Exode 3.9-15
9 « Puisque les cris des Israélites sont montés jusqu'à moi et que j'ai aussi vu de quelle manière les Égyptiens les oppriment, 10 je t'envoie maintenant vers le pharaon. Va, et fais sortir d'Égypte Israël, mon peuple. »
11 Moïse répondit à Dieu : « Qui suis-je pour aller trouver le pharaon et faire sortir les Israélites d'Égypte ?
– 12 Je serai avec toi, reprit Dieu. Et pour te prouver que c'est bien moi qui t'envoie, je te donne ce signe : quand tu auras fait sortir les Israélites d'Égypte, tous ensemble vous me rendrez un culte sur cette montagne-ci. »
– 13 « Bien ! dit Moïse. Je vais donc aller trouver les Israélites et leur dire : “Le Dieu de vos ancêtres m'envoie vers vous”. Mais ils me demanderont ton nom. Que leur répondrai-je ? »
14 Dieu déclara à Moïse : « “Je serai qui je serai.” Voici donc ce que tu diras aux Israélites : “‘Je serai’ m'a envoyé vers vous”. 15 Puis tu ajouteras : “C'est le Seigneur qui m'a envoyé vers vous, le Dieu de vos ancêtres, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob.” Tel est mon nom pour toujours, le nom par lequel les êtres humains de tous les temps pourront m'invoquer. »
Je suis grand-père depuis 8 mois. Et une des principales questions qu’on se posait avant la naissance de notre petit-fils ou petite-fille, c’était de savoir quel prénom ses parents allaient lui donner. Et on ne s’attendait pas du tout au prénom qu’ils ont choisi. Mais aujourd’hui, notre petit-fils ne pourrait pas s’appeler autrement que Roy !
Tous les parents ne choisissent pas le prénom de leur enfant de la même manière. Certains le trouvent simplement joli, ou original, ou qui s’harmonise bien avec le nom de famille. D’autres reprennent le nom de la mère ou du père, ou des grands-parents. D’autres encore choisissent le même prénom qu’un acteur, une chanteuse ou un joueur de foot célèbres. D’autres enfin tiennent compte de la signification du prénom, de son étymologie.
Dans la Bible, le nom donné aux uns et aux autres a souvent une signification. Par exemple, quand Anne décide de nommer son fils Samuel (« Dieu a entendu »), c’est pour remercier le Seigneur d’avoir exaucé sa prière alors qu’elle était stérile.
Certains personnages bibliques ont changé de nom à la suite d’un événement majeur. Ainsi, après l’appel et la promesse reçus de Dieu, Abram devient Abraham :
Genèse 17.5 : On ne t'appellera plus Abram, mais Abraham, car je ferai de toi l'ancêtre d'une multitude de peuples.
Après sa rencontre mouvementée avec le Seigneur, Jacob devient Israël :
Genèse 32.29 : On ne t'appellera plus Jacob mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as eu l'avantage.
On peut évidemment aussi penser à l’ange qui dit à Joseph de donner le nom de Jésus (« le Seigneur sauve ») à l’enfant qui va naître de Marie :
Matthieu 1.21 : Elle mettra au monde un fils, et tu l'appelleras Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés.
C’est pourquoi, dans notre texte, quand Moïse demande à Dieu quel est son nom, ce n’est pas une demande anodine. C’est une question essentielle : il a besoin de le savoir pour accomplir sa mission. On sent d’ailleurs qu’il a d’abord un mouvement de recul à l’appel que Dieu lui adresse : « Qui suis-je pour aller trouver le pharaon et faire sortir les Israélites d'Égypte ? » Si j’y vais, c’est en ton nom. J’ai besoin de savoir qui tu es pour y aller.
En demandant à Dieu de lui révéler son nom, Moïse lui demande de lui révéler son identité, de lui dire qui il est vraiment… et s’il pourra compter sur lui pour la suite !
D’ailleurs, vous remarquerez que la réponse de Dieu n’est pas limitée à Moïse, ni même au peuple Hébreux. La fin du verset 15 souligne bel et bien la dimension universelle et intemporelle du nom que Dieu révèle à Moïse :
Exode 3.15 : Tel est mon nom pour toujours, le nom par lequel les êtres humains de tous les temps pourront m'invoquer.
