dimanche 20 octobre 2024

S’approcher du trône de la grâce

Il y a quelques jours à peine, les croyants juifs ont fêté Yom Kippour, une grande fête solennelle, la plus importante de l’année, appelée aussi jour du pardon. L’institution de cette fête se trouve dans la Bible et elle était marquée par un événement unique dans l’année.

En effet, lorsque le temple existait encore à Jérusalem, c’était le seul jour de l’année où le grand-prêtre entrait dans le saint des saints, là où se trouvait l’arche de l’alliance. Il traversait le voile qui séparait le lieu saint du lieu très saint, pour entrer dans ce lieu qui exprimait la présence même de Dieu. Il le faisait avec crainte et tremblement, au nom de tout le peuple. Auparavant avait eu lieu le rite du bouc émissaire, où un bouc symboliquement chargé de tous les péchés du peuple était envoyé dans le désert. 

Il faut avoir cela en tête lorsqu’on lit le texte que je vous propose pour la prédication de ce matin, dans l’épître aux Hébreux, un livre du Nouveau Testament qui revisite les rites du temple de la Première Alliance à la lumière de la personne et l’œuvre de Jésus. Il y est justement comparé au grand-prêtre. 

Hébreux 4.14-16
14Tenons donc fermement la foi que nous proclamons ! Nous avons, en effet, un grand-prêtre souverain qui est parvenu jusqu'en la présence même de Dieu : c'est Jésus, le Fils de Dieu. 15Nous n'avons pas un grand-prêtre incapable de souffrir avec nous de nos faiblesses. Au contraire, notre grand-prêtre a été mis à l'épreuve en tout comme nous le sommes, mais sans commettre de péché. 16Approchons-nous donc avec confiance du trône de Dieu, où règne la grâce. Nous y trouverons la bienveillance et la grâce, pour être secourus au bon moment.

Jésus est comparé au grand-prêtre de la Première Alliance. Littéralement, le verset 14 pourrait être traduit ainsi : « nous avons un grand prêtre qui a traversé les cieux ». Jésus a traversé les cieux comme le grand-prêtre traversait le voile qui séparait le lieu saint du lieu très saint. 

Cette formule fait référence à l’événement de la mort et la résurrection de Jésus, qui se conclut par son ascension. Comme le grand-prêtre entrait une fois par an, au nom de tout le peuple, dans le lieu très saint, Jésus est entré au nom de tous les humains, dans la présence même de Dieu, après avoir accompli sa mission, par sa mort et sa résurrection.   

Il y a donc une promesse extraordinaire dans ce verset 14, celle d’un accès possible à la présence même de Dieu, par le chemin inauguré par Jésus dans sa mort et sa résurrection. Mais cette promesse, si on s’arrêtait là, pourrait être perçue de façon un peu abstraite ou théorique. On pourrait penser qu’il s’agit d’une promesse dont l’accomplissement est encore à venir pour nous, pour le jour de notre départ de cette terre. Mais il y a les versets 15 et 16… 

« Nous n'avons pas un grand-prêtre incapable de souffrir avec nous de nos faiblesses. »

La formulation par la négative vient répondre à cette possible compréhension un peu lointaine de la promesse. Elle n’est pas seulement pour demain, elle est déjà pour aujourd’hui. Elle concerne aussi nos faiblesses, notre vie ici-bas. Jésus les connaît, par expérience. Et il souffre avec nous. Aujourd’hui. 

« Notre grand-prêtre a été mis à l'épreuve en tout comme nous le sommes, mais sans commettre de péché. »

Non seulement Jésus est mort et ressuscité, mais il a vécu, comme nous, une vie humaine avec toutes les limites, les frustrations, les souffrances que nous pouvons connaître. Le fait qu’il n’a pas commis de péché ne l’éloigne pas pour autant de notre humanité. C’est plutôt le péché qui nous éloigne de notre humanité… Jésus a, comme nous, connu pleinement la tentation et l’épreuve. 

La conséquence de tout cela se trouve au verset 16 : « Approchons-nous donc avec confiance du trône de Dieu, où règne la grâce. Nous y trouverons la bienveillance et la grâce, pour être secourus au bon moment. »

L’impératif est au présent : « Approchons-nous… » La promesse n’est pas pour demain seulement, elle est pour aujourd’hui. C’est aujourd’hui que nous pouvons nous approcher du trône de Dieu. Ce trône qui était symbolisé, dans le temple de Jérusalem, par les deux statues de chérubins qui recouvraient l’arche de l’alliance. Ils formaient ainsi comme un trône pour le Dieu qui, selon la formule biblique, « siège sur les chérubins ». 

S’approcher aujourd’hui du trône de Dieu, c’est une métaphore liée à la prière. C’est dans la prière qu’on s’approche de Dieu. Nous ne le faisons pas dans la crainte mais avec confiance. Car ce que nous trouvons auprès du trône de Dieu, c’est la bienveillance et la grâce. Le mot bienveillance est un peu galvaudé aujourd’hui. Le terme grec était souvent traduit par « miséricorde », qu’on n’utilise plus beaucoup. On pourrait peut-être parler de pitié ou de compassion. 

En accédant au trône de Dieu, on ne s’approche donc pas d’un juge inquisiteur mais d’un père aimant, caractérisé par la compassion et la grâce. Son désir, c’est de nous aider, et de le faire de manière opportune, appropriée.  


