dimanche 18 février 2024

Les deux tables du Décalogue (1) Ma relation à Dieu

 

S’il y a un texte de l’Ancien Testament incontournable, c’est bien le Décalogue. C’est un texte fondateur, véritable charte de l’alliance, dix repères éthiques essentiels. On en trouve deux versions, pratiquement identiques, dans Exode 20 et Deutéronome 5. Nous lirons aujourd’hui la version de l’Exode :

Exode 20.1-17
1 Voici les paroles que Dieu adressa à Israël :
2 « Je suis le Seigneur ton Dieu, c'est moi qui t'ai fait sortir d'Égypte où tu étais esclave.
3 Tu n’auras pas d'autres dieux face à moi.
4 Tu ne te fabriqueras aucune idole, aucune représentation de ce qui est dans les cieux, sur la terre ou dans l'eau sous la terre ; 5 tu ne te prosterneras pas devant des statues de ce genre, tu ne les adoreras pas. En effet, je suis le Seigneur ton Dieu, un Dieu exclusif. Je punis la faute de ceux qui me détestent, j'interviens contre eux et leurs descendants, jusqu'à la troisième ou la quatrième génération ; 6 mais je traite avec bonté pendant mille générations ceux qui m'aiment et obéissent à mes commandements.
7 Tu ne prononceras pas mon nom de manière abusive, car moi, le Seigneur ton Dieu, je tiens pour coupable celui qui agit ainsi.
8 Souviens-toi du jour du sabbat pour me le réserver. 9 Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. 10 Le septième jour, c'est le sabbat qui m'est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu ; tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bétail, ni l'immigré qui réside chez toi. 11 Car en six jours j'ai créé les cieux, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, puis je me suis reposé le septième jour. C'est pourquoi moi, le Seigneur, j'ai béni le jour du sabbat et je veux qu'il me soit réservé.
12 Respecte ton père et ta mère, afin de jouir d'une longue vie dans le pays que moi, le Seigneur ton Dieu, je te donne.
13 Tu ne commettras pas de meurtre.
14 Tu ne commettras pas d'adultère.
15 Tu ne commettras pas de vol.
16 Tu ne prononceras pas de faux témoignage contre ton prochain.
17 Tu ne convoiteras rien de ce qui appartient à ton prochain, ni sa maison, ni sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne. »

Un mot d’abord sur la formule introductive qui précède les dix paroles : « Je suis le Seigneur ton Dieu, c'est moi qui t'ai fait sortir d'Égypte où tu étais esclave. » (Ex 20.1) En donnant ces paroles à son peuple, Dieu ne se pose pas en dictateur ou en despote qui, en vertu de sa toute-puissance, imposerait des règles contraignantes à ses créatures. Il se décrit comme celui qui a libéré son peuple de l’esclavage. Ce Dieu qui a libéré son peuple donne un cadre permettant à cette liberté de s’exprimer et de s’épanouir, dans le respect de chacun. 

Venons-en maintenant au Décalogue lui-même. Dix paroles. Autant que les dix doigts de nos mains… Et la Bible précise que ces paroles ont été gravées sur deux tables de pierre. Comme nos deux mains. On a vraiment l’impression que c’est une invitation à les mémoriser !

Pour faire simple, on peut dire que la première table concerne ma relation à Dieu, la deuxième table ma relation avec mon prochain. Finalement, elles sont une illustration des deux commandements fondamentaux évoqués par Jésus lorsqu’on lui demande quel est le commandement le plus important : aimer Dieu et aimer notre prochain. 

Les cinq premières paroles s’organisent elles-mêmes en 3 + 2 paroles. Les trois premières sont formulées de façon négative, exprimant des interdits, les deux suivantes sont formulées de façon positive. 

La question que je propose pour ce matin est : « Qu’est-ce que la première table du Décalogue me dit de ce que doit être ma relation à Dieu ? » Et on se demandera dans deux semaines « qu’est-ce que la deuxième table du Décalogue me dit de ce que doit être ma relation à mon prochain ? »


Pas d’autres dieux

Les trois premières paroles évoquent explicitement notre relation à Dieu :

  • Tu n’auras pas d'autres dieux face à moi.
  • Tu ne te fabriqueras aucune idole.
  • Tu ne prononceras pas mon nom de manière abusive.

L’idée est de souligner que tout ce que je vais mettre à côté ou en face de Dieu va porter atteinte à ma relation à Dieu, et même porter atteinte à Dieu lui-même. Si j’estime que qui que ce soit ou quoi que ce soit ait besoin d’être à côté ou en face de Dieu, alors c’est que le Seigneur ne me suffit pas… Et s’il manque quelque chose à Dieu, alors il n’est plus Dieu ! 

Se fabriquer une idole, c’est se façonner un dieu à sa convenance. Que ce soit une image, une statue, ou n’importe quelle représentation, même philosophique ou théologique. Dès le moment où on enferme Dieu dans une représentation, on le réduit à une idole. 

