dimanche 12 mars 2023

Heureux les vulnérables !


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Comment vous sentez-vous ce matin ? C’est la pleine forme ? J’imagine que vous êtes au top, comme toujours en venant au culte… Un chrétien est toujours enthousiaste de venir au culte !

D’ailleurs, avec le Seigneur, tout va toujours parfaitement bien : on surmonte toutes les épreuves, rien ne nous fait peur, rien ne nous atteint vraiment. Notre foi triomphe de tout ! 

Vous trouvez peut-être que j’en fais un peu trop... C’est vrai ! Mais n’est-ce pas ce que, parfois, on essaie de faire croire aux autres ? Ou de se faire croire à soi-même ?  Quand on est chrétien, on doit être optimiste parce qu’on a une espérance, on doit être souriant parce qu’on a reçu l’amour de Dieu, on doit être épanoui parce qu’on a le Saint-Esprit qui habite en nous, on doit rester debout en toutes circonstances parce que le Seigneur est notre force, etc. 

Le problème, c’est que ce n’est pas tous les jours comme ça, n’est-ce pas ? On veut faire bonne figure devant les autres, on veut se montrer plein de foi et heureux… alors même que nous le sommes pas forcément. En tout cas pas toujours… y compris le dimanche ! 

Le texte du Nouveau Testament qui nous est proposé pour ce matin va nous inviter à une attitude différente, bien plus lucide sur nous-mêmes. Pendant sa lecture, prêtez attention à ce que Paul dit de nos détresses et de notre faiblesse. 

Romains 5.1-11
1 Nous avons été reconnus justes par la foi et nous sommes maintenant en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ. 2 Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l'espoir d'avoir part à la gloire de Dieu. 3 Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, 4 que la persévérance produit le courage dans l'épreuve et que le courage produit l'espérance. 5 Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l'Esprit saint qu'il nous a donné.
6 En effet, quand nous étions encore sans force, le Christ est mort pour les pécheurs au moment favorable. 7 Déjà qu'on accepterait difficilement de mourir pour quelqu'un de droit ! Quelqu'un aurait peut-être le courage de mourir pour une personne de bien.  8 Mais Dieu nous a prouvé à quel point il nous aime : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. 9 Par le don de sa vie, nous sommes maintenant reconnus justes ; à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu. 10 Nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils. À plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés avec lui, serons-nous sauvés par la vie de son Fils. 11 Il y a plus encore : nous mettons notre fierté en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, grâce auquel nous sommes maintenant réconciliés avec Dieu.

Comme souvent dans les écrits de l’apôtre Paul, ce texte est riche et dense. Il y a largement de quoi faire plusieurs prédications ! On pourrait parler de la justification, le fait d’être déclarés justes devant Dieu non pas en vertu de nos mérites mais en vertu de l’œuvre accomplie pour nous par Jésus, grâce à sa mort et sa résurrection. On pourrait parler de la réconciliation, cette relation renouée avec Dieu, cette paix retrouvée avec notre Créateur. 

Mais ce qui m’intéresse surtout dans ce texte aujourd’hui, c’est ce que Paul dit de la grâce : « Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. » (v.2). La grâce, c’est l’expression de la bonté, de la générosité de Dieu, son amour gratuit, sans contrepartie. En fait, la grâce, pour le croyant, c’est notre refuge, notre forteresse. 

Et nous en avons besoin parce que lorsque Paul évoque les croyants dans ce passage, ce n’est pas pour parler de chrétiens inébranlables, qui seraient toujours au top, jamais pris en défaut, toujours triomphants… Non, il parle pour eux de détresses, de faiblesse, en rappelant que nous sommes pécheurs. Et il s’inclut dedans (il parle à la première personne du pluriel). Si nous pouvons être fiers de quelque chose, ce n’est pas d’être des croyants forts et solides mais d’être des pécheurs au bénéfice de la grâce de Dieu. 

Paul ne considère pas les croyants comme des êtres inébranlables mais comme des êtres vulnérables. Et c’est pour cela qu’ils ont tant besoin de la grâce. 


La grâce est pour les vulnérables

« Heureux les vulnérables, car le Royaume de cieux est à eux ! » Je me permets ici une reformulation de la première béatitude du Sermon sur la Montagne, qui parle plutôt des « pauvres en esprit ». En réalité, ça me semble assez proche. Être pauvre, démuni, c’est bien être en situation de vulnérabilité. 

La grâce de Dieu n’est pas pour ceux qui se sentent invulnérable. Elle pour ceux qui reconnaissent leur vulnérabilité. Jésus a d’ailleurs bien dit aux Pharisiens, qui se croyaient purs et hors d’atteinte, qu’il n’est pas venu pour les bien portants mais pour les malades. 