Est-ce toujours avec confiance et assurance que nous nous approchons de Dieu ?

La réponse à cette question interroge notre vision de Dieu. Quand on le prie, quand on réfléchit à sa présence dans notre vie, quand on considère sa personne et son œuvre… quelle image a-t-on de lui ? Est-ce toujours avec confiance et assurance que nous nous approchons de lui ?  Ou est-ce encore avec crainte ?

On l’a dit, notre texte invite à considérer Dieu non pas comme un juge inquisiteur mais comme un père aimant. Mais il n’est pas facile de se départir de l’image d’un Dieu sévère, intraitable. Au moins d’un Dieu qui nous juge… parce que nous nous jugeons nous-mêmes ou nous nous culpabilisons. 

Même en considérant Dieu comme un père, ce n’est pas forcément évident. Surtout en fonction du père que vous avez eu... même s’il n’y a pas de père parfait, il y a heureusement des pères aimants qui nous aident à comprendre Dieu comme un père. Mais il y a aussi des modèles de pères qui ne sont pas du tout liés à l’amour et la compassion. Il y a des pères absents et distants, il y a des pères violents et maltraitants, parfois de manière terriblement destructrice. Si c’est ce modèle de père que nous projetons sur Dieu, alors il sera difficile de s’approcher de lui sans crainte et tremblement. 

Un des fruits de la maturité chrétienne, c’est de parvenir à aller au-delà de ces modèles humains imparfaits et parfois même destructeurs. C’est apprendre connaître Dieu comme le père aimant par excellence. Et pouvoir ainsi être totalement libre et serein devant lui, pouvoir s’approcher de lui avec confiance et assurance en toutes circonstances.  


Est-ce que nous reconnaissons notre besoin de compassion et de grâce ?

Dieu n’est pas pour nous un juge inquisiteur et intraitable, il est un père aimant, un modèle de compassion et de grâce. Ce sont les deux termes utilisés dans notre texte pour qualifier le secours que Dieu nous offre. En quoi avons-nous besoin de compassion et de grâce ? 

Si nous avons besoin de recevoir de la compassion, c’est qu’il nous arrive de souffrir, de différentes manières. Le fait que l’auteur de l’épître aux Hébreux affirme que le Christ « n’est pas incapable de souffrir avec nous de nos faiblesses » laisse entendre qu’on puisse avoir du mal à vraiment accepter, comprendre, la compassion de Dieu. Peut-être même en douter. 

Or Jésus a souffert, comme nous. Le comble de la compassion de Dieu n’a pas été d’effacer la souffrance d’un coup de baguette magique mais de la partager avec nous. Jusqu’à la mort. Sa résurrection est l’assurance qu’un jour la mort sera pleinement vaincue, et avec elle la souffrance. Mais en attendant ce jour, la souffrance, et la mort, font partie de la condition humaine. Nul n’en est épargné. 

La compassion de Dieu est l’assurance qu’il est sensible à ce que nous vivons. Et qu’il souffre avec ceux qui souffrent. Sa compassion est une marque concrète de son amour. Nous en avons besoin lorsque nous sommes au cœur de l’épreuve. 

Si nous avons besoin de recevoir la grâce, c’est que parfois nous succombons à la tentation ou l’épreuve.  La grâce de Dieu est l’assurance qu’il ne nous condamne pas mais qu’il efface toujours notre ardoise, il pardonne. 

On entend dire parfois que la grâce, c’est trop facile. Il suffit de venir à Dieu et il nous pardonne ? C’est trop facile… C’est oublier que la grâce a eu un coût, un coût immense, celui de la mort de Jésus, le Fils de Dieu fait homme. Mais la dette est aujourd’hui réglée. 

C’est bien l’image de la dette qui est associée au pardon dans la Bible. Dans le Notre Père, « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi ceux qui nous ont offensé » c’est littéralement « Remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs. » 

Cette formulation particulière de cette demande, avec une réciprocité, permet de pointer un autre de nos manquements : nous avons besoin de grâce parce que nous avons du mal à vivre la grâce avec notre prochain. C’est en étant pleinement au bénéfice de la grâce que nous pourrons aussi vivre cette grâce avec les autres. Mais c’est un long chemin, parfois douloureux. Parce qu’on est souvent plus enclin à la vengeance qu’au pardon, à chercher à se faire justice plutôt que faire grâce. 


Conclusion

Approchons-nous du trône de la grâce… Cette invitation de l’épître aux Hébreux retentit pour nous ce matin. Et c’est une bonne nouvelle : approchons-nous, Dieu nous accueillera toujours, car il est plein de compassion et de grâce pour nous. Et c’est justement ce dont nous avons besoin. 

Nous avons besoin de compassion, d’être aimé et compris, lorsque nous traversons l’épreuve ou la souffrance. Dieu a souffert de la même manière que nous dans la personne de Jésus. Il nous comprend et il nous aime. 

Nous avons besoin de grâce parce que nous ne sommes pas toujours à la hauteur de nos attentes et de nos ambitions… Mais notre valeur aux yeux de Dieu ne dépend pas de ce que nous faisons ou accomplissons, elle dépend de ce que nous sommes : des êtres créés à son image, des hommes et des femmes aimés par Dieu, accueillis par grâce. 

Ce matin, chaque jour, en toutes circonstances, heureuses ou difficiles, approchons-nous de Dieu. Il nous accueillera, et nous trouverons auprès de lui le secours dont nous avons besoin. 


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