dimanche 31 mars 2024

Il est ressuscité !

Dans votre Bible, vous avez peut-être la fin du chapitre 16 de l’évangile de Marc entre crochets. La plupart des spécialistes s’accordent pour dire que cette conclusion de l’évangile, les versets 9-20, est une conclusion ajoutée plus tard à l’évangile. Ce qu’elle dit n’a rien de problématique et reflète assez fidèlement ce que les autres évangiles et le livre des Actes des apôtres disent des apparitions du Christ ressuscité et de la mission qu’il a confiée à ses disciples. C’est pourquoi elle a été intégrée depuis longtemps à l’évangile. 

Mais il est plus que probable que dans sa version ancienne, l’évangile de Marc se terminait au verset 8, de façon assez abrupte. Si abrupte que certains ont jugé bon d’ajouter une conclusion, pour l’adoucir quelque peu… Mais ce matin, je vous propose de nous en tenir à la version originale, et de lire le récit du matin de Pâques tel qu’il se trouvait sans doute dans la première version achevée de l’évangile de Marc. Nous n’irons donc pas au-delà du verset 8. 

Marc 16.1-8
1Quand le jour du sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, et Salomé achetèrent des huiles parfumées pour aller embaumer le corps de Jésus. 2Le dimanche de grand matin, au lever du soleil, elles se rendent au tombeau. 3Elles se disaient l'une à l'autre : « Qui roulera pour nous la pierre à l'entrée du tombeau ? » 4Mais quand elles lèvent les yeux, elles voient qu'on a déjà roulé la pierre, qui était très grande. 5Elles entrèrent alors dans le tombeau ; elles virent là un jeune homme, assis à droite, qui portait un vêtement blanc, et elles furent effrayées. 6Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié ; il est ressuscité, il n'est pas ici. Voici l'endroit où on l'avait déposé. 7Allez maintenant dire ceci à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée ; c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit.” » 8Elles sortirent alors et s'enfuirent du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et stupéfaites. Et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

Même avec cette fin abrupte qui nous surprend et nous interpelle, le récit qui termine l’évangile de Marc affirme sans ambiguïté la résurrection de Jésus-Christ. Le tombeau est vide, la pierre a été roulée, un messager l’affirme avec force : « Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié ; il est ressuscité, il n'est pas ici. »

Mais il y a deux absences dans ce récit, qui lui donnent comme un goût d’inachevé… mais qui est tout à fait volontaire :

  • Jésus lui-même est absent. Pour le rencontrer, les disciples devront se rendre en Galilée : « Il vous précède en Galilée ; c'est là que vous le verrez. »
  • Le récit se termine sur le silence des femmes, leur absence de témoignage : « Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. »


Jésus est absent

Jésus lui-même est absent du récit du matin de Pâques chez Marc. Les indices de sa résurrection sont, d’abord, le tombeau vide, puis les paroles du messager qui explique l’absence du corps de Jésus du tombeau : il n’est pas là, il est ressuscité ! Mais il n’y a pas de récit d’apparition du Ressuscité aux femmes ou aux disciples, comme c’est le cas dans les autres évangiles. 

Jésus est absent du récit… mais il donne rendez-vous à ses disciples en Galilée. Ça fait partie de ce que le messager dit aux femmes : « Il vous précède en Galilée ; c'est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit. » Il y a donc bien une promesse. Jésus ne va pas laisser les femmes et les disciples dans l’expectative, ils n’auront pas à se contenter du tombeau vide, ils vont bel et bien voir le Christ ressuscité. Mais pour cela, il faut encore qu’ils se rendent au rendez-vous qu’il leur a fixé. Il les attend en Galilée. 

Ne peut-on pas en tirer déjà une leçon pour nous ? Il y a toujours un chemin à faire pour rencontrer le Ressuscité. 

Ce chemin est propre à chacun. La première rencontre avec le Christ est toujours l’aboutissement d’un chemin, plus ou moins long. Un chemin marqué par nos origines, l’éducation reçue, des expériences, des rencontres, des circonstances variées. C’est un chemin fait de quêtes spirituelles plus ou moins tortueuses, parfois d’impasses impliquant des remises en question. Et puis, un jour, la rencontre a lieu. Comme une évidence, ou comme un pari raisonnable, une décision de foi. Et c’est le début d’un nouveau chemin. 

En fait, j’ai l’impression que la vie chrétienne n’est qu’une succession de rendez-vous que le Christ nous adresse. Pour poursuivre le chemin, ne pas en rester à nos acquis, approfondir notre connaissance de sa personne et de sa volonté, nous permettre de progresser dans la mise en pratique de sa volonté et dans le service de notre prochain. 

Nous pouvons alors nous demander : où est notre Galilée ? Où Jésus nous attend-il aujourd’hui ? Quel chemin attend-il que nous fassions pour le rencontrer de façon renouvelée ? 

Peut-être est-ce dans une nouvelle façon de le prier, ou dans un nouveau temps mis à part dans mon quotidien, dans une retraite spirituelle ?... Ou peut-être est-ce dans un nouveau service de mon prochain, dans un nouvel engagement ?... 

Osons nous arrêter pour nous poser la question : où Jésus m’attend-il aujourd’hui ? 


