Lecture
biblique : Esaïe 25.6-8
Le ton
de ce texte magnifique tranche avec ceux qui l'entourent. La tonalité
générale de la première partie du livre d'Esaïe (chapitres 1-39)
est assez sombre. Le prophète dénonce l'infidélité du peuple
d'Israël, l'idolâtrie tolérée en son sein, les injustices
sociales criantes, la corruption des puissants, etc... Du coup est
annoncé le jugement de Dieu, à travers l'exil. Et les peuples
environnants ne sont pas en reste. Tyr, Moab, Babylone en prennent
aussi pour leur grade et la destruction leur est promise.
Et puis,
au milieu de ces textes de jugement fleurissent quelques textes
d'espérance, non seulement pour le peuple d'Israël mais pour tous
les peuples. Notre texte en est un des plus beaux exemples.
Il
contient deux promesses : l'invitation à un festin géant et la
fin du deuil. Les deux promesses sont pour tous les peuples, et les
deux sont situées « sur la montagne de Sion ».
Mais je
crois sincèrement qu'on se trompe lourdement si on comprend une
telle prophétie de façon littérale. Comme si la promesse allait
s'accomplir par un pique-nique géant sur l'esplanade du temple à
Jérusalem ! Ou par un défilé
de tous les peuples avant de passer à table, pour une cérémonie où
tout le monde enlèverait joyeusement ses habits de deuil pour
revêtir des habits de fête !
Sur
la montagne de Sion
L'indication
n'est donc pas géographique ! Mais que signifie alors
l'expression « sur la montagne de Sion » ?
La
montagne de Sion, c'est bien la montagne où était construit le
temple, lieu central du culte, symbole de la présence de Dieu. Ça
n'échappait pas aux contemporains d'Esaïe. Plus tard, pour les
Israélites en exil, une telle promesse ne pouvait qu'évoquer la
perspective d'un retour dans le pays et la reconstruction du temple.
Mais la promesse ne s'est pas accomplie littéralement... Certes, le
peuple est retourné dans son pays, le temple a été reconstruit.
Mais rien qui ressemble au grand festin, et encore moins
l'accomplissement de la promesse de la fin de tout deuil !
Faut-il
encore l'attendre ? Faut-il espérer, aujourd'hui que le temple
est à nouveau détruit, une nouvelle reconstruction du temple et un
festin géant à Jérusalem ? Je ne le pense pas...
Souvenons-nous
des paroles de Jésus à propos de la destruction et la
reconstruction du temple (Jean 2.19-21) :
19Jésus
leur répond : « Détruisez ce temple, et en trois jours,
je le remettrai debout. »
20(les
chefs religieux) lui disent : « On a mis 46 ans pour
construire ce temple, et toi, en trois jours, tu vas le remettre
debout ! »
21Mais
quand Jésus parlait du temple, il parlait de son corps. 22C'est
pourquoi, quand Jésus se réveillera du milieu des morts, ses
disciples se souviendront qu'il a dit cela. Alors ils croiront à ce
que disent les Livres Saints et aux paroles de Jésus.
Ou
ses paroles à la femme Samaritaine invitant désormais à un nouveau
culte (Jean 4.21-24) :
21Jésus
lui dit : Femme, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur
cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22Vous,
vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons
ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. 23Mais
l'heure vient — c'est maintenant — où les vrais adorateurs
adoreront le Père en esprit et en vérité ; car tels sont les
adorateurs que le Père cherche. 24Dieu
est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et
en vérité.
A la
lumière du Nouveau Testament, l'expression « sur la montagne
de Sion » doit être comprise non comme une indication
géographique mais comme une indication spirituelle. La perspective
est celle du jour où le temple de Dieu, au sens spirituel, sera à
nouveau parmi nous, le jour où Dieu se rendra pleinement présent,
c'est-à-dire, à la lumière du NT, le jour du retour du Christ...
alors il offrira un festin à tous les peuples et il leur ôtera
leurs vêtements de deuil.
