dimanche 2 octobre 2022

L'argile et le potier


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Le texte biblique proposé pour la deuxième prédication de notre campagne de rentrée n’est pas un texte facile. Les rédacteurs du livret n’ont pas vraiment fait un cadeau aux prédicateurs ! Je prendrai donc un peu plus de temps que d’habitude pour éclairer ce texte et nous aider à le comprendre, avant d’envisager les applications que nous pouvons en tirer pour nous. 

Il faut d’abord replacer ce passage difficile dans son contexte. Dans ce chapitre de sa lettre aux chrétiens de Rome, l’apôtre Paul évoque ce qui est pour lui un profond sujet de tristesse : « mon cœur est plein d'une grande tristesse et d'une douleur continuelle. » (Romains 9.2). Cette tristesse, c’est à cause de l’accueil plus que mitigé que les Juifs, dont il fait partie, réservent à la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Pourtant, « Ils sont les membres du peuple d'Israël : Dieu a fait d'eux ses enfants, il leur a accordé sa présence glorieuse, ses alliances, le don de la Loi, le culte, les promesses. Ils sont les descendants des patriarches et le Christ, en tant qu'être humain, appartient à leur peuple. » (Romains 9.4-5) Mais les responsables religieux Juifs, dans leur grande majorité, non seulement n’accueillent pas Jésus comme le Messie mais ils poursuivent et cherchent à persécuter ses disciples. Paul le sait très bien puisqu’il a lui-même été un persécuteur des chrétiens avant sa conversion. 

Paul situe ce triste constat dans une perspective globale, celle de la mystérieuse souveraineté de Dieu. Il remonte jusqu’à l’histoire des patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Il constate que Dieu a choisi Isaac plutôt qu’Ismaël, et qu’il a choisi Jacob plutôt qu’Esaü. Et ce n’est pas parce que l’un serait meilleur que l’autre. C’est le choix de Dieu, c’est tout : « Ce projet relève de son choix, de l'appel qu'il adresse aux gens et non de leurs actions. » (Romains 9.12)

Lisons maintenant le texte qui nous est proposé pour ce matin :

Romains 9.14-23

14 Que faut-il en conclure ? Dieu serait-il injuste ? Certainement pas ! 15 En effet, il dit à Moïse : « J'aurai pitié de qui je veux avoir pitié et j'aurai compassion de qui je veux avoir compassion. » 16 Cela ne dépend donc pas de la volonté de l'être humain ni de ses efforts, mais uniquement de Dieu qui a compassion. 17 Dans l'Écriture, Dieu déclare au roi d'Égypte : « Je t'ai établi roi précisément pour montrer en toi ma puissance et pour que ma renommée se répande sur toute la terre. » 18 Ainsi, Dieu a compassion de qui il veut et il incite qui il veut à s'obstiner.

19 Tu me diras peut-être : « Alors pourquoi Dieu nous ferait-il encore des reproches ? Qui en effet résisterait à sa volonté ? » 20 Mais qui es-tu donc, toi, un être humain, pour contredire Dieu ? Le vase d'argile demande-t-il à celui qui l'a façonné : « Pourquoi m'as-tu fait ainsi ? » 21 Le potier fait ce qu'il veut avec l'argile : à partir de la même pâte il fabrique un vase précieux ou un vase ordinaire.

22 Eh bien, Dieu, en bon potier, voulait montrer sa colère envers certains vases et faire ainsi connaître sa puissance. Pourtant il a supporté avec une grande patience les personnes qui méritaient sa colère et qui s'en allaient à leur perte. 23 Mais son but était surtout de manifester combien sa gloire est riche pour les autres vases, ceux dont il a compassion, ceux qu'il a préparés d'avance à participer à sa gloire.

Dans le passage que nous venons de lire, l’apôtre Paul ajoute un autre exemple tiré de l’histoire biblique, celui de la sortie d’Egypte, avec le rôle joué par le Pharaon qui s’est obstiné dans son opposition au peuple Hébreux, malgré les plaies envoyées par Dieu dans le pays. Or, cette opposition même, Dieu l’a utilisée pour manifester sa puissance et sa gloire. Elle a servi son plan.

