dimanche 14 janvier 2024

Jésus : Fils de Dieu, humble serviteur

 

Après la Nativité et l’adoration des bergers par Georges de la Tour, après la visite et l’adoration des mages avec Pierre Paul Rubens, je vous propose ce matin d’évoquer l’épisode du baptême de Jésus avec un autre tableau d’un grand maître : Le Baptême du Christ, de Joachim Patinier, un peintre flamand de la Renaissance. 

Nous allons examiner le tableau avant de lire le texte de l’évangile qui lui correspond. 

Au centre du tableau, face à nous, les pieds dans l’eau, Jésus. A côté de lui Jean Baptiste, à genou. Jésus est évidemment le personnage central du tableau. Et il nous regarde… 

Au-dessus de Jésus, une colombe, décrite dans les évangiles comme la manifestation du Saint-Esprit, et encore au-dessus, dans le ciel, Dieu le Père. Les trois personnes de la Trinité apparaissent ensemble dans cet épisode, formant un axe vertical au centre du tableau. 

Une autre scène se déroule à l’arrière-plan, à gauche du tableau. Elle représente Jean Baptiste en train de prêcher à la foule. Au loin, un personnage isolé. Qui est-ce ? Sans doute Jésus lui-même… dont Jean annonçait la venue prochaine par sa prédication. Il porte la même tunique sombre qu’on trouve posée à terre, à côté de la rivière : Jésus s’en est dévêtu pour son baptême. 

Au moment de la prédication de Jean, Jésus est encore caché. Avec son baptême, Jésus commence son ministère, il entre en pleine lumière. 

Ce tableau dit déjà beaucoup de chose du récit du baptême. 

  • C’est l’occasion très rare d’une manifestation du Dieu trinitaire
  • C’est le début de l’accomplissement de la promesse annoncée par les prophètes, dont Jean le Baptiste est le dernier représentant. 
  • Et puis il y le regard de Jésus, tourné vers nous… C’est comme s’il nous disait que c’est bien pour nous qu’il se fait baptiser par Jean. Car lui n’a pas besoin d’un baptême de repentance… 


Lisons maintenant le récit qui correspond au tableau, dans l’évangile de Matthieu. Nous commençons la lecture avant le baptême de Jésus, puisque le tableau évoque aussi la prédication de Jean Baptiste. 

Matthieu 3.1-17
1 En ce temps-là paraît Jean le baptiste qui se met à proclamer dans le désert de Judée : 2 « Changez de vie, car le royaume des cieux est tout proche ! » 3 Jean est celui dont le prophète Ésaïe a parlé lorsqu'il a dit :
« C'est la voix d'un homme qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
faites-lui des sentiers bien droits ! »
4 Jean avait un vêtement fait de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. 5 Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de toute la région voisine de la rivière du Jourdain venaient à sa rencontre. 6 Ils reconnaissaient publiquement leurs péchés et Jean les baptisait dans le Jourdain.
7 Jean vit que beaucoup de pharisiens et de sadducéens venaient à lui pour être baptisés ; il leur dit : « Espèce de vipères ! Qui vous a appris à échapper à la colère de Dieu qui vient ? 8 Montrez par des actes que vous avez changé de vie 9 et ne pensez pas qu'il suffit de dire en vous-mêmes : “Abraham est notre père !” Car je vous dis que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des enfants d'Abraham ! 10 La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.
11 Moi, je vous baptise dans l'eau pour que vous changiez de vie ; mais celui qui vient après moi vous baptisera dans l'Esprit saint et dans le feu. Il est plus fort que moi : je ne suis pas digne d'enlever ses sandales. 12 Il tient en sa main la pelle à vanner et séparera le grain de la paille. Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint jamais. »
13 À ce moment-là Jésus vient de la Galilée au Jourdain ; il arrive auprès de Jean pour être baptisé par lui. 14 Jean s'y opposait et lui disait : « C'est moi qui devrais être baptisé par toi et c'est toi qui viens à moi ! » 15 Mais Jésus lui répondit : « Accepte qu'il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. » Et Jean accepta. 16 Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l'eau. Au même moment les cieux s'ouvrirent pour lui : il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17 Et une voix venant des cieux dit : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. »

Comme dans le tableau, on retrouve bien la portée de la prédication de Jean, qui invite les foules à changer de vie pour se préparer à la venue du Messie… et la venue du Messie rendue publique au moment du baptême de Jésus. 

