dimanche 7 août 2022

Ruth - épisode 3 : un plan sans accroc ?

> Voir la vidéo 

Résumé des épisodes précédents :

Veuve, sans descendance, en terre étrangère, Noémi se retrouve en situation de grande précarité. Elle avait émigré avec son mari et ses deux fils dans le pays de Moab pour fuir la famine en Israël. La voilà de retour au pays, seule… enfin pas tout à fait seule puisqu’elle est accompagnée par Ruth, une de ses belles-filles d’origine moabite qui, par loyauté, a refusé de la quitter. 

Comme la loi le prévoyait, Ruth va glaner dans un champ pour subvenir à leurs besoins. Elle y trouve un accueil inattendu et généreux de la part du propriétaire, Booz, qui s’avère être un parent de Noémi. Pour cette dernière, ce n’est pas un hasard : Dieu a conduit Ruth jusqu’à son champ. Elle encourage alors Ruth à continuer d’aller dans les champs de Booz jusqu’à la fin de la récolte. Elle a visiblement un plan… 

Ruth 3

1 Noémi, la belle-mère de Ruth, lui dit : « Ma fille, je dois chercher à assurer ta sécurité pour que tu sois heureuse. 2 Voici ce que nous allons faire. Booz notre parent, dont tu as fréquenté les servantes, ira ce soir battre l'orge sur son aire. 3 Lave-toi, parfume-toi et recouvre-toi d'un manteau. Ensuite, rends-toi sur l'aire de battage, mais ne te montre à personne avant qu'il ait fini de manger et de boire. 4 Lorsqu'il ira se coucher, observe la place où il s'installe. Approche-toi ensuite, écarte un peu sa couverture et allonge-toi à ses pieds. Après cela, il t'indiquera lui-même comment tu dois agir. » – 5 « Je ferai tout ce que tu m'as dit », répondit Ruth.

6 Ruth se rendit à l'aire de battage et fit tout ce que sa belle-mère lui avait recommandé. 

7 Booz mangea et but, ce qui le mit d'excellente humeur, puis il alla se coucher à l'écart de son tas de gerbes. Ruth s'approcha sans bruit, écarta la couverture et s'allongea à ses pieds.

8 Au milieu de la nuit, Booz se réveilla en sursaut, il se pencha en avant et voici qu'une femme était couchée à ses pieds ! 9 « Qui es-tu ? » demanda-t-il. Elle répondit : « C'est moi, Ruth, ta servante. Veuille me prendre sous ta protection, car tu as à mon égard la responsabilité du proche parent qui a droit de rachat. » 10 Booz lui déclara : « Que le Seigneur te bénisse, ma fille ! Cette preuve de fidélité que tu viens de montrer est encore plus grande que la précédente. En effet, tu n'es pas allée après les jeunes gens, riches ou pauvres. 11 Et maintenant, ne crains rien ma fille ! Je ferai pour toi tout ce que tu me diras, car toute la population sait que tu es une femme de grande valeur. 12 Il est exact que j'ai à ton égard la responsabilité du proche parent qui a le droit de rachat, mais il existe un homme dont le degré de parenté avec ta famille est plus proche que le mien. 13 Passe ici la nuit ; attendons demain matin. Nous verrons s'il veut exercer son droit de rachat à ton égard. Si oui, qu'il le fasse. S'il ne le désire pas, je l'affirme : aussi vrai que le Seigneur est vivant, j'exercerai mon droit de rachat à ton égard. En attendant, reste couchée jusqu'au matin. »

14 Ruth resta couchée aux pieds de Booz, mais elle se leva avant l'heure où l'on peut reconnaître quelqu'un. Booz se disait : « Il vaut mieux qu'on n'apprenne pas que cette femme est venue à cet endroit. » 15 Il lui dit : « Enlève le foulard que tu portes et tiens-le bien. » Elle le tint et il y versa six mesures d'orge qu'il l'aida à charger. Ensuite, il retourna à la ville. 

16 Ruth revint chez sa belle-mère. Celle-ci lui demanda : « Comment cela s'est-il passé, ma fille ? »

Ruth lui raconta tout ce que Booz avait fait pour elle. 17 Elle ajouta : « Il m'a donné ces six mesures d'orge en disant : “Ne retourne pas chez ta belle-mère les mains vides.” » 18 Noémi lui dit : « Reste ici, ma fille, jusqu'à ce que tu saches comment l'affaire tournera. Booz ne sera satisfait que s'il la règle aujourd'hui même ! »

Savez-vous ce qu’est un cliffhanger ? Dans une série, c’est un rebondissement à la fin d’un épisode, une fin ouverte qui donne envie de connaître la suite et crée l’attente de l’épisode suivant. C’est un peu ce qui se passe dans cet épisode 3 de l’histoire de Ruth. Alors que tout semblait se diriger vers un happy end évident avec le mariage de Booz et Ruth, on apprend qu’il y a un autre parent, plus proche de Noémi que Booz, qui pourrait tout faire capoter… et l’épisode s’arrête là ! Il faudra attendre la semaine prochaine pour connaître le dénouement. Mais il se passe assez de choses dans cet épisode 3 pour nourrir notre réflexion aujourd’hui. 

