dimanche 19 juin 2022

Le miracle du partage

Ecouter la prédication

Luc 9.10-17

10 Les apôtres revinrent et racontèrent à Jésus tout ce qu'ils avaient fait. Il les emmena et se retira avec eux à l'écart près d'une localité appelée Bethsaïda. 11 Les foules l'apprirent et le suivirent. Jésus les accueillit, leur parla du règne de Dieu et guérit ceux qui en avaient besoin. 12 Le jour commençait à baisser ; alors les douze disciples s'approchèrent de Jésus et lui dirent : « Renvoie tous ces gens, afin qu'ils aillent dans les villages et les campagnes des environs pour y trouver à se loger et à se nourrir, car nous sommes ici dans un endroit inhabité. » 13 Mais Jésus leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » Ils répondirent : « Nous n'avons que cinq pains et deux poissons. Irons-nous acheter des vivres pour tout ce monde ? » 14 Il y avait là, en effet, environ 5 000 hommes. Jésus dit à ses disciples : « Faites-les s'installer par groupes de cinquante environ. » 15 Les disciples obéirent et les firent tous s'installer. 16 Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux vers le ciel et dit une prière de bénédiction pour ces aliments. Il les partagea et les donna aux disciples pour qu'ils les distribuent à la foule. 17 Chacun mangea à sa faim. On emporta douze corbeilles pleines des morceaux qu'ils eurent en trop.

Imaginons un peu la scène… On voit, au début de notre texte, qu’il y a plein d’effervescence chez les disciples. Il faut dire que peu de temps avant, Jésus les avait envoyés deux par deux proclamer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu et guérir les malades. Ils y sont allés, et ils ont vécu des choses extraordinaires ! Ce que Jésus avait annoncé se déroulait sous leurs yeux, par leurs mains : « ils passaient dans tous les villages, annonçaient la bonne nouvelle et guérissaient partout les malades. » (Luc 9.6)

Tout excités par ce qu’ils ont vécu, les disciples reviennent vers Jésus pour lui raconter ce qui s’était passé. Et Jésus prend le temps de les écouter. Il se met à l’écart, avec eux, non loin du village de Bethsaïda, et écoute avec attention le récit de ses disciples, se réjouissant sans doute avec eux de voir le Royaume de Dieu se manifester avec puissance. 

Mais ils ne restent pas longtemps tranquilles. Les foules apprennent que Jésus et ses disciples sont dans le coin et ils vont se débrouiller pour les rejoindre. Ils ne vont quand même pas passer à côté de cette occasion ! Alors ils viennent déranger Jésus et ses disciples dans leur retraite. Et Jésus les accueille, leur annonçant le règne de Dieu et guérissant les malades. 

Je ne suis pas sûr que les disciples étaient très contents de se voir interrompre dans leurs récits. Mais il est comme ça, Jésus. Toujours disponible. Toujours prêt à accueillir et à écouter ceux qui viennent vers lui. Toujours prêt à leur parler de la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu. Toujours prêt à guérir ceux qui ont besoin de lui. Même s’il a bien du mal à trouver du temps pour lui, au calme… Tant pis. Il est là pour les autres !

Alors il prend le temps qu’il faut… tant et si bien que le jour commence à baisser. Il va bientôt faire nuit : il va falloir faire quelque chose ! Jésus, lui, ne semble pas voir passer le temps quand il l’occupe avec les gens qui ont besoin de lui. Les disciples, eux, gardent les pieds sur terre et entendent ramener Jésus à la raison ! Il va faire nuit, ils sont dans un lieu isolé, il faut renvoyer tous ces gens, il faut qu’ils trouvent à se nourrir et se loger. 

Et là, Jésus leur fait une réponse étonnante. Ce n’est pas la première fois, mais les disciples ne s’attendaient certainement pas à celle-là !  C’est une de ces réponses dont Jésus a le secret, inattendue et déstabilisante : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » Euh… sérieux ? C’est une blague ou quoi ? Est-ce qu’il se rend compte de ce qu’il dit ? Il faut qu’il redescende sur terre, là. Ça ne va pas être possible… Le calcul est vite fait : ils ont à peine cinq pains et deux poissons. Ce n’est déjà pas beaucoup pour le groupe qu’ils forment, alors pour toute la foule, il ne faut pas rêver ! On parle de 5000 hommes au moins… sans compter les femmes et les enfants. En ce temps-là, ces catégories de personnes ne comptaient pas trop mais eux aussi aurons besoin de manger. On ne va quand même pas aller faire les courses pour tout le monde ! Uber Eats ou Deliveroo n’existaient pas encore à l’époque… et de toute façon les disciples n’avaient pas les moyens, ils avaient déjà du mal à joindre les deux bouts ! Et puis, tous ces gens, ils auraient pu y penser un peu avant quand même… Tu viens passer la journée à écouter Jésus, en pleine campagne, et tu ne prévois pas ton casse-croûte. Allô, quoi ! 