Un
festin et des vêtements de fête
L'image
du festin évoque la joie, la fête, le partage, l'abondance. C'est
une image courante, reprise aussi dans le Nouveau Testament, pour
parler du Royaume de Dieu. Jésus l'utilise dans son enseignement,
notamment avec des paraboles, l'Apocalypse aussi pour évoquer le
festin des Noces de l'Agneau, fêtant la victoire ultime de Dieu.
On ne
sait pas grand chose de ce qui nous attend dans l'éternité. Mais
l'image du festin, moi, me donne envie ! Même si Woody Allen
disait que l'éternité c'est long, surtout vers la fin, je me dis
qu'avec de telles images de fête, il n'y a pas de risque que l'on
s'ennuie !
Et puis
l'idée de fête est accentuée encore par l'autre promesse : le
voile de deuil enlevé. Il s'agit du voile dont on se couvrait pour
signifier le deuil. On parlerait aujourd'hui d'habits de deuil. Quand
au « drap des morts », il pourrait s'agir du linceul dont
on recouvrait les corps.
En tout
cas, la promesse est claire : il n'y aura plus de deuil, parce
que la mort ne sera plus. C'est la raison principale du festin :
la mort sera définitivement vaincue. Evidemment que cette promesse a
pris plus d'envergure encore depuis la résurrection de Jésus-Christ.
Nous savons que la promesse est vraie, parce que Jésus-Christ est
ressuscité ! C'est le cœur de notre espérance.
Nous le
croyons aujourd'hui déjà. Mais quand nous le vivrons vraiment, au
jour de notre résurrection, alors la fête sera grande. Les habits
de deuil seront définitivement rangés et nous revêtiront les
habits de fête. Pour l'éternité.
Pour
tous les peuples
Soulignons-le
encore une fois, ces promesses sont pour tous les peuples. D'une
certaine façon, cette dimension universelle du projet de Dieu
contraste avec les textes qui entourent ce chapitre. Des textes où
les peuples s'affrontent, où les nations environnantes sont des
ennemis.
On
réalise peut-être mal ce que ça pouvait représenter pour un
Israélite menacé ou même en guerre avec ses voisins que d'imaginer
un festin pour tous les peuples. Une perspective où il peut se
retrouver à la même table que ses ennemis, parce que Dieu aura
établi la paix. On peut le percevoir peut-être à travers
l'histoire de Jonas, pas du tout prêt à partager la part du gâteau
de la grâce de Dieu avec l'ennemi Ninive !
Mais
cette perspective de festin universel contraste aussi avec notre
actualité où nous peinons à voir la fraternité entre tous les
peuples ! Non seulement par les guerres et les violences
terribles dont les hommes sont toujours capables. Mais aussi pour
l'écho favorable que reçoivent aujourd'hui chez nous les discours
haineux, racistes, xénophobes, par les stigmatisations de
l'étranger, de l'immigré, qui sont monnaie courante.
Notre
espérance universelle, celle d'un Dieu qui convie tous les peuples à
sa table, celle d'une Église que Dieu rassemble, issue de tous les
peuples, cette espérance doit nous pousser à résister à ces
discours et prôner l'accueil, la fraternité, la grâce.
Conclusion
Voilà
un texte qui met l'eau à la bouche ! C'est peut-être
d'ailleurs cela, vive l'espérance. Avoir l'eau à la bouche dans
l'attente du Royaume de Dieu.
Mais ce
menu qui nous est proposé change notre comportement aujourd'hui.
L'espérance de la victoire sur la mort, grâce à la résurrection
de Jésus-Christ, est source de consolation dès aujourd'hui. La
perspective d'un festin pour tous les peuples doit nous pousser dès
aujourd'hui au partage, à l'accueil et à la grâce, pour embrasser
le projet universel de Dieu, par Jésus-Christ, comme le dit l'apôtre
Paul aux Colossiens (chapitre 1) :
18lui,
il est la tête du corps — qui est l'Eglise.
Il
est le commencement,
le
premier-né d'entre les morts,
afin
d'être en tout le premier.
19Car
il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude
20et,
par lui, de tout réconcilier avec lui-même,
aussi
bien ce qui est sur la terre que
ce
qui est dans les cieux,
en
faisant la paix par lui,
par
le sang de sa croix.
C'est
un message que nous devons proclamer, et vivre, aujourd'hui !
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