? » demanda-t-il. Elle répondit : « C'est moi, Ruth, ta servante. Veuille me prendre sous ta protection, car tu as à mon égard la responsabilité du proche parent qui a droit de rachat. » 10 Booz lui déclara : « Que le Seigneur te bénisse, ma fille ! Cette preuve de fidélité que tu viens de montrer est encore plus grande que la précédente. En effet, tu n'es pas allée après les jeunes gens, riches ou pauvres. 11 Et maintenant, ne crains rien ma fille ! Je ferai pour toi tout ce que tu me diras, car toute la population sait que tu es une femme de grande valeur. 12 Il est exact que j'ai à ton égard la responsabilité du proche parent qui a le droit de rachat, mais il existe un homme dont le degré de parenté avec ta famille est plus proche que le mien. 13 Passe ici la nuit ; attendons demain matin. Nous verrons s'il veut exercer son droit de rachat à ton égard. Si oui, qu'il le fasse. S'il ne le désire pas, je l'affirme : aussi vrai que le Seigneur est vivant, j'exercerai mon droit de rachat à ton égard. En attendant, reste couchée jusqu'au matin. »

14 Ruth resta couchée aux pieds de Booz, mais elle se leva avant l'heure où l'on peut reconnaître quelqu'un. Booz se disait : « Il vaut mieux qu'on n'apprenne pas que cette femme est venue à cet endroit. » 15 Il lui dit : « Enlève le foulard que tu portes et tiens-le bien. » Elle le tint et il y versa six mesures d'orge qu'il l'aida à charger. Ensuite, il retourna à la ville. 

16 Ruth revint chez sa belle-mère. Celle-ci lui demanda : « Comment cela s'est-il passé, ma fille ? »

Ruth lui raconta tout ce que Booz avait fait pour elle. 17 Elle ajouta : « Il m'a donné ces six mesures d'orge en disant : “Ne retourne pas chez ta belle-mère les mains vides.” » 18 Noémi lui dit : « Reste ici, ma fille, jusqu'à ce que tu saches comment l'affaire tournera. Booz ne sera satisfait que s'il la règle aujourd'hui même ! »

Savez-vous ce qu’est un cliffhanger ? Dans une série, c’est un rebondissement à la fin d’un épisode, une fin ouverte qui donne envie de connaître la suite et crée l’attente de l’épisode suivant. C’est un peu ce qui se passe dans cet épisode 3 de l’histoire de Ruth. Alors que tout semblait se diriger vers un happy end évident avec le mariage de Booz et Ruth, on apprend qu’il y a un autre parent, plus proche de Noémi que Booz, qui pourrait tout faire capoter… et l’épisode s’arrête là ! Il faudra attendre la semaine prochaine pour connaître le dénouement. Mais il se passe assez de choses dans cet épisode 3 pour nourrir notre réflexion aujourd’hui. 

Revenons donc au début de l’épisode. On sentait bien, à la fin de l’épisode précédent, que Noémi avait une idée derrière la tête… Et ça se confirme dès le début de l’épisode 3. Elle dit à Ruth comment agir auprès de Booz pour lui faire comprendre qu’il peut faire valoir son « droit de rachat » pour l’épouser. On reviendra sur ce droit d’achat. Retenons simplement pour le moment qu’il s’agissait d’une coutume de solidarité familiale en cas de veuvage sans enfant. 

On peut s’étonner de la passivité apparente de Ruth, semblant soumise au plan de sa belle-mère, sans dire un mot. Pourtant, à y regarder de plus près, je pense que Ruth savait très bien ce qui se passait et qu’elle n’y allait pas à reculons. Noémi lui dit ce qu’elle doit faire : se coucher aux pieds de Booz. Et elle ajoute : « Après cela, il t'indiquera lui-même comment tu dois agir. » Or, quand on regarde la suite, ce n’est pas vraiment comme ça que ça s’est passé. Certes, Ruth est allée discrètement se coucher aux pieds de Booz mais quand celui-ci la découvre, au milieu de la nuit, ce n’est pas lui qui dit à Ruth ce qui doit se passer par la suite. C’est Ruth qui lui explique ce qu’il doit faire : « C'est moi, Ruth, ta servante. Veuille me prendre sous ta protection, car tu as à mon égard la responsabilité du proche parent qui a droit de rachat. » Jamais auparavant on nous dit que Noémi a expliqué cela à Ruth. Mais elle a compris… Et elle prend les devants pour demander à Booz de le faire ! 

