Il y a quelques personnages bibliques qui sont incontournables pour le temps de l’Avent. L’un d’entre eux est Jean-Baptiste. Dans le cadre de notre mini-série de l’Avent jusqu’à Noël, je vous propose de l’aborder par un tableau de grand maître, avant d’arriver au texte biblique.
Le tableau que je vous propose, c’est le « Saint Jean-Baptiste » de Leonard de Vinci, exposé au Louvres (daté entre 1513 et 1516).Ce n’est pas du tout un portrait réaliste. Il est certain que Jean-Baptiste ne ressemblait pas au personnage que l’on voit sur ce tableau. L’intention n’est pas celle d’une reconstitution historique mais d’une représentation à la portée symbolique.
Certes, le personnage est habillé très sobrement, comme l’était Jean-Baptiste, d’une simple peau de bête. Mais là s’arrête la ressemblance. On est loin de l’image de l’ermite à la barbe hirsute. Il n’a pas vraiment l’air de se nourrir de sauterelles et de miel sauvage seulement, et sa chevelure bouclée impeccable lui donne plutôt l’apparence d’un adolescent, à l’aspect même assez androgyne. Son sourire vous rappelle peut-être quelque chose… Il ressemble beaucoup à celui, énigmatique, de la Joconde du même Leonard de Vinci.
Ce visage jeune figure peut-être la vie nouvelle qui s’apprête à être révélée. Son aspect androgyne le désigne peut-être comme représentant de l’humanité entière, hommes et femmes réunis.
Le tableau est ancien et malgré sa restauration, les couleurs et les contrastes se sont atténuées. On ne distingue pas très bien le roseau que Jean tient à la main et qui a la forme… d’une croix. Une croix, d’ailleurs, que le prophète désigne de la main. C’est évidemment un anachronisme, préfigurant la croix du Christ. Le personnage indique, par son geste, que ce n’est pas lui qui compte mais celui qu’il annonce, et qui va donner sa vie sur la croix.
On peut aussi noter la dynamique, le mouvement inscrit dans le tableau. La croix est comme une flèche orientée vers le ciel. Les deux bras de Jean-Baptiste forment une spirale qui monte jusqu’à l’index de la main droite, elle aussi orientée vers le ciel. D’ailleurs c’est du ciel que provient la lumière qui éclaire le personnage, au milieu des ténèbres : seuls son visage et le haut de son corps sont dans la lumière.
La position du corps de Jean-Baptiste sur le tableau est aussi particulière. Son visage nous fait face, mais son corps est plutôt de profil. On a l’impression qu’il tourne son visage vers nous mais que son corps est prêt à avancer, vers l’arrière du tableau. Comme s’il nous invitait à le suivre… à la rencontre de celui qu’il désigne de sa main.
Dans ce tableau, Jean-Baptiste est un personnage fascinant, qui attire le regard. Mais sa posture veut orienter notre regard ailleurs, elle nous pousse à sortir du cadre et regarder au ciel, elle nous invite à discerner la croix annoncée. C’est comme s’il nous disait, avec son sourire énigmatique : « ce n’est pas moi que vous devez regarder mais celui dont j’annonce la venue. »
Le tableau de Leonard de Vinci illustre parfaitement ce que le début de l’évangile de Jean nous dit de Jean-Baptiste. Tout d’abord dans le prologue :
Jean 1.6-9
6Dieu envoya son messager, un homme appelé Jean. 7Il vint comme témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient grâce à lui. 8Il n'était pas lui-même la lumière, mais il devait rendre témoignage à la lumière. 9Cette lumière était la seule vraie lumière, celle qui vient dans le monde et qui éclaire tous les êtres humains.
Et un peu plus loin :
Jean 1.19-2319Voici le témoignage rendu par Jean lorsque les autorités juives de Jérusalem envoyèrent des prêtres et des lévites pour l'interroger : « Qui es-tu ? » 20Il ne refusa pas de répondre, mais il affirma très clairement devant tous : « Je ne suis pas le Christ. » 21Ils lui demandèrent : « Qui es-tu donc ? Es-tu Élie ? » – « Non, répondit Jean, je ne le suis pas. » – « Es-tu le prophète ? » dirent-ils. « Non », répondit-il. 22Ils lui dirent alors : « Qui es-tu donc ? Nous devons donner une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » 23Jean répondit : « Je suis “la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez un chemin bien droit pour le Seigneur !” » comme l'a dit le prophète Ésaïe.
Ça devait être quelque chose de rencontrer Jean-Baptiste ! On le constate dans les évangiles, il était un personnage fascinant, qui attirait les foules. Les gens venaient entendre sa prédication et se faire baptiser par lui dans le Jourdain, en signe de repentance. Il a évidemment aussi attiré l’attention des autorités juives de Jérusalem qui ont envoyé des émissaires, ou plutôt des enquêteurs, pour le rencontrer, l’interroger et faire un rapport sur lui.
Mais dans ces deux textes, il est intéressant de noter qu’on dit d’abord ce que Jean n’est pas. Il n’est pas la lumière mais il rend témoignage à la lumière. Et à ceux qui l’interrogeaient, Jean leur dit d’abord qu’il n’est pas le Christ, ni Elie, ni le prophète. Il est simplement une voix qui crie dans le désert pour préparer l’arrivée du Seigneur.
