dimanche 11 septembre 2022

Parlons du péché !

 

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Ce matin, je vais vous parler du péché ! Je me doute bien que vous n’allez pas sauter de joie : « Génial, on va parler du péché ! » 

Vous connaissez peut-être la blague… Une femme qui n’a pas pu assister au culte demande à son mari : « de quoi le pasteur a-t-il parlé ce matin ? ». « Du péché », dit ce dernier. « Et qu’est-ce qu’il a dit ? ». Le mari répond : « Euh, je crois qu’il était contre ! » 

Cette histoire traduit peut-être notre embarras à parler du péché. C’est bien une notion biblique… mais on a souvent du mal à en parler. On peine à trouver des mots compréhensibles aujourd’hui, ou alors on tombe tout de suite dans un discours moralisateur ou culpabilisant… et c’est la catastrophe ! 

Mais peut-être est-ce parce qu’on aborde la question de la mauvaise façon… 

Ça m’est arrivé assez souvent dans un entretien pastoral qu’on me pose cette question, à propos de tel ou tel comportement : « Est-ce que c’est un péché ou pas ? » Comme s’il suffisait, pour régler la question du péché, de classer tous les comportements soit dans la colonne « c’est un péché » soit dans la colonne « ce n’est pas un péché ». Du coup, c’est facile : si c’est un péché, il ne faut pas le faire, et si ce n’est pas un péché, on peut le faire… 

Le problème, c’est qu’une telle vision binaire de la vie chrétienne, en noir et blanc, sans nuance, ne tient pas du tout compte de la complexité de la vie et de l’âme humaine. Et en plus, cela entretient une foi immature. 

Et puis il me semble qu’on a trop tendance à parler des péchés et pas assez du péché. Ne parler que des péchés, c’est tomber dans le travers des listes. Evoquer le péché, c’est s’interroger sur la nature profonde du péché, sur l’enjeu spirituel qu’il représente. 

Pour l’évoquer, je vous propose de lire un texte dans le livre de l’Exode, le texte de l’Ancien Testament prévu pour ce dimanche. Nous sommes peu de temps après la sortie d’Egypte pour les Hébreux, que Dieu avait délivré de l’esclavage, sous la conduite de Moïse. Dans le désert, Dieu avait alors demandé à Moïse de monter sur le mont Sinaï pour le rencontrer et qu’il puisse lui donner toutes les instructions pour le culte et la construction du tabernacle, ce temple portatif qui allait les accompagner et être signe de la présence de Dieu au milieu d’eux. Mais ça prend un peu de temps… et Moïse va rester 40 jours sur la montagne, ce que certains vont trouver un peu long !

Exode 32.1-14

1 Lorsque les Israélites virent que Moïse tardait à redescendre de la montagne, ils se réunirent auprès d'Aaron et lui dirent : « Allons, fabrique-nous un dieu qui marche devant nous, car nous ne savons pas ce qui est arrivé à ce Moïse, l'homme qui nous a fait sortir d'Égypte. » 2 Aaron leur répondit : « Arrachez les boucles d'or qui ornent les oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi. » 3 Tous les Israélites arrachèrent leurs boucles d'oreilles en or et les remirent à Aaron. 4 Celui-ci les prit, les fit fondre, versa l'or dans un moule et fabriqua une statue de veau. Alors les Israélites s'écrièrent : « Voici ton Dieu, Israël, celui qui t'a fait sortir d'Égypte ! » 5 Voyant cela, Aaron construisit un autel devant la statue ; puis il proclama : « Demain, il y aura une fête en l'honneur du Seigneur ! » 6 Tôt le lendemain matin, le peuple offrit sur l'autel des sacrifices complets et des sacrifices de paix. Les gens s'assirent pour manger et pour boire, puis se levèrent pour se divertir. 7 Alors le Seigneur dit à Moïse : « Redescends tout de suite, car ton peuple, que tu as fait sortir d'Égypte, s’est corrompu. 8 Ils se sont bien vite détournés du chemin que je leur avais indiqué : ils se sont fabriqué un veau en métal fondu, ils se sont prosternés devant lui et lui ont offert des sacrifices. Ils ont même dit : “Voici ton Dieu, Israël, celui qui t'a fait sortir d'Égypte !” 9 Eh bien, j'ai vu ce que vaut ce peuple ; ce sont tous des rebelles. 10 Alors laisse-moi intervenir : dans ma colère je les exterminerai, puis je ferai naître de toi un grand peuple. » 11 Mais Moïse supplia le Seigneur son Dieu de s'apaiser, en disant : « Seigneur, pourquoi déchaîner ta colère contre ton peuple, après avoir déployé ta force, ta puissance irrésistible pour le faire sortir d'Égypte ? 12 Si tu agis ainsi, les Égyptiens diront : “C'est par méchanceté que le Seigneur a fait sortir les Israélites de notre pays ; c'était pour les massacrer dans la région des montagnes et les faire disparaître de la terre.” Apaise ta colère, renonce à faire du mal à ton peuple. 13 Souviens-toi d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, tes serviteurs à qui tu as fait ce serment solennel : “Je rendrai vos descendants aussi nombreux que les étoiles. Je leur donnerai le pays que j'ai promis et ils le posséderont pour toujours.” » 14 Alors le Seigneur renonça à faire à son peuple le mal dont il l'avait menacé.