Ne pas se fabriquer d’idole, c’est laisser le soin à Dieu de se révéler à nous comme il le souhaite, et toujours avoir l’humilité de reconnaître que notre connaissance et notre compréhension de Dieu sont forcément imparfaites et partielles. 

Quant au fait de prononcer le nom de Dieu de manière abusive, c’est se servir du nom de Dieu, chercher à instrumentaliser Dieu lui-même. Que ce soit pour donner plus de poids à certaines paroles ou pour justifier telle ou telle action. On prend Dieu à témoin, on affirme que « Dieu m’a dit que… » alors que c’est juste mon idée à moi, ou pire encore, on justifie au nom de Dieu des actions discutables voire franchement condamnables. Combien d’actes de violence, d’oppression ou de haine ont été ou sont encore commis au nom de Dieu ? 

En réalité, ces trois premières paroles du Décalogue sont juste un rappel de la distinction fondamentale entre le Créateur et la créature. La racine du péché, de tout ce qui nous sépare de Dieu, c’est cette prétention à s’extraire de la dépendance de Dieu, cette tentation de mettre la main sur Dieu. 

Il s’agit d’accueillir dans sa vie Dieu comme Dieu. C’est-à-dire de manière absolue et exclusive. Il n’y a pas de place, pour qui que ce soit ou quoi que ce soit, en face de lui. Et je dois renoncer à croire que je puisse mettre la main sur Dieu, que je puisse l’enfermer dans une quelconque représentation, que je puisse d’une manière ou d’une autre le manipuler ou l’utiliser. 

Dieu est Dieu. Et le bonheur est pour moi de me laisser surprendre par lui, de le laisser se révéler à moi et me remplir de sa présence. 


Repos et solidarité

Les deux dernières paroles de la première table du Décalogue sont d’un autre ordre :

  • Souviens-toi du jour du sabbat pour me le réserver. 
  • Respecte ton père et ta mère.

On pourrait même se demander, au premier abord, en quoi elles ont leur place dans la première table du Décalogue. Mais ne peut-on pas considérer que ce sont deux manières d’honorer Dieu, de manière directe ou indirecte ? Deux manières d’honorer Dieu qui, en plus, nous rejoignent dans des besoins fondamentaux, ceux du repos et de la solidarité. 

  • Le but du sabbat, c’est d’honorer Dieu… mais aussi de se reposer. 
  • Le but du respect des parents, c’est d’honorer ceux qui nous ont précédé… mais c’est aussi s’insérer dans une chaîne de solidarité. 

Le sabbat, c’est le respect du repos. C’est honorer l’œuvre du Créateur et se souvenir que Dieu lui-même s’est « reposé » après les six jours de la Création. Mais en même temps, c’est une parole qui nous fait du bien, et qui nous rappelle que nous avons droit au repos, que nous ne sommes pas définis seulement par ce que nous faisons ou produisons mais d’abord par ce que nous sommes, des créatures à l’image de Dieu. 

Le respect des parents, c’est le respect de ceux qui nous ont précédé. Nous sommes en particulier redevables à ceux qui nous ont donné la vie… ou plutôt ceux par qui Dieu nous a donné la vie. C’est donc aussi une façon d’honorer Dieu. 

Une précision importante : honorer ses parents, ce n’est pas tout accepter d’eux. Je pense surtout aux exemples terribles qui existent bien trop souvent dans les familles, de violences et d’abus multiples commis par certains parents envers leurs enfants. 

L’objectif concret de cette parole est de mettre en place une chaîne de solidarité entre les générations. Il s’agit de prendre soin de ses parents, en particulier quand ils sont âgés, pour que nos propres enfants prennent soin des nous lorsque nous serons âgés. C’est pourquoi j’aurais tendance à prendre ce commandement de façon plus large que les seules relations au sein de la famille et parler, plus largement, de solidarité entre les générations. 

Vivre pleinement la solidarité humaine, entre les générations, c’est honorer Dieu. Le Dieu trinitaire, Dieu unique dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, est un Dieu solidaire par nature. C’est bien lorsqu’elle est solidaire que l’humanité témoigne de sa vocation de créatures faites à l’image de Dieu.

Ces deux dernières paroles de la première table du Décalogue soulignent que notre relation à Dieu impacte nécessairement notre façon d’être avec les autres, nos relations avec nos prochains, notre comportement en société. 


Conclusion

Qu’est-ce que la première table du Décalogue me dit de ce que doit être ma relation à Dieu ?

Il s’agit d’abord d’adopter la juste posture devant Dieu, celle de la créature devant le Créateur. Je suis appelé à accueillir Dieu dans ma vie comme Dieu, de manière absolue et exclusive. Mon bonheur sera de me laisser surprendre par lui, de le laisser se révéler à moi et me remplir de sa présence.

Il s’agit ensuite de chercher à l’honorer par ma vie, en lui donnant la place réservée qu’il mérite et en vivant avec mon prochain conformément à ma vocation de créature faite à l’image de Dieu. 


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