Paul trouve ainsi une consolation à sa tristesse dans la souveraineté de Dieu. Même les oppositions et la révolte contre Dieu servent finalement son projet. 

Cette affirmation ne va pas pourtant sans poser des questions… « Dieu serait-il injuste ? » (Romains 9.14) « Pourquoi Dieu nous ferait-il encore des reproches ? Qui en effet résisterait à sa volonté ? » (Romains 9.19) Ces questions sont compréhensibles ! Et si Paul ne les avait pas posées, nous l’aurions fait… 

C’est alors que Paul utilise la métaphore du potier et de l’argile, avec un argument par l’absurde : « Le vase d'argile demande-t-il à celui qui l'a façonné : ‘Pourquoi m'as-tu fait ainsi ?’ » (Romains 9.20). 

Il ne vous échappera pas qu’un vase d’argile n’est pas très bavard… Nous sommes, nous autres êtres humains, de simples vases d’argile devant Dieu. Nous ne pouvons pas nous placer d’égal à égal avec lui pour contester ses choix et son plan. Ce serait aussi absurde que d’imaginer un vase en train de se mettre à parler pour contester la manière d’agir du potier. 

« Le potier fait ce qu'il veut avec l'argile : à partir de la même pâte il fabrique un vase précieux ou un vase ordinaire. » (Romains 9.21)

Ce qui nous perturbe peut-être dans ce texte, c’est que Paul évoque des vases destinés à la colère et d’autres destinés à la compassion. On pourrait s’interroger sur la santé mentale d’un potier qui aurait de telles relations avec des vases qu’il façonne ! En réalité, il ne faut pas pousser trop loin la métaphore. Paul ici va au-delà de la métaphore et il ne parle plus de vases mais d’êtres humains. Parler de la colère et de la compassion de Dieu, c’est parler de sa réaction face à ceux qui se révoltent contre lui d’une part, et face à ceux qui accueillent sa grâce d’autre part. 

Ce que Paul veut dire par cette métaphore, c’est que ceux qui se révoltent contre Dieu comme ceux qui accueillent sa grâce servent les uns et les autres le projet de Dieu, ils n’échappent ni les uns ni les autres à sa souveraineté. Et pourtant, les uns suscitent la colère de Dieu et les autres sa compassion. C’est justement parce nous sommes plus que des vases, plus que des marionnettes ou des robots. Nous sommes des êtres humains libres et responsables. 

C’est là que nous touchons aux limites de notre intelligence pour comprendre Dieu, et c’est normal. Même si nous avons du mal à pleinement le concilier dans notre esprit, il nous faut, avec la révélation biblique, affirmer en même temps l’absolue souveraineté de Dieu qui fait ce qu’il veut, et la responsabilité de chacun, suscitant la colère ou la compassion de Dieu. 

A partir de là, nous pouvons nous approprier l’image du potier et de l’argile pour notre cheminement avec Dieu. Elle nous permet de souligner d’abord notre dépendance de Dieu mais aussi notre responsabilité. C’est cette double affirmation qui est source d’espérance pour nous, la promesse de transformations possibles. 


Dépendants…

Les vases ne sont pas ce qu’ils décident d’être, ils sont ce que le potier fait d’eux. Un vase ne se fait pas tout seul, il est forcément façonné par quelqu’un. Notre transformation, ce que la Bible appelle aussi la sanctification, dépend avant tout de l’action de Dieu qui nous façonne tel un potier. 

On est là dans une optique assez différente du développement personnel qu’on nous propose aujourd’hui, où on invite chacun à chercher au fond de lui-même ce dont il a besoin, dans une optique volontariste. Il suffit de nous convaincre nous-mêmes et de le vouloir du plus profond de notre être pour que ça arrive. 

L’être humain, de façon naturelle, a tendance à penser qu’il se fait tout seul, qu’il est maître de son destin, qu’il a toutes les cartes en main pour devenir meilleur et en paix avec lui-même. 

