dimanche 6 mars 2022

Résister à la tentation

Ecouter la prédication

J'imagine que vous avez déjà vu des films ou des séries qui évoquent la personne de Jésus... Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous mais moi j’ai presque toujours été déçu. Forcément, quand on est croyant et qu’on lit les évangiles, on se fait une représentation de la personne de Jésus, de sa façon de se comporter, d’être en relation avec les autres, on imagine telle ou telle scène biblique… Et lorsqu’on les voit portées à l’écran, ça n’est jamais le Jésus qu’on imagine !

Cela dit, il y a des scènes des évangiles qu’on arrive plus facilement que d’autres à se représenter. On arrive sans doute assez bien à imaginer comment pouvait être Jésus quand il enseignait à ses disciples ou qu’il parlait aux foules, certains de ses miracles sont décrits avec suffisamment de détails pour qu’on puisse se représenter un peu la scène… Mais comment imaginer, par exemple, l’épisode de la transfiguration de Jésus ?

Et comment imaginer la scène étonnante qui nous est décrite dans le texte de l’évangile du jour, dans la liste de la Bible en 6 ans ? 


Luc 4.1-13

1 Jésus, rempli de l'Esprit saint, revint du Jourdain et fut conduit par l'Esprit dans le désert. 2 Il y fut mis à l'épreuve par le diable pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là et, quand ils furent passés, il eut faim. 3 Le diable lui dit alors : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de se changer en pain. » 4 Jésus lui répondit : « L'Écriture  déclare : “L'être humain ne vivra pas de pain seulement.” »

5 Le diable l'emmena plus haut, lui fit voir en un instant tous les royaumes de la terre 6 et lui dit : « Je te donnerai toute cette puissance et la gloire de ces royaumes : tout cela m'a été remis et je peux le donner à qui je veux. 7 Si donc tu te prosternes devant moi, tout sera à  toi. » 8 Jésus lui répondit : « L'Écriture déclare : “Adore le Seigneur ton Dieu et ne rends de culte qu'à lui seul.” »

9 Le diable le conduisit ensuite à Jérusalem, le plaça au sommet du temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi d'ici en bas ; 10 car l'Écriture déclare : “Dieu ordonnera à ses anges de te garder.” 11 Et encore : “Ils te porteront sur leurs mains pour que ton pied ne heurte pas de pierre.” » 12 Jésus lui répondit : « L'Écriture déclare : “Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu.” » 13 Après avoir achevé de tenter Jésus de toutes les manières, le diable s'éloigna de lui jusqu'à une autre occasion.


Je vous avoue que moi j’ai du mal à imaginer cet épisode : Jésus, ici, est en train de dialoguer avec le diable ! Ce n’est quand même pas banal… D'ailleurs, on peut se demander comment on a pu avoir connaissance de ce récit : on est au lendemain du baptême de Jésus, il n'a pas encore vraiment commencé son ministère, il n’a encore aucun disciple qui le suit, et presque personne ne le connaît. Il n'y a donc ni compagnon ni même un simple témoin de ces événements. 

Jésus l'a-t-il raconté plus tard, à ses disciples ? Ou alors est-ce une façon plutôt symbolique d'évoquer les enjeux du ministère de Jésus ? Les différentes tentations de Jésus évoquées dans ce récit font écho à ce qu’il vivra par la suite, par exemple lorsque les foules voudront le faire roi, ou alors lorsque les chefs religieux voudront le pousser à accomplir des miracles, juste pour prouver qui il est… Des « si tu es le Fils de Dieu, fais ceci ou fais cela », ou « si tu es le Fils de Dieu pourquoi fais-tu ceci ou ne fais-tu pas cela », Jésus va en entendre tout au long de son ministère.

En tout cas, on peut très bien comprendre que Jésus ait eu besoin de se retirer dans le désert, juste après son baptême. Au moment où il s'apprêtait à commencer son ministère public, il a très bien pu avoir besoin d'un temps de retraite. Et il a forcément alors été confronté à des questions, des interrogations, des tentations sur ce qu'il allait vivre. C'est ce que ce texte évoque, sans qu'on puisse savoir vraiment ce qui s'est réellement passé. 