C’est intéressant d’ailleurs comme les femmes prennent les devants dans cette histoire, alors que tout était organisé pour que ce soient les hommes qui exercent les responsabilités et prennent les décisions. Le livre de Ruth est aussi un petit récit féministe… 

Pour autant, on ne peut pas dire que Booz soit manipulé, pas plus que Ruth ne l’était par Noémi. En fait, on peut relever au moins deux raisons pour lesquelles Booz n’a pas pris l’initiative auprès de Ruth :

  • Booz était visiblement plus âgé que Ruth et il ne voulait pas s’imposer à elle. C’est bien ce qu’il sous-entend au verset 10 : « Que le Seigneur te bénisse, ma fille ! Cette preuve de fidélité que tu viens de montrer est encore plus grande que la précédente. En effet, tu n'es pas allée après les jeunes gens, riches ou pauvres. »
  • D’autre part, il n’était pas prioritaire pour exercer le droit de rachat. Il y avait un autre parent, plus proche. Le fait, d’ailleurs, qu’il le mentionne tout de suite à Ruth montre bien qu’il y avait pensé ! 

Booz était un homme de bien, loyal et respectueux. Mais l’attitude de Ruth fait éclater les verrous. Il répond avec empressement à la demande de Ruth et décide sans tarder d’essayer de lever l’obstacle qui reste à leur mariage. 

Pour tout dire, je ne crois pas du tout qu’on soit ici en présence d’un mariage forcé, ni pour Ruth ni pour Booz. La façon dont les choses se passent laisse entendre qu'ils étaient sans doute l’un et l’autre consentants. Certes, ce n'est pas explicite... Mais les paroles de Ruth lorsqu'elle évoque Booz à sa belle-mère, le traitement de faveur que Booz lui accorde dès le début et l'empressement avec lequel il veut régler cette affaire, tout laisse entendre qu'il s'agit de bien plus qu'un mariage forcé. C’est une histoire d’amour !

Une histoire d’amour dont nous verrons, lors du prochain et dernier épisode, si elle se termine bien ou pas… 


La loi et l’esprit de la loi

Revenons sur cette fameuse loi du droit de rachat au cœur de notre épisode. Il s’agissait d’une coutume ancienne, qu’on voit apparaître pour la première fois dans la Genèse avec Tamar, la fille de Juda : 

Genèse 38.8

Alors Juda dit à Onan : « Va vers la femme de ton frère et remplis ton devoir de proche parent envers elle : épouse-la afin de donner une descendance à ton frère. »

Elle est codifiée ainsi dans le Deutéronome : 

Deutéronome 25.5-10

5 Si deux frères vivent ensemble sur le même domaine et que l'un meurt sans avoir de fils, alors sa veuve ne doit pas épouser quelqu'un d'extérieur. C'est son beau-frère qui la prendra comme épouse. 6 Le premier fils qu'elle mettra au monde sera alors considéré comme le fils de celui qui est mort, afin que son nom continue d'être porté en Israël.

7 Si l'homme n'est pas d'accord d'épouser sa belle-sœur, celle-ci se rendra devant les anciens et expliquera : « Mon beau-frère n'a pas voulu exercer son devoir envers moi, il a refusé de donner à son frère un fils qui continue de porter son nom en Israël. » 8 Les anciens de la ville convoqueront l'homme et l'interrogeront. S'il maintient son refus d'épouser la veuve de son frère, 9 celle-ci s'avancera jusqu'à lui en présence des anciens, elle lui retirera sa sandale du pied, lui crachera au visage et déclarera : « Voilà comment on traite un homme qui refuse de donner une descendance à son frère ! » 10 Dès lors, en Israël, on surnommera la famille de cet homme “la famille du déchaussé”.

