dimanche 26 octobre 2025

La joie du salut

 

Le texte de l’Ancien Testament proposé dans la liste de lectures de ce dimanche se trouve au chapitre 12 du prophète Esaïe. 

Dans les premiers chapitres du livre, le message du prophète vise à réveiller un peuple d’Israël qui s’est éloigné de Dieu et pour lequel la menace du jugement est de plus en plus explicite, notamment à travers l’annonce de l’invasion imminente de l’Assyrie. 

Mais à partir du chapitre 8, la figure d’un libérateur et la perspective d’un retour, apparaissent. Ce sont les premiers textes messianiques d’Esaïe, des textes annonçant la venue d’un homme choisi par Dieu (c’est le sens du mot Messie : l’oint) pour délivrer son peuple, l’émergence d’un nouveau David. Certains de ces textes seront d’ailleurs repris dans le Nouveau Testament et appliqués à Jésus : 

  • « Car un enfant nous est né, un fils nous est donné. Dieu lui a confié l'autorité. On lui donne ces titres : Conseiller admirable, Dieu fort, Père pour toujours, Prince de la paix. » (Es 9.5)
  • « Un rameau sort du vieux tronc de Jessé, une nouvelle pousse sort de ses racines. » (Es 11.1). 

Le chapitre 12 vient clore cette section, avec un chant de louange marqué par la joie, dans le prolongement immédiat de l’annonce de la délivrance promise par le Seigneur. C’est un cantique sur la joie du salut. 

Esaïe 12
1Alors tu diras ce jour-là :
« Seigneur, je veux te louer ;
tu étais en colère contre moi, mais tu ne m'en veux plus,
tu m'as réconforté.
2Voici le Dieu qui m'a sauvé ;
je me sens en sécurité, je n'ai plus peur.
Car ma force et mon chant, c'est le Seigneur ; il est mon sauveur. »
3Avec joie vous puiserez aux sources du salut.
4Ce jour-là, vous direz :
« Louez le Seigneur, dites bien haut qui est Dieu,
annoncez aux autres peuples quels sont ses exploits,
rappelez à tous quel grand nom est le sien.
5Célébrez le Seigneur par vos chants,
car il a fait de grandes choses.
Faites-les connaître dans le monde entier ! »
6Population de Sion, manifeste ta joie,
pousse des cris d'enthousiasme,
car il est grand, celui qui est au milieu de toi,
le Dieu d'Israël qui est saint.

A qui s’adresse ce texte ? Qui est le « tu » et le « je » du verset 1 ? D’autant que plus loin, dans la deuxième partie, c’est d’un « vous » dont il est question. Mais on l’identifie plus facilement. Il s’agit du peuple d’Israël, qui sera appelé à célébrer la délivrance accordée par Dieu et la proclamer « aux autres peuples ». D’ailleurs le verset 6 parle explicitement de la population de Sion (c’est-à-dire Jérusalem).

Mais le « tu » de la première partie, s’agit-il du peuple d’Israël comme un seul homme ? Peut-être… Mais ça peut finalement être n’importe qui, pour autant qu’il ait expérimenté le salut de Dieu ! 

Quoi qu’il en soit, le fait qu’il y ait un « tu » et un « vous » me semble significatif. Il y a bien une dimension personnelle et une dimension communautaire au salut de Dieu. 


La joie du salut

Soulignons d’abord la tonalité joyeuse de ce cantique. La première partie se termine avec une promesse : « Avec joie vous puiserez aux sources du salut. » (v.3) Et la deuxième partie se termine avec une invitation solennelle à célébrer Dieu dans la joie : « Population de Sion, manifeste ta joie, pousse des cris d'enthousiasme, car il est grand, celui qui est au milieu de toi, le Dieu d'Israël qui est saint. » (v.6)

Oui, dans la Bible la joie est une des composantes du salut ! 

Précisons ici ce que nous entendons par salut. On pourrait dire qu’il s’agit, d’une manière générale, de la délivrance que Dieu accorde. Dans le contexte du prophète Esaïe, il s’agit de la façon dont Dieu fera revenir son peuple, en le délivrant de l’exil en terre étrangère. Un motif qui entre en écho avec la délivrance accordée aux Hébreux lors de leur sortie d’Egypte relatée dans le livre de l’Exode, pour les conduire dans le pays promis, en Canaan.

Dans les évangiles, le salut se manifeste notamment dans les guérisons et délivrances que Jésus accorde, avec cette phrase qui accompagne souvent ses miracles : « ta foi t’a sauvé ». Le salut désigne, plus largement, la façon dont Dieu vient à notre secours, le pardon qu’il nous accorde, la délivrance du péché et de ses conséquence, l’espérance de la vie éternelle que nous trouvons dans la mort et la résurrection de Jésus. 

Être conscient de l’intervention de Dieu dans sa vie, n’est-ce pas un sujet de joie ? Être au bénéfice de sa délivrance, de sa guérison, de son pardon, n’est-ce pas un sujet de joie ? Recevoir une espérance, une vie éternelle dans la présence de Dieu, n’est-ce pas un sujet de joie ? Bref, si on est conscient de ce que le salut de Dieu nous apporte, on est dans la joie !