Si on doit préciser d’abord ce que Jean n’est pas, et qu’il le fait d’ailleurs lui-même, c’est bien parce que certains le prenaient pour le Messie. Il devait en être conscient, il le percevait sans doute dans la façon dont les gens venaient vers lui… Mais il ne veut pas qu’il y ait confusion.
Il y a eu de tout temps, et il y a encore, des hommes et des femmes qui par leur charisme créent une fascination qui peut déplacer les foules. Ou peut-être aujourd’hui susciter des millions de vues sur Internet… Certains en profitent pour avoir une emprise sur ceux qui les suivent ou les écoutent aveuglément. D’autres finissent même par se prendre pour Dieu ou presque. Ce sont les gourous de tout poil. Mais aussi certains leaders, prédicateurs ou prophètes autoproclamés qui se réclament du Christ…
Jean-Baptiste était tout le contraire. Dans notre texte comme quelques autres qui parlent de lui, il se révèle à la fois comme un prophète puissant, un prédicateur éloquent, un maître respecté… et aussi comme un homme plein d’humilité, qui ne demande qu’à s’effacer devant celui dont il annonce la venue. Comme dans le tableau de Leonard de Vinci, il veut nous emmener vers Celui qu’il est venu annoncer, il ne veut pas que la lumière reste sur lui.
Ne devons-nous pas prendre exemple sur Jean ? Ne sommes-nous pas appelés, en tant que disciples, à être témoins du Christ, simples reflets de sa lumière, et simples voix qui témoignent de sa venue ?
Une vie qui reflète la lumière du Seigneur
Refléter la lumière du Seigneur, c’est la laisser briller en nous, et à travers nous. Et cela implique deux choses :
- S’exposer à sa lumière
- Ne pas retenir la lumière mais la laisser rayonner
La lumière du Seigneur nous éclaire, dans notre quotidien, même parfois à notre insu. Mais s’exposer à sa lumière, c’est plus que cela. C’est une démarche intentionnelle. C’est prendre le temps de la prière, l’étude de sa Parole, la méditation, l’écoute du Saint-Esprit, la recherche de sa présence… Ca peut se vivre de multiples manières.
Si on ne s’expose pas à la lumière du Christ, c’est une autre lumière que nous risquons de refléter… Il y aura tromperie sur la marchandise ! Et la supercherie sera un jour ou l’autre démasquée. Je crois qu’on ne se trompe pas de lumière chez ceux qui, humblement, laissent la lumière du Christ les éclairer et rayonner d’eux.
Retenir la lumière du Christ, c’est refuser, ou négliger, de la partager. C’est la garder pour soi en faisant de la vie chrétienne une affaire exclusivement privée, où la foi personnelle se transforme en foi individuelle, voire confisquée. Mais comme Jésus le dit bien dans le Sermon sur la Montage :
Matthieu 5.15-1615On n'allume pas une lampe pour la mettre sous un seau. Au contraire, on la place sur le porte-lampe, d'où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 16C'est ainsi que votre lumière doit briller aux yeux de tous, afin que chacun voie le bien que vous faites et qu'ils louent votre Père qui est dans les cieux.
Si en voyant notre lumière briller, c’est Dieu le Père qui est loué, c’est bien que cette lumière n’est pas la nôtre mais celle de Dieu, que nous ne faisons que refléter…
Un témoignage qui pointe vers le Christ
Nous sommes, en tant que disciples du Christ, porteurs d’un message : la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.
Le défi est d’être une voix qui se fait entendre, une voix audible et compréhensible, qui sait utiliser un langage adapté à nos contemporains. C’est un vrai défi que chaque génération de chrétiens est appelée à relever depuis 2000 ans… Et il faut avouer qu’on peut avoir l’impression parfois d’être une voix qui crie dans le désert ! La formule est entrée dans le langage courant mais pas forcément avec le sens originel. Jean-Baptiste avait du monde qui l’écoutait et qui était touché par son message…
Le défi est bien là. Comment avoir un témoignage pertinent et audible aujourd’hui ? En tout cas, quels que soient les moyens utilisés, les stratégies de communication ou les arguments, il s’agit bien, comme dans le tableau de Leonard de Vinci, de pointer vers le Christ. Pas vers nous-mêmes. Pas vers notre Eglise ou notre théologie. Nous ne sommes pas témoins de notre Eglise. Nous ne sommes pas témoins d’une religion. Nous sommes témoins du Christ vivant.
Et parce que le Christ est vivant, notre témoignage ne pourra se contenter de mots… il devra s’incarner dans une vie qui témoigne de l’amour de Dieu.
Conclusion
Oui, nous sommes bien appelés, en tant que disciples, à être témoins du Christ, simples reflets de sa lumière, et simples voix qui témoignent de sa venue. Ni plus. Ni moins.
Comme Jean-Baptiste, nous voulons nous effacer pour mettre le Christ en lumière, et notre vie tout entière veut pointer vers lui. Il est notre espérance. Et il est la Bonne Nouvelle pour toutes et pour tous, aujourd’hui encore.
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