dimanche 9 juillet 2023

Les Proverbes – Chemins de sagesse (1)

 

Début juin j’ai participé au colloque théologique de la FLTE, qui s’intéressait à la littérature de sagesse dans la Bible. Une des interventions avait pour titre : « Prêcher sur le livre des Proverbes : un défi pour aujourd’hui ? »

Et je me suis rendu compte qu’en 27 ans de ministère pastoral, je pense n’avoir jamais prêché sur le livre des Proverbes ! En tout cas pas sur les recueils de maximes qu’on trouve à partir du chapitre 10. Alors je me suis dit : chiche ! Je vais relever le défi et je vous propose, pour les quatre dimanches jusqu’à fin juillet, une mini-série sur les Proverbes. 

Juste un petit mot d’introduction. Si les premiers chapitres du livre des Proverbes forment une sorte de longue introduction autour de la sagesse, l’essentiel du livre est constitué de plusieurs recueils de maximes, on pourrait parler aussi d’aphorismes : des proverbes très courts qui, en une phrase, veulent enseigner des leçons de vie. Ces proverbes sont en général en deux parties qui se répondent ou s’opposent. Et comme il s’agit de proposer des formules courtes, tout n’est pas toujours dit explicitement, il y a des mots ou des parties de phrases qui sont sous-entendus. Il y a donc souvent un travail de « reconstitution » à faire pour discerner les « mots cachés » et comprendre le sens de la maxime. 

On trouve ce procédé ailleurs dans la Bible. Lisons par exemple le dernier verset du Psaume 1 : « Car le SEIGNEUR connaît la voie des justes, mais la voie des méchants se perd. » (Psaumes 1.6)

En réalité, la moitié du verset est sous-entendue. Le verset ne dit pas explicitement que le Seigneur connaît aussi la voie des méchants ni où conduit la voie des justes mais c’est sous-entendu. Le verset complété pourrait être : 

« Car le SEIGNEUR connaît la voie des justes, elle conduit à la vie,
Mais il connaît aussi la voie des méchants et elle se perd. » 

On doit, assez souvent, avoir la même démarche quand on lit les Proverbes parce qu’ils utilisent le même procédé. Très souvent, tout n’est pas dit explicitement et l’implicite est aussi important que l’explicite. 

Ce que je vous propose pour les quatre dimanches qui viennent, c’est de lire le début du premier recueil de maximes attribuées à Salomon, au chapitre 10 des Proverbes (nous verrons bien jusqu’où ça nous mènera). Nous lirons quelques versets et nous prendrons le temps de décortiquer chacune des maximes, pour bien comprendre de quoi elles parlent, identifiant au besoin les parties implicites et sous-entendues. Et nous nous demanderons alors quelles leçons nous pouvons en tirer pour nous, aujourd’hui. 

C’est un peu comme une chasse au trésor. Il y a des énigmes à résoudre, ce qui donne à l’exercice a un petit côté enquête assez amusant, et ça peut nous conduire à des trésors de sagesse à côté desquels nous passons si nous lisons trop vite, sans y prêter l’attention nécessaire ! 

Proverbes 10.1-5
1 Maximes de Salomon. 
Un fils sage fait la joie d'un père ; un fils stupide, le chagrin de sa mère.
2 Les trésors des méchants ne profitent pas ; c'est la justice qui délivre de la mort. 
3 Le SEIGNEUR ne laisse pas le juste souffrir de la faim ; il repousse l'avidité des méchants.
4 Celui qui agit d'une main nonchalante s'appauvrit ; la main des hommes actifs les rend riches.
5 Celui qui amasse pendant l'été est un fils avisé ; celui qui dort pendant la moisson est un fils qui fait honte. 


Explication

Reprenons donc ces 5 maximes pour essayer de bien les comprendre, notamment en cherchant les éventuels « mots cachés ». 


Un fils sage fait la joie d'un père ; un fils stupide, le chagrin de sa mère.
(Proverbes 1.1)

On commence avec un proverbe qui n’a sans doute pas de mot caché. Ici, l’opposition entre les deux parties de la maxime est claire. On a d’un côté le sage et de l’autre le stupide, d’un côté la joie et de l’autre le chagrin. 