Revenons donc au début de l’épisode. On sentait bien, à la fin de l’épisode précédent, que Noémi avait une idée derrière la tête… Et ça se confirme dès le début de l’épisode 3. Elle dit à Ruth comment agir auprès de Booz pour lui faire comprendre qu’il peut faire valoir son « droit de rachat » pour l’épouser. On reviendra sur ce droit d’achat. Retenons simplement pour le moment qu’il s’agissait d’une coutume de solidarité familiale en cas de veuvage sans enfant. 

On peut s’étonner de la passivité apparente de Ruth, semblant soumise au plan de sa belle-mère, sans dire un mot. Pourtant, à y regarder de plus près, je pense que Ruth savait très bien ce qui se passait et qu’elle n’y allait pas à reculons. Noémi lui dit ce qu’elle doit faire : se coucher aux pieds de Booz. Et elle ajoute : « Après cela, il t'indiquera lui-même comment tu dois agir. » Or, quand on regarde la suite, ce n’est pas vraiment comme ça que ça s’est passé. Certes, Ruth est allée discrètement se coucher aux pieds de Booz mais quand celui-ci la découvre, au milieu de la nuit, ce n’est pas lui qui dit à Ruth ce qui doit se passer par la suite. C’est Ruth qui lui explique ce qu’il doit faire : « C'est moi, Ruth, ta servante. Veuille me prendre sous ta protection, car tu as à mon égard la responsabilité du proche parent qui a droit de rachat. » Jamais auparavant on nous dit que Noémi a expliqué cela à Ruth. Mais elle a compris… Et elle prend les devants pour demander à Booz de le faire ! 

C’est intéressant d’ailleurs comme les femmes prennent les devants dans cette histoire, alors que tout était organisé pour que ce soient les hommes qui exercent les responsabilités et prennent les décisions. Le livre de Ruth est aussi un petit récit féministe… 

Pour autant, on ne peut pas dire que Booz soit manipulé, pas plus que Ruth ne l’était par Noémi. En fait, on peut relever au moins deux raisons pour lesquelles Booz n’a pas pris l’initiative auprès de Ruth :

  • Booz était visiblement plus âgé que Ruth et il ne voulait pas s’imposer à elle. C’est bien ce qu’il sous-entend au verset 10 : « Que le Seigneur te bénisse, ma fille ! Cette preuve de fidélité que tu viens de montrer est encore plus grande que la précédente. En effet, tu n'es pas allée après les jeunes gens, riches ou pauvres. »
  • D’autre part, il n’était pas prioritaire pour exercer le droit de rachat. Il y avait un autre parent, plus proche. Le fait, d’ailleurs, qu’il le mentionne tout de suite à Ruth montre bien qu’il y avait pensé ! 

Booz était un homme de bien, loyal et respectueux. Mais l’attitude de Ruth fait éclater les verrous. Il répond avec empressement à la demande de Ruth et décide sans tarder d’essayer de lever l’obstacle qui reste à leur mariage. 

Pour tout dire, je ne crois pas du tout qu’on soit ici en présence d’un mariage forcé, ni pour Ruth ni pour Booz. La façon dont les choses se passent laisse entendre qu'ils étaient sans doute l’un et l’autre consentants. Certes, ce n'est pas explicite... Mais les paroles de Ruth lorsqu'elle évoque Booz à sa belle-mère, le traitement de faveur que Booz lui accorde dès le début et l'empressement avec lequel il veut régler cette affaire, tout laisse entendre qu'il s'agit de bien plus qu'un mariage forcé. C’est une histoire d’amour !

Une histoire d’amour dont nous verrons, lors du prochain et dernier épisode, si elle se termine bien ou pas… 


La loi et l’esprit de la loi

Revenons sur cette fameuse loi du droit de rachat au cœur de notre épisode. Il s’agissait d’une coutume ancienne, qu’on voit apparaître pour la première fois dans la Genèse avec Tamar, la fille de Juda : 

Genèse 38.8

Alors Juda dit à Onan : « Va vers la femme de ton frère et remplis ton devoir de proche parent envers elle : épouse-la afin de donner une descendance à ton frère. »

Elle est codifiée ainsi dans le Deutéronome : 

Deutéronome 25.5-10

5 Si deux frères vivent ensemble sur le même domaine et que l'un meurt sans avoir de fils, alors sa veuve ne doit pas épouser quelqu'un d'extérieur. C'est son beau-frère qui la prendra comme épouse. 6 Le premier fils qu'elle mettra au monde sera alors considéré comme le fils de celui qui est mort, afin que son nom continue d'être porté en Israël.