Si le mot « péché » n’est pas utilisé dans ce texte, il le sera un peu plus loin dans le chapitre, au verset 31 : « Moïse retourna vers le Seigneur et lui dit : « Ah, Seigneur ! Ce peuple a commis un grave péché, ils se sont fait un dieu en or. » C’est un écho à ce que Dieu dit dans notre texte à Moïse : « Redescends tout de suite, car ton peuple, que tu as fait sortir d'Égypte, s’est corrompu… » (v.7)

La façon dont Dieu parle des Hébreux a de quoi surprendre : il dit « ton peuple » en parlant à Moïse, comme s’il ne le connaissait pas, ou comme s’il prenait ses distances. D’ailleurs, immédiatement après, il demande à Moïse de le laisser intervenir pour les exterminer et repartir à zéro. Dieu voulait-il vraiment faire cela ? Et même s’il le voulait, avait-il besoin de l’autorisation de Moïse pour le faire ? En fait c’est comme si le Seigneur, tout en exprimant sa colère face à l’attitude du peuple, met Moïse en position d’intercesseur pour qu’il défende son peuple et que Dieu apaise sa colère. Et c’est ce qui se passe par la suite.

Il me semble qu’on peut voir dans cet étonnant récit une illustration de ce qu’est fondamentalement le péché. On pourrait dire que le péché, c’est le fait de remplacer Dieu par une idole Et cela provoque sa colère, une colère pourtant que Dieu ne demande qu’à apaiser. 


Remplacer Dieu par une idole

Une idole, c’est un Dieu qu’on se fabrique. Dans notre récit, c’est ce qui se passe littéralement. Le peuple se fabrique un veau en métal fondu et dit : “Voici ton Dieu, Israël, celui qui t'a fait sortir d'Égypte !” 

Evidemment, ils ne pensent pas une seconde qu’ils ont été délivrés d’Egypte par un veau, ou même que le Seigneur a l’apparence d’un bovidé. Simplement, en façonnant la statue, ils se fabriquent un dieu à leur mesure, qu’ils peuvent contrôler. 

Voilà la nature même du péché : s’affranchir de Dieu. Que ce soit en niant son existence, en se révoltant contre lui, en enfreignant sa volonté ou en le façonnant à notre mesure, selon nos souhaits. 

Le péché n’est pas d’abord une question morale mais une question spirituelle. Il concerne notre relation à Dieu. Bien sûr, cela a des conséquences dans nos choix de vie et nos comportements. Mais c’est d’abord une question spirituelle. 

Or, on a trop tendance à faire la morale quand on parle de péché. Or, si on en parle seulement en termes moraux, en termes de bien et de mal, on passe à côté de sa nature profonde. L’attitude attendue par Dieu face au péché c’est la repentance. Mais la repentance est moins portée par le regret ou le remord que par un changement profond et spirituel, celui d’un retour à Dieu. 

C’est pourquoi la véritable question que nous pose le péché n’est pas « qu’est-ce que j’ai fait de mal dans ma vie ? » mais plutôt « qu’est-ce que j’ai fait de Dieu dans ma vie ? »


Le péché et la colère de Dieu

Penchons-nous maintenant sur la réaction de Dieu au péché du peuple. Il se met en colère. 

