dimanche 12 octobre 2025

L’Eglise dans le projet de Dieu pour le monde (3) En communion

 

Suite de notre mini-série de prédications autour du livret du Synode de l’UEEL, sur le thème de « L’Eglise dans le projet de Dieu pour le monde. » Après avoir évoqué l’unité de l’Eglise, puis avoir parlé de la singularité de ses membres, le troisième chapitre du livret nous invite à parler de la communion. 

Comme à chaque fois, il y a une formule mise en exergue, cette fois issue de la pastorale nationale de l’UEEL en 2024 : « Nous voulons vivre une culture de l’encouragement. » Et je vous invite à faire nôtre, pour notre Eglise, cette formule engageante. 

Et pour cela, je vous invite à lire quelques versets dans le livre des Actes des apôtres. Nous sommes dans les premiers temps de l’histoire de l’Eglise, à Jérusalem. Les premières oppositions se font sentir à l’encontre des chrétiens, les dissensions internes ne se sont pas encore manifestées. Les quelques versets que nous allons lire résonnent presque comme une Eglise idéale, ou du moins une Eglise dans laquelle, pour l’instant, l’unité et la solidarité sont encore intactes. 

Actes 4.32-37
32La multitude des croyants était parfaitement unie, de cœur et d'âme. Aucun d'eux ne disait que ses biens étaient à lui seul, mais ils mettaient en commun tout ce qu'ils avaient. 33C'est avec une grande puissance que les apôtres rendaient témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus et Dieu leur accordait à tous d'abondantes bénédictions. 34Personne parmi eux ne manquait du nécessaire. En effet, tous ceux qui possédaient des terrains ou des maisons les vendaient, apportaient la somme produite par cette vente 35et la remettaient aux apôtres ; on distribuait ensuite l'argent à chacun selon ses besoins. 36Joseph, un lévite né à Chypre, que les apôtres surnommaient Barnabas, ce qui veut dire “fils d’encouragement”, 37vendit un champ qu'il possédait, apporta l'argent et le remit aux apôtres.

Si j’ai choisi ce texte pour la prédication de ce matin, ça pourrait bien-sûr être pour le bel exemple d’unité et de communion donné par l’Eglise à Jérusalem dans ces quelques versets. Mais il ne faut pas pour autant l’idéaliser. Dès le chapitre suivant, cette belle unité commencera à sérieusement se fissurer. L’Eglise est aussi une réalité humaine. Il ne faut jamais idéaliser l’Eglise, pas même celle des apôtres ! 

Il y a toutefois toujours eu, dans toute l’histoire de l’Eglise, des hommes et des femmes remarquables, des exemples inspirants. C’est le cas d’un certain Joseph, lévite originaire de Chypre, mentionné dans notre récit. C’est pour lui que j’ai choisi ce texte. 

Pourtant il ne semble pas vraiment faire autre chose que les autres. Le texte souligne en effet la solidarité qui avait cours au sein de l’Eglise. « Tous ceux qui possédaient des terrains ou des maisons les vendaient, apportaient la somme produite par cette vente et la remettaient aux apôtres ; on distribuait ensuite l'argent à chacun selon ses besoins. » (v. 34-35) Et que fait Joseph ? Il « vendit un champ qu'il possédait, apporta l'argent et le remit aux apôtres. » (v.37) Pareil que les autres, en somme… 

Pourquoi est-il alors spécifiquement nommé ? C’est comme si l’auteur du livre des Actes voulait le faire sortir de l’anonymat. Certes, il agit comme les autres… mais il avait quelque chose en plus. Il était reconnu par les apôtres eux-mêmes comme un homme qui encourageait les autres, d’où son surnom. 

Barnabas signifie littéralement « fils d’encouragement » (ou de consolation). Le mot grec traduit par encouragement est de la même origine que parakletos, le nom donné au Saint-Esprit dans l’évangile de Jean. Pourrait-on dire dès lors que celui ou celle qui encourage accompli d’une certaine façon l’œuvre du Saint-Esprit ? 

En tout cas, ce surnom dit évidemment quelque chose de ce Joseph. Et d’ailleurs, par la suite, il ne sera jamais appelé autrement que par son surnom, Barnabas (ou Barnabé si on francise le nom). 

