Il y a deux semaines, nous étions avec Samuel, futur grand prophète d’Israël, dans ses jeunes années de service au sanctuaire, lorsque Dieu l’appela pour la première fois. Il reçut alors un message de la part de Dieu, à transmettre à son maître Héli, un message qui rappelait le jugement qui avait déjà été prononcé contre le grand-prêtre.
Pour la prédication de ce matin, le livret « Ecoute ! » nous invite à revenir un peu en arrière, pour découvrir les circonstances exactes qui ont conduit à ce jugement contre Héli et sa famille.
1 Samuel 2.12-17,22-30
12Les fils d'Héli étaient des individus malfaisants, qui ne se préoccupaient pas du Seigneur. 13Bien qu'ils soient prêtres, voici comment ils se comportaient à l'égard des gens : par exemple, lorsque quelqu'un offrait un sacrifice, le serviteur du prêtre s'approchait de la viande en train de cuire, tenant en main une fourchette à trois dents ; 14il la plongeait dans le récipient – marmite, chaudron ou terrine – et il s'emparait pour le prêtre de tout ce que la fourchette ramenait. C'est ainsi que les fils d'Héli agissaient à l'égard de tous les Israélites venant à Silo.
15Parfois même, avant que l'on ait fait brûler la graisse de la victime, le serviteur du prêtre arrivait et disait à celui qui offrait un sacrifice : « Donne-moi, pour le prêtre, de la viande à rôtir ; il n'acceptera pas de toi de la viande cuite, seulement de la viande crue. » 16Si l'autre lui disait : « Que l'on fasse d'abord brûler la graisse ; ensuite tu prendras ce que tu désires », le serviteur lui répondait : « Non, c'est maintenant que tu m'en donnes, sinon j'en prendrai de force ! » 17Ainsi les fils d'Héli offensaient gravement le Seigneur, car ils traitaient sans respect les sacrifices qu'on lui offrait.
[…]
22Le prêtre Héli était devenu très vieux. Lorsqu'il apprit comment ses fils agissaient envers les Israélites, et que même ils couchaient avec les femmes qui étaient de service à l'entrée de la tente de la rencontre, 23il leur dit : « Qu'est-ce que j'apprends ? Tout le monde parle de votre mauvaise conduite ! Pourquoi agissez-vous ainsi ? 24Arrêtez, mes enfants ! Ce que j'entends raconter de vous dans le peuple du Seigneur est horrible ! 25Si quelqu'un commet une faute contre quelqu'un, Dieu peut arbitrer ; mais si une personne commet une faute contre le Seigneur, qui pourrait arbitrer ? » Mais ils n'écoutèrent pas ce que disait leur père. En effet le Seigneur avait décidé qu'ils devaient mourir.
26Quant au jeune Samuel, il continuait de grandir et d'être apprécié, tant par le Seigneur que par les hommes.
27Un prophète vint trouver Héli et lui dit : « Voici ce que déclare le Seigneur : Quand tes ancêtres étaient en Égypte au service du pharaon, tu sais bien que je me suis fait connaître à eux : 28parmi toutes les tribus d'Israël, c'est ton ancêtre Aaron que j'ai choisi pour qu'il devienne mon prêtre, chargé d'offrir les sacrifices sur mon autel, de brûler le parfum et de me consulter. Je lui ai même attribué, ainsi qu'à ses descendants, une part des sacrifices offerts par les Israélites. 29Alors, pourquoi traitez-vous sans respect les sacrifices et les offrandes que j'ai ordonné de me présenter ? Pourquoi vous engraissez-vous des meilleurs morceaux de ce que mon peuple d'Israël m'apporte en offrande ? Pourquoi honores-tu tes fils plus que moi-même ? 30Puisqu'il en est ainsi, voici ce que je t'annonce, moi, le Seigneur, le Dieu d'Israël : J'avais promis à ta famille, à ton clan même, que pour toujours vous seriez mes prêtres ; mais maintenant, j'affirme solennellement qu'il n'en est plus question ! En effet, j'honore ceux qui m'honorent, mais ceux qui me méprisent seront méprisés à leur tour.