Mais les disciples se rendent vite compte que ce n’est pas du tout une blague de la part de Jésus. Il est très sérieux. Il leur donne même des instructions pour organiser la distribution et que ça ne soit pas le chaos : regrouper tout le monde par groupe de 50 environ pour faire la distribution. Avec cinq pains et deux poissons… Bon, ils obéissent. Qu’est-ce qu’ils peuvent faire d’autre ? De toute façon, Jésus ne semble pas prêt à négocier… 

Une fois que c’est fait, j’imagine que tout le monde fait silence pour voir ce qui va se passer. Les disciples n’ont pas formé des plus petits groupes pour rien. Alors Jésus se lève, il se tient devant tout le monde, il prend en main les pains et les poissons, et il prie. Il rend grâce à Dieu, comme il le ferait au début de n’importe quel repas… Et puis il partage les pains, les poissons, il donne les morceaux aux disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. J’imagine la gêne des disciples. Mettez-vous à leur place : ils doivent distribuer cinq pains et deux poissons à des milliers de personnes ! Alors ils commencent, sans doute timidement, à donner au premier groupe. Peut-être qu’ils ont encore divisé les parts que Jésus leur donnait, au cas où. Et puis ils reviennent vers Jésus les mains vides. Seules quelques personnes ont été servies… Et Jésus leur redonne d’autres parts. Tiens, c’est étonnant ! Ils pensaient qu’après le premier tour, il ne resterait déjà rien ou presque. Quand ils reviennent pour la deuxième fois et que Jésus leur redonne encore du pain et du poisson à distribuer, ils ont dû se dire que quelque chose était en train de se passer. Ils y retournent une troisième fois, une quatrième fois… et il y a toujours du pain et du poisson. Les disciples ont dû alors commencer à faire des allers-retours avec plus d’entrain, arrêtant de mesurer les parts, peut-être même qu’ils sont retournés auprès des premiers servis avec lesquels ils avaient été un peu radin. 

Et puis, sans doute qu’une rumeur a dû se répandre dans la foule. Quelque chose d’extraordinaire est en train de se passer. Jésus nourrit tout le monde avec quelques pains et quelques poissons. Une joie, un enthousiasme a sans doute gagné la foule. Peut-être que certains, ayant fini de manger, se sont levé pour aider les disciples à distribuer les pains et les poissons. Personne ne craignait plus de manquer. 

Et finalement tout le monde a eu sa part, chacun a mangé à sa faim. Plus encore, il y a des restes. On avait dû finir par distribuer des trop grosses parts… L’enthousiasme a probablement encore grandi : il y a des restes ! Et pas qu’un peu : on en remplit des corbeilles pleines ! Douze corbeilles pleines de morceaux de pains et de poissons. Autrement dit, après le repas, il restait une bien plus grande quantité de pain et de poisson que ce qu’il y avait à disposition avant le repas. Et pourtant, entre temps, tout le monde avait mangé à sa faim ! 

Le texte biblique ne nous le dit pas, mais j’imagine qu’après un tel événement aussi étonnant, la fête a battu son plein, la foule ne s’est pas dispersée de sitôt et tout le monde a dû se coucher bien tard cette nuit-là… 


Quelles leçons tirer de cet épisode ? 

Ce miracle de Jésus, comme tous ses miracles dans les Evangiles, est un signe. Il nous dit quelque chose du Royaume de Dieu que Jésus est venu inaugurer. Il y a sans doute plusieurs niveaux de lecture de cette histoire, je vous en propose un autour de la notion de partage.

Le partage met en mouvement le Royaume de Dieu

Quand on considère la façon dont le miracle s’est déroulé, on remarque qu’il se produit lorsque le pain et les poissons sont partagés. 