Mais que sait-on de Barnabas par ailleurs ? 


L’exemple de Barnabas

C’est lui qui va, un peu plus tard, accueillir Saul, qui ne s’appelle pas encore Paul, après sa rencontre avec le Christ. Il faut se souvenir que, avant de devenir apôtre, Paul était un persécuteur de l’Eglise. Il a vécu une conversion spectaculaire, un changement radical. Mais tout le monde se méfiait de lui, y compris lorsqu’il prétendait avoir rencontré le Christ et avoir changé de vie. Et on peut le comprendre… Or celui qui a accueilli Paul alors que personne ne voulait le faire, c’est Barnabas, le fils d’encouragement. C’est lui qui va jouer un rôle d’intermédiaire et permettre à Paul de commencer un ministère dont on connaît la suite… 

Barnabas sera d’ailleurs compagnon de Paul sur son premier voyage missionnaire. On voit même qu’il va petit à petit s’effacer pour laisser plus de place à Paul. Au début, dans le livre des Actes, on parle de Barnabas et Paul… et puis on se met à parler de Paul et Barnabas. Le fils d’encouragement a su s’effacer pour laisser Paul exercer son ministère. 

Et il ne faut pas croire que c’était par faiblesse de caractère. Quand il a fallu résister à Paul, Barnabas l’a fait. On voit en effet qu’ils se sont séparés un peu plus tard, à cause d’un vif désaccord. Barnabas voulait emmener avec eux Jean surnommé Marc mais Paul ne le voulait pas, lui reprochant semble-t-il, de les avoir laissé tomber. Probablement que Barnabas voulait donner une seconde chance à Marc et l’a emmené avec lui. Paul s’y est refusé et il est parti de son côté avec un autre collaborateur, Sylvain (ou Silas). 

Il faut savoir que Marc est peut-être l’auteur de l’évangile qui porte son nom. Et qu’il est plus tard mentionné comme collaborateur de Paul, dans les épîtres à Philémon et à Timothée, ce qui laisse clairement entendre une réconciliation avec l’apôtre. Barnabas avait donc bien raison de donner une seconde chance à Marc… 

Ce rapide portrait de Barnabas tel qu’il ressort du Nouveau Testament évoque un homme discret mais essentiel. Il pourrait se fondre dans la masse, sans qu’on le distingue des autres. Parce que ce qui lui importait, ce n'était pas lui-même, sa réputation, sa place mais les autres, celles et ceux qui ont besoin d'être secourus, qui ont besoin d'être accueillis, encouragés. Il était le fils d’encouragement. 

Nous avons tellement besoin de Barnabas dans les églises ! Ils ont un rôle essentiel à jouer, même s’il sera souvent discret, voire presque invisible si on n’y prête pas attention. Celles et ceux qui savent encourager les autres, y compris en s’effaçant s’il le faut, sont des éléments essentiels de l’Eglise. Celles et ceux qui ont été au bénéfice de leurs encouragement le savent bien… 

Mais une question m’est venue à l’esprit : qui donc va encourager les Barnabas ? Ils en ont autant besoin que les autres ! 


Encouragez-vous les uns les autres

Nous avons besoin de Barnabas, mais toutes et tous nous devons nous sentir concernés par l’encouragement. 

Tout au long des épîtres de Paul, il y a de nombreuses exhortations avec cette formule « les uns les autres ». Des exhortations qui soulignent la responsabilité communautaire des uns envers les autres. Et l’une de ces exhortations concerne bien l’encouragement mutuel. Je cite le texte dans la version de la Nouvelle Bible Segond :

1 Thessaloniciens 5.11
Ainsi donc, encouragez-vous mutuellement et contribuez à la construction de l'autre, comme vous le faites déjà.

Soulignons d’abord que cette courte exhortation est adressée à toute l’Eglise, et pas seulement à quelques personnes qui seraient des spécialistes ou qui auraient un ministère spécifique dans ce domaine. Encouragez-vous les uns les autres. Vous êtes tous concernés ! 

Notons ensuite que l’appel à l’encouragement mutuel est associé à un autre appel, celui de la construction de l’autre. Dans les versions plus anciennes on parlait d’édification mais le terme est très concret et évoque bien le fait de construire, d’édifier une maison. Encourager quelqu’un, c’est l’aider à se construire. 

