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Samedi dernier, j’ai vu, j’ai entendu un prophète ! C’est vraiment le sentiment que j’ai eu en assistant à la conférence du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, et fils de pasteur évangélique. Il était invité par la Fédération Protestante de France à l’occasion du colloque sur les églises évangéliques membres de la FPF. Il a pendant 45 minutes raconté son parcours, son engagement et ses convictions. Et c’était vraiment impressionnant. “L’homme qui répare les femmes” (c’est le le surnom qu’on lui a donné) s’efforce de restaurer, de réparer, les femmes de tous âges (jusqu’aux bébés !) victimes de violences et notamment des viols utilisés comme armes de guerre, au Congo.
Assister à sa conférence a été une expérience dont je me souviendrai très longtemps. J’étais bouleversé, au bord des larmes, par le récit des horreurs dont il a été témoin, et qui n’ont fait qu’affermir sa détermination. J’étais secoué par ses questions et ses interpellations adressées en particulier aux Églises, aux chrétiens. Je suis admiratif pour son courage face aux menaces qui pèsent sur lui (plusieurs de ses collaborateurs ont été assassinés).
Avec le recul, je me suis demandé : qu’est-ce qui fait que ses paroles touchent autant au coeur ? Ca va bien au-delà de l’éloquence… il y a bien-sûr sa conviction profonde mais, surtout, le fait qu’il ait une vie en plein accord avec ses paroles. Ce qu’il dit, il le fait. Quand le Dr Mukwege nous interpelle sur le silence complice et l’inaction dans l’aide envers les victimes de toute violence, les délaissés, les laissés pour compte… on l’écoute. Quand il nous invite à interpeller nos théologies et nos pratiques, parfois misogynes, jusque dans les églises… on l’écoute. Parce qu’on sait ce qu’il fait dans ces domaines, l’aide qu’il apporte, le plaidoyer qu’il porte.
Il y a des hommes, ou des femmes, dont la parole porte plus que d’autres. Des personnalités exceptionnelles qui bouleversent. En un mot : des prophètes. Et la question, pour nous, est de savoir comment nous les écoutons… et qu’est-ce que ça change dans notre vie, notre comportement.
Des prophètes, évidemment, on en rencontre dans la Bible. Et il en est un dont on lit le récit chaque année, dans le temps de l’Avent. C’est Jean le baptiste. Un grand prophète, un homme au message sans concession, qui vivait comme un ermite au bord du Jourdain et que les foules venaient écouter. C’est la lecture biblique qui nous est proposée pour ce deuxième dimanche de l’Avent.
Matthieu 3. 1-12
1 En ce temps-là paraît Jean le baptiste qui se met à proclamer dans le désert de Judée : 2 « Changez de vie, car le royaume des cieux est tout proche ! » 3 Jean est celui dont le prophète Ésaïe a parlé lorsqu'il a dit :
« C'est la voix d'un homme qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
faites-lui des sentiers bien droits ! »
4 Jean avait un vêtement fait de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 5 Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région voisine de la rivière du Jourdain venaient à sa rencontre. 6 Ils reconnaissaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans le Jourdain.
7 Jean vit que beaucoup de pharisiens et de sadducéens venaient à lui pour être baptisés ; il leur dit : « Espèce de vipères ! Qui vous a appris à échapper à la colère de Dieu qui vient ? 8 Montrez par des actes que vous avez changé de vie 9 et ne pensez pas qu'il suffit de dire en vous-mêmes : “Abraham est notre père !” Car je vous dis que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des enfants d'Abraham ! 10 La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
11 Moi, je vous baptise dans l'eau pour que vous changiez de vie ; mais celui qui vient après moi vous baptisera dans l'Esprit saint et dans le feu. Il est plus fort que moi : je ne suis pas digne d'enlever ses sandales. 12 Il tient en sa main la pelle à vanner et séparera le grain de la paille. Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint jamais. »
Ca devait être quelque chose d’entendre Jean le baptiste haranguer les foules ! Dans son vêtement sommaire en poils de chameaux, le corps émacié par son régime alimentaire frugal, un ermite solitaire dans le désert de Judée… Quel regard avait-il ? Quelle voix ? En tout cas on venait de toute la région pour l’écouter, fasciné par son discours sans concession. Beaucoup répondaient à son appel et se faisaient baptiser. D’autres étaient sceptiques, d’autres, sans doute, le critiquaient.