Le dialogue entre Jean et Jésus, au moment du baptême, est particulièrement intéressant. Lorsque Jésus arrive depuis la Galilée, il se joint, incognito, à la foule. Personne ne le remarque parce que personne ne le connaît encore. Personne, sauf Jean Baptiste. Le texte de l’évangile laisse clairement entendre que Jean savait, d’une manière ou d’une autre, que Jésus était le Messie dont il annonçait la venue. Sinon, comment comprendre sa réaction ? « C'est moi qui devrais être baptisé par toi et c'est toi qui viens à moi ! »

Jean sait… mais il a du mal à comprendre. Ce n’est pas comme ça que ça doit se passer ! Son rôle de prophète, c’est d’annoncer aux gens la venue du Messie et de les préparer à l’accueillir en les baptisant en signe de repentance. Lui-même est dans l’attente. Il a conscience de sa mission, qu’il résume ainsi au verset 11 lorsqu’il dit : « Moi, je vous baptise dans l'eau pour que vous changiez de vie ; mais celui qui vient après moi vous baptisera dans l'Esprit saint et dans le feu. Il est plus fort que moi : je ne suis pas digne d'enlever ses sandales. »

Et là, Jésus lui demande de le baptiser. C’est difficilement compréhensible ! 

Y aurait-il pour lui une autre incompréhension, avec la venue d’un Messie qui n’est pas exactement comme il l’imaginait ? Que disait-il dans sa prédication ? « La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. » (v.10) et un peu plus loin, à propos du Messie qui vient : « Il tient en sa main la pelle à vanner et séparera le grain de la paille. Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint jamais. » (v.12). Je ne sais pas comment Jean s’imaginait la venue du Messie mais il semble bien attendre un juge qui vient exercer son jugement. Et il voit Jésus venir à lui, et demander à être baptisé… Il ne vient pas comme un juge redoutable mais comme un humble serviteur.  

Mais Jésus insiste auprès de Jean : « Accepte qu'il en soit ainsi pour le moment. Car il convient que nous accomplissions ainsi ce que Dieu demande. » Plus littéralement, Jésus dit : « Laisse faire maintenant, car il convient qu'ainsi nous accomplissions toute justice. » 

La justice que le Messie vient apporter n’est pas celle que Jean, et d’autres, attendait. Pas tout de suite. Car on sait, par ailleurs, qu’il reviendra à la fin des temps pour juger tout être humain. Mais pour le moment, la justice que le Messie vient apporter c’est la sienne, celle qu’il va offrir, en devenant serviteur, solidaire des humains. Il vient accomplir la justice que nous ne savons pas accomplir. 

Alors Jean accepte, il laisse les choses se faire comme Jésus le demande. Ça ne veut pas dire forcément qu’il a tout compris. Mais il accepte. 

C’est alors que survient l’impensable. Les cieux s’ouvrent, le Saint-Esprit descend comme une colombe et la voix du Père retentit des cieux : « Celui-ci est mon fils bien-aimé ; en lui je trouve toute ma joie. » C’est un des très rares épisodes de la Bible où les trois personnes de la Trinité apparaissent ensemble. De façon symbolique, certes : le Saint-Esprit n’a pas la forme d’une colombe ! 