On trouve bien des échos de cette loi dans notre récit mais les choses se passent quand même différemment de ce qui est écrit. 

L’idée principale était que si un homme mourait sans enfant, son frère devrait prendre sa veuve pour femme et le premier garçon qui naîtrait serait considéré comme l’enfant du mari décédé, pour perpétuer son nom. Et si le beau-frère refusait d’exercer ce devoir, il s’exposait à une humiliation publique. 

Vous noterez que la femme n’avait pas son mot à dire… et que la loi semblait ne se préoccuper que des hommes. La façon dont la loi est appliquée dans l’histoire de Ruth est sensiblement différente. La préoccupation de Noémi, c’est le bonheur de Ruth : « je dois chercher à assurer ta sécurité pour que tu sois heureuse. »

On verra dans le chapitre suivant – j’anticipe un peu – que c’est moins le nom d’Elimélek qui sera perpétué que celui de Noémi et qu’il y aura bien une histoire de sandale mais juste pour valider l’affaire, pas pour humilier celui qui refuse d’exercer son droit de rachat. 

La loi est donc appliquée de façon moins contraignante et dans un but différent. C’est bien pour venir en aide à Noémi et à Ruth que la loi du droit de rachat est utilisée. Nous voilà à nouveau dans une optique féministe… Autrement dit, on n'est pas dans une application stricte et froide de la loi mais on comprend l'esprit de la loi. Ici, c'est la nécessaire solidarité familiale, le secours des femmes veuves qui se retrouvent dans une situation précaire, surtout dans une société patriarcale. 

J’y vois un exemple très intéressant d’une juste attitude à l’égard des textes de loi dans la Bible. Il ne suffit pas de les appliquer à la lettre pour leur être fidèle. Il s'agit d'en comprendre l'intention profonde pour l’appliquer de façon pertinente. Les contextes changent, les coutumes et les cultures évoluent... la façon d'appliquer les commandements doit aussi évoluer. 

Aujourd'hui, à plus forte raison, il ne suffit pas de se référer à un commandement de l'Ancien Testament pour se faire une opinion définitive sur tel ou telle pratique, il ne suffit pas de citer un verset biblique pour répondre à telle ou telle question d'éthique. Nous n’avons pas le droit d’utiliser la Bible comme un livre de recettes ou comme une machine à distribuer des versets ou des réponses toutes faites. 

C’est pourquoi pour bien diriger notre vie devant Dieu, pour prendre les bonnes décisions et faire les bons choix en tant que croyants, c’est bien d’une vision d’ensemble de la Bible que nous avons besoin. Nous devons chercher à comprendre le projet de Dieu dans sa globalité, et ne pas oublier qu’il s’est pleinement accompli dans la personne et l’œuvre de Jésus-Christ.  Nous devons demander le discernement de l’Esprit saint pour comprendre, vivre et appliquer ces principes aujourd’hui, de façon pertinente. 

Si Noémi et Ruth ne l’avaient pas fait, elles seraient sans doute restées veuves toutes les deux… 


Conclusion

Il ne reste plus que l’épisode final de notre mini-série de l’été… un épisode dont je vous ai déjà dévoilé quelques éléments. Mais nous découvrirons le dénouement la semaine prochaine. En tout cas, cet épisode 3 a révélé quelques accents féministes et, surtout, a fait basculer le récit dans une histoire d’amour, pour laquelle on espère un happy end ! 

Cette belle histoire toute simple, paisible et champêtre, est aussi une histoire de loyauté et de fidélité, de générosité et de solidarité. Un bel exemple d’amour concret pour Dieu et pour le prochain. 