Connaître le nom de Dieu révélé à Moïse, comprendre sa signification, nous concerne donc aussi au premier chef !
Un nom insaisissable pour un Dieu insaisissable
J’ai lu le texte dans la version de la Nouvelle Français Courant qui traduit l’expression du verset 14 : « Je serai qui je serai ». En réalité, la formule est assez difficile à traduire. La version Parole de Vie propose « je suis qui je suis ». La TOB : « je suis qui je serai ». Et vous connaissez peut-être l’ancienne version Segond qui proposait de traduire par « Je suis celui qui suis », ce qui n’est absolument pas du français… mais qui dit quelque chose de la difficulté à traduire correctement la formule.
Ce qu’on peut dire, c’est que le nom de Dieu dans ce texte, est construit sur la racine hébraïque du verbe être. Vous savez peut-être qu’en hébreu, on n’écrit que les consonnes, pas les voyelles. Pour le nom de Dieu on parle alors d’un tétragramme dont les lettres équivalentes en français sont YHWH. Et comme dans la tradition juive, ce nom de Dieu ne doit pas être prononcé, quand il apparaît dans le texte, à sa place on lit à haute-voix : « Adonaï (« Seigneur » en français). Si vous ajoutez les voyelles d’Adonaï aux quatre consonnes du tétragramme, vous obtenez… Yehovah. Jéhova n’est donc pas du tout le « vrai nom » de Dieu, c’est une lecture erronée du texte hébraïque.
Tout cela pour dire que le nom que Dieu révèle de lui-même à Moïse reste assez insaisissable… Louis Segond a proposé de le traduire par l’Eternel. Pourquoi pas… mais c’est un peu réducteur. Les versions modernes préfèrent le traduire par « Seigneur » ou « SEIGNEUR » (avec toutes les lettres en majuscule).
En réalité, je trouve que ces difficultés à traduire à la fois la formule utilisée dans l’Exode et le nom que Dieu révèle à cette occasion sont tout à fait significatives. Le fait même qu’on n’arrive pas, avec notre vocabulaire et notre conjugaison, à nommer correctement Dieu veut dire quelque chose : on ne peut pas enfermer Dieu dans un nom. On ne peut pas l’enfermer dans une définition, ni dans un discours, ni même dans une théologie. Tout ce qu’on peut dire et comprendre de Dieu, même si c’est vrai, ne nous permet jamais de tout dire, ni de le dire de façon suffisante. Dieu est toujours plus que ce qu’on peut comprendre ou dire de lui, il est toujours plus grand que ce qu’on peut imaginer !
Voilà qui doit nous tenir dans l’humilité. Si vous pensez avoir tout compris de Dieu, alors c’est que vous n’avez rien compris du tout ! C’est extrêmement triste si vous pensez que vous n’avez plus rien à apprendre sur Dieu, la Bible, la foi, si vous pensez que vous avez fait le tour de la question… Pire, ça peut même être assez grave ! Parce que c’est le propre d’une démarche sectaire qui enferme, cloisonne, emprisonne. Refusons les discours absolus et définitifs sur Dieu, gardons-nous d’une prétention à détenir la vérité ultime.
Mettons-nous plutôt humblement à l’écoute de Dieu, ce qu’il veut bien nous révéler. Car ce n’est pas parce que Dieu est insaisissable qu’on ne peut pas le connaître, et le connaître vraiment. Certes, son nom est mystérieux et Dieu lui-même dépasse tout ce qu’on peut dire, penser ou imaginer de lui. Mais il est aussi, dans le texte de l’Exode, « le Dieu de vos ancêtres ». Il est celui qui s’est déjà, par le passé, révélé à Abraham, Isaac et Jacob. Il est le Dieu qu’on connaît déjà, mais qu’on ne peut jamais connaître parfaitement.
