38Jean dit à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu'un chasser les démons en invoquant ton nom, et nous avons voulu l'en empêcher, parce qu'il n'appartient pas à notre groupe. » 39Mais Jésus répondit : « Ne l'en empêchez pas, car personne ne peut accomplir un miracle en mon nom et tout de suite après dire du mal de moi. 40Car celui qui n'est pas contre nous est pour nous. »
Pourquoi Jean dit-il cela à Jésus ? Il n’est pas en train de dénoncer ses petits camarades au maître puisqu’il s’inclut dans le groupe des disciples qui ont voulu empêcher cet homme de continuer à chasser les démons en invoquant le nom de Jésus. Est-ce qu’il est en train de fayoter pour s’attirer les félicitations du maître ? Franchement, ce n’est pas impossible, puisque juste avant cet épisode, l’évangile de Marc relate la vive discussion entre les disciples pour savoir lequel était le plus grand… Et Jésus les avait déjà recadrés !
Ce n’est pas une question dans la bouche de Jean mais une affirmation. Pourtant, en le disant à Jésus, il attendait au moins une réaction chez son maître. Il espérait sans doute une approbation ou une confirmation de la part de Jésus. Soit parce qu’il était fier de ce que les disciples avaient fait, considérant que c’était un témoignage de leur fidélité et de leur attachement à leur maître, soit parce qu’il n’était pas tout à fait sûr d’avoir bien agi et qu’il aimerait lever un doute. On ne sait pas vraiment. Ce qu’on connaît en revanche, c’est la réponse très claire de Jésus. « Ne l’en empêchez pas… »
Et c’est une réponse qui met le doigt sur un danger qui guette tout groupe qui se réclame de Jésus… ce qui peut d’ailleurs être une définition simple d’une Eglise ! Car le problème, pour les disciples, c’était qu’un homme chassait des démons en invoquant le nom de Jésus sans pour autant appartenir au groupe des disciples. C’est le verbe akoloutheo qui est utilisé ici, qui a donné le mot acolyte en français. Si le terme a pris un sens technique par la suite, au temps du Nouveau Testament, il désignait simplement le fait de suivre ou d’accompagner.
Ce qui a donc motivé l’action des disciples, c’est que cet homme ne faisait pas partie de leur groupe. Et c’est justement ça qui pose un problème dans l’attitude des disciples…
La confiscation du nom de Jésus
Faut-il faire partie des disciples « officiels » de Jésus pour invoquer son nom ? Le droit d’invoquer son nom est-il réservé à certains ? Mais à qui ? Visiblement, les disciples voulaient confisquer ce droit. C’est pour cela qu’ils ont voulu faire taire celui qui marchaient sur leurs plates-bandes…
C’est une vertu pédagogique de ce récit que de nous mettre en garde contre le danger d’une confiscation du nom de Jésus.
Confisquer le nom de Jésus, aujourd’hui, c’est prétendre que nous sommes les seuls véritables chrétiens, les seuls qui puissent authentiquement revendiquer le droit d’invoquer son nom. Ce « nous » sera peut-être notre Eglise locale, ou alors notre Union d’Eglises, ou notre confession (évangélique, protestant…).
Mais dès le moment où on regarde les autres de haut, où on estime que la façon d’invoquer le nom de Jésus est plus légitime chez nous qu’ailleurs, on tombe dans le piège. Or aucun chrétien, aucune Eglise, ne peut prétendre à une telle mainmise sur Jésus !
La bonne nouvelle, c’est que le nom de Jésus chasse les démons. Il ne s’agit évidemment pas d’une formule magique et ça ne se limite pas seulement à des cas spécifiques d’exorcisme. On peut le comprendre ici d’une manière assez large : le Christ nous libère des emprises du mal, quelles qu’elles soient. Et cela n’est pas lié à un groupe particulier, à une Eglise ou une confession. C’est le Christ qui libère.
Heureusement que le Christ agit au-delà des limites de nos Eglises et autres groupements humains. Ça aussi, c’est une bonne nouvelle !
C’est pourquoi il est toujours utile d’élargir notre horizon, d’être curieux pour s’ouvrir aux autres qui invoquent le nom de Jésus… même s’ils ne le font pas forcément comme nous.
Celui qui n'est pas contre nous est pour nous
La formule de Jésus reste pertinente pour nous aujourd’hui : « celui qui n'est pas contre nous est pour nous ». Elle nous invite à une conception ouverte de l’Eglise, du groupe des disciples.
On peut distinguer deux façons d’envisager l’Eglise.
- Comme un espace fermé, avec certes des portes d’entrée, mais où il s’agit de définir les limites, les frontières.
- Comme un espace ouvert qui ne se définit pas par ses limites mais par son cœur.
C’est, me semble-t-il, ce deuxième modèle que Jésus encourage plutôt avec sa réponse à Jean.
C’est plus facile d’être une Eglise qui se définit par ses limites. C’est plus « carré », avec des repères clairs, plus sécurisant quand on est à l’intérieur… Il ne s’agit évidemment pas d’accueillir à tout va, sans discernement et refuser tout repère. Mais si l’Eglise se définit d’abord par ses limites, ces dernières risquent de devenir des carcans, qui enferment ceux qui sont à l’intérieur, et rend difficile l’accès à ceux qui sont à l’extérieur…
C’est plus exigeant d’être une Eglise qui se perçoit comme un espace ouvert, et qui se définit non par ses limites mais par son cœur. C’est plus inconfortable, moins sécurisant. Mais n’est-ce pas la seule façon d’accueillir vraiment et de mettre en valeur la personne du Christ plus que notre identité d’Eglise ?
On peut imaginer que le cœur d’une Eglise puisse légèrement varier d’une communauté, ou d’une confession, à une autre. Mais il devra quand même se définir autour de la personne du Christ.
Concrètement, on peut se poser la question suivante : quand quelqu’un découvre pour la première fois notre Eglise, que perçoit-il d’abord ? Je ne parle pas seulement du bâtiment évidemment, mais de celles et ceux qui la composent, de l’image que nous en donnons, du message que nous proclamons… Perçoit-on d’abord des barrières et des obstacles à franchir ou un cœur, un foyer qui rayonne ?
Honnêtement, je pense que naturellement, nous produisons plus facilement des barrières et des obstacles... C’est pourquoi il est bon d’entendre l’exhortation de Jésus et ses conséquences : « Celui qui n'est pas contre nous est pour nous » Et il est vital de toujours se demander comment nous pourrons mieux rayonner ensemble de la présence du Christ.
Conclusion
En cette journée de rentrée de notre Eglise, il est pertinent de se demander quel genre de communauté nous voulons être. Est-ce que nous voulons nous voir comme un espace fermé, même avec des portes ouvertes, mais où il s’agit de définir les limites, les frontières. Ou est-ce que nous voulons nous voir comme un espace ouvert qui ne se définit pas par ses limites mais par son cœur, à savoir le Christ vivant ?
Merci pour cette exhortation qui rappelle l'essentiel . Gloire au Seigneur Jésus
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