dimanche 25 juin 2023

Prendre le temps

 

Nous vivons dans un monde paradoxal. Aujourd’hui, tout va très vite… mais on n’a jamais le temps. 

Tout va vite, et nous avons en général un mal fou à ralentir. Je me souviens des réactions, il y a quelques années, quand on a décidé de diminuer de 10 km/h la vitesse sur les routes secondaires, alors même que ça pouvait réduire les accidents et l’impact environnemental. Mais nous obliger à rouler moins vite, c’est une atteinte scandaleuse à notre liberté ! On a tellement de mal à rouler moins vite… Et cela, pas seulement sur la route ! 

Tout va vite, et on suit le mouvement. Et trop souvent, malheureusement, il nous faut un gros pépin dans notre vie pour qu’on s’arrête ou qu’on ralentisse, quand les circonstances nous imposent de nous arrêter, ou quand notre corps dit « stop »… et il est parfois trop tard ! 

Comment ne pas céder à la tentation de la vitesse et de l’instantané ? Dans notre monde où tout doit aller vite, tout de suite, et si nous redécouvrions les vertus de la lenteur ? 

Dieu lui-même prend son temps. Vous me direz peut-être qu’il n’est pas pressé par le temps, lui… OK mais il n’est pas non plus limité et contraint comme nous, rien ne lui est impossible. Mais Dieu a pris son temps. 

Même s’il faut le prendre symboliquement, le récit de la création en 6 jours est significatif. Dieu aurait pu tout créer en un clin d’œil, en un instant. Non, il prend 6 jours pour le faire. Et il prend même le temps, le 7e jour, de s’arrêter et de contempler son œuvre. Dieu a pris son temps. 

Dans son œuvre de salut, il a pris des siècles pour arriver jusqu’à Jésus-Christ, accompagnant les humains dans leur histoire, avec patience, préparant la venue du Christ par ses prophètes, alimentant une espérance. Dieu a pris son temps. 

Et puis voilà près de 2000 ans que Jésus est retourné auprès de son Père et que les chrétiens attendent son retour. Dieu prend son temps. D’ailleurs, on ne devrait pas en être surpris : il avait laissé entendre que ça ne viendrait pas tout de suite. Dans les nombreuses paraboles où il nous invite à nous tenir prêt pour le jour de son retour, en se comparant à un maître qui s’est absenté et a confié ses biens à ses serviteurs, le maître tarde à revenir… 

Si Dieu prend son temps, ne devrions-nous pas, nous aussi, prendre notre temps ? Car notre cheminement spirituel aussi demande du temps… et nous aimerions souvent que les choses aillent plus vite, nos progrès, l’œuvre de Dieu en nous, le fruit de notre témoignage et de notre service…  

Mais regardez la liste du fruit de l’Esprit (Galates 5.22-23) : l'amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi. Ne sont-elles pas toutes des vertus qui demandent du temps ? C’est évident pour la patience, la fidélité ou la maîtrise de soi ! Mais l’amour ce n’est pas la passion ou la pulsion. La bienveillance, la bonté et la douceur demandent aussi du temps pour s’épanouir. Même la joie dans ce contexte, surtout associée à la paix, ne peut pas n’être qu’une sensation fugace… L’expression même, « fruit de l’Esprit », implique nécessairement le facteur temps. Un arbre ne produit pas son fruit en un clin d’œil ! Il faut le temps des saisons. 

Au contraire, les œuvres de la chair, ou les penchants humains comme le traduit la NFC, (Galates 5.19-21) sont toutes de l’ordre de l’instantané, du plaisir immédiat, de la pulsion : la débauche, l'impureté et les actions honteuses, le culte des idoles et la magie, l'hostilité, les querelles, les jalousies, les colères, les rivalités, les discordes, les divisions, l'envie, les beuveries, les orgies et bien d'autres choses semblables.

Il s’agit donc bien de laisser l’Esprit Saint affermir en nous des vertus qui s’épanouissent dans le temps plutôt que de céder aux pulsions et penchants naturels qui nous poussent vers l’immédiat et l’instantané. 

Un style de vie plus posé et sobre, qui sait attendre et ne veut pas tout, tout de suite, c’est bon pour tout le monde : pour soi-même, pour les autres avec qui nous sommes en relation, et même pour la planète ! 

J’ai repensé ici aux paroles de Jésus, dans le Sermon sur la Montagne, au sujets des inquiétudes… Un texte que nous pouvons aussi relire avec cette perspective de la patience et d’une certaine lenteur, ou du moins du temps qui passe. Dans ces paroles, Jésus nous invite aussi à savoir attendre et prendre le temps. 