Il est le Dieu infini et insaisissable, unique et incomparable, qui choisit de se révéler à nous. Dans son amour, il se met à notre hauteur pour que nous puissions le connaître. Cette démarche, qui a commencé avec Abraham, a trouvé son plein accomplissement dans la personne de Jésus-Christ, le Fils de Dieu devenu homme. En lui, le Dieu inatteignable est vraiment venu à notre rencontre, le Dieu invisible s’est rendu visible, il nous a rejoint en devenant l’un des nôtres, comme le dit Jean dans le prologue de son évangile :
Jean 1.14 : La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.
Un nom qui est en lui-même une promesse
Insaisissable mais révélé, le nom de Dieu est aussi, en lui-même, une promesse. « Je suis » ou « je serai », c’est l’affirmation non seulement de l’éternité de Dieu qui est, qui était et qui sera, mais c’est aussi la promesse de sa présence aujourd’hui comme hier, et demain aussi.
Et ce qui est intéressant à noter, c’est que la promesse (et donc aussi la révélation du nom de Dieu) était déjà présente avant que Moïse demande à Dieu de lui révéler son nom. En effet, cette révélation a lieu au verset 14 mais regardez les versets 11 et 12 :
Exode 3.11-12 : 11 Moïse répondit à Dieu : Qui suis-je pour aller trouver le pharaon et faire sortir les Israélites d'Égypte ? – 12 Je serai avec toi, reprit Dieu.
Oui, le nom même de Dieu est une promesse : je suis, je serai… avec toi.
Evidemment se pose ici la question de la traduction de la formule utilisée par Dieu.
- « Je suis qui je suis » souligne l’éternité d’un Dieu qui n’a ni commencement ni fin, la perfection d’un Dieu qui se suffit à lui-même. Je suis. Point.
- « Je serai qui je serai » souligne le caractère insaisissable de Dieu qui échappe à nos catégories. Il sera toujours susceptible de nous surprendre.
- « Je suis qui je serai » souligne la fidélité de Dieu. Ce qu’il est aujourd’hui, il le sera demain encore.
Il y a un peu tout cela dans la formule utilisée par Dieu. La richesse de cette formule mystérieuse doit être conservée dans toute sa complexité. Aucun discours simpliste ne peut rendre compte de Dieu… Il faut garder la formule dans toute sa grandeur mystérieuse, à cause de l’immensité incomparable de Dieu. Je suis ! Mais il ne faut pas pour autant la percevoir comme un absolu un peu statique, l’image d’un Dieu immobile. Dieu est un Dieu vivant, actif, qui se révèle. Dieu, certes, ne change pas… mais il est toujours en mouvement. Il est sans limite et toujours capable d’être et d’agir en fonction des besoins et de ses desseins. Il est « je serai ». Je serai avec toi. Je serai là où tu seras. Je te précéderai là où je te conduirai.
C’est comme si Dieu disait à Moïse, comme s’il nous disait à nous aussi : « Ne t’inquiète pas, je serai ! ». Je serai là. Je serai avec toi. Je serai Celui dont tu auras besoin. Je serai fidèle à mes promesses. Des promesses dont l’écho résonne dans les paroles de Jésus à ses disciples avant de les quitter, à la fin de l’évangile de Matthieu :
Matthieu 28.20 : Je suis (ou je serai) avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde !
Conclusion
Quand on s’arrête sur un texte biblique qui veut nous révéler Dieu lui-même, on s’engage sur un chemin qui ouvre des perspectives infinies. Et on se rend bien vite compte qu’on ne peut comprendre qu’une petite partie de ce chemin.
Mais il nous conduit certainement à souligner l’importance de deux attitudes de cœur essentielles, et complémentaires, pour le croyant : l’humilité et la confiance.
- L’humilité devant un Dieu qui reste insaisissable parce qu’il est sans limite.
- La confiance en un Dieu qui vient à notre rencontre, se révèle à nous et promet d’être là, toujours, avec nous.
Dieu reste insaisissable, on ne peut pas mettre la main sur lui ! Ayons toujours l’humilité de le reconnaître. Mais Dieu s’approche de nous et promet qu’il est et qu’il sera là. Plaçons notre confiance en lui !
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