dimanche 4 février 2024

La consolation : une dimension de l’espérance chrétienne

 

Ces derniers mois, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de prêcher sur l’espérance. C’était lié à certaines circonstances (l’exposition autour de l’Apocalypse) ou au calendrier liturgique (le temps de l’Avent). Et je vais encore le faire ce matin… parce que j’ai la conviction que nous avons vraiment besoin aujourd’hui d’entendre parler d’espérance, que ce soit par rapport aux inquiétudes et aux peurs qui traversent notre monde, ou par rapport aux difficultés et aux épreuves que les uns ou les autres nous pouvons affronter. 

J’ai à cœur ce matin de me concentrer sur une des dimensions spécifiques de l’espérance chrétienne : la consolation. 

On parle souvent de l’espérance chrétienne comme d’une source de consolation pour nous, aujourd’hui. Et c’est vrai. Qu’on pense à la tristesse du deuil, par exemple : l’espérance qu’un jour on retrouvera celui ou celle qui est parti est une vraie source de consolation. Ou alors, autre dimension de notre espérance, celle du jour de la résurrection où nous aurons un corps et une âme libérés de leurs limites, leurs imperfections et leurs handicaps. Voilà aussi une source de consolation. 

Mais aucune consolation n’est totale ici-bas. Notre espérance nous aide à surmonter la tristesse et la souffrance, elle nous donne des forces, parfois insoupçonnées, pour continuer d’avancer malgré tout. Mais il y a aussi des absences qui ne seront jamais comblées, des traumatismes qui ne seront jamais guéris, des épreuves dont on ne se relèvera jamais vraiment. On peut apprendre à vivre avec, on peut trouver la force de les surmonter… et notre espérance est un atout majeur pour pouvoir le faire. Mais la pleine consolation ne nous est pas accessible ici-bas. 

Nous attendons encore une pleine consolation à venir. C’est pourquoi la consolation est une des composantes de l’espérance. Comme dans toute dynamique d’espérance, la consolation nous est donnée à vivre déjà, en partie, dès maintenant, mais elle attend encore son plein accomplissement. 

Je vous invite à la lecture d’un des plus beaux textes d’espérance de la Bible, au cœur duquel est justement mentionnée la consolation comme une espérance. 

Apocalypse 21.1-4
1 Alors je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre. Le premier ciel et la première terre ont disparu, et il n'y a plus de mer. 2 Et je vis la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, qui descendait des cieux, envoyée par Dieu, prête comme une épouse qui s'est faite belle pour son mari. 3 J'entendis une voix forte qui venait du trône et disait : « Voici, la demeure de Dieu est parmi les êtres humains ! Il demeurera avec eux et ils seront ses peuples. Dieu lui-même sera avec eux, il sera leur Dieu. 4 Il essuiera toute larme de leurs yeux. Il n'y aura plus de mort, il n'y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. En effet, les choses anciennes ont disparu. »

 

La consolation est une dimension de l'espérance

Nous sommes à la fin du dernier livre de la Bible, avec l’évocation du grand projet de Dieu qui arrive à son terme. Ce projet, c’est, symboliquement, la réunion du ciel et de la terre : le ciel désigne la sphère de Dieu (« Notre Père qui es aux cieux… »), et la terre celle des humains et de toute créature (« Que ta volonté soit faite sur la terre… »). Le premier à avoir réuni le ciel et la terre, c’est le Christ, le Fils de Dieu devenu homme. Et par lui, le projet de Dieu va pouvoir s’accomplir. 

Dans notre texte, lorsque la voix forte, en provenance du trône de Dieu, proclame « Voici, la demeure de Dieu est parmi les êtres humains ! », c’est bien l’accomplissement du projet de Dieu qu’elle proclame. C’est la réalité de la Nouvelle Création, où la Nouvelle Jérusalem descend du ciel sur la terre. 

Or dans cette proclamation de l’accomplissement du projet de Dieu se trouve l’une des plus belles paroles d’espérance de toute la Bible. C’est le verset 4 : « Il essuiera toute larme de leurs yeux. Il n'y aura plus de mort, il n'y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. »

La beauté et la profondeur de ce verset méritent qu’on s’y arrête, pour tenter d’y discerner toutes les facettes. 

La consolation, œuvre de la bonté de Dieu

Tout d’abord, le texte ne dit pas seulement qu’il n’y aura plus de larmes dans nos yeux, ce qui serait déjà une belle promesse. Il ne dit pas seulement que nos larmes s’arrêteront de couler, il dit que Dieu lui-même essuiera toute larme de nos yeux. C’est beau ! C’est Dieu qui vient essuyer nos larmes. 

Bien-sûr que la formule est imagée mais elle dit bien quelque chose de la douceur et de la bonté de Dieu pour nous. Il est comme quelqu’un qui vient nous prendre dans ses bras alors que nous sommes dans la tristesse, et dont l’étreinte nous fait du bien, nous remplit de paix et de consolation. Il nous comble de son amour, et il vient, délicatement et avec tendresse, essuyer les larmes de nos yeux. N’est-ce pas bouleversant ? 

La consolation est une des dimensions les plus touchantes de notre espérance !

