dimanche 9 juin 2024

Le trépied de la vie chrétienne (1) La foi

A quoi sert un trépied en photographie ? Assurer la stabilité de la prise de vue, quel que soit le sol sur lequel il repose. Les trois pieds s’adaptent à leur environnement pour permettre à l’appareil de ne pas bouger et de garantir une prise de vue nette. Sans trépied, la photo risque d’être floue, surtout si les conditions sont défavorables : terrain accidenté, vent, manque de lumière, etc…

On sait combien notre vie ne ressemble pas à une grande plaine paisible et sans embûche. Le sol de notre chemin ici-bas est même parfois très accidenté, et les éléments autour de nous peuvent parfois se déchaîner. Alors pour garder dans notre vie une vision nette et claire, pour trouver une stabilité, sur quel trépied notre vie chrétienne doit-elle reposer ?

Dans le Nouveau Testament, il y a bien trois « pieds » qui sont mentionnés, qui peuvent constituer ensemble le trépied de la vie chrétienne : la foi, l’espérance et l’amour. 

1 Corinthiens 13.13
Maintenant, ces trois choses demeurent : la foi, l'espérance et l'amour ; mais la plus grande des trois est l'amour.

Ces trois « choses qui demeurent » sont les valeurs ou les vertus chrétiennes fondamentales, celles sur lesquelles on peut toujours s’appuyer, quelles que soient les circonstances. Et la plus grande, celle qui assure le plus la stabilité de l’ensemble, c’est l’amour. 

Dans une mini-série avant l’été, je vous propose d’explorer ce trépied, en trois prédications, en commençant par le premier pied : la foi. Ça paraît normal de commencer par la foi. La vie chrétienne est, par définition, une vie de foi. Mais qu’est-ce que la foi ? 

Si je vous dis que j’ai, ici dans ma poche, une délicieuse sucette. Est-ce que vous me croyez ? 

Qui me croit ? Levez la main !

Alors si vous me croyez, venez la chercher ! 

Voilà ce qu'est la foi : croire sans voir, choisir de faire confiance et prendre le risque d'agir en conséquence.


Qu’est-ce que la foi ?

Il y a un texte du Nouveau Testament qui propose d’une certaine façon une définition de la foi. On le trouve dans la lettre aux Hébreux, au chapitre 11. J’ai choisi de lire la version de la TOB, qui me paraît la plus satisfaisante pour un texte grec qui n’est pas évident à traduire en français. 

Hébreux 11.1-3 (TOB)
1La foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas. 2C’est elle qui valut aux anciens un bon témoignage.
3Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été organisés par la parole de Dieu. Il s’ensuit que le monde visible ne prend pas son origine en des apparences.

Même si le verset 1 n’est pas facile à traduire, on peut noter que l’objet de la foi est clairement défini. Il s’agit de ce qu’on espère et ce qu’on ne voit pas. La foi ne concerne donc pas ce qu’on peut toucher ou ce qu’on peut voir mais ce qui n’est pas encore là et ce qui est invisible. Comme la sucette dans ma poche tout à l’heure… Comme Dieu lui-même et ses promesses. 

La foi permet d’appréhender ce qui n’est pas encore là, de le rendre déjà présent et réel d’une certaine manière, bref de posséder déjà ce qu’on ne fait qu’espérer. C’est aussi un moyen de voir ce qui est invisible, une autre manière de percevoir la vie, le monde, au-delà de ce qui est palpable et manifeste, bref de connaître des réalités qu’on ne voit pas. 

Les versets 2 et 3 permettent de préciser quelque peu tout cela. Les anciens dont parle le verset 2, ce sont ceux qui seront cités dans la suite du chapitre, des hommes et des femmes qui, tout au long de l’histoire biblique, ont fait preuve d’une foi vivante et qui servent d’exemple. Cela veut dire aussi que la foi n’est pas qu’un simple point de vue, une opinion comme une autre, ni même une croyance parmi d’autres. Elle se manifeste concrètement, elle change la façon d’être et de vivre. La vie du croyant témoigne de la réalité de sa foi. 