Ruth, Noémi et Booz, chacun à leur manière, mettent bel et bien en pratique ce double commandement central souligné par Jésus. Leur exemple nous rappelle que toute loi et tout commandement de la Bible sont motivés par ce double principe fondamental de l’amour pour Dieu et de l’amour pour le prochain. C’est le mètre étalon de toute notre vie de croyant. 

dimanche 4 février 2018

Qu'est-ce que vous faites d’extraordinaire ?

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Matthieu 5.38-48
38 « Vous avez appris qu'on a dit : “Œil pour œil et dent pour dent.” 39 Mais moi, je vous dis : si quelqu'un vous fait du mal, ne vous vengez pas. Au contraire, si quelqu'un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre joue. 40 Si quelqu'un veut te conduire au tribunal pour prendre ta chemise, laisse-lui aussi ton vêtement. 41 Si quelqu'un te force à faire un kilomètre à pied, fais-en deux avec lui. 42 Quand on te demande quelque chose, donne-le. Quand on veut t'emprunter quelque chose, ne tourne pas le dos. »
43« Vous avez appris qu'on a dit : “Tu dois aimer ton prochain et détester ton ennemi.” 44 Mais moi, je vous dis : aimez vos ennemis. Priez pour ceux qui vous font souffrir. 45 Alors vous serez vraiment les enfants de votre Père qui est dans les cieux. En effet, il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. Il fait tomber la pluie sur ceux qui se conduisent bien et sur ceux qui se conduisent mal. 46 Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, quelle récompense est-ce que Dieu va vous donner ? Même les employés des impôts font la même chose que vous ! 47 Et si vous saluez seulement vos frères et vos sœurs, qu'est-ce que vous faites d'extraordinaire ? Même les gens qui ne connaissent pas Dieu font la même chose que vous ! 48 Soyez donc parfaits, comme votre Père dans les cieux est parfait ! »

Rappelons-le, dans ce discours Jésus n'est pas en train de modifier ou de s'opposer aux commandements de l'ancienne alliance. Il l'a dit explicitement : jusqu'à la fin du monde, pas la moindre petite lettre de la Torah ne sera supprimée. S'il s'oppose à quelque chose, ce ne s'est pas au commandement mais à l'interprétation qui en était faite. En rappelant le sens profond des commandements qu'il cite, Jésus en propose une lecture ambitieuse.

D'ailleurs, une formule de Jésus, à la fin de notre passage, a attiré mon attention : « Qu'est-ce que vous faites d’extraordinaire ? » Jésus s'attend donc à ce que nous fassions des choses extraordinaires !


Mais moi je vous dis...

Ne vous vengez pas

Jésus évoque d'abord la fameuse loi du talion. Elle a souvent été mal comprise. On se dit : « œil pour œil, dent pour dent », c'est de la vengeance. Or, dans le contexte de l'AT, on peut penser au contraire que c'était une loi qui voulait stopper la spirale de la vengeance et donner un premier cadre pour la justice. Un œil pour un œil. Point final. Alors que la spirale de la vengeance, c'est deux yeux pour un œil, et une mâchoire pour une dent. Et ça ne s'arrête jamais !

Jésus, ici, a pourtant besoin de souligner l'esprit de cette loi. Il doit être plus explicite parce qu'elle était devenu une justification de la vengeance. Alors Jésus dit clairement : « si quelqu'un vous fait du mal, ne vous vengez pas. » Et il aurait pu s'arrêter là. C'est déjà pas mal...

Mais il va plus loin... Non seulement, il dit de ne pas se venger mais il ajoute : « Au contraire, si quelqu'un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre joue. » Faut-il prendre au pied de la lettre ce qu'il dit ici ? Pas vraiment... il utilise un langage hyperbolique : il force le trait pour faire ressortir la leçon. Mais quand même. Non seulement vous ne devez pas vous venger, mais en plus vous devez faire un pas vers celui qui vous agresse. Il s'agit de contre-attaquer... par l'amour !