L’opposition entre le sage et le stupide est un des motifs les plus courants dans le livre des Proverbes. Ça ne veut pas dire que l’humanité se divise en deux catégories, d’un côté les sages et de l’autres les stupides. On est tous, un peu, sage et stupide à la fois. L’idée est de souligner ce qui est un comportement sage et ses conséquences, et ce qui est un comportement stupide et ses conséquences. 

Il me semble que « la joie du père » ou « le chagrin de sa mère » sont interchangeables. Ca pourrait tout autant être la joie de la mère et le chagrin de son père… 

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Les trésors des méchants ne profitent pas ; c'est la justice qui délivre de la mort.
(Proverbes 1.2)

Ici, il y a plus à dire. Dans la première partie de la maxime, on parle de trésors qui ne profitent pas, dans la deuxième partie on ne parle ni de trésor ni de profit, on parle d’être délivré de la mort. Dans la première partie, littéralement, il est question des « trésors de méchanceté », c’est-à-dire les trésors qu’on amasse en étant méchants. Les méchants dans les Proverbes sont ceux qui se conduisent mal. Dans la deuxième partie, la justice dont il est question, ce n’est pas celle du tribunal, c’est celle d’une conduite juste, qui s’oppose justement à celle des méchants. 

Que veut nous dire ce proverbe ? Que les méchants cherchent à amasser des trésors, sans être trop regardant sur les méthodes utilisées. Pour eux, tous les moyens sont bons pour acquérir des richesses. Mais pour les justes, amasser des trésors n’est pas une fin en soi. C’est la conduite juste qui importe avant tout. 

La mort dont il est question peut être la sanction de la justice, pénale cette fois, qui finit par atteindre les méchants et que les justes n’ont pas à craindre, puisqu’ils n’ont rien à se reprocher. On pourrait donc envisager cette maxime augmentée de la sorte :

Les trésors des méchants ne profitent pas, la mort finit par les atteindre ; c'est la justice qui délivre de la mort, les justes n’ont rien à se reprocher.

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Le SEIGNEUR ne laisse pas le juste souffrir de la faim ; il repousse l'avidité des méchants. 
(Proverbes 1.3)

Ici encore, l’opposition entre les deux parties du verset n’est pas évidente… On a bien le juste d’un côté et le méchant de l’autre. Mais le juste, on dit que le Seigneur ne le fait pas souffrir de la faim, et les méchants, que le Seigneur repousse leur avidité. 

De quelle faim parle-t-on ici ? La faim des méchants, c’est l’avidité, la faim d’en vouloir toujours plus et ne jamais être rassasié. Et si c’était de cette faim-là dont les justes ne souffrent pas ? 

Cette maxime serait alors une invitation au contentement en reconnaissant que le Seigneur nous accorde ce dont nous avons vraiment besoin et qu’il ne cède pas à nos caprices. Alors que celui qui n’est jamais satisfait et qui en veut toujours plus s’éloigne du Seigneur, obnubilé par son avidité. 

Le verset augmenté pourrait être :

Le SEIGNEUR ne laisse pas le juste souffrir de la faim de posséder, il subvient à ses vrais besoins ; il repousse l'avidité des méchants et les laisse dans leur insatisfaction.

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Celui qui agit d'une main nonchalante s'appauvrit ; la main des hommes actifs les rend riches.
(Proverbes 1.4)

On retrouve ici une maxime qui n’a sans doute pas de mots cachés. L’opposition est claire entre les deux parties de la phrase ; d’un côté la main nonchalante, de l’autre la main active. Evidemment, la main signifie l’action, le travail. D’un côté on a celui qui fait preuve de paresse, qui ne travaille pas ou très peu. Il ne doit pas s’étonner s’il n’en retire rien ! De l’autre, on a celui qui travaille, qui met les mains dans le cambouis, et qui finit par en retirer un profit. 