Remarquons enfin que Paul précise, à la fin, qu’il sait que l’Eglise de Thessalonique est déjà attentive à cela. Mais s’il le redit, c’est sans doute qu’il y a une attention particulière à porter sur la question, et qu’il faut toujours y travailler. 


Développer une culture de l’encouragement

C’est là qu’il est pertinent de parler de culture de l’encouragement. L’encouragement, ça se travaille. Et il est important de mettre en place les conditions pour qu’on puisse le vivre, le laisser s’épanouir. Bref, développer une culture… 

On pourrait dire qu’on doit cultiver l’encouragement comme on cultive un jardin : en enlevant les mauvaises herbes. Promouvoir une culture de l’encouragement, c’est se débarrasser des mauvaises herbes du jugement et des critiques pour laisser s’épanouir l’encouragement. 

C’est ainsi que l’encouragement portera de beaux fruits dans la vie des uns et des autres. Mais ça ne poussera pas tout seul. Il faut le cultiver… 

Car l’encouragement n’est pas vraiment naturel. Ce qui est bien plus facile à instaurer, c’est la culture de la critique et du jugement. Il n’y a même pas besoin de culture pour ça, ça se fait tout seul. Ça pousse comme de la mauvaise herbe ! Critiquer et juger ne demande pas beaucoup d’effort sur soi…

Cultiver l’encouragement est plus exigeant. Ça nous demande de choisir la bienveillance, l’écoute, l’accueil… Et tout cela demande des efforts. Pour y arriver, il n’y a pas des recettes toutes faites. Mais je vous propose trois éléments qui me paraissent essentiels. Alors comment développer une culture de l’encouragement ? 

1° Être convaincu. D’abord il faut être conscient et convaincu de l’importance de l’encouragement. Les textes bibliques que nous avons lus devraient suffire pour cela. Mais peut-être que plusieurs d’entre vous peuvent penser à des expériences vécues, où une simple parole, une écoute ou des conseils bienveillants ont été une source d’encouragement dans votre vie chrétienne ou dans votre service pour le Seigneur et pour le prochain. Je redis ici ce que j’avais dit de l’édification car ça me semble important à souligner : encourager quelqu’un, c’est l’aider à se construire. 

2° Se discipliner. Être attentif aux mauvaises herbes qui poussent naturellement dans notre esprit et qui nous poussent au jugement et à la critique. Et les mauvaises herbes, ça repousse ! L’encouragement est une discipline de vie, une discipline qui oriente notre façon d’être en relation avec notre frère et notre sœur. Il s’agit de se forcer à chercher le positif… parce qu’il n’y a pas toujours à se forcer pour voir le négatif ! 

3° Se lancer. Enfin se lancer, oser encourager. On aura peut-être peur d’être maladroit, de mal s’y prendre… ce n’est pas grave ! On percevra la bonne intention. Et puis il vaut mieux être maladroit dans l’encouragement qu’adroit dans la critique ! 

Attention : je ne suis pas en train de dire que nous devons vivre dans le monde des bisounours ! Il ne s’agit pas de dire que tout ce que les autres font, c’est toujours formidable et merveilleux. Mais il s’agit d’être animé de cette volonté d’encourager, d’aider l’autre à se construire, comme les autres, par leur encouragement, m’aident à me construire. 

C’est un cercle vertueux qui s’autoalimente et se réplique ! C’est en se disciplinant et en osant encourager qu’on verra les fruits que ça produit. Alors on en sera d’autant plus convaincus et motivés pour continuer ! 


Conclusion

Ce serait formidable si nous pouvions être une Eglise de Barnabas. Des Barnabas tous différents et singuliers. Des Barnabas au masculin et au féminin. Mais tous et toutes animés de la même intention d’être une source d’encouragement les uns pour les autres, et d’ainsi nous aider mutuellement à nous construire. 

Si le Seigneur nous y invite à travers Sa Parole, c’est aussi parce que c’est lui qui rend fructueux nos encouragements et nous permet de nous construire en lui. Le Saint-Esprit, parakletos, est certes le Consolateur mais il est aussi l’Encourageur… et il utilise pour cela les fils et les filles d’encouragement que nous sommes appelés à être. 


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