Dans la suite du chapitre, que nous ne lirons pas, le prophète détaille le jugement du Seigneur sur Héli et sa descendance…
De quoi les fils d’Héli étaient-ils coupables ?
Les fils d’Héli étaient prêtres… parce qu’ils étaient les fils d’Héli. Depuis Aaron, la prêtrise se transmettait ainsi, de père en fils pourrait-on dire. Mais ça ne garantissait pas leur consécration au Seigneur. La preuve ! Dans le texte, il est écrit qu’ils ne se préoccupaient pas du Seigneur, littéralement, qu’ils ne le connaissaient pas. Un comble pour des prêtres !
Et non seulement ils ne se préoccupaient pas du Seigneur mais ils profitaient de leur position de prêtre pour abuser de leur autorité.
Les sacrifices que l’on offrait au sanctuaire devaient, pour une partie, servir à nourrir les prêtres et ceux qui servaient dans le sanctuaire. Mais là, ça allait au-delà. C’est en amont des sacrifices que les deux fils d’Héli prélevaient de la nourriture fraîche à leur propre profit, selon leur bon vouloir, et même avec des menaces. S’il le fallait, ils étaient prêts à faire usage de la force.
Tout cela semble avoir été parfaitement organisé. Ce sont les serviteurs des prêtres qui devaient effectuer le prélèvement. Et cela, apparemment, de façon systématique : « C'est ainsi que les fils d'Héli agissaient à l'égard de tous les Israélites venant à Silo. »
Les fils d’Héli étaient donc coupables d’abus de pouvoir à l’égard des Israélites. Et cela s’accompagnait d’un profond manque de respect envers Dieu qu’ils étaient censés servir, puisqu’ils le faisaient en tant que prêtre, et dans le cadre de leur service au sanctuaire. Il s’agissait donc d’un abus spirituel.
Pire, un peu plus loin dans le texte, on apprend que les fils d’Héli, en plus de se rendre coupable d’abus d’autorité, commettaient des violences d’ordre sexuel : « ils couchaient avec les femmes qui étaient de service à l'entrée de la tente de la rencontre… » Comme c’est souvent le cas, les abus spirituels s’accompagnent de violences sexuelles. Il n’y a malheureusement rien de nouveau sous le soleil…
De quoi Héli était-il coupable ?
Vous remarquerez que les reproches du Seigneur, dans notre récit, sont adressés à Héli… Lorsque Dieu envoie un prophète, il l’envoie auprès d’Héli, non pas de ses fils. De quoi Héli était-il coupable ?
On peut d’abord peut-être s’étonner de sa réaction tardive. Le début du récit évoque un système d’abus bien établi, les fils d’Héli agissaient au vu et au su de tous. Tout le monde en parlait. Il est quand même étonnant qu’il réagisse si tard, et que ce n’est qu’au verset 22 qu’il semble apprendre ce qui se passe ! On ne voit parfois que ce qu’on veut bien voir…
Cela dit, il finit quand même par réagir et il reprend ses fils. « Arrêtez, mes enfants ! Ce que j'entends raconter de vous dans le peuple du Seigneur est horrible. » Il souligne aussi que leur attitude est une faute contre le Seigneur…
Ses fils, toutefois, ne l’écoutent pas. Et ça s’arrête là… C’est bien le problème !
C’est à ce moment-là que Dieu envoie un prophète à Héli. En réalité, il lui reproche de ne pas être intervenu pour mettre fin aux agissements de ses fils. Il lui rappelle sa double responsabilité, en tant que grand-prêtre du sanctuaire, et en tant que père de ses deux fils.
Vu l’ampleur du scandale, il ne suffisait pas d’une remontrance privée… Il fallait agir et empêcher ses fils de continuer. Cette inaction rappelle étrangement les affaires d’abus et de violences étouffés, et notamment dans les institutions religieuses, dont on entend parler aujourd’hui !
Par la bouche de son prophète, Dieu dit à Héli : « Pourquoi honores-tu tes fils plus que moi-même ? » La question peut paraître sévère… mais en ne faisant rien pour empêcher ses fils de continuer, il se rendait complice de leurs actes. Des remontrances ne suffisaient pas, il fallait mettre un terme à leurs méfaits !
