dimanche 3 juillet 2022

Elargir notre vision de Dieu

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Vous connaissez ? C’est la fresque de la chapelle Sixtine qui représente la création d’Adam et qui fixe pour ainsi dire dans l’imaginaire collectif la représentation traditionnelle de Dieu : un vieillard à la barbe blanche… et blanc de peau ! 

Et même si on sait bien que Dieu n’est pas comme ça, c’est un stéréotype tenace qui dure depuis le Moyen-Âge, dont la peinture de Michel-Ange est déjà un écho. 

En réalité, on a tous des stéréotypes dans nos représentations de Dieu. Et j’aurais tendance à dire que c’est le cas même si on est croyant. Je ne parle pas ici des représentations visuelles, on sait que Dieu est esprit et que chercher à le représenter de façon réaliste, le peindre ou le dessiner, est un contre-sens. Mais nous avons tous nos représentations mentales, philosophiques, théologiques, de Dieu. Et elles peuvent être un piège si nous les considérons comme des absolus.  

Heureusement, il y a plusieurs textes bibliques qui viennent faire voler en éclat nos stéréotypes sur Dieu. C’est le cas, par exemple, du texte de l’Ancien Testament de ce dimanche. 

Esaïe 66.10-14a

10 Vous qui aimez Jérusalem, réjouissez-vous avec elle, enthousiasmez-vous pour elle. Vous tous qui aviez pris le deuil à cause de son malheur, partagez maintenant avec elle une joie débordante. 11 Ainsi vous vous rassasierez des consolations qu'elle vous donne, comme des nourrissons allaités par leur mère, qui tètent avec délices son sein généreux.

12 Voici en effet ce que déclare le Seigneur : « Je vais diriger vers Jérusalem un fleuve de bienfaits, et la richesse du monde comme un torrent qui déborde. Et je prendrai soin de vous comme une mère le fait pour l'enfant qu'elle allaite ; je vous porterai sur la hanche et je vous cajolerai sur mes genoux. 13 Oui, comme une mère qui console son enfant, moi aussi, je vous consolerai, et c'est à Jérusalem que vous serez consolés ! 14 Oui, vous connaîtrez ce moment-là, votre cœur sera dans la joie, et vos vieux os reprendront vie comme l'herbe au printemps. »

Nous sommes dans le dernier chapitre du livre du prophète Esaïe, dont la dernière section veut être avant tout un message de consolation et d’espérance pour un peuple en exil à Babylone. C’est la tonalité générale, même si on y trouve aussi des avertissements et des paroles de jugement, comme ce sera le cas dans les versets qui suivent immédiatement ceux que nous avons lu. Dieu y est décrit comme un juge terrifiant. Mais ici, c’est une image inattendue de Dieu qui est décrite, avec une figure tendre et paisible, celle d’une mère qui allaite son enfant et qui le console. 

L’image est déclinée sous des angles différents :

  • Le verset 11 souligne la félicité du nourrisson rassasié par l’abondance du sein de sa mère. Vous avez déjà vu sans doute l’impression de plénitude d’un nourrisson qui vient d’être nourri par sa mère… 
  • Le verset 12 souligne les soins attentionnés et tendre d’une mère envers son enfant, le portant sur sa hanche et le cajolant sur ses genoux. 
  • Le verset 13 ne développe plus l’image de l’allaitement d’un nourrisson mais plutôt celle, plus large, de la consolation qu’une mère peut apporter à son enfant. 


Dieu… notre mère

Dans tous les cas, Dieu est décrit dans ces versets comme une figure féminine. Et ça peut nous surprendre parce que la plupart du temps, y compris dans la Bible, on parle de Dieu au masculin. Même sans tomber dans la caricature du vieillard à la barbe blanche, c’est en général une figure masculine qui s’impose : celle du Seigneur ou du Père. Dans le Nouveau Testament, on parle du Fils de Dieu qui est devenu un être humain… et en l’occurrence c’était bien un homme. Impossible de le nier. 

Mais il y a quelques textes bibliques, et celui que nous avons lu est un des plus forts, qui viennent brouiller les cartes, en associant explicitement à Dieu une figure féminine. Ils sont importants parce qu’ils nous rappellent que s’adresser à Dieu en lui disant « notre Père » ne signifie pas que Dieu soit de genre masculin. En réalité, Dieu n’a pas de genre, il n’a pas d’identité sexuelle. 

Ça ne veut pas dire pour autant que nous devions cesser d’appeler Dieu notre Père. Il faut juste être conscient que les noms que nous donnons à Dieu, en réalité tous les mots que nous utilisons pour parler de Dieu, sont limités et imprécis. Ils sont de l’ordre de l’analogie, une façon de projeter sur Dieu des réalités que nous connaissons. C’est pour cela qu’il n’y a pas une seule façon de désigner Dieu dans la Bible. Et même en les prenant toutes en considérations, on n’arrive pas à avoir une compréhension exhaustive de Dieu. C’est tout simplement impossible : comment une créature, par nature limitée, pourrait-elle comprendre pleinement Dieu, par nature infini, éternel, sans limite ? 

Soyons toujours prêts à nous laisser surprendre par Dieu, à élargir notre vision et notre compréhension de Dieu, pour ne pas le réduire aux limites de notre vocabulaire ou de notre théologie, aussi biblique soit-elle. 

