dimanche 16 mars 2014

Va, sur ton propre chemin !

Lecture biblique : Genèse 12.1-8

On surnomme Abraham le père des croyants. Son histoire dans la Genèse raconte son cheminement vers une foi totale en Dieu, depuis l'appel reçu à Ur en Chaldée jusqu'au mont Moriya où il était prêt à offrir son fils Isaac en sacrifice. Ces récits ont valeur d'exemple et font de la figure d'Abraham une sorte de prototype du croyant, dont nous pouvons tirer des enseignements pour notre propre cheminement de foi.

L'appel de Dieu commence avec une formule étonnante : en hébreu, lekh lekha. Littéralement : « va pour toi » ou « va vers toi ». Il y a eu de nombreuses interprétation de cette formule, plus ou moins psychanalytiques... D'autres préfèrent simplement y voir une formule intensive, qu'on pourrait traduire « Va, quant à toi... ». Qu'en est-il ?

On retrouvera la même formule au chapitre 22, quand Dieu dira à Abraham d'aller offrir son fils Isaac en sacrifice. Au moment où, au premier abord, la promesse elle-même de Dieu semble être remise en cause : comment Abraham pourra-t-il être père d'une grande nation s'il doit tuer son fils ? Forcément, la formule fait référence à l'appel initial d'Abraham.

D'autant que la formule est extrêmement rare dans la Bible et qu'on ne la retrouve qu'une seule autre fois dans l'Ancien Testament, cette fois au pluriel, en Josué 22.4. C'est un contexte différent mais qui a quand même quelques similitudes. C'est Josué qui envoie les tribus qui avaient choisis de rester en Transjordanie, pour qu'ils aillent s'y installer, après avoir aidé leurs frères des autres tribus dans la conquête de Canaan. L'idée est bien aussi celle d'aller sur leur propre chemin, en lien avec un appel et une promesse.

Bref, lekh lekha ne peut être perçu simplement comme une formule intensive. Sa rareté et l'usage de la formule à deux moments cruciaux de la vie d'Abraham nous invitent à aller plus loin... Il y a bien ici un appel à une mise en marche particulière, un appel à la foi qu'on pourrait exprimer ainsi : « Va, sur ton propre chemin ! ». Ça s'accorde du reste avec la suite du verset où il est question pour Abraham de quitter son pays et sa famille. Bref, d'emprunter son propre chemin.

Chacun son chemin

Dieu adresse à Abraham un appel personnel qui le met en marche « pour soi ». Le chemin de foi ne peut être qu'un chemin propre à chacun. Parce que la foi n'est pas héritée, même si elle peut naître dans un terreau plus ou moins favorable. Elle est toujours un chemin personnel, que nul ne peut emprunter à notre place.

Autrement dit, le verbe croire se conjugue toujours à la première personne. Même si ça peut être la première personne du singulier ou du pluriel ! La foi, c'est toujours « Je crois » et « Nous croyons ». Ça n'est pas le « tu crois » ou plutôt « tu dois croire » inquisiteur et légaliste qui veut dicter aux autres ce qu'ils doivent croire et comment ils doivent croire. Ce n'est pas plus le « il croit » ou pire le « on croit » impersonnel. Celui d'un discours distant sur la foi, d'une analyse froide et abstraite.

La foi, c'est toujours le « je crois » personnel. Celui de ma vie de disciple de Jésus-Christ, l'expression de ma relation avec le Christ. Elle fait partie intégrante de ma vie. Elle m'appartient. Elle fait partie de mon intimité, de mon identité.

Mais la foi, c'est aussi le « nous croyons » communautaire. D'ailleurs l'appel d'Abraham, s'il est personnel, a aussi une dimension communautaire : « je ferai de toi un grand peuple ». Chacun son chemin, oui. Parce qu'on ne peut pas marcher à ma place. Mais pas chacun pour soi ! Nous ne sommes pas seuls sur le chemin. Nous le partageons avec les autres « marcheurs ».

Une Église est une communauté de marcheurs. Nous devons nous considérer les uns les autres comme des compagnons de route, des disciples en marche à la suite du Christ.