Ce n’est pas ce que la Bible affirme. Je ne dis pas qu’il n’y a rien de bon dans le développement personnel, je dis que ça ne suffit pas. Pour prolonger la métaphore biblique, le développement personnel oublie que nous ne sommes que de l’argile, c’est-à-dire que nous dépendons du potier pour devenir les vases que nous sommes appelés à être. 

La promesse, et notre espérance, c’est que Dieu veut nous façonner et faire de nous des vases utiles et précieux qui l’honorent. Faisant référence à un autre épisode de l’Ancien Testament, celui où Moïse se tenait dans la présence de Dieu, sur la montagne, ce qui faisait rayonner son visage de lumière, l’apôtre Paul affirme cette œuvre glorieuse de transformation menée par Dieu en nous :

2 Corinthien 3.18

Nous tous, le visage dévoilé, nous contemplons en Christ, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur ; ainsi, nous sommes transformés pour être semblables au Seigneur, et nous passons d'une gloire à une gloire plus grande encore. Voilà en effet ce que réalise le Seigneur, qui est l'Esprit.

C’est dans la contemplation du Christ, qui découle d’une relation de foi authentique avec lui, que se trouve la source de cette transformation. C’est dans la proximité avec lui, dans la prière, la méditation de sa Parole, la vie de disciple avec ceux qui partagent notre foi, que Dieu nous façonne à l’image du Christ. 


…et responsables !

Vivre dans la dépendance de Dieu, ce n’est pas vivre en esclave, privé de liberté et de responsabilité. 

Dieu ne nous façonne pas à notre insu. Nous sommes pleinement investis dans l’œuvre que Dieu fait dans notre vie. Il n’agit pas par contrainte mais avec patience et bienveillance. Il n’agit pas contre nous mais avec nous ! 

Notre responsabilité est donc de nous laisser façonner par Dieu. Car nous sommes faits d’une argile un peu particulière… une argile qui peut résister aux mains du potier, qui peut bloquer le changement et n’en faire qu’à sa tête. Nous pouvons même oublier que nous ne sommes que de l’argile et nous mettre à contester les projets du potier, pensant que nous savons mieux que Dieu lui-même ce dont nous avons besoin ! 

Concrètement, ça veut dire quoi ? Que la vie chrétienne est un apprentissage continu et que nous avons toujours quelque chose à apprendre. 

Apprendre à connaître les projets de Dieu pour nous. Pour cela, une seule possibilité : lire la Bible. Ce n’est pas très original mais c’est quand même incontournable. Alors je sais bien que ce n’est pas toujours facile, que certains ont du mal avec la lecture… Mais profitez des occasions qui vous sont proposées pour vous aider. Il y en a plusieurs dans notre Eglise ! 

Apprendre à lâcher prise et choisir la confiance. Oui, ça ne nous est pas naturel… Il s’agit d’accepter que nous ne sommes pas les maîtres absolus de notre vie, que nous ne pouvons pas accomplir notre vocation tout seul mais que nous avons besoin de Dieu d’abord et de ceux qu’il met sur notre route. 

Apprendre la patience et la persévérance. Parce que tout ne se fait pas tout de suite, sur un claquement de doigt. Ne croyez pas aux solutions de facilité, aux discours simplistes affirmant qu’il suffit d’avoir la foi pour que tous vos problèmes soient résolus. Ce n’est pas vrai ! Dieu prend le temps de nous façonner à notre rythme, pour ne pas le faire sans nous mais avec nous. 


Conclusion

De ce texte difficile, nous tirons une leçon fondamentale pour nous : Dieu veut nous façonner selon ses projets et nous sommes invités à nous laisser façonner par lui. Quand il y a un problème dans ce processus, ça ne vient pas de Dieu, ça vient forcément de nous… mais Dieu est patient et il prend le temps d’accomplir son œuvre en nous au rythme que nous pouvons supporter. 

Comme l’apôtre Paul le dit au début de sa lettre aux Philippiens : 

Philippiens 1.6

Dieu, qui a commencé cette œuvre bonne en vous, la continuera jusqu'à son achèvement au jour de la venue de Jésus Christ.

Et c’est parce qu’il est un Dieu souverain que nous pouvons recevoir cette promesse comme un espérance pour nous : ce qu’il a commencé, il l’achèvera !


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