Cet épisode nous dit quelque chose de la personne de Jésus et de sa mission. Il a aussi sans doute quelque chose à nous dire quant à nos tentations : le dialogue entre Jésus et le diable peut faire écho à nos dialogues intérieurs, nos propres tentations auxquelles nous devons résister. 


Tactique du diable

La première tentation

Dans la première tentation, le diable dit la vérité ! Il sait que Jésus peut faire ce qu'il lui suggère, il peut parfaitement changer une pierre en pain... D’ailleurs n’a-t-il pas, plus tard, nourri une foule entière avec quelques misérables pains et poissons ? 

Mais alors en quoi est-ce une tentation à laquelle Jésus doit résister ? C’est vrai : il a faim, il peut changer une pierre en pain, pourquoi ne le ferait-il pas ? En Jean 4.34, Jésus dira : « Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et de terminer le travail qu'il m'a confié. »

La parole du diable est une tentative d’éloigner Jésus de sa mission. Jésus n'est pas venu pour accomplir des miracles pour lui-même et pour emprunter le chemin de la facilité. Il est venu pour accomplir la volonté de son Père. Il n’est pas venu en superhéros doté de super-pouvoirs. Il est venu en serviteur, humain parmi les humains. 

La deuxième tentation

Dans la deuxième tentation, cette fois le diable ment. Il ment même outrageusement. Non, il n'a pas le pouvoir qu'il prétend avoir. Non, il ne peut pas disposer de la puissance et de la gloire des royaumes de la terre et les donner à qui il veut. 

Franchement, comment le diable pouvait-il croire que cette deuxième tentation allait fonctionner ? C'est tellement énorme ! Pensait-il vraiment que Jésus, le Fils de Dieu, allait se prosterner devant lui par soif de pouvoir personnel ? Le diable apparaît ici lui-même comme aveuglé par son orgueil et sa soif de puissance. Quand on est animé ainsi par l'orgueil, la soif de pouvoir et de gloire, on est capable de toutes les outrances. Evidemment, toute ressemblance avec une situation géopolitique actuelle n’est pas fortuite…  

La troisième tentation

Dans la troisième tentation, le diable essaye une nouvelle stratégie. Il tente d’imiter Jésus. Il vient sur son terrain, lui qui, lors des deux premières tentations, a répondu en citant la Bible. Alors le diable aussi argumente en citant la Bible !

Comme quoi, il ne suffit pas de citer la Bible pour avoir raison ! On peut citer des versets bibliques et se tromper, et même faire l'œuvre du diable ! En réalité, on peut faire dire à peu près n’importe quoi à la Bible en citant des versets isolés de leur contexte. Ce que fait le diable ici…

Car en l’occurrence, ce n’est pas parce que Dieu promet de nous protéger et de nous garder qu’il faut intentionnellement se mettre en situation de danger, juste pour le tester ! « Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »


Choisir le bon chemin

Résister à la tentation, c’est choisir le bon chemin. Dans ses trois tentations, le diable propose à Jésus le chemin de la facilité, celui du pouvoir et de la force. Mais Jésus est venu emprunter le chemin du serviteur, celui de l’humilité et de la solidarité. 

Et le diable croit sans doute à ce qu’il dit, aveuglé par son orgueil. Il est incapable de comprendre le chemin de l’amour, de l’humilité et du service. Il ne connaît que la recherche de la gloire, le pouvoir et la force. 

Il ne peut pas comprendre que la victoire du Christ passera par la solidarité, la souffrance, jusqu’à la mort. Sur la croix, alors que le diable pensait sans doute avoir vaincu, il venait d’être vaincu. Car Jésus était alors allé jusqu’au bout de sa mission, solidaire de l’humanité jusque dans la mort. 

En tant que disciples du Christ, nous devons résister aux tentations du pouvoir et de la force, résister aux sirènes de la gloire et emprunter, à la suite du Christ, le chemin du service. Ça doit être vrai dans nos relations les uns avec les autres, dans l’Eglise, dont l’idéal est celui du service mutuel, de la soumission les uns aux autres. Mais ça doit aussi être vrai dans nos relations au quotidien, sur nos lieux de vie. 