Matthieu 6
25 Ne vous inquiétez pas au sujet de la nourriture et de la boisson dont vous avez besoin pour vivre, ou au sujet des vêtements dont vous avez besoin pour votre corps. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus important que les vêtements ? 26 Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils ne ramassent pas de récoltes dans des greniers, et votre Père qui est au ciel les nourrit ! Ne valez-vous pas beaucoup plus que les oiseaux ? 27 Qui d'entre vous parvient par ses soucis à prolonger un peu la durée de sa vie ?
28 Et pourquoi vous inquiétez-vous au sujet des vêtements ? Observez comment poussent les fleurs des champs : elles ne travaillent pas, elles ne se tissent pas de vêtements. 29 Pourtant, je vous l'affirme, même Salomon, avec toute sa richesse, n'a pas eu de vêtements aussi beaux qu'une seule de ces fleurs des champs. 30 Si Dieu habille ainsi l'herbe qui est dans les champs aujourd'hui et qui demain sera jetée au feu, ne vous habillera-t-il pas à bien plus forte raison vous-mêmes ? Comme votre foi en lui est faible !
31 Ne vous inquiétez donc pas en disant : “Qu'allons-nous manger ? qu'allons-nous boire ? ou qu'allons-nous mettre pour nous habiller ?” 32 Ce sont les païens qui recherchent sans arrêt tout cela. Mais votre Père qui est au ciel sait que vous en avez besoin. 33 Cherchez d'abord le règne de Dieu, cherchez à faire sa volonté, et Dieu vous accordera aussi tout le reste. 34 Ne vous inquiétez donc pas du lendemain car le lendemain s'inquiètera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine.


Prendre le temps d’observer

Jésus nous invite à regarder les oiseaux du ciel, à observer les fleurs des champs. Il nous dit : arrêtez-vous quelques instants. Laissez de côté vos préoccupations et vos inquiétudes et regardez, contemplez ! A force de toujours courir, de ne jamais s’arrêter, on ne prend plus le temps de regarder…

Jésus prend ici la nature comme métaphore. Les oiseaux ne s’inquiètent pas du lendemain et les fleurs des champs ne se tuent pas à la tâche. Pourtant, Dieu nourrit les uns et habille les autres. 

Jésus ne veut pas dire par là que nous ne devons pas être prévoyant, que nous ne devons pas travailler et que tout nous tombera du ciel, par miracle. Il dit simplement que les soucis et les inquiétudes ne nous apportent rien de positif, bien au contraire. 

Le verset 27 est une formule clé : « Qui d'entre vous parvient par ses soucis à prolonger un peu la durée de sa vie ? » C’est même probablement l’inverse qui se produit ! La même idée est poursuivie avec le fameux verset 34 : « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain car le lendemain s'inquiètera de lui-même. À chaque jour suffit sa peine. »

Dans ces différentes exhortations, Jésus nous invite à prendre le temps de regarder, d’observer, de contempler… et choisir la confiance plutôt que l’inquiétude. Ce choix de la confiance, c’est celui de la foi placée en Dieu, qui prendra soin de nous. 


Prendre le temps de chercher 

En plus de l’appel à regarder et observer, Jésus nous invite aussi à chercher. « Cherchez d'abord le règne de Dieu, cherchez à faire sa volonté, et Dieu vous accordera aussi tout le reste. » (v.33)

Chercher. Voilà encore une activité qui demande du temps et de la patience… qui ne se donne pas à nous si facilement, et certainement pas dans l’immédiateté. 

Que faut-il chercher ? Le règne de Dieu. Littéralement, le règne (ou royaume) de Dieu et sa justice. Ce ne sont pas deux choses différentes mais deux façons de dire la même chose, ou deux aspects complémentaires de la même réalité. Le règne (ou royaume) de Dieu, c’est là où Dieu règne. Sa justice, c’est ce qui est juste de faire dans ce royaume. D’où la traduction de la NFC : « Cherchez d'abord le règne de Dieu, cherchez à faire sa volonté. » On pourrait même dire : cherchez le règne de Dieu, c’est-à-dire cherchez à faire sa volonté. 

Et on sait bien que cela n’est pas forcément évident. Parfois, on sait très bien ce qui est juste de faire mais on hésite ou on craint de le faire, pour différentes raisons. Parfois, on a du mal à discerner ce qui est juste de faire, parce que les situations peuvent être complexes. 

Dans tous les cas, chercher à faire la volonté de Dieu demande du temps… du temps pour le discernement, pour la mise en pratique, et pour persévérer dans la bonne voie ! 


Conclusion

Dans notre monde où tout va vite et dans lequel pourtant nous n’avons jamais le temps, l’enseignement de Jésus va à contre-courant. Il est bon que nous l’entendions. Et que nous réapprenions à prendre le temps. 

Nous devrions-nous pas refuser la fuite en avant qu'on veut nous imposer et relativiser la course à la réussite, au profit, à la croissance ? Ne nous faut-il pas prendre le temps de la méditation, de la contemplation, de l'écoute, savoir nous arrêter et prendre du recul... méditer et prier !  

Prenons le temps de nous reposer en Dieu, de lui faire confiance et de le laisser agir en nous !


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