dimanche 11 février 2024

L’Eglise comme refuge

 

Un refuge, c’est un lieu où on est à l’abri. De nombreux psaumes, dans la Bible, affirment que le Seigneur est un refuge pour le croyant. C’est important de s’en souvenir, quand on a besoin de se ressourcer, quand on a besoin de force, de courage, de paix dans un quotidien agité. 

Mais dans quelle mesure ne sommes-nous pas appelés, à notre tour, à être des refuges possibles pour notre prochain ? L’Eglise n’est-elle pas appelée aussi à être un refuge, un lieu d’accueil, de ressourcement et de paix, un lieu sûr, où on peut être soi-même sans craindre d’être jugé ?

Je vous propose de lire un texte tiré de l’épître aux Hébreux qui laisse entendre ce lien entre Dieu comme refuge et l’Eglise comme refuge. 

L’épître aux Hébreux revisite le culte de l’Ancienne Alliance, qui avait pour cœur le temple de Jérusalem avec ses sacrifices, à la lumière de l’œuvre accomplie par Jésus-Christ. L’idée centrale de l’épître est d’affirmer que tout ce qui relève du culte de l’Ancienne Alliance était comme une ombre des choses à venir, une préfiguration de ce que le Christ allait parfaitement accomplir. Jésus y est alors décrit comme à la fois le grand prêtre qui présente le sacrifice, et le sacrifice lui- même en donnant sa vie. Avec une différence de taille : alors que les sacrifices de l’Ancienne Alliance devaient être répétés tous les jours, parce que leur efficacité était partielle, le Christ est mort une fois pour toutes, car il est à la fois le sacrifice et le sacrificateur parfait. 

Le texte que nous allons lire ce matin arrive au terme de cette argumentation. 

Hébreux 10.19-25
19 Ainsi, frères et sœurs, nous avons la liberté d'entrer dans le lieu très saint grâce au sang du sacrifice de Jésus. 20 Il nous a ouvert un chemin nouveau et vivant au travers du rideau, c'est-à-dire par son humanité. 21 Nous avons, du même coup, un grand-prêtre placé à la tête de la maison de Dieu. 22 Approchons-nous donc de Dieu, avec un cœur sincère et une entière confiance, le cœur purifié de tout ce qui donne mauvaise conscience et le corps lavé d'une eau pure. 23 Continuons fermement à proclamer notre espérance, car Dieu reste fidèle à ses promesses. 24 Veillons les uns sur les autres pour nous inciter à mieux aimer et à agir en tout avec bonté. 25 N'abandonnons pas nos assemblées, comme certains ont pris l'habitude de le faire. Au contraire, encourageons-nous, et cela d'autant plus que vous voyez approcher le jour du Seigneur.

Le début de ce texte exprime bien l’idée d’un refuge que nous trouvons en Christ. Nous avons par lui la liberté d’entrer dans le lieu très saint, c’est-à-dire le lieu de la présence même de Dieu. Nous pouvons alors nous approcher de Dieu, avec confiance, sans aucune crainte. Il est notre abri, notre refuge. Il l’est d’autant plus depuis que le Christ a ouvert un chemin nouveau par son humanité, à travers sa mort et sa résurrection. 

Ce qui m’intéresse dans ce texte, ce sont les conséquences que l’épître aux Hébreux tire de cette affirmation, sous la forme de plusieurs impératifs : 

  • Continuons à proclamer notre espérance
  • Veillons les uns sur les autres
  • N'abandonnons pas nos assemblées
  • Encourageons-nous 

Ces impératifs concernent bien les Eglises : ils sont à la première personne du pluriel, on mentionne explicitement les « assemblées », il y a le mot grec allêlous traduit par « les uns les autres » qu’on retrouve tout au long du Nouveau Testament pour évoquer les exhortations concernant les communautés chrétiennes… 

Le premier impératif rappelle la mission de proclamation de l’Eglise. Nous avons une espérance à partager, une espérance qui est solide car Dieu est fidèle à ses promesses. C’est aussi un rappel que Dieu n’est pas un refuge pour nous seulement ; il veut l’être pour toutes et tous. 

J’aimerais m’arrêter plus longuement sur les trois autres impératifs, qui disent quelque chose de la façon dont nous pouvons envisager l’Eglise comme un refuge. 


Veillons les uns sur les autres

Le verbe grec traduit par « veiller sur » est construit sur le verbe noeô qui signifie comprendre. Il implique l’effort de se s’intéresser à l’autre, de prêter attention à lui, de chercher à le connaître et le comprendre. 