Aimez vos ennemis

Le deuxième commandement évoqué par Jésus n'est pas dans la Loi de Moïse, du moins pas sous cette forme. « Tu dois aimer ton prochain », ça d'accord, c'est dans le Lévitique (Lv 19.18). Par contre, la deuxième partie, « tu dois détester ton ennemi » n'y est pas ! Sans doute comprenait-on ainsi les choses : les prochains, ce sont nos amis, ou au moins ceux qui ne nous veulent pas de mal. Et notre ennemi ne peut pas être notre prochain.

Mais Jésus veut tordre le cou à cette idée. Lorsqu'il dit : « Mais moi, je vous dis : aimez vos ennemis. », Jésus est tout simplement en train de redéfinir qui est notre prochain. Nous n'avons pas à trier entre les prochains que nous devons aimer et ceux que nous devons haïr parce qu'ils seraient nos ennemis. Pour Jésus, nos ennemis aussi sont nos prochains.

Cette question du prochain est discutée ailleurs dans les évangiles. Comme lorsqu'un chef religieux a demandé à Jésus, un jour, qui était notre prochain. Jésus avait répondu avec la parabole du Samaritain. Ici, il rappelle que notre prochain est celui qui croise notre route, même s'il est notre ennemi, même s'il nous veut du mal.


Faire des choses extraordinaires

« Qu'est-ce que vous faites d’extraordinaire ? » En entendant le discours de Jésus, on comprend qu'il ne s'attend pas ici à des miracles puissants, des guérisons surnaturelles, des actes éclatants.  Non, il parle de refus de la vengeance, il parle d'amour du prochain. Il parle de l'extraordinaire qui vient se nicher dans l'ordinaire de notre quotidien. Mais le défi n'en est pas moins grand ! Car les exhortations de Jésus concernent nos relations les plus difficiles, non pas avec ceux qui nous font du bien ou nos amis, mais avec ceux qui nous font du mal, nos ennemis.

L'amour, la grâce, la bonté, la générosité, le pardon dont nous pouvons faire preuve dans notre quotidien peuvent être de l'ordre de l'extraordinaire !

A l'image du Père... et du Fils

La raison première pour laquelle Jésus nous appelle à agir ainsi, c'est l'exemple donné par Dieu lui-même :

« Alors vous serez vraiment les enfants de votre Père qui est dans les cieux. » (v.45)
« Soyez donc parfaits, comme votre Père dans les cieux est parfait ! » (v.48)

Et ce qui est intéressant, c'est que ce qui est dit de l'action de Dieu ici, c'est qu'il fait briller le soleil et fait pleuvoir sur les méchants et les justes. Bien-sûr, c'est une métaphore de la grâce de Dieu, qui ne fait pas d'acception de personnes. Mais cette grâce se manifeste dans des événements du quotidien, comme le soleil et la pluie. C'est bien dans notre quotidien que nous sommes appelés à faire des choses extraordinaires.

Et puis, en prenant un peu de recul, il y a évidemment l'exemple suprême de Jésus lui-même, qui a mis en pratique mieux que tout autre les principes qu'il enseigne dans ce discours. Il a refusé la vengeance et aimé ses ennemis. Il s'est laissé arrêter, juger et condamner, alors même qu'il était innocent. Et sur la croix il a prié pour ses ennemis en disant : « Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font ! »

En coupant court à la vengeance

Où est donc la tentation de la vengeance dans notre vie quotidienne ? Dans nos relations, il y a de multiples occasions de se sentir agressé ou attaqué, par une parole ou une attitude d'un collègue de travail, d'un voisin, etc... Et lorsque quelqu'un nous fait du mal, d'une manière ou d'une autre, on a souvent d'abord envie de lui faire mal en retour...

