dimanche 28 septembre 2025

L’Eglise dans le projet de Dieu pour le monde (2) Singuliers

 

Suite de notre mini-série de prédications à partir du livret confectionné autour du thème du dernier Synode de l’UEEL : L’Eglise dans le projet de Dieu pour le monde. Après « Unis en Christ », le deuxième chapitre s’intitule « Singuliers ». 

Si l’unité de l’Eglise est à la fois une vocation et une espérance adressée à l’Eglise universelle, qui rejaillit par ricochet sur toute Eglise locale, ça ne signifie pas pour autant que toutes les Eglises se ressemblent. Chaque Eglise a une façon singulière de répondre à l’appel de Dieu. Comment discerner notre particularité, notre singularité… osons même dire, notre vocation propre ? Et au sein de l’Eglise locale, quelle est ma singularité personnelle ? A quoi suis-je appelé, quelle est ma place, qu’est-ce que je peux apporter à la communauté ? 

Pour ce deuxième chapitre du livret, une nouvelle phrase est mise en exergue (issue d’une rencontre transversale entre les différentes commissions de l’UEEL) : « Nous ne sommes pas une simple organisation mais un organisme vivant. »

Il n’y a en revanche pas de texte biblique proposé alors j’ai pensé à l’un des plus importants sur l’unité et la diversité de l’Eglise, et donc aussi sur la singularité de chacun de ses membres : l’image du corps développée par l’apôtre Paul dans sa première épître aux Corinthiens. 

1 Corinthiens 12.12-26
12Le Christ est semblable à un corps qui se compose de plusieurs parties. Toutes ses parties, bien que nombreuses, forment un seul corps. 13Et nous tous, Juifs ou Grecs, esclaves ou personnes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps par le même Esprit saint et nous avons tous bu de ce seul Esprit.
14Le corps ne se compose pas d'une seule partie, mais de plusieurs. 15Si le pied disait : « Je ne suis pas une main, donc je n'appartiens pas au corps », il ne cesserait pas pour autant d'être une partie du corps. 16Et si l'oreille disait : « Je ne suis pas un œil, donc je n'appartiens pas au corps », elle ne cesserait pas pour autant d'être une partie du corps. 17Si tout le corps n'était qu'un œil, comment entendrait-il ? Et s'il n'était qu'une oreille, comment sentirait-il les odeurs ? 18En réalité, Dieu a disposé chacune des parties du corps comme il l'a voulu. 19Il n'y aurait pas de corps s'il ne se trouvait en tout qu'une seule partie ! 20En fait, il y a plusieurs parties et un seul corps.
21L'œil ne peut donc pas dire à la main : « Je n'ai pas besoin de toi ! » Et la tête ne peut pas dire non plus aux pieds : « Je n'ai pas besoin de vous ! » 22Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus faibles sont indispensables ; 23celles que nous estimons le moins, nous les entourons de plus de soin que les autres ; celles dont il est indécent de parler sont traitées avec des égards particuliers 24qu'il n'est pas nécessaire d'accorder aux parties plus convenables de notre corps. Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d'honneur aux parties qui en manquent : 25ainsi, il n'y a pas de division dans le corps, mais les différentes parties ont toutes un égal souci les unes des autres. 26Si une partie du corps souffre, toutes les autres souffrent avec elle ; si une partie est honorée, toutes les autres s'en réjouissent avec elle.

On applique souvent ce texte à l’Eglise locale. On n’a pas tort de le faire mais il convient de souligner que la perspective première est celle de l’Eglise universelle. La formule du verset 12 est englobante : « Le Christ est semblable à un corps qui se compose de plusieurs parties. ». Or, le corps de Christ, c’est d’abord l’Eglise universelle. Et les catégories de personnes mentionnées au verset 13 sont les plus larges possibles : Juifs ou Grecs, esclaves ou personnes libres, soulignant ainsi l’universalité de l’Eglise. 

Ça ne veut pas dire qu’on ne puisse pas lire ce texte dans la perspective d’une Eglise locale, appelée à refléter en un lieu et un moment donné la réalité de l’Eglise universelle. Mais il ne faut jamais oublier que dans une perspective biblique, l’Eglise universelle prime, et l’Eglise locale en découle. 

En tant que reflet de l’Eglise universelle, une Eglise locale peut donc être comparée à un corps qui se compose de plusieurs parties. 

