Il y a une année environ, j’avais proposé, à partir de Noël, une petite série de prédications à partir de quelques œuvres d’art. Je vous propose, jusqu’à Noël, une nouvelle mini-série, cette fois de l’Avent, à partir de quelques œuvres d’art.
Pour cette première prédication, je vous propose de partir d’un tableau de Caspar David Friedrich, qui est considéré comme le peintre le plus représentatif du romantisme allemand. On fête d’ailleurs cette année le 250e anniversaire de sa naissance. Il est connu pour ses paysages sublimant la nature, avec une portée symbolique et spirituelle.
Le tableau que je vous propose s’intitule « Paysage d’hiver avec une église ». Au premier regard, c’est bien ce qu’on voit. Un paysage hivernal avec, au loin, une église. Et puis certains détails peuvent attirer notre attention. Il se passe quelque chose dans ce paysage.Par exemple, on voit dans la neige deux béquilles sur le sol. Elles n’ont pas été déposées consciencieusement, appuyées sur le rocher ou contre un arbre. Elles ont visiblement été jetées par terre, sans doute précipitamment. Mais que s’est-il passé ?
Adossé au rocher, un homme est assis, en train de prier : on voit qu’il a les mains jointes. Quelle est sa prière ? Est-il encore infirme et demande-t-il la guérison ? Ou alors a-t-il été guéri et remercie-t-il le Seigneur ? L’interprétation reste ouverte…
Dans l’arbre est caché une croix, ou plutôt un crucifix puisque le Christ y est aussi figuré, crucifié. C’est vers lui que l’homme en prière est tourné. Le Christ figuré en croix est mort mais il est au milieu des sapins toujours verts dans ce paysage enneigé, comme des signes d’espérance, d’une vie qui finira par jaillir.
En arrière-plan, dans la brume, émerge une église gothique majestueuse, dont le sommet correspond à celui du grand sapin du paysage. Nous, spectateur, nous voyons cette église au loin. Mais le personnage du tableau ne la voit pas. Non seulement parce qu’il regarde la croix devant l’arbre mais parce qu’un plus petit sapin lui obstrue la vue. Dans la construction du tableau, l’église est là pour le spectateur, pour signifier la dimension spirituelle de l’œuvre.
Cet homme en prière, dont on ne sait pas s’il est guéri ou en attente de guérison, peut représenter les croyants que nous sommes. Nous sommes dans cet entre-deux de l’espérance chrétienne, entre ce qui est déjà accompli et ce qui est encore à venir. Nous sommes à l’affût, autour de nous, des signes d’espérance et de vie. Encore infirme aujourd’hui, à tous égards, nous sommes dans l’espérance de la résurrection et de la vie éternelle.
Cet entre-deux de l’espérance est au cœur du temps de l’Avent. C’est le temps liturgique de l’attente qui nous conduit jusqu’à Noël, commémoration de la venue du Christ, le Fils de Dieu devenu homme, et attente de son retour encore à venir.
Les textes proposés pour ce 2e dimanche de l’Avent sont des textes d’espérance. Et je vous propose de lire celui tiré de l’épître de Paul aux Philippiens :
Philippiens 1.4-11 (NFC)4Toutes les fois que je prie pour vous tous, je le fais avec joie, 5parce que vous avez participé avec nous à l'annonce de la bonne nouvelle, depuis le premier jour jusqu'à maintenant. 6Je suis certain de ceci : Dieu, qui a commencé cette œuvre bonne en vous, la continuera jusqu'à son achèvement au jour de la venue de Jésus Christ. 7Il est bien juste que j'aie de tels sentiments envers vous tous. Je vous porte en effet dans mon cœur, car vous avez tous part à la grâce que Dieu m'a accordée, aussi bien maintenant que je suis en prison, que lorsque je défends de façon ferme la bonne nouvelle. 8Dieu m'en est témoin : j'ai le désir de vous voir car je vous aime avec la tendresse de Jésus Christ.9Voici ce que je demande à Dieu dans ma prière : c'est que votre amour grandisse de plus en plus, avec une pleine connaissance et une compréhension parfaite, 10pour que vous soyez capables de discerner ce qui est important. Ainsi, vous serez purs et irréprochables au jour de la venue du Christ. 11Vous serez comblés d'une vie conforme à sa volonté, vie qui vous est donnée par Jésus Christ, à la gloire et à la louange de Dieu.
Nous sommes dans l’introduction de la lettre, après les salutations d’usage. L’apôtre y exprime d’une façon particulière son affection pour les chrétiens de Philippe, en disant la joie qu’il ressent à leur égard. C’est Paul lui-même qui a fondé l’Eglise de Philippe, et on sent qu’il y est attaché d’une manière particulière : « Je vous porte dans mon cœur » (v.7), « je vous aime avec la tendresse de Jésus Christ. » (v.8)
Dans la prière qu’il adresse à Dieu en faveur des chrétiens de Philippe, Paul évoque le retour du Christ, comme un horizon commun. Il demande à Dieu de leur permettre de toujours grandir spirituellement, dans la perspective de ce jour : « Ainsi, vous serez purs et irréprochables au jour de la venue du Christ. Vous serez comblés d'une vie conforme à sa volonté, vie qui vous est donnée par Jésus Christ, à la gloire et à la louange de Dieu. » (v.10b-11)
J’aimerais surtout m’arrêter sur une promesse liée à cette espérance, et qu’on trouve au verset 6 : « Je suis certain de ceci : Dieu, qui a commencé cette œuvre bonne en vous, la continuera jusqu'à son achèvement au jour de la venue de Jésus Christ. »
Une promesse digne de confiance
La promesse de ce verset 6 est introduite par une formule qui vise à attirer l’attention : « Je suis certain de ceci » (NFC), « Je suis persuadé » (NBS), « Telle est ma conviction » (TOB). C’est comme si Paul disait ici : « attention ce que je vais dire est particulièrement important ».