Dans la lignée des précédentes paroles de Jésus, le réflexe de vengeance commence dans nos pensées et nos paroles. Il commence avec la rancœur ou la frustration qu'on entretient. Il se manifeste dans des paroles blessantes ou moqueuses, pour répondre du tac au tac.

Et c'est là, avant de passer à l'acte, qu'il faut couper court au réflexe de la vengeance. Laisser s'envoler l'oiseau de la haine ou du ressentiment plutôt que de le  laisser faire son nid dans notre cœur.

En contre-attaquant par l'amour

Mais cette fois Jésus va encore plus loin. Non seulement il s'agit de ne pas se venger, de ne pas haïr, de se retenir... mais il s'agit d'avoir un geste, une action en direction de l'ennemi. Prendre le contre-pied de la vengeance !

On ne vainc pas le mal par le mal mais par le bien. Ou comme l'a dit Martin Luther King : « Les ténèbres ne peuvent pas chasser les ténèbres, seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine, seul l’amour le peut. »

Les paroles de Jésus sont un appel à la non-violence, qui n'est pas seulement un refus de la violence mais le choix de la paix et du pardon. Comme Jésus ne nous demande pas seulement de refuser la vengeance et de ne pas haïr son ennemi, il nous demande de tendre l'autre joue, de donner notre vêtement, d'aimer nos ennemis, de prier pour ceux qui nous persécutent... Nous sommes toujours appelés à faire un pas décisif vers notre prochain, quel qu'il soit. Et ça peut paraître parfois une folie. Mais c'est la folie de l'amour.


Conclusion

« Qu'est-ce que vous faites d'extraordinaire ? » C'est dans notre quotidien que se trouve la réponse à cette question. Dans nos pensées, nos paroles et nos actes. Et, c'est vrai, la barre est placée haute par Jésus. Il nous appelle à être des ouvriers d'amour et de paix. Ne pas seulement résister à la vengeance mais faire preuve de grâce et de pardon. Ne pas seulement résister à la haine de ceux qui nous font du mal mais à contre-attaquer par l'amour et la prière.

C'est ambitieux. C'est aussi le chemin que Jésus lui-même nous a montré. Et pour nous, ça ne sera possible que si l'Esprit de Dieu est à l'oeuvre au plus profond de nos cœurs et nous transforme à l'image du Christ.

dimanche 16 août 2015

Ruth, la moabite (3)

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Résumé des épisodes précédents

Exilée dans le pays de Moab, Noémi voit mourir son mari, Elimélek, et ses deux fils. En situation de précarité, elle choisit alors de rentrer dans son pays, en Juda, en permettant à ses belles-filles moabites de refaire leur vie dans leur pays.

Mais l'une d'elles, Ruth, témoigne de sa fidélité et refuse de la quitter. Elle choisit de l'accompagner, restant attachée à elle et à Dieu.

En Juda, Ruth décide d'aller glaner des épis dans un champ afin de se nourrir, elle et sa belle-mère. Or, il se trouve que le champ dans lequel elle va appartient à Booz, un proche parent. Mais Ruth ne le sait pas.

Pour Noémi, ce n'est pas un hasard. C'est le Seigneur qui l'a conduite jusqu'à ce champ. Dans sa providence, Dieu s'est ainsi montré fidèle !

Lecture biblique : Ruth 3


Explication

Ruth n'est pas Israélite. Elle ne connaît pas toutes les lois et coutumes en Israël. Noémi va donc prendre les choses en main pour mettre à profit la situation. Ruth, quant à elle, fait confiance à sa belle-mère.

En permettant à Ruth d'aller glaner des épis dans le champs de Booz, Dieu a lui-même préparé les circonstances qui permettront à Ruth de refaire sa vie. Noémi saisit donc l'occasion qui se présente pour se montrer à son tour fidèle à Ruth et lui assurer un avenir heureux.