Ça aurait pu se passer autrement ! Les pains et les poissons auraient pu par exemple se multiplier au moment de la prière de Jésus, et remplir miraculeusement en une fraction de seconde les paniers vides qui accueilleront les restes à la fin du repas. Mais ça ne s’est pas passé comme ça. La distribution a bien commencé avec cinq pains et deux poissons. Donc rien du tout au regard des milliers de personnes présentes. Et ils se sont multipliés alors que les disciples les partageaient avec la foule. 

On a sans doute tous été confronté au même sentiment que celui que les disciples ont eu au moment où Jésus leur a demandé de distribuer les pains et les poissons à la foule. Vous savez, cette impression d’être une goutte d’eau dans un océan. A quoi ça sert ? Qu’est-ce qu’on y peut ? Les besoins sont tellement grands ! Quelques pains et quelques poissons ne peuvent pas nourrir une foule. Ce que nous avons à apporter ne peut pas répondre aux besoins immenses que l’on constate autour de nous… 

Et si ce récit de miracle nous disait : apportons ce que nous avons, ce que nous sommes… et Dieu fera le reste ! Ailleurs, Jésus comparera le Royaume de Dieu a des grains de moutarde. Si petit lorsqu’on les met en terre et qui finissent par produire des arbustes où les oiseaux vont faire leur nid. C’est la même logique ici. 

Ne négligeons jamais les petits commencements. Commencer à vivre le Royaume de Dieu aujourd’hui, ce n’est pas avoir la folie des grandeurs. C’est commencer à partager le peu que nous avons reçu, et laisser Dieu le multiplier. 

En tant que croyant, on peut parfois se dire : « mais moi, je ne fais pas grand-chose pour le Seigneur. Je ne fais rien d’extraordinaire, je ne vois pas des miracles s’accomplir dans ma vie et autour de moi. »

Mais Dieu ne nous demande pas d’accomplir des miracles, il nous demande de partager les quelques pains et poissons que nous avons. Simplement. Humblement.  

Partager c’est multiplier

Il faut comprendre que l’arithmétique du Royaume de Dieu n’est pas la nôtre. Dans le Royaume de Dieu, partager, ce n’est pas diviser, c’est multiplier ! 

C’est de l’amour ! Et l’amour partagé se multiplie. Quand vous êtes parent de plusieurs enfants, votre amour pour eux n’est pas divisé en parts plus ou moins égales comme on partagerait une tarte. Si vous aimez vos enfants, vous les aimez tous autant, sans avoir l’impression de devoir moins aimer l’un pour aimer l’autre. L’amour se multiplie. 

Le cœur du Royaume de Dieu, c’est l’amour. Jésus l’a dit : le plus grand commandement est double, c’est l’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain. Sa nature c’est d’être partagé. 

La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, les bienfaits qu’elle procure, la foi, l’espérance et l’amour qui s’y rattachent, tout cela n’est pas là pour être gardé, conservé jalousement, mais pour être partagé, sans compter. 

Si notre vie chrétienne n’est qu’une affaire de paix intérieure et d’épanouissement personnel, on est à côté de la plaque. Les cinq pains et deux poissons de notre foi, partageons-les avec notre prochain.

Si notre vision pour l’Eglise n’est que de prendre soin de ses membres, d’être un cocon douillet pour nous faire du bien, on est à côté de la plaque. L’Eglise est là pour la foule qui nous entoure, pour celles et ceux qui ont faim de connaître Dieu. 

Le Royaume de Dieu nous pousse au partage !


Conclusion

Peut-être qu’on ne devrait pas appeler ce récit celui de la multiplication des pains… Si Jésus avait miraculeusement multiplié les pains et les poissons avant la distribution, on aurait pu l’appeler comme ça. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé… 

Dans le récit, l’accent tombe sur le partage, la réponse à l’injonction de Jésus : « donnez-leur vous-mêmes à manger ! ». C’est dans le partage de leurs faibles ressources que le miracle s’est produit. C’est lorsque les disciples ont commencé à distribuer les morceaux de pain et de poisson que Jésus a fait en sorte que tous puissent manger à leur faim. 

Ce miracle est celui du partage des pains et des poissons, où Jésus a miraculeusement fait en sorte que tous soient nourris. 

Jésus ne nous pousse pas à accomplir des miracles. Ça ne peut pas dépendre de nous. Il nous pousse en revanche au partage. Ce que nous avons reçu, ne le gardons pas pour nous. Partageons-le. C’est la meilleure façon de le multiplier ! 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un commentaire !