Quant au verset 3, en faisant référence aux origines du monde, organisé par la parole de Dieu, il se réfère à une des affirmations de foi fondamentales : l’univers n’est pas éternel mais a eu un commencement, il a été créé par Dieu. Il n’est pas le fruit du hasard mais il a été organisé par la parole de Dieu, selon son dessein. Evidemment, ça ne peut pas être prouvé, c’est une affirmation de foi. Mais le contraire ne peut pas être prouvé non plus… 

En remontant ainsi aux origines, la lettre aux Hébreux souligne que la foi a pour conséquence une vision particulière du monde, qui va au-delà de ce qu’on voit et perçoit avec nos sens, et qui intègre Dieu comme principe fondamental, comme cause ultime de toutes choses. La foi permet de « voir » le Dieu invisible, dans sa manière d’agir dans le monde et dans notre vie. 

Que pouvons-nous déduire de tout cela quant à la foi, pour nous aujourd’hui ?


Croire sans voir

Avoir la foi, c’est croire sans voir. Il est donc absurde de dire « je ne crois que ce que je vois. » Si tu le vois, tu n’as plus à le croire puisque tu le vois ! C’est toute la difficulté de la foi… 

Comme l’objet de la foi est l’invisible et ce qui n’est pas encore là, il est naturel que le doute et les interrogations y aient aussi leur place. Il ne faut surtout pas croire qu’un croyant fidèle ne doit plus connaître le doute. Il ne faut pas se troubler si, tout en étant chrétien, on est confronté à des interrogations, parfois sérieuses. Pourquoi Dieu ne répond-il pas ? Pourquoi laisse-t-il faire cela ? Pourquoi n’intervient-il pas ? Dieu entend-il vraiment ma détresse ? N’est-il pas sourd à ma prière ?  Des doutes, des interrogations, des incompréhensions, on en trouve un paquet dans les psaumes, qui sont des prières bibliques, écrites par des croyants fervents. Et pourtant ils doutaient parfois ! 

Il ne s’agit donc pas de taire nos doutes et nos interrogations. Il s’agit de les assumer, de les présenter à Dieu et de les surmonter dans la confiance. Et ça peut prendre parfois du temps… Mais les temps de remise en question sont aussi utiles dans notre cheminement de foi. Lorsque le doute est surmonté, la foi est affermie. 

On peut même reconnaître des vertus au doute. Il nous empêche de nous enfermer dans des certitudes absolues. En réalité, les certitudes absolues sont un piège redoutable, celui de l’intégrisme. Celles et ceux qui ne doutent jamais me font peur. Celles et ceux qui donnent l’impression de ne jamais chanceler, d’être toujours inébranlable dans leur foi, me sont suspects. 

Le doute fait partie de la foi, parce qu’il n’est pas facile de croire sans voir. 


Choisir de croire

La foi demeure, fondamentalement, un choix. Puisqu’on ne peut pas attendre de voir pour croire, il faut choisir. Choisir de croire ou de ne pas croire. Ça ne veut pas dire pour autant tirer à pile ou face... Le choix doit être informé et réfléchi, il peut être argumenté. Même si l’existence de Dieu ne peut pas être prouvée, croire en lui n’est pas pour autant sans fondement rationnel. 

Est-il plus irrationnel de croire que Dieu existe et qu’il a créé le monde ou de croire qu’il n’y a pas de Dieu et que le monde est le fruit du hasard ? Franchement, ça se discute… Après, bien sûr, il s’agit de savoir de quel Dieu on parle. Et puis croire en son amour et en la possibilité de le connaître est encore autre chose. Mais à chaque fois, c’est une question de choix. 

Un choix qu’on ne peut pas faire à la place des autres. La foi n’est pas un héritage familial ou culturel, même si l’éducation reçue et le cadre familial peuvent jouer un rôle important dans notre cheminement personnel de foi. C’est toujours un choix personnel. 

