dimanche 6 novembre 2022

Chadrak, Méchak et Abed-Négo

 

> Ecouter la prédication (à suivre)

Le texte de l’Ancien Testament proposé pour ce dimanche est le récit de l’histoire de Chadrac, Méchak et Abed-Négo, une histoire qu’on raconte assez souvent aux enfants à l’école du dimanche, sans doute parce qu’elle est spectaculaire et qu’elle se termine bien… même si, quand on y pense, elle est quand même assez terrible. 

Le récit est un peu long à lire, alors je vais simplement le résumer pour ceux qui ne connaîtraient pas l’histoire, en intégrant quelques éléments de contexte. Je m’arrêterai ensuite sur ce qui, selon moi, est le moment clé de l’histoire. Et ce n’est pas forcément son dénouement… 

Nous sommes à Babylone au VIe siècle avant Jésus-Christ. L’empire babylonnien domine toute la région et son règne est sans partage. Dans son expansion, elle a l’habitude de piller les richesses des peuples qu’elle envahit et d’exiler sa population, principalement les élites, pour les utiliser à leur profit dans leur pays. 

C’est ce qui est arrivé au royaume de Juda, après le siège et la prise de Jérusalem en 587 avant Jésus-Christ et l’exil qui a suivi à Babylone. Les Juifs se sont alors trouvés face à une culture différente de la leur, marquée par le polythéisme et un pouvoir absolu accordé au roi, perçu lui-même pratiquement comme une divinité. 

Un tel contexte pousse facilement un roi à la mégalomanie... c’est l’éternelle tentation du pouvoir, qui demeure aujourd’hui. Un jour, le roi Nabuchodonosor décide de faire construire une statute à son effigie, de 30 mètres de haut et de convoquer tout le monde, en particulier les membres des peuples envahis, à venir se prosterner devant elle. Une façon comme une autre de montrer ostensiblement son pouvoir, en humiliant au passage les peuples vaincus… Et ceux qui ne se soumettraient pas à cet ordre seraient brûlés vifs. On ne rigolait pas avec le pouvoir du roi en ce temps-là !

Et tout le monde s’exécute. Tout le monde sauf quelques-uns, des Juifs. On vient en particulier dénoncer au roi trois hommes : Chadrac, Méchak et Abed-Négo. On a l’impression, dans le récit, qu’ils paient un peu pour tous les Juifs, en tout cas ceux qui refusent de se prosterner devant la statue et de servir ses dieux (au moins Daniel devait aussi en faire partie…). Malgré les menaces réitérées, et la grande colère du roi, les trois hommes restent inflexibles : ils ne se prosterneront jamais devant la statue ni devant aucun autre dieu que le Seigneur, leur Dieu. 

Alors ils sont jetés vivants dans une fournaise ardente. Si ardente, d’ailleurs, que les soldats qui jettent les trois hommes dans la fournaise sont eux-mêmes brûlés vifs par les flammes. Mais c’est alors que le miracle se produit, et le roi n’en croit pas ses yeux. Ils ont jeté trois hommes ligotés dans la fournaise et il en voit quatre, libres de tout lien, qui se promènent dans la fournaise sans être atteints par les flammes ! Et le quatrième n’est pas comme les autres, il « ressemble à un être divin » (je ne sais pas, à vrai dire,  ce que cela signifie concrètement…). 

Ils vont être sortis de la fournaise non seulement vivants, mais sans qu’aucun de leurs cheveux ne soit roussi, ne portant même aucune odeur de brûlé sur leur vêtement. Le roi doit bien alors lui-même s’incliner devant ce miracle accompli par le Dieu de Chadrac, Méchak et Abed-Négo.  

Ce récit se trouve dans le livre de Daniel. Un livre prophétique un peu particulier qui contient à la fois des visions apocalyptiques et des récits. Les visions évoquent, de façon symbolique, la façon dont le projet de Dieu s’accomplit dans l’histoire malgré les empires et les puissances des humains qui dominent la terre. Les récits, quant à eux, doivent aussi être décryptés et sont des exemples pour les croyants, les invitant à rester fidèlement attachés à Dieu en toutes circonstances, même les plus hostiles. Et cela justement parce que derrière les royaumes et les empires humains, le Seigneur demeure aux commandes. 

Le récit de Chadrac, Méchak et Abed-Négo est non seulement une invitation à résister plutôt que se conformer, mais c’est aussi la promesse que Dieu se tient avec nous dans la fournaise, qu’il est à nos côté lorsque nous traversons une épreuve : il ne nous abandonne jamais. 