Quelle est la place de la joie dans notre vie de croyant et notre vie d’Eglise ? Je ne parle pas d’une joie superficielle et forcée, une joie de façade qui ne convaincra personne… Mais une joie profonde et authentique. Celle qui est citée en deuxième position, juste après l’amour, dans la liste du fruit de l’Esprit en Galates 5.22. Est-ce que cette joie transparaît dans le quotidien de notre vie de chrétien ? Est-elle au cœur de la Bonne Nouvelle dont nous témoignons ? 


Une expérience de paix retrouvée

Dans notre cantique, il y a d’abord les versets 1-2 qui parlent d’une joie personnelle, une joie intérieure, où la joie du salut apparaît comme une expérience de réconciliation, de paix retrouvée. 

Esaïe 12.1-2
« Seigneur, je veux te louer ;
tu étais en colère contre moi,
mais tu ne m'en veux plus,
tu m'as réconforté.
Voici le Dieu qui m'a sauvé ;
je me sens en sécurité, je n'ai plus peur.
Car ma force et mon chant, c'est le Seigneur ;
il est mon sauveur. »

Le premier verset est formulé de façon un peu anthropomorphique. La colère de Dieu n’est pas celle des humains… En réalité, c’est peut-être nous qui sommes fâchés avec Dieu plutôt que lui avec nous. Mais notre texte veut surtout parler de réconciliation, du pardon que Dieu nous accorde. C’est la relation brisée qui est restaurée. C’est bien un des aspects du salut. 

Je trouve la formule du verset 2 simple et belle, pour exprimer l’expérience du salut, la conséquence de cette relation restaurée : « Voici le Dieu qui m'a sauvé ; je me sens en sécurité, je n'ai plus peur. » Il me semble qu’on a là une belle façon de dire ce que procure la foi : la paix du cœur, parce qu’on connaît Dieu, on sait qui il est et ce qu’il fait. 

  • Je n’ai plus peur du chaos du monde, d’un monde que je ne comprends pas ou que je perçois comme hostile… car j’ai confiance en un Dieu souverain qui accomplira son projet. 
  • Je n’ai plus peur de demain, de l’incertitude d’un avenir angoissant et sans espoir… car une place dans un royaume qui n’est pas de ce monde m’est réservé. 
  • Je n’ai plus peur de l’adversité et de l’épreuve… car je sais que je ne suis jamais seul pour les traverser. 
  • Je n’ai plus peur même de la mort… car j’ai une espérance éternelle : Jésus-Christ a vaincu la mort. 

Bien-sûr, ce n’est pas toujours aussi évident que cela... La peur peut bel et bien refaire surface dans le cœur du croyant. Mais c’est bien dans le salut de Dieu qu’il pourra trouver la force de la surmonter, grâce aux promesses de Dieu. 

La plupart du temps, la joie du salut se manifeste non pas dans une joie artificielle, forcée ou superficielle, mais dans la paix du cœur… Quelles que soient les circonstances de notre vie, c’est la joie paisible de connaître Dieu et ses promesses. 


Une expérience communautaire de proclamation

La deuxième partie du cantique est moins intérieure et plus expressive. Elle invite à proclamer bien haut qui est Dieu, à célébrer le Seigneur et son œuvre, à manifester ensemble notre joie. Ces versets décrivent la joie du salut comme une expérience communautaire de proclamation. 

Derrière cette idée de proclamation, il y a l’idée d’une joie communicative, qui se partage. C’est une des raisons d’être de l’Eglise de partager la joie du salut. Voilà notre point commun, qui que nous soyons, quelle que soit notre vie, quelles que soit notre personnalité, nos qualités et nos faiblesses, nos luttes et nos victoires, notre éducation, notre expérience de la foi, nos convictions théologiques, les valeurs qui nous animent… Nous partageons la joie du salut. 

Mais c’est aussi une proclamation en espérance. Au moment où Esaïe invite à la célébration du Seigneur, le temps n’était pas encore à la joie. Loin de là. Notre joie est réelle, mais elle est encore dans l’attente de son plein accomplissement. C’est pourquoi notre joie ne doit pas être excluante pour celles et ceux qui, pour différentes raisons, peinent à vivre cette joie et trouver la paix aujourd’hui. Ce que nous partageons, c’est l’espérance d’une joie pleine et entière, encore à venir. 

Comment la joie du salut est-elle proclamée parmi nous ? La joie est-elle au cœur de notre espérance ? Si notre prédication est un discours moralisateur et culpabilisant, si notre évangélisation joue avec les peurs et les menaces, si le message que nous annonçons condamne et contraint… alors où est la joie ? Où est la Bonne Nouvelle ? 

Jésus-Christ est ressuscité ! Il a vaincu la mort ! Voilà la Bonne Nouvelle que nous voulons proclamer. Source d’une joie et d’une paix profondes aujourd’hui. Espérance d’une joie parfaite encore à venir. 


Conclusion

Savez-vous qu’en grec, la langue du Nouveau Testament, la joie se dit chara et la grâce se dit charis. Les deux mots ont une racine commune. Joie et grâce sont intimement liées. La grâce, c’est le don gratuit, le cadeau qui procure la joie à celui ou celle qui le reçoit. 

Recevoir le salut de Dieu comme un cadeau, c’est vivre notre vie chrétienne dans la joie.

Une joie du salut vécue comme une expérience personnelle et intime, dans cette paix du cœur profonde que la grâce de Dieu nous apporte. Une joie du salut vécue comme une expérience communautaire à partager gratuitement, à vivre et à proclamer dans l’espérance.

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