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Lecture biblique : Philippiens 2.6-11
C'est aujourd'hui le dimanche des Rameaux où nous lisons le récit de l'entrée de Jésus à Jérusalem. Cet hymne de Philippiens 2 permet d'éclairer ce récit de façon intéressante.
L'entrée de Jésus à Jérusalem est pleine de paradoxes : acclamé par la foule comme un Roi entrant dans la ville, c'est pourtant vers son supplice que Jésus se dirige. Cette même foule criera quelques jours plus tard : « crucifie-le ! »
Un paradoxe auquel répond le contraste saisissant de l'hymne de Philippiens 2, entre l'humiliation et la gloire, à la fois celle qui précède et qui suit l'humiliation du Christ jusqu'à la croix.
Jésus entre à Jérusalem sur le dos d'un âne. Ce n'est pas une monture indigne d'un roi, notamment en temps de paix. On préférera le cheval sur le champ de bataille ! C'est donc bien dans la posture d'un roi que Jésus entre à Jérusalem et qu'il est acclamé. Pourtant son entrée n'est pas triomphaliste mais humble : l'évangile précise que c'est sur un simple ânon qu'il s'assied...
Jésus entre donc à Jérusalem comme un roi en temps de paix... mais il y rencontrera la haine et la violence des hommes. Il entre à Jérusalem humblement sur le dos d'un ânon... mais il subira l'humiliation suprême d'un procès injuste, des moqueries et de la mort infamante de la crucifixion.
En réalité, l'entrée de Jésus à Jérusalem est à l'image de l'incarnation, de la venue du Fils de Dieu sur terre en tant qu'homme. Celui qui entre à Jérusalem si humblement est bien celui qui est né dans une étable au sein d'une famille modeste plutôt que dans le palais de la capitale. Et l'incarnation est bien au cœur de l'hymne de Philippiens 2 où le Fils accepte de quitter la gloire pour venir sur terre. Le Roi choisit de devenir humble serviteur, le Fils de Dieu entre à Jérusalem sur le dos d'un ânon.
Mais il est aussi question de gloire le jour des Rameaux. Une gloire, certes, paradoxale qui se manifeste dans les acclamations de la foule. Des acclamation superficielles mais bel et bien annonciatrices de la gloire à venir pour le Christ. Cette gloire éclatante que l'hymne de Philippiens 2 annonce, le jour où tout genou fléchira devant lui.
Humilité et gloire sont donc les points commun aux deux textes. Mais nous allons maintenant nous centrer sur l'hymne de Philippiens 2.
L'humilité au cœur
Si l'idée d'humilité est au cœur de cet hymne, elle est aussi au cœur de la Bible en général. Dans l'Ancien Testament, de nombreux textes évoquent Dieu qui abaisse les orgueilleux et élève les humbles. Dans son enseignement, Jésus prolonge cette insistance sur l'humilité, par exemple en affirmant que le Royaume de Dieu appartient à ceux qui sont comme des petits enfants. Dans cette perspective, l'hymne christologique de Philippiens 2 sert de point d'appui à une exhortation au service mutuel, dans l'humilité, en considérant les autres comme supérieurs à nous-mêmes.L'humilité apparaît comme une valeur suprême du Royaume de Dieu, avec le petit enfant comme modèle de citoyen du Royaume et le service comme norme dans les relations au sein du Royaume de Dieu.
Avouons-le, nous sommes là à l'opposé de l'esprit de notre monde d'aujourd'hui, où c'est la performance qui est valorisée, où la réussite est celle qui se voit, qui s'affiche sur Internet, peu importe si c'est au détriment des autres.
Or, on ne peut pas être humble seul. L'humilité se mesure dans notre relation aux autres. Elle dépend autant du regard qu'on porte sur les autres que du regard qu'on porte sur soi. Il s'agit de considérer les autres comme supérieurs, pas de se considérer comme inférieur aux autres. C'est une nuance qui a de l'importance. Être humble, c'est se faire serviteur de mon prochain. Ce n'est pas dire « je ne vaux rien » mais c'est choisir de s'ouvrir à l'autre, ses attentes et ses besoins.
L'humilité est un choix, pas un trait de caractère que certains auraient et d'autres pas. On n'est pas humble comme on serait enjoué, colérique, optimiste ou perfectionniste ! On choisit l'humilité ou on ne la choisit pas. On prend exemple sur le Christ ou pas...
La gloire, mais quelle gloire ?
Notre texte parle aussi de gloire. Mais de quelle gloire ? La gloire des hommes est versatile : l'épisode des Rameaux l'illustre de façon évidente. L'hymne de Philippiens 2 nous invite à chercher une autre gloire. La seule gloire que nous devions rechercher est celle que Dieu donne. Or il ne la donne qu'aux humbles...Le lien entre l'humilité du Christ et sa gloire est explicitement fait dans le texte de Philippiens 2. Les souffrances et l'humiliation du Christ y apparaissent comme la marque suprême de sa gloire : « Il s'est fait serviteur... jusqu'à la mort sur une croix. C'est pourquoi Dieu l'a élevé... » (v.8-9). C'est à cause de son humiliation, à cause de sa mort sur la croix, que le nom du Christ est élevé au-dessus de tous les autres noms.
On pourrait même dire que la gloire du Christ est dans son humiliation. Sa gloire, c'est d'avoir été serviteur jusqu'au bout, jusqu'à la mort. Et cette gloire ne vient pas des hommes qui l'ont crucifié mais de Dieu qui l'a envoyé et qui l'a ressuscité !
Certes, un jour nous serons dans la gloire de la présence même de Dieu, avec le Christ devant qui toute la terre se prosternera. Mais ça, ce sera pour plus tard. Aujourd'hui, nous sommes bien souvent plutôt dans la posture de l'humble serviteur, parfois même humilié. Et dans ces conditions, aujourd'hui, notre gloire, c'est de faire la volonté de Dieu, c'est de se savoir aimé par Dieu, c'est de choisir au nom du Christ de nous faire serviteur de notre prochain.
Conclusion
Examiner le récit des Rameaux à l'aune de l'hymne christologique de Philippiens 2 lui donne un relief particulier. C'est tout le drame de l'incarnation qui s'y manifeste. L'entrée de Jésus à Jérusalem, c'est la venue du Fils de Dieu fait homme, comme un roi humble apportant la paix, un roi serviteur de l'humanité.
Mais là où les acclamations de la foule devaient avoir un goût amer pour Jésus, conscient que le vent allait vite tourner pour lui, l'hymne de l'épître aux Philippiens évoque la gloire que Dieu donne à son Fils, et celle à venir au jour où tous fléchiront le genou devant lui.
En tant que disciples de Jésus, notre modèle se trouve dans le Christ renonçant à sa gloire pour se faire serviteur, il est dans ce roi humble marchant vers son supplice prochain. Notre vie de disciples du Christ ici-bas n'est pas toujours glorieux au sens humain du terme... mais notre gloire se trouve ailleurs : dans le regard que notre Dieu porte sur nous. C'est sa gloire que nous voulons rechercher, pas celle des hommes !
"Cette même foule..." Est-on bien sûr que ce soit la même ? A-t-elle été si versatile ? Il se pourrait bien que cette foule des Rameaux se soit un moment éclipsée, comme les apôtres de Jésus d'ailleurs, pour se manifester au moins en partie dans les 3000 disciples du jour de la Pentecôte.
RépondreSupprimerEn effet, c'est possible... Mais d'une part si elle s'est éclipsée, c'est aussi une marque de versatilité. D'autre part, dans la construction littéraire de l'évangile, la foule des Rameaux et celle de la Passion se répondent bel et bien.
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