dimanche 26 juin 2022

Solidaires de tout ce qui vit

 

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L’arc-en-ciel, c’est d’abord un phénomène naturel, un spectacle étonnant que la nature nous offre après un orage ou une averse, quand le soleil reparaît. C’est le principe de la réfraction : la lumière blanche du soleil se décompose en passant à travers les gouttes d’eau. La lumière blanche étant le résultat du mélange de lumière rouge, orange, jaune, verte, bleue, indigo et violette, on retrouve ces 7 couleurs dans l’arc-en-ciel, projetée sur le ciel chargé d’humidité et de nuages.

C’est toujours un spectacle étonnant, et il n’est pas surprenant que l’arc-en-ciel ait été repris comme symbole dans beaucoup de cultures. 

Il est présent dans les différentes mythologies, souvent comme lien entre le ciel et la terre. Par exemple, dans la mythologie nordique, c’est le Bifröst, un arc-en-ciel qui fait office de pont entre la Terre (Midgard) et le Ciel (Ásgard). C’est aussi repris dans les comics et les films Marvel ! Mais on pourrait mentionner d’autres exemple, en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud. 

Dans la période moderne, l’arc-en-ciel est un symbole de paix utilisé comme drapeau dans certains mouvements pacifistes. Et il est, depuis quelques décennies, devenu le symbole de la communauté LGBT. 

Mais l’arc-en-ciel est aussi un symbole biblique, qui apparait dans la Genèse, au lendemain du Déluge, dans un récit important pour un culte consacré à notre rapport à la Création. 

Genèse 9.1-17

1 Dieu bénit Noé et ses fils en leur disant : « Ayez des enfants, devenez nombreux et peuplez toute la terre. 2 Vous inspirerez désormais frayeur et crainte à toutes les bêtes de la terre, aux oiseaux, aux petits animaux et aux poissons ; ils sont à votre entière disposition. 3 Tout ce qui remue et qui vit vous servira de nourriture ; comme je vous avais donné l'herbe verte, je vous donne maintenant tout cela. 4 Cependant vous ne devez pas manger la viande qui contient encore la vie, c'est-à-dire le sang. 5 Votre sang aussi, qui est votre vie, j'en demanderai compte ; j'en demanderai compte à tout animal qui aura tué un être humain, comme à tout être humain qui aura tué son semblable ; je demanderai compte de la vie de l'humain.

6 Celui qui répand le sang de l'être humain,

c'est par un être humain que son sang sera répandu,

car Dieu a fait l'être humain à son image.

7 Et vous, ayez des enfants, devenez nombreux et répandez-vous en grand nombre sur la terre. »

8 Dieu dit encore à Noé et à ses fils : 9 « J'établis mon alliance avec vous, ainsi qu'avec vos descendants 10 et avec tout ce qui vit autour de vous : les oiseaux, les animaux domestiques ou sauvages, ceux qui sont sortis de l'arche et tous ceux qui vivront à l'avenir sur la terre. 11 Voici à quoi je m'engage : jamais plus le déluge ne supprimera la vie sur terre ; il n'y aura plus de déluge pour ravager la terre. » 12 Et Dieu ajouta : « Voici le signe de l'alliance établie entre moi, vous et tout être vivant, pour toutes les générations à venir : 13 je place mon arc dans les nuages ; il sera un signe qui rappellera l'engagement que j'ai pris à l'égard de la terre. 14 Chaque fois que j'accumulerai des nuages au-dessus de la terre et que l'arc-en-ciel apparaîtra, 15 je penserai à l'alliance établie entre moi, vous et toutes les espèces d'animaux : il n'y aura jamais plus de déluge pour anéantir la vie. 16 Je verrai paraître l'arc-en-ciel, et je penserai à l'alliance éternelle établie entre moi et toutes les espèces vivantes de la terre. » 17 Et Dieu le répéta à Noé : « L'arc-en-ciel est le signe de l'alliance que j'ai établie entre moi et tous les êtres qui vivent sur la terre. »

L’arc-en-ciel est donc dans la Bible le signe de l’alliance de Dieu, faite avec Noé, après le Déluge. 

