dimanche 8 octobre 2023

"Je viens bientôt !"

 

Dans le cadre de ce week-end autour de l’Apocalypse, il était incontournable de choisir un texte issu de l’Apocalypse pour la prédication de ce matin. Et pourquoi pas aller le chercher à la toute fin du livre, dans son dernier chapitre ? 

Dans cette dernière section du livre de l’Apocalypse, plusieurs voix se font entendre : Jean, un ange et même Jésus… On passe de l’une à l’autre dans une sorte de grand dialogue quasi-liturgique, qui laisse entendre que le livre était bien destiné à une lecture publique. Nous lisons un paragraphe de cette dernière section :

Apocalypse 22.12-17
12 « Écoute, dit Jésus, je viens bientôt ! J'apporterai avec moi la récompense à donner à chacun selon ce qu'il aura fait. 13 Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. »
14 Heureux ceux qui lavent leurs vêtements pour avoir le droit de manger les fruits de l'arbre de la vie et d'entrer par les portes dans la ville. 15 Dehors les chiens, ceux qui pratiquent la magie, qui vivent dans la débauche, les meurtriers, les adorateurs d'idoles et tous ceux qui aiment et pratiquent le mensonge !
16 « Moi, Jésus, j'ai envoyé mon ange pour vous révéler tout cela au sujet des Églises. Je suis le descendant de la famille de David, je suis l'étoile brillante du matin. »
17 L'Esprit et l'Épouse disent : « Viens ! »
Que celui qui entend cela dise : « Viens ! »
Que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut de l'eau de la vie la reçoive gratuitement.

Le paragraphe commence par une promesse de la part de Jésus (déjà énoncée au verset 7) : « Je viens bientôt ». Et à cette promesse répond l’appel au verset 17 : « Viens ! » 

Je viens bientôt… viens ! C’est l’articulation entre cette promesse et cet appel en réponse à la promesse qui va en particulier nous intéresser aujourd’hui. Un dialogue qui exprime l’espérance chrétienne. Mais auparavant, il n’est pas inutile de donner quelques éléments d’explication sur les formules et images utilisées dans ce passage. 


Quelques éléments d’explication 

« J'apporterai avec moi la récompense à donner à chacun selon ce qu'il aura fait. » 

Jésus associe sa venue au jugement. Comme il le fait par ailleurs dans son discours eschatologique dans les évangiles où on annonce qu’à son retour il siègera sur son trône et tous les peuples de la terre seront assemblés devant lui pour être jugé. La formule « je viens bientôt » est donc bien liée au Jugement final attendu à la fin des temps. 

« Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. »>

Au tout début de l’Apocalypse, on trouve déjà une formule très proche, appliquée explicitement à Dieu : « ‘Je suis l'alpha et l'oméga’, déclare le Seigneur, celui qui est, qui était et qui vient, le Dieu souverain. » (Ap 1.8) Alpha est la première lettre de l’alphabet grec, oméga la dernière. Les trois formules de notre verset disent donc la même chose… et affirment avec force la nature divine de Jésus. 

« Heureux ceux qui lavent leurs vêtements pour avoir le droit de manger les fruits de l'arbre de la vie et d'entrer par les portes dans la ville. »

Là c’est sans doute un peu plus compliqué… Il y a trois images qui se mélangent, tirées toutes trois de l’Apocalypse. 

Laver les vêtements : c’est un symbole de purification. L’image est même plus étonnante quand on la rencontre en Ap 7.14, avec la vision d’une foule de personnes qui ont « lavé leurs vêtements et les ont blanchis dans le sang de l’Agneau ! » Le sang de l’Agneau fait référence à la mort de Jésus, le fait de laver ses vêtements, d’être purifié par le sacrifice de Jésus. 

Avoir le droit de manger les fruits de l’arbre de la vie et entrer par les portes de la ville sont deux métaphores, inspirées de l’Ancien Testament. L’arbre de la vie renvoie au jardin d’Eden, dans la Genèse, dont l’accès a été interdit après l’expulsion de l’homme et la femme à cause de leur désobéissance. Entrer par les portes de la ville, c’est pouvoir retourner à Jérusalem, c’est le motif du retour de l’Exil à Babylone, chez les prophètes. Dans l’Apocalypse, on les retrouve les deux associés, dans la description d’une Jérusalem qui descend du ciel, dont les portes sont toujours ouvertes et dans laquelle se trouve l’arbre de la vie. 

« Dehors les chiens… » 

Ce sont des paroles qui peuvent troubler, et qui semblent trancher avec les paroles d’espérance qui l’entourent. Elles sont pourtant liées au jugement évoqué dès le verset 12. L’idée est de dire qu’il n’y aura plus de place, dans cette ville, pour le mal et les pratiques mauvaises. 

« Je suis le descendant de la famille de David, je suis l'étoile brillante du matin. »

La mention de la descendance de David renvoie à la promesse d’un Messie, issu de la descendance de David, qui devait venir accomplir le projet de Dieu, une promesse qui parcourt les prophètes de l’Ancien Testament. Quant à l’étoile brillante du matin, elle annonce l’arrivée d’un nouveau jour. 