Elle donne donc ses instructions à sa belle-fille pour que celle-ci fasse comprendre à Booz qu'elle était prête à envisager de se marier. Mais les choses doivent se faire dans la discrétion et avec prudence. Le geste d'écarter la couverture et de se coucher au pied du proche parent, était suffisamment explicite. Surtout avec les paroles que Ruth dit à Booz lorsqu'il la surprend au milieu de la nuit : « C'est moi, Ruth. Protège-moi. En effet, tu es un proche parent et tu as la responsabilité de prendre soin de moi. »

Et, visiblement, il n'en espérait pas tant ! Il n'hésite pas une seconde... mais il veut faire les choses dans les règles. Il y a un autre parent, plus proche que lui d'Elimélek. C'est lui qui a la priorité. Il doit d'abord voir avec lui. Lorsque Ruth raconte à Noémi ce qui s'est passé, sa réponse est pleine de confiance. Elle n'a aucun doute sur le fait que Booz fera tout pour faire aboutir sa démarche : « Cet homme-là ne sera pas satisfait s'il ne règle pas cette affaire aujourd'hui. »



Application

Au cœur de ce chapitre, il y a l'application d'un commandement biblique sur la solidarité familiale en cas de veuvage. On pense en particulier au texte de Deutéronome 25.5-10, qu'il est intéressant de citer :

Moïse dit : Supposons ceci : Deux frères habitent ensemble, et l'un d'eux meurt sans avoir de fils. Sa veuve ne doit pas se remarier avec quelqu'un d'extérieur à la famille. Son beau-frère doit accomplir son devoir de beau-frère : il la prendra pour femme et il s'unira à elle. Alors on considérera le premier garçon qu'elle mettra au monde comme le fils de l'homme qui est mort. Ainsi, son nom continuera d'être porté en Israël. Si un homme ne veut pas prendre sa belle-sœur pour femme, cette femme se rendra au tribunal, devant les anciens. Elle dira : « Mon beau-frère ne veut pas accomplir envers moi son devoir de beau-frère. Il refuse de donner à son frère un fils qui continue de porter son nom en Israël. » Les anciens de la ville feront venir cet homme et ils parleront avec lui. S'il continue à refuser de prendre pour femme la veuve de son frère, celle-ci s'avancera vers lui devant les anciens. Elle lui enlèvera la sandale de son pied, elle lui crachera au visage et dira : « Voilà ce qu'on fait à un homme qui refuse de donner un fils à son frère ! » Ensuite, en Israël, on appellera la famille de cet homme « la famille de l'homme au pied nu ».

On peut relever deux éléments de surprise dans notre épisode :

  • Ce n'est pas Booz mais Noémi qui prend les choses en main pour accomplir ce commandement. 
  • L'application du commandement est plus large et moins contraignant que dans le Deutéronome.


Noémi prend les choses en main

Le livre de Ruth a un petit côté féministe ! Ce sont les femmes qui montrent l'exemple et qui prennent les choses en main. Ruth l'a fait en faveur de sa belle-mère, Noémi lui rend ici la pareil.

Noémi n'a pas l'intention d'attendre que Booz se décide tout seul à exercer son devoir de solidarité familiale. Elle va forcer le destin et donner un petit coup de pouce à Booz, en mettant au point une stratégie. C'est la pichenette qui était nécessaire pour que Booz se lance.

D'ailleurs, il ne faudrait pas jeter la pierre trop vite à Booz. Une fois lancé, il s'empressera de régler l'affaire. Et on peut discerner au moins deux raisons pour lesquelles il n'a pas pris l'initiative dans cette affaire :
1° Booz était plus âgé que Ruth et ne voulait pas s'imposer à elle : « Que le SEIGNEUR te bénisse ! Tu n'as pas cherché l'amour des jeunes gens, riches ou pauvres. » (v.10)
2° Il n'était pas prioritaire pour exercer le devoir de rachat. Il y avait un autre parent, plus proche que lui d'Elimélek (v.12)

Il est intéressant de noter ce respect de la loi et des coutumes mais aussi ce respect de la personne de Ruth. Nous sommes dans un contexte culturel très patriarcal où le respect des femmes n'était pas forcément la préoccupation première... Booz est un homme de bien.