Je vous propose de nous arrêter maintenant sur quelques versets du texte, un moment-clé du récit, avant son dénouement. Il s’agit de la réponse que font Chadrac, Méchak et Abed-Négo à Nabucodonosor.

Daniel 3.13-18

13 Très en colère, Nabucodonosor ordonna qu'on lui amène Chadrac, Méchak et Abed-Négo. Aussitôt, ces hommes furent amenés en présence du roi. 14 Nabucodonosor leur dit : « Est-il vrai, Chadrac, Méchak et Abed-Négo, que vous refusez de servir mes dieux et d'adorer la statue d'or que j'ai dressée ? 15 Vous allez entendre de nouveau jouer de la trompette, de la flûte, de la cithare, de la sambuque, du psaltérion, de la cornemuse et de toutes sortes d'instruments de musique. Êtes-vous prêts maintenant à vous prosterner et à adorer la statue que j'ai faite ? Si vous ne l'adorez pas, vous serez jetés immédiatement dans la fournaise où brûle un feu intense. Quel dieu alors vous sauvera de mon pouvoir ? » 16 Chadrac, Méchak et Abed-Négo répondirent au roi : « Nabucodonosor, nous n'avons pas besoin de te répondre à ce propos. 17 Si notre Dieu, que nous servons, est capable de nous sauver, il nous sauvera de la fournaise où brûle un feu intense et de ton pouvoir, roi. 18 Sinon, sache bien, ô roi, que nous refuserons quand même de servir tes dieux et d'adorer la statue d'or que tu as dressée. »

Nous voyons donc que malgré les menaces du roi, les trois hommes n’ont pas peur, et ils ont une pleine confiance en Dieu qui pourra les sauver de la fournaise. Mais arrêtons-nous sur ce qu’ils disent précisément.


« Nabucodonosor, nous n'avons pas besoin de te répondre à ce propos. »

Ça a le mérite d’être clair ! C’est une évidence et le roi a beau insister, les menacer et les re-menacer, ils ne changeront pas leur résolution : ils ne se prosterneront pas devant la statue. C’est non négociable ! 

Dans la vie, il ne faut certainement pas toujours s’enfermer dans des principes immuables. C’est compliqué de vivre avec des gens qui disent tout le temps « c’est comme ça et pas autrement. » On est obligé, quand on est en relation avec les autres, de faire des compromis, de trouver un terrain d’entente, de faire des concessions. Sinon c’est tout simplement impossible de vivre ensemble !

Mais, pour autant, il me semble légitime d’avoir quelques repères essentiels dans notre vie qui sont non-négociables. Des principes sans lesquels on se renie soi-même. Pour Chadrac, Méchak et Abed-Négo, adorer le Seigneur seul était un de ces principes non-négociables. Ils ne comprennent même pas pourquoi le roi veut les faire changer d’avis… 

Du coup, en relisant ce récit, je me suis demandé : « qu’est-ce qui est non-négociable pour moi ? » Qu’est-ce qui est non-négociable dans votre vie ? Quelles sont vos valeurs fondamentales, celles sans lesquelles vous ne seriez plus vous-mêmes ? 

Le croyant a quelques repères bibliques qui peuvent l’aider dans ce domaine. Ça peut être le Décalogue, ou les deux commandements principaux évoqués par Jésus de l’amour pour Dieu et de l’amour pour le prochain. 

C’est très bien, évidemment. Mais ça, ce sont les bonnes réponses « théoriques », celles que donne le bon élève pour avoir une bonne note. Mais est-ce toujours le cas, dans la réalité ? Franchement, pour chacun de vous, si vous y réfléchissez honnêtement, qu’est-ce qui est non-négociable dans votre vie ? Et est-ce que c’est juste que ce soit non-négociable ? Je vous invite à prendre le temps d’y réfléchir… et peut-être de voir, dans la prière, si c’est légitime ou pas. 


« Si notre Dieu, que nous servons, est capable de nous sauver, il nous sauvera de la fournaise où brûle un feu intense et de ton pouvoir, roi. » 

Soyons attentifs à ce que disent vraiment Chadrac, Méchak et Abed-Négo. Ils n’affirment pas que Dieu va les délivrer. Ils disent simplement que si Dieu peut le faire, il le fera. Je ne sais pas s’ils doutent de la capacité de Dieu ou de sa volonté à le faire mais ce qui est certain, c’est qu’ils placent leur confiance en lui. 

