dimanche 27 octobre 2024

Le juste par la foi vivra

Est-ce que vous connaissez les cinq affirmations fondamentales qu’on associe à la Réforme, que l’on peut considérer comme l’héritage théologique des Protestants ? 

  • Sola fide (la foi seule). C’est par la foi seulement qu’on est sauvé. 
  • Sola gratia (la grâce seule). Le salut est une grâce, un cadeau de Dieu. 
  • Sola Scriptura (l’Ecriture seule). L’Ecriture (la Bible) est la seule autorité en matière de foi et de vie chrétienne. 
  • Solus Christus (le Christ seul). Jésus-Christ est le seul chemin qui conduit à Dieu.
  • Soli Deo Gloria (A Dieu seul la gloire). Comme tout est don de Dieu, c’est à lui seul que l’on rend gloire. 

La première affirmation, sans doute la plus fondamentale, est Sola fide. C’est elle qui a été à l’origine du changement radical de Martin Luther, et plus largement de la redécouverte de la Bonne Nouvelle du Christ par les Réformateurs. Dieu n’attend de nous que la foi, rien d’autre. Aucune œuvre, aucun mérite de notre part. Simplement la foi. 

C’est par la lecture de l’épître aux Romains que Luther a reçu cette conviction, lorsque l’apôtre Paul développe l’idée de la justice de Dieu, celle qu’il nous donne en Jésus-Christ, et que nous accueillons par la foi. 

Après les formules traditionnelles de salutation et une introduction par laquelle il exprime son désir d’aller à Rome pour y rencontrer une Eglise qu’il ne connaît pas encore, il dit, en quelques mots, la Bonne Nouvelle qu’il va développer tout au long de son épître. 

Ce sont ces deux versets qui ont changé la vie du moine Martin Luther et qui ont fait l’effet d’une bombe pour lui, faisant éclater les carcans d’une religion où la pression des mérites et le poids de la culpabilité l’oppressaient. Il a écrit ceci à propos de sa découverte :  

« Aussitôt, je me sentis renaître, et il me sembla être entré par des portes largement ouvertes au Paradis même… Autant j’avais détesté ce terme de « justice de Dieu », autant j’aimais, je chérissais maintenant ce mot si doux. Et c’est ainsi que ce passage des Écritures devint pour moi la porte du Paradis. »

Lisons maintenant ce fameux texte, et voyons comment il peut encore aujourd’hui être une formidable source de libération pour nous. 

Romains 1.16-17
16C'est sans honte, en effet, que j'annonce la bonne nouvelle : elle est la force dont Dieu se sert pour sauver toutes les personnes qui mettent leur foi en lui, les Juifs d'abord, mais aussi ceux qui ne sont pas Juifs. 17En effet, la bonne nouvelle révèle comment Dieu rend les humains justes devant lui. Cette justice vient par la foi et a pour but la foi, comme l'affirme l'Écriture : « Celui qui est juste par la foi vivra. »

Qu’est-ce qui a été si libérateur pour Luther dans ce texte ? Une compréhension toute nouvelle de la justice de Dieu. Lui qui était angoissé pour son salut, rongé de culpabilité et redoutant le jugement de Dieu sur sa vie et ses fautes, il comprend soudain que Dieu n’est pas ce juge qu’il croyait, et qu’il n’attend de nous que la foi. 

Il s’agit bien en effet d’être juste par la foi… et non pas par nous-mêmes. La justice de Dieu, et c’est cela la Bonne Nouvelle, c’est celle qui se trouve en Jésus-Christ. La question n’est pas de savoir comment on devient juste devant Dieu mais comment Dieu nous déclare juste devant lui. Il ne s’agit pas de savoir comment Dieu rend justice mais comment il nous rend juste. La justice de Dieu, ce n’est pas celle que Dieu attend de nous, c’est celle qu’il nous donne. 

C’est Dieu qui a pourvu à la justice, par son Fils Jésus-Christ, le Juste, mort et ressuscité pour nous. Nous n’avons plus à nous soucier de notre propre justice, nous devons simplement accueillir par la foi la justice que Dieu nous donne. La Bonne Nouvelle, c’est ce renversement radical. 

Notre part, c’est la foi. Un simple accueil de la justice de Dieu, qui est pure grâce. Le juste par la foi vivra ! L’apôtre Paul cite et revisite ici une affirmation du prophète Habaquq. Dans le contexte du prophète, il s’agissait d’opposer l’attitude du juste à celle de l’orgueilleux : « Celui qui est gonflé d'orgueil ignore la droiture, mais le juste vit par sa fidélité (ou sa foi). » (Habaquq 2.4) Paul élargit la portée de cette formule et l’applique à la question du salut.

Dans la formulation grecque, celle du Nouveau Testament, « par la foi » peut être rattaché à « juste » ou à « vivra ». Paul joue probablement sur ce double sens possible. Il parle bien d’abord d’être juste par la foi. Mais il évoque aussi le fait de vivre par la foi. C’est un peu ce qui ressort de la formule qu’il utilise juste avant la citation : « Cette justice vient par la foi et a pour but la foi », littéralement elle est « par la foi et pour la foi ». La justice que Dieu nous donne en Jésus-Christ se reçoit par la foi et se vit dans la foi. 