Evidemment, on comprend pourquoi l’arc-en-ciel est lié au Déluge. On sait que c’est bien après un orage, quand l’humidité sature l’air et que le soleil refait son apparition, qu’un arc-en-ciel paraît dans le ciel.  C’est un phénomène naturel… mais qui est pris comme signe de l’alliance de Dieu avec Noé. Et pas seulement avec Noé, d’ailleurs. Ce n’est pas simplement le rappel d’une alliance ancienne, c’est une alliance renouvelée et élargie. 

On ne revient pas simplement au début. Ce n’est pas un retour au jardin d’Eden, dans une paix et une harmonie retrouvée (puisque le retour est impossible, on l’apprend à la fin de Genèse 3). On est bien sur la terre, après le Déluge, avec une humanité qui s’est détournée de Dieu et a fait preuve de violence. Elle a adopté un comportement qui impacte négativement son environnement. C’était vrai dès Genèse 3 : « La terre sera maudite à cause de toi… » 

C’est dans ce contexte que Dieu renouvelle son alliance avec l’humanité, dans les versets 1-7, comme il l’avait fait avec Adam, mais cette fois avec Noé. On retrouve des formules similaires à celle que Dieu avait employées en Genèse 1, appelant par exemple à se multiplier et à se répandre sur la terre. 

Pourtant, tout ne tourne pas complètement rond : les êtres humains inspirent maintenant de la frayeur aux bêtes de la terre, parce que désormais ils s’en nourrissent. Eh oui, dans la Bible, à l’origine les humains étaient végétariens : « Tout ce qui remue et qui vit vous servira de nourriture ; comme je vous avais donné l'herbe verte, je vous donne maintenant tout cela. » (v.3) 

Bien plus, les humains ont malheureusement démontré leur capacité à faire couler le sang non pas seulement pour se nourrir mais juste pour tuer, y compris leurs semblables. Ce fut le cas dès Genèse 4, lorsque Caïn, le fils d’Adam et Eve, a tué son frère Abel. Et puis par la suite, ça n’a fait que croître… Dieu doit mettre un frein à cela ! L’humanité doit redémarrer sur de nouvelles bases, avec Noé. 

Dieu met alors solennellement en garde contre le meurtre et interdit la consommation de sang, car le sang, c’est la vie. 

L’alliance est donc renouvelée, mais dans un contexte qui a changé depuis le jardin d’Eden. Et non seulement l’alliance est renouvelée mais elle est élargie. Ici, explicitement, Dieu fait alliance non seulement avec l’humanité, non seulement avec Noé et ses descendants, mais aussi « avec tout ce qui vit autour de vous ». Dieu s’engage à ne plus jamais envoyer de Déluge, et il place l’arc-en-ciel pour le lui rappeler… et nous le rappeler ! 

Cette alliance élargie souligne ce qui était pourtant déjà sous-entendu dès Genèse 1, mais c’est dit cette fois de façon explicite : même s’ils occupent une place à part dans la Création, les êtres humains sont interdépendants de toute la Création, au bénéfice d’une alliance commune avec tous les êtres vivants. 

Voilà pourquoi ce texte interroge notre lien à la Création, et plus spécifiquement notre rapport au vivant. 


Notre lien à la Création

Le corollaire de ce texte, dans le Nouveau Testament, ce sont peut-être ces paroles étonnantes de l’apôtre Paul aux Romains : 

Romains 8.19-21

19 La création entière attend avec impatience le moment où Dieu révélera ses enfants. 20 Car la création est tombée sous le pouvoir de forces qui ne mènent à rien, non parce qu'elle l'a voulu elle-même, mais à cause de celui qui l'y a mise. Il y a toutefois une espérance : 21 c'est que la création elle-même sera libérée un jour du pouvoir destructeur qui la tient en esclavage et qu'elle aura part à la glorieuse liberté des enfants de Dieu.