Aller, c'est quitter

Abraham, pour répondre à l'appel de Dieu, a dû quitter « son pays, sa famille et la maison de son père ». Et il avait 75 ans... Ce n'était pas un petit jeune qui partait de chez papa et maman pour aller à l'aventure !

L'appel à la foi reçu par Abraham l'oblige à changer de vie, en quittant ce qui faisait sa vie jusqu'alors : ses origines, sa culture, ses racines. Aller, c'est quitter... La foi est un chemin de renoncement, pas de confort. Et c'est vrai non seulement au début de notre vie chrétienne mais aussi tout au long du chemin. Si elle nous met en marche, la foi nous garde aussi toujours en mouvement. S’arrêter, s’installer, se contenter de ses acquis, c’est déjà quitter le chemin !

La foi n'est jamais un chemin de confort... Ou alors, c'est qu'on met notre foi en péril. Car la routine, la tiédeur, le confort sont des dangers pour la foi, au moins autant que les épreuves ou la persécution.

Mais rapidement, le confort peut refaire surface, de multiples façons. Le confort d'une vie chrétienne routinière, avec ses habitudes rassurantes, avec le cocon tiède d'une vie d'Eglise pépère, la tranquillité d'une vie de disciple du Christ anonyme, avançant toujours à couvert sans trop se mouiller. Ou alors, le confort aliénant d'un légalisme qui rythme la vie par une liste d'interdits et d'obligations, le confort intellectuel d'un croyant qui croit avoir tout compris et qui n'a donc plus besoin de se remettre en cause...

Quelles sont les zones de confort dans notre vie chrétienne que nous devrions quitter ?

En marche vers l'inconnu...

Quand il part, Abraham sait ce qu'il quitte, mais il ne sait pas où il va ! « Va dans le pays que je te montrerai ». Il ne sait pas encore quel sera ce pays !

C'est là que s'exprime la foi dans sa dimension de confiance. Abraham doit faire confiance à Dieu quand il lui dit qu'il va lui montrer un pays. Il n'a aucun plan de route précis, il ne connaît même pas le but de son voyage. C'est en route que les choses se préciseront. Dieu renouvellera et précisera sa promesse à plusieurs reprises. Et le voyage d'Abraham sera tout sauf une croisière paisible sur un long fleuve tranquille. La route sera émaillée d'épreuves, d'imprévus, de choix malheureux...

L'exemple d'Abraham nous rappelle que pour répondre à l'appel de Dieu, il n'y a pas besoin d'avoir tout compris ! C'est toujours vrai aujourd'hui ! Il s'agit d'abord de choisir de faire confiance à Dieu et de s'engager sur le chemin... en route vers l'inconnu.

Pour répondre à l'appel de Dieu, que ce soit au début de notre vie chrétienne ou plus tard, n'attendons pas d'avoir toutes les cartes en main. Le risque zéro n'existe pas... même dans la vie chrétienne ! Et si on attend assis sur notre chaise (même si c'est pour prier !) que tout soit clair, confirmé et reconfirmé avant de répondre... on risque bien de rester assis longtemps ! C'est bien en souvent lorsque nous nous sommes levés et mis en marche que les projets de Dieu pour nous se précisent.

Ça signifie aussi qu'on ne peut pas attendre des nouveaux convertis, ou de ceux qui sont en chemin vers Dieu, qu'ils aient dès le début une théologie parfaitement orthodoxe. On ne peut pas plus attendre d'eux qu'ils aient une conduite parfaite... ou plutôt qu'ils se fondent dans le moule du bon-chrétien-vraiment-converti-et-ça-doit-se-voir ! Il suffit de lire la suite de l'histoire d'Abraham pour se rendre compte qu'il était encore loin d'être le croyant parfait et irréprochable...

Conclusion

« Va, sur ton propre chemin ! » C'est un peu ce que le Seigneur dit à Abraham dans notre texte. Va, quitte ton pays, prend le risque de me faire confiance. J'ai des promesses en réserve pour toi.

Le Seigneur nous dit la même chose aujourd'hui. Va, sur ton propre chemin. Ne te contente pas du chemin déjà parcouru. Va plus loin. Quitte tes zones de confort pour découvrir les promesses que Dieu a en réserve pour toi.

Nous en sommes tous là... Nous sommes des marcheurs de la foi : chacun son cheminement, mais ensemble sur le chemin.

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