Enfin, je ne crois pas du tout qu'on soit en présence d'un mariage sous la contrainte pour Booz et Ruth. La façon dont les choses se passent laisse entendre qu'ils étaient sans doute consentants. Certes, ce n'est pas explicite... Mais les paroles de Ruth lorsqu'elle évoque Booz à sa belle-mère, le traitement de faveur que Booz accorde dès le début à Ruth et l'empressement avec lequel il règle cette affaire, tout laisse entendre qu'il s'agit de bien plus qu'un « mariage arrangé » !

Une application plus large et moins contraignante

L'application de la loi du Deutéronome révèle aussi quelques surprises. L'idée principale de ce commandement est que lorsqu'un homme mourait sans enfant, son frère devait prendre sa veuve pour femme, et le premier garçon qui naîtrait serait considéré comme l'enfant du mari décédé, pour perpétuer son nom. Si le beau-frère refuse d'exercer ce devoir, il s'exposait à une humiliation publique.

Le ton du texte du Deutéronome est tout de même assez différent de l'impression qui se dégage de l'histoire de Ruth. Le texte de loi est froid et tranchant. Le récit de Ruth présente le devoir de rachat de façon moins contraignante et plus large. Moins contraignante parce que l'autre proche parent refusera de l'exercer (chapitre 4) sans contrainte ni humiliation. D'autre part, Deutéronome 25 ne parle que du devoir du beau-frère d'une femme veuve. Ni Booz ni l'autre parent proche ne semblent être frères d'Elimélek. Sans compter que, strictement, ce n'est pas vraiment Ruth qui était concernée mais Noémi !

Bref, on n'est pas dans une application stricte et froide de la loi mais on comprend l'esprit de la loi. Ici, c'est la nécessaire solidarité familiale, le secours des veuves qui se retrouvent dans une situation précaire. Et Booz, qui est un homme de bien, est prêt à exercer ce droit et aller ainsi encore plus loin que la générosité dont il a déjà fait preuve jusqu'ici.

Bel exemple de la juste attitude face aux textes de loi dans la Bible. Il ne suffit pas de les appliquer à la lettre pour leur être fidèle. Il s'agit d'en comprendre l'intention profonde. Les contextes changent, les coutumes évoluent... la façon d'appliquer les commandements doit aussi évoluer. Aujourd'hui, à plus forte raison, il ne suffit pas de se référer à un commandement de l'Ancien Testament pour se faire une opinion définitive sur tel ou telle pratique, de citer un verset biblique pour répondre à telle ou telle question d'éthique.

C'est bien l'intention globale de Dieu, qui ressort d'une compréhension de l'ensemble de la Bible, que nous devons rechercher. Pas des solutions toutes faites et des raccourcis simplistes.


Conclusion

L'histoire n'est pas finie. On attend encore son dénouement, dans l'ultime chapitre. Mais on semble bien s'acheminer vers un « happy end », ce qui est inespéré quand on considère le début de l'histoire. La fidélité de Dieu est grande... et elle passe aussi par la fidélité des hommes et des femmes. Celle de Ruth, de Noémi et de Booz. Tout trois fidèles et solidaires.

La fidélité engendre la fidélité. La solidarité entraîne la solidarité. Et c'est Dieu lui-même qui en donne l'exemple. Lui qui s'est montré fidèle à son plan de salut pour l'humanité qu'il a créée. Lui qui s'est monté solidaire en Jésus-Christ, partageant notre condition jusqu'à la mort sur la croix. C'est là le cœur du message biblique, que nous ne devons jamais réduire à une morale ou une liste de commandements à respecter.

Soyons donc fidèles et solidaires, à la suite de Ruth, Noémi et Booz, à l'image du Dieu fidèle et solidaire, manifesté pleinement en Jésus-Christ.