Voilà bien l’idée l’on retrouve dans la formule de la Réforme, sola fida, la foi seule. 


Une Bonne Nouvelle à annoncer

Le juste par la foi vivra. C’est un des principaux aspects de la Bonne Nouvelle du Christ. Le salut est une libération et non pas un enfermement. Il est une grâce reçue et pas une contrainte à respecter. C’est une question de foi et non pas de religion, d’efforts ou de mérites. Sinon ce n’est plus une Bonne Nouvelle… qui est, rappelons-le, le sens du mot « évangile ». 

Prenons garde, dans notre témoignage et notre annonce de l’Evangile, à ce que nous proclamons ou laissons entendre. Est-ce bien une Bonne Nouvelle que nous annonçons ? 

Veillons à ne pas réduire la Bonne Nouvelle à un message figé et stéréotypé… Je ne vois pas dans le Nouveau Testament une façon exclusive de dire la Bonne Nouvelle. En revanche, elle tourne toujours autour de la personne de Jésus-Christ. Si bien qu’on pourrait dire que, fondamentalement, la Bonne Nouvelle, c’est Jésus-Christ. Ce n’est pas un ensemble de doctrines auxquelles il faut croire à propos de Jésus-Christ, c’est la possibilité d’une rencontre personnelle avec le Christ. 

Veillons, et c’est plus important encore, à ne pas réduire la Bonne Nouvelle à la transmission d’une morale ou la défense de « valeurs chrétiennes ».  Sinon, nous laissons entendre que devenir chrétien, c’est forcément adopter ces valeurs. 

Tant que tu n’es pas « rentré dans le moule », tant que ta vie n’est pas caractérisée par ces valeurs telles que nous les définissons, tu n’es pas vraiment chrétien. Alors on doute de la conversion ou de la sincérité de la foi de ceux qui ne correspondent pas à nos standards moraux…

Et on oublie qu’annoncer la Bonne Nouvelle, c’est annoncer le Christ, sa mort et sa résurrection, et la possibilité de le rencontrer par la foi. 


Une Bonne Nouvelle à vivre

Le juste par la foi vivra. La vie dont il est question ici n’est pas seulement la vie à venir, après notre mort. C’est déjà la vie ici et maintenant. La vie éternelle commence aujourd’hui, dans la rencontre avec le Christ. 

L’accueil de la grâce, par la foi, n’est pas seulement la porte qui permet d’entrer dans le Royaume de Dieu, c’est aussi le chemin qui parcourt ce Royaume. La justice de Dieu, son salut, c’est par la foi et pour la foi. Ce n’est pas la foi au début et ensuite nos efforts, nos œuvres et nos mérites. C’est la foi. Toujours la foi. Seulement la foi. 

On trouve un exemple à ne pas suivre dans le Nouveau Testament, celui des Galates, auxquels l’apôtre Paul reproche de se remettre sous le joug de la Loi après avoir reçu la grâce. Il leur écrit ceci : « Je suis stupéfait de la rapidité avec laquelle vous vous détournez de Dieu : il vous a appelés par la grâce du Christ. Et vous, vous vous tournez vers une autre bonne nouvelle ! » (Galates 1.6) et il ajoute immédiatement que ce n’est plus, en réalité, une bonne nouvelle… Et un peu plus loin : « Comment pouvez-vous être aussi insensés ? Ce que vous avez commencé par l'Esprit de Dieu, voulez-vous l'achever maintenant par vous-mêmes ? » (Galates 3.3)

Le seul moteur de la vie chrétienne, c’est la foi. Du premier au dernier jour. La foi seule. Et c’est aussi libérateur au moment de notre découverte du salut de Dieu que tout au long de notre cheminement. Pourquoi Dieu nous accueillerait-il par grâce pour ensuite nous mettre la pression afin que nous conformions notre vie à ses exigences ? Non ! Ce qu’il attend de nous, chaque jour, c’est la foi. Toujours la foi. Seulement la foi. 

Cette foi, cette confiance placée en Dieu, qui nourrit une intimité avec le Christ, elle produira du fruit en nous. C’est l’Esprit du Seigneur, qui vit en nous, qui la produira naturellement. Mais sans contrainte ni pression. Avec patience. 


Conclusion

Vous me direz peut-être que je présente une vision un peu « gentille » des choses. Qu’on pense à Jésus envers ses disciples, ou envers les Pharisiens. Ou à Paul envers les destinataires de ses lettres. Ils ont quand même aussi parfois tapé du poing sur la table, ils ont mis la pression sur les croyants auxquels ils s’adressaient !

C’est vrai. Mais n’était-ce pas pour les appeler à revenir à la foi et la grâce ? N’était-ce pas pour dénoncer la pression abusive qu’ils mettaient sur les autres, ou sur eux-mêmes ? Bref, leur manque de grâce… et leur manque de foi en Dieu. 

Revenir sans cesse à la foi seule, et à la grâce seule, c’est la seule façon de s’en remettre pleinement à Dieu, de le laisser agir en nous, librement. C’est une Bonne Nouvelle à vivre et à partager. 


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