C’est en tout cas la confirmation éclatante que cet épisode est d’une importance capitale. Il marque l’entrée de Jésus dans son ministère. Il symbolise toute l’ampleur de l’incarnation. Le Fils de Dieu devient être humain, solidaire jusque dans sa condition de pécheur (sans pour autant commettre le péché). Mais la conséquence du péché, c’est la mort. Et par son baptême, Jésus annonce déjà sa mort. C’est jusque dans la mort qu’il s’est rendu solidaire avec l’humanité. Dieu, pour pouvoir mourir, est devenu homme. 


Quelles leçons tirer pour nous de cet épisode ? 

Pour moi, il y a un maître mot dans ce récit : l’humilité. Celle de Jésus, évidemment. Mais aussi celle de Jean Baptiste.

L’humilité de Jésus, c’est celle du Fils de Dieu devenu homme. Celle du Messie demandant le baptême à Jean, parce qu’il est venu en serviteur. Il est solidaire de l’humanité, solidaire des êtres humains pécheurs qui ont besoin de changer de vie, alors qu’il est lui-même sans péché. 

Le baptême de Jésus, c’est l’humilité de Dieu ! Dis comme ça, on dirait un oxymore ! L’oxymore est une figure de style qui rapproche deux termes qui semblent contradictoires. Comme dans cette phrase de Corneille : « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles. » Ou quand on parle d’un illustre inconnu ou de la voix du silence… Ou alors, à partir de notre récit, quand on parle de l’humilité de Dieu. 

En effet, Dieu, c’est l’être infini, éternel, au-dessus de tout ce qui existe, de tout ce qu’on pourrait même imaginer. Dieu c’est l’être absolu. Ce qu’on associe naturellement à Dieu, c’est plutôt la grandeur, la puissance, la perfection… mais l’humilité, c’est étonnant !  

En réalité, être humble, ce n’est pas se sentir petit, insignifiant, indigne. Pour nous autres, être humble c’est certes reconnaître nos failles et nos limites. Mais Dieu, lui, n’en a justement pas, des limites ! Être humble, c’est donc plutôt porter un regard juste et lucide sur soi-même. Et ça implique, pour nous, de reconnaître nos limites et nos failles ! 

Mais être humble, c’est aussi laisser de la place aux autres, reconnaître leur valeur. La véritable humilité n’est pas égocentrée, elle est tournée vers notre prochain. Elle se mesure aussi dans la relation aux autres et elle se traduit dans le service.  Et là Jésus est un exemple suprême pour nous. 

Quant à l’humilité de Jean Baptiste, elle se manifeste dans l’exercice de sa mission. Il a une juste vision de lui-même, de sa mission, de sa place devant Dieu. « (Celui qui vient après moi) est plus fort que moi : je ne suis pas digne d'enlever ses sandales. ». Ça ne l’empêche pas de l’exercer avec fougue et passion. Humilité ne veut pas dire mollesse… 

Son humilité se manifeste aussi dans sa façon d’accepter la volonté de Dieu, même quand elle ne semble pas correspondre à ce qu’il imaginait, même quand il a du mal à la comprendre. 


Conclusion

Le récit du baptême de Jésus, qui marque le début de son ministère public, donne tout de suite le ton. Le Fils de Dieu est venu en humble serviteur. Ça semble d’ailleurs déstabiliser un peu Jean Baptiste… Mais comme Jésus le dira plus tard, « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir » (Matthieu 20.28)

L’humilité apparaît ainsi comme une vertu fondamentale du Royaume de Dieu, une vertu que nous sommes appelés à développer dans notre vie. Et c’est Jésus-Christ, le Roi qui s’est fait serviteur, qui en donne l’exemple suprême, un exemple que nous sommes appelés à suivre, en tant que ses disciples. 

Alors demandons-lui, par son Esprit, de faire grandir en nous l’humilité. Car l’humilité nous donne une juste perspective sur nous-mêmes. Elle ne nous rabaisse pas nous-même, mais elle grandit les autres. 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un commentaire !