L’idée développée par l’apôtre Paul ici, c’est qu’en tant que corps de Christ, l’Eglise est une dans sa diversité. Et chaque membre du corps a sa place, son importance et son rôle qu’il s’agit de reconnaître. Tous les membres sont utiles, complémentaires… ce qui ne veut pas dire qu’ils soient interchangeables ! Il y a des dons, des compétences, des vocations, des ministères différents. Il n’y a pas d’unité sans diversité, et cette diversité implique de reconnaître la singularité de chacun et chacune. 


La force de la métaphore

Ce n’est pas la seule fois où la métaphore du corps est utilisée pour parler de l’Eglise. C’est une des images bibliques les plus courantes, si ce n’est la principale. C’est même devenu un concept théologique : l’Eglise est le corps du Christ. 

La métaphore est utilisée de différentes manières dans le Nouveau Testament, avec des variantes. Ce qui nous autorise, d’une certaine façon, à la prolonger… Il faut dire que la métaphore du corps a de nombreux atouts. Elle est très parlante et accessible : il suffit de se regarder soi-même, et de regarder autour de soi, pour avoir l’image devant les yeux. 

Elle est idéale pour exprimer l’unité dans la diversité. Il y a un seul corps… mais qui est formé de différentes parties très différentes. Qu’est-ce qu’il y a de commun entre une oreille, un œil ou un gros orteil ? A part le fait d’appartenir au même corps… La singularité apparaît dans cette diversité des parties du corps, qu’il s’agisse des membres ou des organes internes ! Et pourtant tout a commencé avec une seule et unique cellule ! 

Si on transpose la métaphore et qu’on affirme que chaque Eglise est corps de Christ, alors la métaphore dit aussi quelque chose de la diversité des Eglises, de la singularité de chacune. Regardez dans une foule, regardez autour de vous : il n’y a pas deux corps identiques. Il y en a des grands et des petits, des gros et des maigres, avec différentes couleurs de peau, des morphologies différentes, les couleurs des yeux, les forme du nez, des oreilles, des mains, des pieds différents… Cette diversité est belle et une richesse. C’est le cas aussi pour les Eglises et les différentes confessions chrétiennes. 

La métaphore du corps est aussi une invitation à l’émerveillement. Le corps humain est une merveille qui, même si on le comprend de mieux en mieux d’un point de vue scientifique, demeure, en plusieurs aspects, encore un mystère. Dans l’Eglise, dans toute Eglise, il y une part de mystère qui suscite l’émerveillement. Celle de l’action de Dieu dans une communauté si variées voire disparate. 

Enfin c’est aussi une métaphore qui permet de relativiser les Eglises… Le corps parfait n’existe pas, comme l’Eglise parfaite n’existe pas ! Certains peuvent paraître plus harmonieux, plus beaux… mais la perception même de la beauté est subjective. Sans compter que dans tout corps, il y a des dysfonctionnements, des blessures, des maladies, des handicaps dont on est plus ou moins fortement marqué. Mais l’essentiel est ailleurs : à l’intérieur, dans la dignité et la valeur intrinsèque égale pour toutes et tous, quels que soient les blessures ou les handicaps. De même, chaque Eglise est un corps plus ou moins bonne santé, plus ou moins harmonieux… mais évidemment jamais parfait. Un corps qui a ses blessures, ses handicaps voire ses maladies. Mais chaque Eglise est épouse du Christ, pour utiliser une autre métaphore biblique. Une épouse aimée par son époux, Jésus-Christ. 


Quand la métaphore devient une fable

Si on revient à la façon dont l’apôtre Paul développe la métaphore du corps son épître aux Corinthiens, on se rend compte qu’il s’écarte de la métaphore pour développer l’image presque sous la forme d’une fable. En effet, les différentes parties du corps se mettent à parler : un pied ou une oreille qui parle, ça n’arrive que dans une fable ! 