La consolation, une restauration

Et puis vous remarquerez que la formule dit plus que d’affirmer qu’il n’y aura plus de raison de pleurer. Le texte ne dit pas seulement qu’aucune larme ne viendra plus remplir nos yeux. Elle dit que les larmes elles-mêmes seront essuyées. 

Les larmes sont les marques de nos souffrances et nos tristesses. Elles font partie de notre vie. La consolation prend en compte ces souffrances pour les soulager. La consolation chrétienne est de l’ordre de la restauration, de la réparation. Elle ne nie pas les souffrances et les tristesses. Elle les guérit. Et cela implique un processus, avec un facteur temps nécessaire, et qui parfois n’arrive jamais pleinement à son terme ici-bas… mais qui trouvera son plein accomplissement un jour. 

La consolation, une paix retrouvée

Et puis il y a cette affirmation absolue, et magnifique, qui suit : « Il n'y aura plus de mort, il n'y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. »

Il y a ici quelque chose de définitif. La pleine consolation promise ne sera pas seulement la fin de nos tristesses mais l’impossibilité de toute tristesse. 

La pleine consolation n’est pas seulement dans l’apaisement de la tristesse et du deuil, dans la guérison des blessures et des traumatismes, elle est aussi dans l’assurance qu’aucune cause de tristesse, de deuil ou de souffrance ne sera plus possible. La consolation totale n’est pas seulement dans la fin de la tristesse, elle est aussi dans la fin des craintes et des menaces d’une tristesse possible. Elle s’appuie sur la victoire, totale et définitive, de Dieu sur les forces du Mal.  


Consolation et souffrance aujourd’hui

La consolation chrétienne prend en compte la souffrance

Il n’y a de consolation possible que s’il y a une prise en compte réelle de la souffrance. Il ne s’agit pas de faire comme si la souffrance n’était pas là, et encore moins s’interdire de souffrir et de pleurer. Et quand on parle de souffrance, on parle de toutes les souffrances, qu’elles soient physiques, psychologiques, morales… 

Il n’y a pas de honte à connaître la souffrance et la tristesse pour un chrétien. C’est même dans l’ordre des choses. 

Jésus lui-même a pleuré. Jean 11.35 : « Jésus pleura ». C’est le verset le plus court de la Bible… et il est lourd de sens. 

Le chemin de notre salut, emprunté par le Christ, a été celui de la souffrance et de la mort. Une souffrance autant physique que psychologique et morale. Une souffrance vécue dans le supplice de la crucifixion mais aussi dans l’humiliation, le rejet, l’abandon. 


La consolation chrétienne perçoit la souffrance comme une marque du mal

Pour autant, la souffrance demeure comme une marque du mal, à laquelle on ne peut pas se résoudre. 

Il y a eu chez les chrétiens, et il peut y avoir encore parfois, une fascination malsaine pour la souffrance, comme si la souffrance avait une valeur en elle-même. Ce n’est pas le cas ! Si l’horizon de notre espérance voit la souffrance disparaître, c’est qu’elle n’est pas bonne en elle-même. La souffrance n’aura pas sa place dans le nouveau ciel et la nouvelle terre, dans cette création nouvelle, libérée du pouvoir du mal et de la mort. Elle n’y aura pas sa place parce qu’elle est une marque du mal. 

Il est possible, et c’est même une grâce, de se réjouir même dans l’épreuve, parce que le Seigneur, par son Esprit, nous y accompagne. Il est possible de se réjouir dans l’épreuve et dans la souffrance, mais il ne s’agit jamais de se réjouir de l’épreuve et de la souffrance ! 

Il convient donc, aujourd’hui, de lutter contre la souffrance, de chercher à la soulager voire la guérir. Il s’agit même, pour nous chrétiens, de le faire dans la perspective du Royaume de Dieu, comme une marque d’espérance. 

Il s’agit donc aussi de condamner et de combattre aujourd’hui, au nom de notre espérance, tout ce qui est source de souffrance : toute forme de violence, d’injustice, d’humiliation ou d’emprise. Et y veiller particulièrement dans nos Eglises et dans nos familles ! C’est un scandale qu’elles puissent encore s’y manifester. 

Il s’agit aussi de laisser de l’espace, dans l’Eglise, entre frères et sœurs, pour que chacun puisse exprimer ses douleurs et ses souffrances, et y trouver le soutien et le réconfort. 


Conclusion

Soyez consolés ! Nous avons une espérance qui nous aide à affronter et surmonter les souffrances, quelles qu’elles soient. Nous avons, surtout, auprès de nous, le Christ qui a vécu lui-même la souffrance, sous toutes ses formes, jusqu’à la mort. Sa présence est source de consolation. 

Mais soyez rassurés ! Qui que vous soyez, quelle que soit votre expérience dans la foi, quelles que soient les épreuves que vous avez connues ou que vous traversez, il est normal que votre vie soit aussi, parfois, marquée par la tristesse et les pleurs. Il y a des souffrances et des douleurs qui ne nous quittent jamais vraiment… même avec la consolation que nous apporte l’Esprit saint. 

Alors soyez consolés ! Car un jour votre consolation sera totale, au jour du plein accomplissement du projet de Dieu. La consolation elle-même est une dimension de l’espérance. Lorsque notre espérance sera pleinement accomplie, alors notre consolation sera pleine et totale. Et Dieu lui-même essuiera les larmes de nos yeux ! 


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