Attention : il s’agit de veiller sur… et non pas de surveiller ! On surveille des enfants pour qu’ils ne fassent pas de bêtise, ou on surveille des étudiants pendant un examen pour qu’ils ne trichent pas. Et parfois, dans l’Eglise, au lieu de veiller les uns sur les autres, on a tendance à se surveiller les uns les autres… Dans ce cadre, surveiller impliquer une forme de jugement. On observe son frère ou sa sœur pour s’assurer qu’il agit en bon chrétien, qu’il ne s’écarte pas du droit chemin, pour vérifier qu’il participe bien aux réunions… 

Mais veiller sur, c’est refuser de juger, c’est accueillir et chercher à comprendre. C’est plus exigeant de veiller sur que de surveiller. C’est facile de juger, c’est plus difficile d’accueillir, de chercher à connaître et comprendre. 

Celui qui surveille se met en surplomb, il prend la posture du juge. Celui qui veille sur se met à la même hauteur, il prend la posture du serviteur. 

Dans l’Eglise, on n’est donc pas appelé à la surveillance mais à la bienveillance ! 

L’objectif de cette bienveillance les uns à l’égard des autres, c’est nous inciter à mieux aimer et à agir en tout avec bonté. L’idée, c’est de permettre à chacun de devenir de meilleurs chrétiens, qui aiment mieux et savent mieux le montrer concrètement.

Il ne s’agit pas de le faire en se comparant dans un esprit de compétition pour savoir qui est le plus spirituel, mais dans un soutien et une entraide bienveillante. 


N’abandonnons pas nos assemblées

Il faut prendre les deux derniers impératifs ensemble, ils sont les deux faces d’une même pièce : n’abandonnons pas nos assemblées mais encourageons-nous. 

Pourquoi cette exhortation à ne pas abandonner nos assemblées ? Certains, déjà au premier siècle, avaient donc pris l’habitude de le faire… Et pourtant l’histoire de l’Eglise n’en était encore qu’à ses commencements. 

L’épître aux Hébreux ne précise pas pourquoi certains avaient pris l’habitude d’abandonner les assemblées. Le fait qu’il oppose cette attitude au fait de s’encourager nous donne sans doute un indice. On est dans une attitude d’encouragement quand on cherche le bien des autres, le bien de la communauté. 

Il peut y avoir des raisons légitimes de quitter une assemblée mais il ne s’agit pas ici simplement de quitter mais d’abandonner. Ce que dénonce l’épître aux Hébreux ce n’est pas de changer d’Eglise parce qu’on déménage par exemple, c’est de laisser tomber une Eglise, de la déserter, de ne pas persévérer. 

Parfois, on peut avoir envie de laisser tomber. Et c’est plus facile de dire « j’arrête, je m’en vais » que de continuer malgré tout, et d’apporter sa pierre à l’édifice. Mais si on abandonne une Eglise dès le moment où elle nous déçoit ou ne répond pas pleinement à toutes nos attentes, on risque de souvent changer d’Eglise !

On n’est pas du tout dans une vision angélique de l’Eglise. Même si l’Eglise est bien le projet de Dieu, c’est aussi une réalité humaine… avec toutes les difficultés et les imperfections que cela implique. Il ne faut pas se faire d’illusion ! On peut être déçu par une Eglise et par ses membres. Et ça arrive même sans doute assez souvent. Cela dit, n’oublions pas que nous-mêmes nous avons sans doute aussi déçu les autres sur tel ou tel point… 

Nous libérer d’une vision angélique de l’Eglise ou de ce qu’elle devrait être, nous permet finalement de ne pas abandonner nos assemblées… Et de les investir comme ce qu’elles doivent être : des refuges, des lieux de grâce, remplis d’hommes et de femmes imparfaits mais aimés par Dieu, des pécheurs, pardonnés certes, mais des pécheurs quand même. 


Conclusion

Revenons à la question posée en début de prédication : comment pouvons-nous être chacun, et ensemble en tant qu’Eglise, un refuge ? La clé que nous donne ce texte de l’épître aux Hébreux se résume en deux termes : bienveillance et encouragement. 

En réalité, ce sont bien deux termes qui qualifient aussi l’attitude de Dieu à notre égard. Oui, Dieu est bienveillant à notre égard parce qu’il veut notre bien. Sa bienveillance est associée à sa grâce, sa patience, sa bonté… Oui, Dieu nous encourage, il est à nos côtés à chaque instant… et il ne nous abandonne jamais ! 

Le titre paraklêtos, appliqué au Saint-Esprit et que l’ont traduit souvent par « consolateur », signifie aussi celui qui encourage. C’est, étymologiquement, celui qui est appelé à se tenir à côté de nous, comme le fait celui ou celle qui vient nous consoler, nous défendre ou nous encourager. 

Il est donc naturel que nous soyons appelés à développer ces deux vertus dans l’Eglise, qui se veut une communauté du Royaume de Dieu. 

Développons entre nous une attitude de bienveillance et d’encouragement. C’est ainsi que nous pourrons être un refuge, un havre de paix bienfaisant, une communauté qui reflète quelque chose du Dieu de grâce qui se tient à nos côtés. C’est ainsi que cette communauté pourra être porteuse de la Bonne Nouvelle du Dieu bienveillant et qui fait grâce. 


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