Les dialogues qu’il imagine soulignent que l’essentiel, dans l’Eglise, est la qualité de la relation que ses membres entretiennent entre eux. L’enjeu premier dans une Eglise n’est pas organisationnel, il est relationnel. C’est ici qu’on retrouve la phrase mise en exergue dans le livret : « Nous ne sommes pas une simple organisation, mais un organisme vivant. »

Quelle est la morale de la fable ? Quelles sont les leçons que nous pouvons tirer de la métaphore ? Je vous en propose deux… 


Inclure et non exclure

Tout d’abord, le dialogue entre les membres du corps commence de manière plutôt étonnante : « Si le pied disait : « Je ne suis pas une main, donc je n'appartiens pas au corps », il ne cesserait pas pour autant d'être une partie du corps. » (v.15) 

Qu’est-ce qui ferait dire au pied « je ne suis pas une main » et à l’oreille « je ne suis pas un œil ». Et surtout pourquoi alors ce sentiment d’exclusion : « Je ne suis pas une main, donc je n'appartiens pas au corps »

Faut-il forcément être une main ou un œil pour faire partie du corps ? Evidemment que non ! D’ailleurs, Paul le dit bien, non sans ironie : « Si tout le corps n'était qu'un œil, comment entendrait-il ? Et s'il n'était qu'une oreille, comment sentirait-il les odeurs ? » (v.17) Et si on essayait d’imaginer de tels corps, on basculerait presque dans le film d’horreur ! 

La première leçon, importante, me semble être la suivante : On peut se sentir exclu de l’Eglise parce qu’on n’est pas comme les autres, ou du moins pas comme ceux qui sont mis en avant. 

Ce sentiment d’exclusion doit bien venir de quelque part… Voilà qui doit nous interroger sur l’image qu’on projette de l’Eglise. Qu’est-ce qu’un bon chrétien, un bon membre d’Eglise ? Ou en tout cas, qu’est-ce qu’on laisse entendre à ce sujet ? Et qu’est-ce qu’on fait avec celles et ceux qui n’entrent pas dans nos cadres, qui ne cochent pas les bonnes cases ? 

Si vous vous sentez en décalage, différents voire exclus, soyez les bienvenus ! Nous avons besoin de votre singularité pour élargir notre horizon !


Prendre soin

L’autre dimension mise en avant par Paul dans son argumentation est celle de la nécessité de prendre soin les uns des autres. On est ici au cœur de la dimension relationnelle de l’Eglise. 

Il y a déjà, dans la métaphore, le constat qu’on ne traite pas de la même manière les différentes parties de son corps. Il y en a qu’on entoure de soins particuliers, d’une protection nécessaire et d’autres qui n’en ont pas forcément besoin. On protège nos parties intimes avec des sous-vêtements, on met un chapeau sur la tête pour se protéger du soleil, des chaussures aux pieds pour marcher dehors… 

La leçon qu’en tire l’apôtre Paul est simple : Il s’agit de prendre en compte les singularités, les forces et les fragilités, pour prendre soin de chacun et chacune en fonction de leur besoin.

L’élément clé de l’argumentation de Paul, c’est le souci égal les uns des autres. Nul n’est oublié, chaque personne est prise en compte, en fonction de ses besoins, et des circonstances. C’est un vrai défi, un idéal d’Eglise… mais bien une perspective à rechercher. Et qui débouche, concrètement, sur cette double affirmation finale : « Si une partie du corps souffre, toutes les autres souffrent avec elle ; si une partie est honorée, toutes les autres s'en réjouissent avec elle. » (v.26). 

Pour que ce soin mutuel, cette prise en compte de chacun dans un souci égal les uns des autres, soit une réalité, il faut tenir compte de la singularité de chacun. 


Conclusion

Inclure et prendre soin. Voilà les deux formules clé pour accueillir vraiment la singularité de chacun dans l’Eglise, pour être vraiment un corps unique, riche de la diversité de ses membres. 

Inclure implique de réfléchir à ce qui peut être excluant, même involontairement, dans notre façon de vivre l’Eglise, dans notre façon d’accueillir, dans ce que nous disons ou faisons… 

Prendre soin implique de travailler à la connaissance mutuelle, une relation authentique. Il ne s’agit pas d’être intime ou même proche de tout le monde, mais d’apprendre à se soucier les uns des autres. Souffrir avec ceux qui souffre, se réjouir avec ceux qui se réjouissent. 

Pour revenir à la question posée au début de la prédication : comment trouver ma place dans l’Eglise ? En étant qui je suis, en acceptant ma singularité, en m’intéressant à la communauté et aux autres... Charge aux autres, à ceux qui sont déjà en place, d’accueillir et d’inclure !  C’est cela aussi prendre soin les uns des autres ! 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un commentaire !