Continuons d’appeler Dieu « notre Père », comme Jésus a invité ses disciples à le faire, mais souvenons-nous qu’il a aussi les attributs d’une mère, parce qu’il n’est ni masculin ni féminin. Elargir notre regard sur Dieu, c’est aussi ne pas oublier que Dieu est, d’une certaine façon, notre mère. Et si ça pouvait nous permettre d’éviter les dérives patriarcales, ce serait une bonne chose… 


Le salut comme plénitude et consolation

Cette image féminine de Dieu nous invite aussi, du coup, à élargir notre regard sur le salut que Dieu accorde. Parce que là aussi, nous pouvons avoir tendance à n’en garder qu’une vision réduite voire étriquée. 

On a parfois tendance à voir le salut offert par Dieu uniquement sous un angle juridique. On parle du pardon des péchés, de la justification, du fait d’être gracié par Dieu et d’échapper ainsi au jugement. 

Je ne dis pas que ce ne sont pas des notions bibliques. Il y a bien une dimension juridique dans le salut dont la Bible parle… mais ce n’est pas la seule. C’est une des facettes seulement. Et ne considérer le salut que sous cet angle, c’est risquer d’en avoir une vision partielle et, pour tout dire, assez froide. 

Convoquer une figure maternelle pour évoquer Dieu nous aide à envisager le salut d’une façon complémentaire, comme une plénitude et une consolation. Similaire à la plénitude du nourrisson rassasié du lait maternel, à la consolation de l’enfant cajolé sur les genoux de sa mère. 

Ces notions de plénitude et de consolation associées au salut, on les retrouve dans le Nouveau Testament, notamment quand il est question du Saint-Esprit. On pense aux fleuves d’eau vive qui couleront du sein du croyant, promis par Jésus dans l’Evangile de Jean :

Jean 7.37b-39a : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, 38 celui qui croit en moi. Comme dit l'Écriture, “des fleuves d'eau vive jailliront de son cœur”. » 39 Jésus disait cela à propos de l'Esprit de Dieu que ceux qui croyaient en lui allaient recevoir

On pense alors aussi aux exhortations des épîtres de Paul à être remplis du Saint-Esprit. 

Quant à la consolation, c’est bien un des rôles du Saint-Esprit. « Consolateur » est d’ailleurs une des traductions possibles du terme grec paraklêtos utilisé par Jésus pour annoncer sa venue dans l’Evangile de Jean. Cet Esprit saint vient au secours de notre faiblesse (Romains 8.26). Et la promesse associée à la Nouvelle Création à la fin de l’Apocalypse, qui décrit l’état final de la Création, au bénéfice du salut de Dieu annonce bien une consolation : 

Apocalypse 21.4 : "Il essuiera toute larme de leurs yeux. Il n'y aura plus de mort, il n'y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. En effet, les choses anciennes ont disparu."

Le salut de Dieu comme une plénitude et une consolation est bien une façon biblique d’en parler. Et je trouve que l’extraordinaire façon dont Esaïe l’évoque donne un relief particulier à ces promesses. Dieu veut nous donner plénitude et consolation, comme celles d’un enfant sur les genoux de sa mère.  

J’aime la simplicité et l’intimité de cette image, qui nous invite à trouver la plénitude dans la simplicité de notre quotidien. Comprendre le salut comme une plénitude, c’est envisager la vie chrétienne comme l’occasion d’être rempli de ce que Dieu nous donne, rempli du Saint-Esprit, rempli de sa présence. Alors, certes, cette plénitude est en devenir pour nous, même si nous pouvons, parfois, faire l’expérience d’une plénitude particulière de la présence de Dieu en nous, dans certaines circonstances. Mais elle est bien là, parce que le Saint Esprit habite en nous. 

Le salut de Dieu nous offre une vie pleine de sens, il remplit notre vie d’une présence, celle de Dieu qui vient faire sa demeure en nous, il ouvre notre avenir sur une espérance qui n’a pas de fin !

Et qu’en est-il de la consolation ? De quoi avons-nous besoin d’être consolés ? 

De tout ce qui nous met devant notre finitude, nos failles et nos limites. La souffrance, l’injustice, la maladie, le handicap, la mort… Nos épreuves, nos frustrations, nos déceptions, nos échecs, nos fautes… 

Face à tout cela, la consolation du salut de Dieu est double : une présence bienveillante pour aujourd’hui et une espérance éternelle pour demain. Elle se trouve incarnée dans la personne de Jésus-Christ, le Fils de Dieu devenu homme. Il s’est rendu proche de nous, si proche qu’il est devenu l’un des nôtres. Et il a vaincu la mort, il est ressuscité et vivant aujourd’hui, prémices de notre propre résurrection. Il ne peut y avoir de plus grande source de consolation !


Conclusion

J’aime ces textes bibliques qui nous prennent un peu à contre-pied, nous surprennent voire nous dérangent un peu… et qui, en tout cas, nous invitent à élargir notre regard. C’est peut-être un des signes de la maturité chrétienne : savoir élargir son regard de foi. En tout cas, être crispé sur ses certitudes absolues et s’y enfermer n’est jamais une preuve de maturité spirituelle. 

Nous prions Dieu notre Père ? Nous avons raison. Mais il est aussi, d’une certaine façon, notre mère. Il n’est ni masculin, ni féminin. Ou les deux à la fois… Et plus encore. 

Nous comprenons notre salut comme le pardon de nos péchés, la justification par la foi ? Nous avons raison. Mais il est plus que cela. C’est aussi, notamment, une plénitude et une consolation offertes par Dieu. Et bien plus encore. 

Que Dieu nous fasse la grâce de nous laisser surprendre encore par lui. Pour que nous ne cessions de nous émerveiller de sa grandeur et de la richesse de son salut !

 

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