Ça peut nous surprendre mais la Bible parle à plusieurs reprises de la colère de Dieu. Elle est une expression de sa sainteté et de sa justice, c’est sa réaction naturelle et légitime face au péché. 

Attention : il ne s’agit pas ici d’une de ces colères qu’on peut éprouver quand on est fatigué, agacé, quand on perd patience ou quand on veut manipuler les autres. C’est plutôt une colère similaire à celle qu’on peut ressentir face à l’injustice, la violence ou la haine. 

Ce qui est problématique dans la colère, c’est quand elle est une forme de violence à l’égard des autres, quand elle humilie ou agresse. Mais face à l’injustice ou la haine, on pourrait dire que c’est ne pas se mettre en colère qui est un péché ! Car c’est être devenu insensible et indifférent à ce qui est intolérable. 

Le péché produit la colère de Dieu parce qu’il est une injustice profonde envers le Créateur. Dieu se met en colère parce qu’il souffre de voir ses créatures se détourner de lui. Dieu n’est pas colérique… mais il est sensible. Le Dieu dont nous parle la Bible n’est pas du tout un être distant et froid, qui regarde de haut les humains comme des fourmis. Il est un Créateur qui aime profondément ses créatures et qui est affecté par ce qu’ils font de leur vie. Il se réjouit quand il les voit vivre conformément à leur nature profonde, créé en image de Dieu. Il est triste et en colère quand il les voit renier ce qu’ils sont profondément, lorsqu’ils se fourvoient dans la haine, l’injustice, l’arrogance… 


Apaiser sa colère 

Ce n’est pas par plaisir que Dieu se met en colère. En réalité, il ne demande pas mieux que d’être apaisé dans sa colère. D’ailleurs, il fait en sorte que ça se passe ainsi dans notre récit. En demandant la permission à Moïse d’exterminer son peuple – ce qu’il n’avait nullement besoin de faire ! – Dieu lui fait en quelque sorte un appel du pied. Il veut le placer en position d’intercesseur, pour qu’il plaide en faveur de son peuple et que Dieu apaise sa colère.

C’est une façon de dire à la fois que la colère de Dieu est juste mais qu’il veut aller au-delà de sa colère. C’est une illustration de cette formule biblique qu’on retrouve à plusieurs reprises dans l’Ancien Testament à propos de Dieu : il est « lent à la colère et riche en bonté ». 

Moïse n’est pas le seul à se retrouver en position d’intermédiaire ou d’intercesseur. Abraham l’avait fait en faveur de son neveu Loth et sa famille, Néhémie le fera pour Juda au moment de l’exil à Babylone. Cette figure de l’intermédiaire qui apaise la colère de Dieu pointe vers celui qui accomplira cette fonction de façon ultime et parfaite : Jésus-Christ. 

La colère de Dieu est justifiée mais sa grâce l’emporte. Parce que le péché a corrompu l’humanité, il a fallu qu’un intermédiaire paie le prix de la colère de Dieu. Mais dans sa grâce, Dieu prend sur lui le prix de sa colère. Il est venu lui-même, en la personne du Fils devenu homme, pour donner sa vie pour nous. 

Et ainsi sa colère est parfaitement apaisée, réconciliant sa justice et son amour… 


Conclusion

Le péché est bien une notion biblique importante mais elle est assez complexe. On ne peut pas le réduire à une liste d’interdits…

La solution au péché n’est pas morale, elle est spirituelle. Même si Jésus est le modèle parfait, ce n’est pas pour cela qu’il est venu en premier lieu. Le salut qu’il offre n’est pas celui d’un exemple que nous devrions nous efforcer de suivre pour nous améliorer moralement. Le salut qu’il offre vient de sa mort et de sa résurrection : il a subi le prix de la colère de Dieu et il a vaincu la mort. Or la mort est la conséquence ultime du péché qui nous coupe de Dieu, la source de toute vie. 

Pour le dire simplement : arrêtons de faire la morale quand on parle du péché ! Parlons plutôt de la tristesse de Dieu de nous voir nous éloigner de lui, de notre besoin de connaître notre Créateur, et de celui qui est venu pour nous réconcilier avec Dieu : Jésus-Christ, le Fils de Dieu devenu homme. 

Voilà la réponse de Dieu au péché, et la source de notre espérance !


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