Je trouve leur réponse admirable d’humilité, de simplicité et de profondeur. Car leur foi ne s’exprime pas dans des certitudes absolues mais dans une confiance totale. Ce dont ils sont sûrs, c’est qu’ils servent le Seigneur et que leur Dieu ne les abandonnera pas. Ils n’ont aucune certitude quant à la façon dont Dieu agira mais ils ont pleine confiance en lui : il ne les abandonnera pas. 

C’est ça la foi ! Ce n’est pas prétendre tout savoir, avoir tout compris et être pétri de certitudes inébranlables. C’est choisir de servir Dieu et de lui faire confiance. Malgré nos doutes, nos interrogations et nos questions sans réponse. 

Il ne faut pas avoir peur de dire « je ne sais pas » ou « je ne comprends pas ». C’est normal. Alors bien-sûr, c’est important d’approfondir sa foi, de la réfléchir et d’affermir ses convictions. C’est important de lire, d’étudier, de méditer la Bible, de bénéficier de l’enseignement de théologiens ou de la connaissance de croyants expérimentés pour grandir dans notre connaissance de Dieu et de ce qu’il attend de nous. Mais la clé de notre foi, quelle que soit notre connaissance ou notre expérience dans la vie chrétienne, restera toujours la confiance que nous plaçons en Dieu. « Je ne sais pas tout, je ne comprends pas tout… mais je te fais confiance ! » C’est exactement, dans leurs propres termes, ce que les trois amis ont dit devant le roi. 


« Sinon, sache bien, ô roi, que nous refuserons quand même de servir tes dieux et d'adorer la statue d'or que tu as dressée. »

Ici, je dois avouer que j’avais oublié la fin de leur réponse… Cette phrase, qui commence par « sinon » est pourtant essentielle. Elle fait référence à ce qui précède, à savoir que Dieu pourrait les délivrer de la fournaise. 

Autrement dit, non seulement ils ne savent pas comment Dieu agira à leur égard mais ils sont tout à fait prêts à envisager que Dieu ne les sauve pas de la fournaise. Ça ne leur pose pas de problème ! En fait, ils n’ont pas à dire à Dieu ce qu’il doit faire. Mais même si Dieu devait ne pas les sauver, cela n’affaiblirait aucunement leur détermination, et leur confiance en Dieu. 

Autrement dit, l’exemple qu’ils donnent, la qualité de leur foi ne se mesure pas à la délivrance miraculeuse qu’ils ont reçue mais à leur fidélité à Dieu. 

Dieu nous accorde parfois, dans sa grâce, des délivrances miraculeuses, des manifestations particulières de sa présence. Ce sont toujours des cadeaux jamais des dus. Ce qui est en revanche une constante, c’est la fidélité que produit la présence de Dieu en nous, par son Esprit, et sa présence à nos côtés en toutes circonstances, y compris dans les fournaises de nos vies. 

L’objectif que doit viser notre foi c’est la fidélité. Pas les miracles, ni même les réponses à nos prières. Sommes-nous prêts à dire, nous aussi, le même « sinon » que Chadrac, Méchak et Abed-Négo ? Sommes-nous prêts à dire que même si Dieu n’intervient pas comme je l’imagine, ou qu’il ne répond pas comme je l’espère, je lui resterai fidèle ! 


Conclusion

L’histoire de Chadrac, Méchak et Abed-Négo veut nous encourager à la confiance et la fidélité. Deux aspects fondamentaux de la foi. 

Bien-sûr, le miracle dans la fournaise est extraordinaire. Mais je trouve que leur réponse au roi est plus extraordinaire encore. Parce que même s’ils avaient brûlé dans la fournaise, leur témoignage de foi, par leur confiance et leur fidélité à Dieu, demeurait intacte. 

Et c’est cela que Dieu veut pour nous. Une foi qui se manifeste dans la confiance et la fidélité, en toutes circonstances. Et si Dieu s’est tenu dans la fournaise à côté des trois hommes, il était déjà avec eux quand ils répondaient devant le roi. Et il se tient aujourd’hui auprès de nous, et même en chacun de nous, par son Esprit, selon la promesse du Christ ressuscité d’être avec nous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. 

Voilà une solide raison pour nous d’être confiant et fidèle ! 


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