Un changement de coeur
Au coeur de son discours, il y avait cette interpellation radicale : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” (v.8) Les versions anciennes traduisaient “Produisez donc du fruit digne de la repentance” Mais le terme grec traduit traditionnellement par “repentance” implique un changement radical, en profondeur. C’est beaucoup plus que du regret ou du remord. Quant au fruit, c’est ce qui est produit par l’arbre. L’image est utilisée aussi par Jésus : on reconnaît un arbre à ses fruits. Un “fruit digne de la repentance”, c’est donc une vie qui témoigne d’un changement en profondeur. Si le fruit n’a pas changé, c’est que l’arbre n’a pas changé...
Voilà pourquoi la traduction de la Bible “Nouvelle Français Courant” est très bonne : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” !
Et l’interpellation demeure pertinente pour nous aujourd’hui. La repentance devrait faire partie du quotidien du croyant, comme une discipline de vie. Je ne parle pas ici d’une confession mécanique pour recevoir l’absolution, ou d’une simple prière de demande de pardon pour effacer l’ardoise… et recommencer jusqu’à la prochaine demande de pardon.
La repentance comme discipline de vie du croyant, c’est le fait de laisser Dieu continuer de changer notre coeur. C’est reconnaître que nous avons besoin d’être transformé, changé en profondeur, refaçonné en image de Dieu. La repentance commence par une prise de conscience de nous-mêmes, nos limites, nos failles, nos incohérences. Elle commence aussi par une prise de conscience de l’amour et de la grâce de Dieu, qui veut nous transformer.
L’arbre d’abord, les fruits ensuite
Le problème, quand on parle de repentance, c’est de se limiter aux fruits et d’oublier l’arbre. On coupe les fruits qui ne sont pas bons mais l’arbre reste le même. Or la repentance concerne moins les fruits que l’arbre, elle concerne moins les actes que le coeur. Car si le coeur change, les actes changeront aussi.
La repentance, ce n’est pas d’abord demander pardon à Dieu pour tel acte, tel péché commis. C’est demander à Dieu de changer notre coeur. Dans l’appel de Jean le baptiste : “Montrez par des actes que vous avez changé de vie” ce qui compte d’abord c’est le changement de vie pas les actes. Les actes ne sont que la manifestation du changement de coeur.
Dans la repentance, si on se concentre sur les fruits, alors on dresse plus ou moins consciemment une liste de péchés, d’actes à ne pas commettre, de comportements condamnables… et on risque facilement de devenir le juge de son frère ou sa soeur, autant que de soi-même.
Mais si on se concentre sur le coeur, alors on regarde d’abord à soi car qui peut connaître le coeur de son prochain ? Qui peut connaître ses intentions, ses motivations et ses aspirations profondes ?
La repentance, ce n’est pas tellement regretter nos actes, c’est comprendre que notre coeur doit changer.
Changer pour avoir une parole audible
La mission de Jean le baptiste était de préparer à la venue du Messie, puis de s’effacer lorsqu’il paraîtrait. Et c’est bien ce qu’il a fait. Il a même payé de sa vie l’audace de sa prédication…
A notre tour, nous sommes appelés à prendre la posture du prophète, car nous avons une Bonne Nouvelle à annoncer ! Et comme pour Jean, ce qui compte ce n’est pas nous, notre Eglise, mais celui qui est venu : Jésus-Christ.
Mais ce n’est certainement pas avec des discours creux, même agrémentés de belles paroles évangéliques, que nous accomplirons la mission. Et surtout pas avec des paroles contredites par nos actes et notre vie ! Mais seulement avec des paroles incarnées dans des actes, avec un discours qui se traduit dans nos vies. Sinon, nous serons inaudibles !
Qui a vraiment incarné ses paroles jusqu’au bout, en parfaite adéquation entre ce qu’il disait et ce qu’il faisait ? Encore bien plus que Denis Mukwege ou Jean le Baptiste… C’est Jésus-Christ, évidemment. Sa vie démontrait son amour pour les petits, les rejetés, les délaissés… Il est venu pour nous sauver de la mort, alors il a donné sa vie. Il s’est fait serviteur, lui, le Fils de Dieu, jusqu’à la mort infâme sur une croix. Lui, l’innocent, condamné et crucifié comme un vulgaire brigand.
Conclusion
Comment pourrions-nous annoncer l’amour de Dieu si nous n’aimons pas notre prochain ? Comment proclamer la grâce si nous nous positionnons en juge de notre frère ou notre soeur ? Comment parler de réconciliation avec Dieu si nous sommes incapables de pardonner ?
Oui, notre coeur doit changer. Dieu doit nous transformer, si nous voulons montrer par des actes que nous avons changé de vie !
Mes deux filles Valerie et Christelle ont ressenti un peu la même chose en écoutant ce frère.
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