Croire, c’est choisir de croire. Plus encore, c’est un choix sans cesse à renouveler. Ne considérons pas la foi comme un acquis mais comme un défi de tous les jours. 

Attention : je ne parle pas ici du salut. Certes, on reçoit le salut par la foi mais ce n’est pas notre foi qui nous sauve, c’est le Seigneur qui nous sauve, dans sa grâce. Le salut nous est acquis par la mort et la résurrection du Christ. 

Tous les jours je dois choisir de croire. Tous les jours je dois choisir de croire dans ce salut acquis en Jésus-Christ. Tous les jours je dois choisir de placer ma confiance en Dieu, parce que les circonstances de ma vie changent. 

Quand une épreuve me tombe dessus, je dois choisir de croire que Dieu va me soutenir et m’accompagner. Quand je subis un échec, je dois choisir de croire que Dieu m’accompagnera sur de nouveaux chemins. Quand je fais face à une question, une interrogation profonde qui me trouble, je dois choisir de croire que si je ne comprends pas, Dieu, lui, connaît toutes choses et a la réponse. Quand un projet abouti, je dois choisir de croire que c’est une grâce que Dieu m’a faite et que je n’ai pas à m’enorgueillir de ma réussite. Quand Dieu exauce ma prière, je dois choisir de croire que ce n’est pas un dû mais une marque de la bonté de Dieu. 

En toutes circonstances, nous sommes toujours appelés à faire le choix de la foi. 


Croire… et agir

Enfin, l’autre grand défi de la foi, c’est d’agir en conséquence. Il ne s’agit pas seulement de croire mais aussi de vivre conformément à notre foi. C’est cela qui est un témoignage pour les autres. Et ce n’est pas une option facultative. Une foi qui en reste à des intentions, aussi bonnes soient-elles, n’est pas vraiment la foi. 

En d’autres termes, la foi n’est pas qu’une question de confiance, c’est aussi une question d’obéissance. Je ne parle pas ici d’une soumission servile, je parle d’un désir de faire la volonté de Dieu, de conformer sa vie au projet de Dieu. Cela aussi est un choix à faire et à refaire sans cesse !

Il est utile de se demander en quoi notre foi, ce que nous croyons, façonne notre façon d’être, notre vie de tous les jours, nos relations avec notre prochain. Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de se poser la question différemment : Qu’est-ce que je ne ferais pas, ou qu’est-ce que je ferais différemment, si je n’étais pas croyant ? Et si je constate que, finalement, ça ne changerait pas grand-chose, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas ! 

Je ne dis pas que c’est facile, et il faut admettre que même avec toute la bonne volonté du monde, on n’arrive que très partiellement à le vivre. Mais le Seigneur est patient et il nous aide, petit à petit, à mettre notre foi en pratique, il travaille en nous, en profondeur, et quand il le faut, il nous aide à nous relever et nous donne le courage de recommencer. 

Petit à petit, notre foi change notre vie… ou plutôt Dieu nous change par le moyen de notre foi mise en pratique. 


Conclusion

Le premier pied du trépied est fondamental car la vie chrétienne est une vie de foi. Or, la foi nous ouvre sur ce qui est invisible et ce qui n’est pas encore là. Ce n’est pas loin d’être un super-pouvoir ! Mais c’est surtout un défi à relever chaque jour. Un choix à renouveler sans cesse, pour croire et pour vivre ce qu’on croit. 

Heureusement que le Seigneur, par son Esprit, est là pour nous assister, nous accompagner, nous encourager et nous consoler. Parce que le chemin est loin d’être facile… mais nous savons où il nous conduit. Il débouchera sur la présence même de Dieu, pour l’éternité… et alors nous n’aurons plus besoin croire, parce que nous verrons Dieu ! 

Mais cela, c’est notre espérance, et c’est le deuxième pied du trépied, dont nous parlerons dimanche prochain. 


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