Cette maxime peut sembler enfoncer une porte ouverte mais il n’est pas inutile de rappeler que tout ne nous tombera pas du ciel. Il ne faut pas s’étonner de ne pas avoir ce qu’on recherche si on ne fait rien ! En toutes choses, nous avons notre part à accomplir. La prière ne remplace pas les révisions avant un examen, par exemple !

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Celui qui amasse pendant l'été est un fils avisé ; celui qui dort pendant la moisson est un fils qui fait honte.
(Proverbes 1.5)

Il y a bien un contraste ici est entre le fait d’amasser pendant l’été ou de dormir pendant la moisson (qui a bien lieu en été). Mais d’un côté on a un fils avisé, de l’autre un fils qui fait honte. Ce n’est pas une opposition stricte, sinon on aurait un fils stupide… 

Faire honte (ou susciter le mépris dans d’autres traductions) parle du regard qui est porté sur celui qui est concerné. Remarquez aussi qu’on ne parle pas simplement d’un homme mais d’un fils avisé ou qui fait honte. Ça peut rappeler le proverbe du verset 1 qui parlait de la joie du père et du chagrin de la mère pour leur fils avisé ou stupide…  

Complété, le proverbe pourrait être :

Celui qui amasse pendant l'été est un fils avisé qui fait la joie de son père (sa mère) ; celui qui dort pendant la moisson est un fils stupide qui fait honte à son père (sa mère).

Ce qui est aussi sous-entendu, c’est pourquoi l’un est avisé et l’autre stupide. C’est évidemment parce que celui qui amasse pendant l’été récolte le blé dans son grenier. Mais celui qui dort pendant la moisson laisse la récolte se détériorer et n’a pas de blé. 


Application

Récapitulons. Ces 5 maximes interrogent notre rapport aux richesses et aux biens matériels. Acquérir des richesses n’est pas une fin en soi, et la fin ne justifie pas les moyens. La méchanceté, la malhonnêteté et les magouilles peuvent, certes, rapporter à court terme mais à plus long terme, elles nous exposent à des dangers et on risque des retours de bâton. Sans compter que l’avidité nous entraîne dans un cercle vicieux, plus on en a, plus on en veut. Ça ne s’arrête jamais. C’est une faim qui n’est jamais rassasiée. 

Evidemment, ça ne doit pas être un oreiller de paresse ou un prétexte à l’oisiveté. Cela aussi est une conduite stupide. Il ne faut pas croire que tout va nous tomber du ciel. Chacun à sa part à prendre, sa part de travail à accomplir. 

La question que nous pose peut-être ces quelques proverbes, c’est : Qu’est-ce que réussir sa vie ? 

Pour la plupart des gens, aujourd’hui, réussir sa vie, c’est sans doute avoir une bonne situation, une belle carrière professionnelle qui garantit un certain revenu, une maison, une belle voiture et des économies… 

Ces quelques proverbes nous invitent à voir les choses autrement… Et si réussir sa vie, c’était avoir une vie juste ?  

Dans ces maximes, le regard approbateur ou désapprobateur des parents est important. Sont-ils fiers ou non de notre vie ? Nos proches, ceux que nous aimons, ceux qui comptent pour nous, sont-ils fiers de la vie que nous menons ? 

Et en élargissant un peu le propos, ne peut-on pas dire que le regard du père ou de la mère, c’est aussi le regard du Père, c’est-à-dire de Dieu sur notre vie et la façon dont nous nous comportons ? Dieu est-il fier de la façon dont nous menons notre vie ? 

C’est sans doute plus difficile de répondre à cette question que de regarder le solde de son compte en banque, son CV professionnel ou la voiture qui est dans son garage (ou pas)… Mais aux yeux de Dieu, je suis persuadé que c’est celui ou celle qui est juste qui réussit sa vie. Pas celui ou celle qui est adulé ou craint des autres, mais celui qui est approuvé par Dieu, qui regarde au cœur… 

Et des justes aux yeux de Dieu, il y en a des riches et des pauvres, des PDG et des ouvriers, des gens connus et des inconnus… Peu importe !

Chers amis, dans le prolongement des quelques proverbes de ce matin, j’aimerais nous encourager à ce que notre ambition première soit d’avoir une vie juste !


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