D’ailleurs, après l’intervention du prophète, il était encore possible d’agir. Il aurait fallu le faire… C’est d’ailleurs pour cette raison que Dieu appellera le jeune Samuel pour rappeler à Héli le jugement à son égard.
Rappelons que les prophéties, dans la Bible, ne sont pas des oracles révélant un destin inamovible, ce sont des appels à l’action, des invitations à la repentance et au changement. Si le changement a lieu, les menaces ne sont pas mises à exécution…
Quelles leçons tirer de ce triste épisode quant à notre écoute de Dieu ?
Ecouter ne suffit pas, il faut agir en conséquence
C’est le principal reproche fait à Héli. Il savait et il n’a pas agi en conséquence. Il a laissé faire ses fils… alors qu’il avait entendu ce que le peuple disait, alors qu’il avait entendu le message envoyé par Dieu par son prophète.
Ecouter ne suffit pas, il faut agir en conséquence. On pourrait même dire qu’on n’a vraiment écouté que lorsque ce que l’on a entendu se traduit en actes. Surtout quand il s’agit d’un appel de la part du Seigneur !
C’est exactement la leçon de la fameuse parabole de Jésus qui clôt le Sermon sur la Montagne, celle du fou et du sage qui bâtissent leur maison. Le fou bâtit sa maison sur le sable et celle-ci ne tient pas quand vient la tempête. Le sage la bâtit sur le roc et celle-ci tient bon au milieu de la tempête. Jésus le dit lui-même : la différence n’est pas dans l’écoute de la parole du Seigneur mais dans sa mise en pratique. Le sage écoute et met en pratique. Le fou écoute mais ne met pas en pratique.
La question que nous pose le récit d’Héli et ses fils est la même que pour la parabole de Jésus : Que faisons-nous de ce que nous avons entendu ?
La valeur de l’écoute se mesure dans le courage de l’action
Lorsque se pose la question des actes, des conséquences concrètes à envisager, on peut parfois hésiter. Parce que ça peut nous coûter. Parce que cela peut nous amener à sortir de notre zone de confort, voire parfois à nous mettre en danger.
Ecouter vraiment, c’est aussi envisager les conséquences de l’écoute, la mise en pratique, l’action que cela impliquera. Et cela demande du courage ! On pourrait dire que la valeur de l’écoute se mesure dans le courage de l’action.
Dans le cas des fils d’Héli, la situation était grave. C’était une question d’abus et d’emprise, une profonde injustice dont tout le peuple était victime, et en plus, circonstance aggravante, elle était faite au nom du Seigneur.
Même s’il s’agissait de ses fils, Héli aurait dû agir et user de toute son autorité de grand-prêtre pour mettre fin à leurs méfaits. Mais il ne l’a pas fait. Il n’a pas eu le courage de le faire…
Nous pouvons nous retrouver dans des situations où ce que nous entendons, ce que nous découvrons ou ce que nous savons nous obligent à prendre position. Pour la justice, pour la vérité, pour la protection des plus fragiles…
De telles situations peuvent se présenter dans nos familles, sur notre lieu de travail, nos lieux d’engagement, y compris dans l’Eglise. Avons-nous le courage, quand il le faut de prendre ainsi position ? Sommes-nous prêts à renoncer à notre zone de confort pour dénoncer ce qui doit être dénoncé, et défendre ce qui doit être défendu ?
Conclusion
Je vous laisse avec ces deux affirmations, comme des défis qui nous sont lancés :
- Ecouter ne suffit pas, il faut agir en conséquence
- La valeur de l’écoute se mesure dans le courage de l’action
Dans notre texte, nous avons certes le mauvais exemple d’Héli. Mais nous avons aussi, dans le chapitre suivant, le bon exemple de Samuel. Le choix nous appartient. Et Dieu ne nous laisse pas seuls face à ce choix. Il nous donne son Esprit, qui nous rend capable d’écouter et d’agir.
C’est une promesse qui doit nous encourager. Par notre écoute active et par la mise en pratique de la Parole du Seigneur, dans les petites comme dans les grandes choses, nous sommes associés à l’œuvre de son Royaume. Ça vaut la peine de trouver le courage de le vivre !
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