Quand on se sait vulnérable, on ne fanfaronne pas. On est conscient de sa faiblesse, de ses limites. On sait qu’on a besoin des autres. Or, Paul le rappelle au verset 6 : « Quand nous étions encore sans force, le Christ est mort pour les pécheurs au moment favorable. »

Dans cette formule, l’apôtre rapproche le fait d’être « sans force », donc vulnérable, du fait d’être pécheur. Reconnaître et dire « je suis vulnérable », n’est-ce pas finalement une autre façon de dire « je suis pécheur » ? Une façon peut-être d’ailleurs un peu plus compréhensible aujourd’hui… 

Quand on reconnaît notre état de pécheur, on n’est pas en train de dire qu’on est un criminel ou la pire des crapules. On reconnaît simplement nos limites, nos erreurs voire nos fautes, notre incapacité à agir comme il convient… bref, on reconnaît notre vulnérabilité. 

Heureux les vulnérables, car ils savent qu’ils ont besoin de la grâce ! Et cette grâce leur ouvre la porte du Royaume des cieux… 


Reconnaître sa vulnérabilité est une force

La logique du Royaume de Dieu nous prend souvent à rebrousse-poil. Ainsi en est-il de cette fameuse formule utilisée à plusieurs reprises par Jésus : « Les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers. » 

De même on peut affirmer que reconnaître sa vulnérabilité est une force. Evidemment, ce n’est pas la vulnérabilité elle-même qui est une force. C’est le fait de se reconnaître vulnérable. L’apôtre Paul lui-même l’a dit aux chrétiens de Corinthe : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ! » (2 Co 12.10).

Se reconnaître vulnérable est une force parce que c’est un regard lucide sur soi-même qui ouvre à la grâce de Dieu. 

A l’inverse, on se ment à soi-même quand on se croit invulnérable et fort. La chute n’en sera que plus rude. « Que celui qui pense être debout prenne garde de ne pas tomber. » (1 Corinthiens 10.12)

Aujourd’hui comme hier, affirmer que la vulnérabilité peut être une force va à l’encontre de ce qui est promu dans la société. On y rencontre bien plus souvent le culte de la performance et la compétition à tout va, où c’est le meilleur, le plus fort, le plus ambitieux qui gagne. Et tout cela nous entraîne dans une fuite en avant, quitte à piétiner les autres pour gravir l’échelle sociale… 

Cela dit, il faut reconnaître qu’on commence à entendre depuis quelques années une petite musique différente, accentué notamment par la crise climatique, et qui parle de décroissance ou de sobriété heureuse. C’est intéressant ! C’est, d’une certaine façon, une reconnaissance de vulnérabilité qui refuse de vivre comme si toutes les ressources étaient illimitées.

Que peut donc impliquer, concrètement, cette reconnaissance de notre vulnérabilité ? C’est se donner, et donner aux autres, le droit de se tromper et d’échouer. S’enlever cette pression, ou cette prétention folle, qui nous dit que si nous sommes chrétiens alors nous devons être parfaits.

Dans nos relations, il s’agit d’accueillir notre frère ou notre sœur avec ses limites et sa vulnérabilité. Et pour cela, il faut refuser de juger l’autre… ou renoncer à idéaliser quiconque, en raison de son expérience, de son éloquence ou même de son ministère ! Ca ne rend service à personne !

Moi aussi je suis vulnérable. Toi aussi tu es vulnérable. Nous avons tous nos points faibles, nos fragilités, nos zones d’ombre. En être conscient nous ouvre à la grâce de Dieu. C’est là notre force. Et c’est une bonne nouvelle !

Voilà aussi pourquoi il faut que nous ayons de la place dans nos cultes pour reconnaître notre vulnérabilité. C’est le rôle, dans la liturgie, de la confession des péchés. Un culte ne doit pas être que louange et adoration au risque d’être déconnecté de la réalité. Il ne s’agit pas bien-sûr de tomber dans un dolorisme malsain et tout voir en négatif. Reconnaître notre vulnérabilité, c’est s’ouvrir à la grâce de Dieu. Et le culte est bien un moment privilégié pour le faire. Mais si tout y est louange et adoration, alors tout va bien, c’est merveilleux. Alléluia ! Sauf que ce n’est pas vrai… 


Conclusion

Je vous invite donc à recevoir cette nouvelle béatitude : « Heureux les vulnérables, car ils savent qu’ils ont besoin de la grâce ! » 

Reconnaître notre vulnérabilité est une force ! Cela nous conduit à plus de lucidité sur nous-mêmes, plus de simplicité devant Dieu, plus d’humilité à l’égard des autres. Bref, cela nous aide à être plus enclins à vivre, à donner et recevoir, la grâce. 

« Heureux les vulnérables, car ils savent qu’ils ont besoin de la grâce ! » Et cette grâce leur ouvre la porte du Royaume des cieux…


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