Le message global de ces versets est d’annoncer un jour où le Christ reviendra, pour juger chacune et chacun, et pour inaugurer une ère nouvelle, libérée de l’empreinte du mal, dans une pleine communion avec Dieu. C’est ce qui explique à la fois la promesse de Jésus : « Je viens bientôt » et l’appel en réponse à cette promesse : « Viens ! »

Mais il reste deux questions :

  • Que signifie, de la part de Jésus, la promesse : « Je viens bientôt » ? D’autant que ça fait près de 2000 ans qu’il l’a dit… 
  • Que signifie, pour l’Eglise et pour le croyant, l’attente du retour de Jésus, en réponse à sa promesse ? Qu’y a-t-il derrière cet appel : « viens ! »

Dès le premier siècle, les chrétiens croyaient en l’imminence du retour du Christ. A tel point qu’il a fallu que l’apôtre Paul, par exemple, apaise les premiers croyants qui s’inquiétaient de voir mourir des chrétiens sans que le Seigneur ne revienne. Pourtant, Jésus lui-même avait laissé entendre, dans plusieurs de ses paraboles, que son retour ne serait pas immédiat. Il parle à plusieurs reprises d’un maître qui s’en va… et qui tarde à revenir. 

« Je viens bientôt » n’est donc sans doute pas une indication temporelle. 

La formule pourrait dire « Je peux venir à tout moment », et être un appel à se tenir prêt en tout temps. On retrouve bien cette idée dans plusieurs paraboles : « Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison viendra : le soir, ou à minuit, ou au chant du coq, ou le matin. » (Marc 13.35). D’où aussi l’impossibilité de deviner ou de calculer le jour et l’heure du retour de Jésus... même si certains s’obstinent à continuer à le faire ! 

La formule pourrait aussi dire que, dans le déploiement du projet de salut de Dieu, le prochain événement significatif sera le retour de Jésus. Après la naissance, la mort, la résurrection de Jésus, après l’envoi du Saint-Esprit, il n’y a pas à attendre d’autre événement significatif du point de vue du salut que le retour de Jésus. 

Dans tous les cas, la promesse de Jésus « Je viens bientôt » entretient l’attente de son retour. Ce qui explique la réponse du verset 17 : « Viens ! »

Cet appel exprime notre attente de ce jour ultime où le Christ reviendra et établira pleinement le Royaume de Dieu. C’est l’attente du jour de l’accomplissement ultime du projet de Dieu, la victoire finale et définitive sur le Mal. L’espérance qu’un jour, nos souffrances, nos épreuves, la mort elle-même, toutes ces empreintes douloureuses du mal dans notre vie et dans le monde, tout cela prendra fin. Alors oui, Seigneur, viens ! 

Mais ce « viens ! » exprime aussi notre soif de la présence du Christ, aujourd’hui, rendue possible par le Saint-Esprit. Vous remarquerez d’ailleurs que ce n’est pas l’Eglise seulement (l’Epouse) qui crie « Viens ! ». C’est l’Esprit et l’Epouse… Or l’Esprit, c’est Celui qui rend le Christ présent en nous dès aujourd’hui.  

« Que celui qui a soif vienne ; que celui qui veut de l'eau de la vie la reçoive gratuitement. ». Ça, c’est pour aujourd’hui déjà, pas seulement pour demain ! Ça fait directement écho à ces paroles de Jésus, dans l’évangile de Jean : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, celui qui croit en moi. Comme dit l'Écriture, “des fleuves d'eau vive jailliront de son cœur”. » Et l’évangéliste ajoute : « Jésus disait cela à propos de l'Esprit de Dieu que ceux qui croyaient en lui allaient recevoir… » (Jean 7.38-39)

D’une certaine façon, Jésus donc vient déjà aujourd’hui, par son Esprit, selon sa promesse d’être avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. Même s’il y a encore une venue de Jésus à attendre dans l’histoire, au dernier jour, il y a une présence de Jésus à vivre déjà aujourd’hui. 

C’est le propre de l’espérance chrétienne que de vivre dans cette tension entre le déjà et le pas encore, où le déjà de la foi alimente l’attente du pas encore. 

L’Apocalypse est un livre d’espérance, situé dans ce déjà et ce pas encore. Il dévoile les enjeux de l’histoire, les luttes qui s’y expriment, et affirme la victoire ultime du Christ. Elle est déjà acquise depuis sa mort et sa résurrection, mais elle est encore à déployer dans le monde. « Je viens bientôt ». 


Conclusion

La venue de Jésus est la perspective que nous devons toujours garder à l’esprit, celle qui nous fait avancer en tant que croyant, malgré les difficultés et les épreuves de la vie. Elle est comme un horizon vers lequel nous cheminons mais aussi comme une réalité déjà à vivre. 

Car l’espérance chrétienne est pour demain mais aussi pour aujourd’hui déjà. 

Si le Christ ne vient pas, alors que reste-t-il de notre foi ? S’il ne vient pas à nous chaque jour, par son Esprit, alors nous sommes seuls et nous risquons d’être désemparé. S’il ne vient pas, au dernier jour, accomplir définitivement le projet de Dieu, alors notre avenir est incertain.

Mais la promesse est là : « Je viens bientôt ! » C’est l’assurance qu’au jour fixé par Dieu, il parachèvera son œuvre en établissement un Royaume de paix et de justice. C’est notre horizon. C’est l’assurance aussi que, dès aujourd’hui, nous pouvons l’accueillir, et l’accueillir tout à nouveau chaque jour, pour trouver dans sa présence une force et une paix que nul autre ne peut donner. 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un commentaire !