On entend parfois des chrétiens dire : « c’est bien joli de parler d’écologie, mais le plus important c’est le salut des âmes ! » OK… mais Paul parle bien aussi d’un salut pour la Création, ou du moins il souligne qu’il y a aussi une dimension cosmique dans le salut acquis par le Christ, qui concerne la Création tout entière. 

Elle souffre et soupire, elle attend le moment de l’accomplissement du salut. Tout comme la Création tout entière est au bénéfice de l’alliance de Dieu, la Création tout entière sera au bénéfice de l’œuvre de salut de Dieu, ayant part elle aussi à la glorieuse liberté des enfants de Dieu, celle d’être libéré de tout pouvoir destructeur. 

Il est donc bien légitime et normal qu’un chrétien se préoccupe d’écologie. Préserver la Création, en prendre soin, s’émerveiller devant elle, c’est aussi respecter l’alliance de Dieu avec tout ce qui vit, c’est aussi une manière d’honorer Dieu, le Créateur. Plus encore, cela fait partie, d’une certaine façon, de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ dont le salut concerne aussi la Création entière. Prendre soin de la Création, c’est non seulement respecter ce que Dieu a fait, mais c’est aussi manifester notre espérance ! 


Notre rapport au vivant

L’alliance renouvelée avec Noé, toute l’humanité et toute la Création, interroge aussi spécifiquement notre rapport au vivant. 

On parle beaucoup du dérèglement climatique mais il y a une autre catastrophe naturelle en cours, c’est l’érosion de la biodiversité. Aujourd’hui, on estime qu’un million d’espèces est menacée d’extinction dans le monde. Le rythme de disparition est 100 à 1000 fois supérieur au taux naturel d’extinction. Cette dégradation de la biodiversité est largement la conséquence de nos activités humaines (destruction des milieux naturels, surexploitation d’espèces sauvages, pollution…). En France métropolitaine, 14 % des mammifères, 24 % des reptiles, 23 % des amphibiens et 32 % des oiseaux nicheurs sont menacés de disparition du territoire, tout comme 19 % des poissons d’eau douce.

En tant que chrétien, connaissant le Créateur qui a fait un monde si beau, foisonnant de vie et merveilleux de diversité, comment pourrions-nous dire que ça ne nous concerne pas ? 

Par ailleurs, je trouve intéressant que l’alliance renouvelée avec Noé intègre des questions alimentaires, rappelant au passage que quelque chose a changé depuis l’origine, dans le rapport aux animaux. 

Ça ne veut pas dire que si on veut être fidèle à l’enseignement biblique, on doit être végétarien, même si c’est un choix tout à fait respectable. En revanche, il est légitime de s’interroger sur l’impact de notre alimentation sur la nature que Dieu a créée. Favoriser une agriculture respectueuse de l’environnement, préférer les circuits courts, consommer moins de viande… Non pas tellement dans une optique végane, antispéciste (l’idéologie est contestable), mais en considérant par exemple l’impact carbone, notamment pour la viande rouge.  


Conclusion

On ne mesure pas toujours l’impact de ce texte et sa modernité. Le fait que Dieu fasse alliance non pas seulement avec les êtres humains mais avec tout ce qui vit autour de nous est une donnée majeure pour avoir un juste rapport à la Création. 

Porter atteinte à la Création, la dégrader ou tout simplement ne pas la considérer, c’est négliger l’alliance de Dieu ! Au contraire, s’émerveiller devant la Création, en prendre soin et la préserver, c’est respecter l’alliance de Dieu, honorer le Créateur et même, au regard du Nouveau Testament, dire quelque chose de notre espérance. 

Alors oui, articuler notre foi avec les questions écologiques est légitime. C’est bien un des aspects de notre vocation chrétienne. 


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