Et non seulement c’est important mais c’est aussi digne de confiance. Il ne s’agit pas d’une simple opinion personnelle, c’est une certitude, une affirmation fondamentale sur laquelle on peut s’appuyer, un essentiel pour la foi.
L’espérance chrétienne n’est pas un simple espoir hypothétique, c’est une assurance ferme et solide. Elle repose sur l’événement de la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Elle découle des promesses du Dieu éternel, tout-puissant et infiniment bon. Ce qu’il dit, il le fait. Ce qu’il veut, il l’accomplit. Ses promesses sont certaines.
Ce que Dieu a commencé il l’achèvera
On pourrait ici résumer la promesse par cette formule : ce que Dieu a commencé, il l’achèvera.
C’est bien le témoignage de toute la Bible. Dès sa première page. L’hymne de la création qu’on trouve au chapitre 1 de la Genèse nous présente un Dieu Créateur qui constate, à la fin de chaque journée, combien ce qu’il a fait est bon… et qui poursuit son œuvre jusqu’à son achèvement, lorsqu’il peut dire, au soir du 6e jour : « Dieu vit alors tout ce qu'il avait fait : c'était très bon. » (Genèse 1.31)
On peut aussi penser à la parole de Jésus, sur la croix, alors qu’il est allé jusqu’au bout de sa mission, donnant sa vie pour nous : « Tout est accompli » (Jean 19.30), que l’on peut aussi traduire « Tout est achevé ».
Ce que Dieu a commencé, il l’achèvera. C’est l’argument principal concernant la crainte, pour certains croyants, de perdre leur salut… Dans la Bible, le salut est l’œuvre de Dieu, pas la nôtre. Nous ne construisons pas notre salut, nous ne le méritons pas, nous ne faisons que le recevoir par la foi. Ce n’est pas notre foi qui nous sauve, c’est Dieu qui nous sauve.
Si notre salut est l’œuvre de Dieu, et qu’il achève ce qu’il a commencé, alors il n’y a aucune possibilité de perdre le salut que nous avons reçu par grâce. Dieu ne reprend pas ce qu’il a donné. Il ne revient pas en arrière mais il achève tout ce qu’il a commencé.
Nous sommes encore inachevés… et ce n’est pas grave !
Une conséquence de cette belle promesse dont nous pouvons être certain, c’est que nous nous ne sommes pas encore arrivés à cet achèvement… Même s’il nous est promis, même si Dieu mènera bien toutes choses jusqu’à son achèvement, y compris son œuvre en nous, nous sommes, aujourd’hui, encore inachevés… Et ce n’est pas grave !
Pour faire référence au tableau de Friedrich, nous sommes des infirmes en attente de résurrection. Nous avons peut-être laissé tomber nos béquilles, mais nous réapprenons encore à marcher.
C’est très important d’en être conscient, pour notre regard sur nous-mêmes, et pour notre regard sur les autres.
Je suis encore inachevé… et ce n’est pas grave ! Dieu ne s’attend pas à ce que je sois parfait. Il sait que son œuvre en moi est en cours. Il sait que je dois vivre ma vie de croyant avec mes limites, mes failles, mes frustrations… Mais il ne veut pas que je sois paralysé par la peur ou écrasé par la culpabilité. Je suis au bénéfice de sa grâce.
Tu es encore inachevé… et ce n’est pas grave ! Je n’ai pas le droit de te juger, tu es au bénéfice de la grâce de Dieu. Je dois refuser toute position dominante, tout regard hautain et condescendant. Je suis appelé à t’accueillir comme Dieu m’accueille. C’est-à-dire avec grâce.
Une Eglise est plus une infirmerie ou un centre de rééducation qu’un club de sportifs de haut niveau. D’ailleurs Jésus a bien dit qu’il était venu pour les malades et non pour les bien-portants (ou ceux qui croient l’être).
Nous sommes encore inachevés… et ce n’est pas grave !
Conclusion
Le tableau de Friedrich est une belle mise en image symbolique de l’espérance. Qu’il s’agisse d’un paysage hivernal n’est pas un hasard. C’est dans le froid et l’obscurité que l’espérance prend toute sa valeur. Cette espérance est née dans l’humble et sombre étable de Bethléem. L’espérance permet de discerner les signes de vie et de renaissance, qu’ils soient dans les béquilles au sol ou dans les sapins toujours verts, dans nos infirmités et nos souffrances, ou dans les germes du Royaume qui vient. L’espérance est vivante.
Nous sommes dans l’entre-deux illustré par ce tableau. Entre ce qui est déjà accompli dans la mort et la résurrection du Christ, et ce qui est encore à venir au jour de son retour. Entre ce que nous vivons dès aujourd’hui par la foi et ce qui nous attend en toute plénitude lorsque le Seigneur établira pleinement son Royaume.
Nous sommes encore inachevés… et ce n’est pas grave ! Car Dieu poursuivra son œuvre en nous. Jusqu’à son achèvement.
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