On ne peut pas se satisfaire, en tant que croyant, d’avoir un comportement de « bon chrétien » le dimanche, ou avec nos frères et sœurs croyants, et de tout oublier la semaine, sur nos différents lieux de vie au quotidien, dans la famille, au travail, avec les amis... 

Même si c’est vrai qu’il y a, aujourd’hui, dans notre société, des forces, des incitations, des discours qui nous poussent à penser notre relation aux autres en termes de rivalité, de concurrence ou de peur, nous devons y résister, résister à ces tentations, et choisir le chemin de l’humilité et du service. C’est notre appel de disciple du Christ. 


Pour être fort

Refuser le chemin de la facilité pour emprunter celui du serviteur requiert, en réalité, plus de force. Les trois textes bibliques que Jésus cite pour répondre aux tentations du diable, tous tirés du Deutéronome, soulignent la juste posture à adopter devant Dieu, celle qui nous fait tenir bon dans l’épreuve et rester fort face à la tentation :

  • « L'être humain ne vivra pas de pain seulement. » Il y a, certes, des besoins physiologiques et matériels fondamentaux mais notre besoin le plus essentiel est spirituel. La nourriture dont nous avons besoin pour vivre pleinement, elle vient de Dieu lui-même : ses paroles, ses promesses, ses commandements… 
  • « Adore le Seigneur ton Dieu et ne rends de culte qu'à lui seul. » Il s’agit non pas de se prosterner pour obtenir quelque chose en retour, comme le proposait le diable, mais d’adorer Dieu simplement parce qu’il est le seul qui soit digne d’être adoré. Quand on connaît vraiment Dieu, c’est une évidence ! Et c’est une source d’espérance extraordinaire, parce que ce Dieu unique et incomparable nous aime d’une manière parfaite !
  • « Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. » Ce n’est pas à nous de dire à Dieu ce qu’il doit faire, pour nous ou pour les autres, ou de lui reprocher ce qu’il ne fait pas. Il ne s’agit pas ici d’une soumission motivée par la peur, mais une confiance paisible et bienfaisante. 

Ces trois paroles bibliques citées par Jésus nous disent comment faire pour être fort et résister à la tentation :

  • Pour être fort, il faut bien se nourrir… C’est vrai aussi spirituellement. 
  • Pour être fort, il faut puiser sa force dans le Dieu unique et fort, le tout-puissant. 
  • Pour être fort, il faut faire confiance à Celui qui promet sa présence et son secours 

Connaître Dieu, se nourrir de sa présence et vivre dans la confiance, voilà notre force au quotidien, pour résister aux tentations et tenir dans l’épreuve. 


Conclusion

Pour conclure cette prédication, un texte de l’épître aux Hébreux s’est imposé à moi, dans lequel Jésus-Christ est comparé à un grand-prêtre unique :

Hébreux 4.15-16

Nous n'avons pas un grand-prêtre incapable de souffrir avec nous de nos faiblesses. Au contraire, notre grand-prêtre a été mis à l'épreuve en tout comme nous le sommes, mais sans commettre de péché. Approchons-nous donc avec confiance du trône de Dieu, où règne la grâce. Nous y trouverons la bienveillance et la grâce, pour être secourus au bon moment.

Jésus-Christ sait, par expérience, la difficulté d’endurer les épreuves et de résister à la tentation. Il les a vécues, comme nous. Certes, sans commettre de péché, sans jamais y avoir succombé. Mais l’expérience du Fils de Dieu devenu homme le rend aussi proche que possible de nous lorsque nous traversons des épreuves ou faisons face à des tentations. 

Et il ne nous regarde pas de haut avec un regard implacable. Il nous regarde avec bienveillance et grâce, et nous propose son secours. Même si nous tombons. 

Il nous accompagne sur le chemin du serviteur. Et il nous aide à être fort, par la puissance de son Esprit et renouvelé par sa grâce. 


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