7 Si l'homme n'est pas d'accord d'épouser sa belle-sœur, celle-ci se rendra devant les anciens et expliquera : « Mon beau-frère n'a pas voulu exercer son devoir envers moi, il a refusé de donner à son frère un fils qui continue de porter son nom en Israël. » 8 Les anciens de la ville convoqueront l'homme et l'interrogeront. S'il maintient son refus d'épouser la veuve de son frère, 9 celle-ci s'avancera jusqu'à lui en présence des anciens, elle lui retirera sa sandale du pied, lui crachera au visage et déclarera : « Voilà comment on traite un homme qui refuse de donner une descendance à son frère ! » 10 Dès lors, en Israël, on surnommera la famille de cet homme “la famille du déchaussé”.

On trouve bien des échos de cette loi dans notre récit mais les choses se passent quand même différemment de ce qui est écrit. 

L’idée principale était que si un homme mourait sans enfant, son frère devrait prendre sa veuve pour femme et le premier garçon qui naîtrait serait considéré comme l’enfant du mari décédé, pour perpétuer son nom. Et si le beau-frère refusait d’exercer ce devoir, il s’exposait à une humiliation publique. 

Vous noterez que la femme n’avait pas son mot à dire… et que la loi semblait ne se préoccuper que des hommes. La façon dont la loi est appliquée dans l’histoire de Ruth est sensiblement différente. La préoccupation de Noémi, c’est le bonheur de Ruth : « je dois chercher à assurer ta sécurité pour que tu sois heureuse. »

On verra dans le chapitre suivant – j’anticipe un peu – que c’est moins le nom d’Elimélek qui sera perpétué que celui de Noémi et qu’il y aura bien une histoire de sandale mais juste pour valider l’affaire, pas pour humilier celui qui refuse d’exercer son droit de rachat. 

La loi est donc appliquée de façon moins contraignante et dans un but différent. C’est bien pour venir en aide à Noémi et à Ruth que la loi du droit de rachat est utilisée. Nous voilà à nouveau dans une optique féministe… Autrement dit, on n'est pas dans une application stricte et froide de la loi mais on comprend l'esprit de la loi. Ici, c'est la nécessaire solidarité familiale, le secours des femmes veuves qui se retrouvent dans une situation précaire, surtout dans une société patriarcale. 

J’y vois un exemple très intéressant d’une juste attitude à l’égard des textes de loi dans la Bible. Il ne suffit pas de les appliquer à la lettre pour leur être fidèle. Il s'agit d'en comprendre l'intention profonde pour l’appliquer de façon pertinente. Les contextes changent, les coutumes et les cultures évoluent... la façon d'appliquer les commandements doit aussi évoluer. 

Aujourd'hui, à plus forte raison, il ne suffit pas de se référer à un commandement de l'Ancien Testament pour se faire une opinion définitive sur tel ou telle pratique, il ne suffit pas de citer un verset biblique pour répondre à telle ou telle question d'éthique. Nous n’avons pas le droit d’utiliser la Bible comme un livre de recettes ou comme une machine à distribuer des versets ou des réponses toutes faites. 

C’est pourquoi pour bien diriger notre vie devant Dieu, pour prendre les bonnes décisions et faire les bons choix en tant que croyants, c’est bien d’une vision d’ensemble de la Bible que nous avons besoin. Nous devons chercher à comprendre le projet de Dieu dans sa globalité, et ne pas oublier qu’il s’est pleinement accompli dans la personne et l’œuvre de Jésus-Christ.  Nous devons demander le discernement de l’Esprit saint pour comprendre, vivre et appliquer ces principes aujourd’hui, de façon pertinente. 

Si Noémi et Ruth ne l’avaient pas fait, elles seraient sans doute restées veuves toutes les deux… 


Conclusion

Il ne reste plus que l’épisode final de notre mini-série de l’été… un épisode dont je vous ai déjà dévoilé quelques éléments. Mais nous découvrirons le dénouement la semaine prochaine. En tout cas, cet épisode 3 a révélé quelques accents féministes et, surtout, a fait basculer le récit dans une histoire d’amour, pour laquelle on espère un happy end ! 

Cette belle histoire toute simple, paisible et champêtre, est aussi une histoire de loyauté et de fidélité, de générosité et de solidarité. Un bel exemple d’amour concret pour Dieu et pour le prochain. 

Ruth, Noémi et Booz, chacun à leur manière, mettent bel et bien en pratique ce double commandement central souligné par Jésus. Leur exemple nous rappelle que toute loi et tout commandement de la Bible sont motivés par ce double principe fondamental de l’amour pour Dieu et de l’amour pour le prochain. C’est le mètre étalon de toute notre vie de croyant. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un commentaire !