Le silence et la peur

L’autre aspect étonnant du récit du matin de Pâques chez Marc est l’attitude dans laquelle se tiennent les femmes après avoir découvert le tombeau vide et entendu les paroles du messager. « Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. » La formule interroge : pourquoi ce silence et cette peur ? 

Il y avait sans doute un effet de sidération, peut-être une difficulté à croire ce qu’elles ont vu et entendu. Leur tristesse était immense. La mort de Jésus était une grande épreuve pour elles, une terrible désillusion. Elles ne s’attendaient pas une seconde à découvrir le tombeau vide, et encore moins d’y trouver un messager annonçant que Jésus est ressuscité. Il faut du temps pour encaisser le choc. On comprend qu’elles aient pu être abasourdies. 

Est-ce qu’il y avait aussi une peur de ne pas être écoutée, de ne pas être prises au sérieux ? Il ne faut pas oublier le contexte patriarcal de l’époque : ce sont des femmes, et en ce temps-là, le témoignage d’une femme n’avait pas vraiment la même valeur que celui d’un homme. On en a des échos dans les autres évangiles. A chaque fois, on dit que ce sont les femmes qui ont découvert le tombeau vide et qui vont l’annoncer aux disciples, et dans tous les cas on voit les hommes aller vérifier si c’est vrai… Les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs, quand ils rencontrent Jésus sans le reconnaître, disent : « Quelques femmes de notre groupe nous ont frappés de stupeur, il est vrai : elles se sont rendues tôt ce matin au tombeau mais n'ont pas trouvé son corps. Elles sont revenues nous raconter qu'elles avaient eu une vision : des anges qui leur ont déclaré qu'il est vivant. » (Luc 24.22-23) Vous percevez la perplexité dans ces paroles ? 

Aujourd’hui encore, le message de Pâques est un message extraordinaire… qu’il n’est pas forcément facile d’assumer. On peut se retrouver dans la même situation que l’apôtre Paul à Athènes qui, sur la place publique de l’aréopage, discutait avec quelques philosophes. Tant qu’il parlait du Dieu Créateur, de sa proximité, de son universalité… tout allait bien. Mais quand il a évoqué la résurrection, tout a changé : « Lorsqu'ils entendirent Paul parler d'une résurrection des morts, les uns se moquèrent de lui et les autres dirent : Nous t'écouterons parler de ce sujet une autre fois. » (Actes 17.32)

Affirmer que Jésus est ressuscité est, depuis 2000 ans, un message difficile à accepter. Il va à l’encontre de tout ce que nous savons de la vie et de la mort. C’est pourtant le cœur de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Comme le dira l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe : « si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi ne mène à rien et vous êtes encore en plein dans vos péchés. » (1 Corinthiens 15.17). Enlevez la résurrection du Christ, et tout l’édifice de notre foi s’écroule. 

La question que nous pose la fin ouverte de l’évangile de Marc, avec la peur et le silence des femmes, est donc la suivante : que faisons-nous du message de Pâques ? Affirmer la résurrection du Christ peut paraître comme une folie… ce n’est pas nouveau ! C’est pourtant la seule Bonne Nouvelle, source de notre espérance. 

Mais le message de Pâques est aussi un message à vivre. La résurrection ouvre sur la possibilité d’une rencontre avec le Christ ressuscité. Il est vivant aujourd’hui encore et il nous communique une vie nouvelle, par son Esprit. 

Le message de Pâques, il s’agit de le proclamer, quand l’occasion se présente. Et il s’agit de le vivre, en toute occasion. 

Il ne s’agit pas de le marteler partout et tout le temps. C’est quand même un message difficile à recevoir, qui réclame une démarche de foi. Il s’agit de respecter le chemin de chacun, de laisser du temps, de l’espace à l’autre. Dieu prend bien le temps qu’il faut avec nous... Mais l’enjeu pour nous, témoins du Ressuscité, est de saisir les occasions qui se présentent. Et témoigner de notre espérance. Demandons à Dieu le courage de saisir les occasions, et la sagesse de ne pas en faire trop… 

Et il s’agit de ne pas en rester seulement à un message à proclamer, encore moins une vérité à asséner. La résurrection du Christ est une réalité à vivre. Et cela, tout le temps. Nous ne sommes pas les témoins d’un message ou d’une doctrine, encore moins d’une Eglise ou d’une morale. Nous sommes les témoins du Christ ressuscité, vivant en nous par son Esprit. Ce sont nos actes, notre attitude, notre amour pour notre prochain qui en parleront le mieux. C’est comme cela que nous serons des témoins vivants du Christ vivant. 


Conclusion

Il est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Voilà 2000 ans que ce message extraordinaire est proclamé par les chrétiens du monde entier. Nous ne voulons pas rester dans la peur ni dans le silence. Car c’est une bonne nouvelle, pour toutes et tous, et elle est source d’une espérance éternelle.  

Cette bonne nouvelle, elle est non seulement à proclamer aujourd’hui encore, mais elle est aussi à vivre à chaque instant de notre vie. Elle grandit en nous par une rencontre sans cesse renouvelée avec le Christ vivant. A nous de discerner quelle est notre prochaine étape, là où le Christ nous attend. 

Il est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !

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