Nous terminons, en ce quatrième et dernier dimanche de l’Avent, notre mini-série de prédications centrées sur Jésus, mais à partir de chansons françaises. Ce matin, nous allons écouter une chanson de Laurent Voulzy, tirée de son album « Avril » sorti en 2001.
C’est une chanson qui a une genèse particulière, que le chanteur a plusieurs fois racontée. Elle est issue d’une commande qu’il avait reçue en 1988 de la part d’un prêtre, le père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, une commande qu’il n’avait jamais honorée mais qui restait dans un coin de sa tête. La chanson va finalement se concrétiser 13 ans plus tard, avec son compère Alain Souchon. Or, Voulzy témoigne d’une expérience d’ordre quasi mystique liée à la composition de cette chanson… avec l’impression d’un signe reçu de l’au-delà. En tout cas, la collaboration de Laurent Voulzy, croyant, et d’Alain Souchon, qui lui ne l’est pas, a donné naissance à une belle chanson. Il s’agit en réalité d’une prière, dont le titre est tout simplement : « Jésus ».
Jésus (Paroles : Alain Souchon et Laurent Voulzy)
MêmeMême sourire d'enfantMême air qu'on respire en même tempsMême cœur battantMême air qu'on entend en même tempsPourtant seulsSeuls sur terre certainsIls vont sans maison, sans raisonSans amour certainComme ça et le froid sur leurs mainsJésus, l'entends-tu ?Ces filles et ces garçons perdusNe sont-ils pas assez précieux ?Du haut de tes cieux délicieuxJésus, roi du cielNos âmes volent avec leurs ailesToi, tu choisis lesquelles ?MêmeMême désir d'amourLes mêmes je t'aime toujoursMême navire pourtantMême vague et même vague et même ventPourtant rienRien à faire certainsÀ côté, à côté du cheminIls vont sans rienSans espoir, le matin, le soirJésus, l'entends-tu ?Ces dames et ces messieurs pieds nusNe sont-ils pas assez gracieux ?Trop bas pour tes yeux délicatsJésus, roi du ventNos âmes volent pareillementToi tu choisis comment ?MêmeMême vie devantEt tant de destins différentsPour l'un facilePour l'autre un chemin difficilePour l'un facilePour l'autre un chemin difficileSi différent
Jésus, l’entends-tu ?
Au cœur de cette chanson, il y a un constat : l’inégalité, et même l’injustice des destins individuels, ici-bas. On respire le même air, on a le même sang qui bat dans nos veines, et pourtant, certains sont seuls, sans maison, sans amour, sans espoir… C’est la conclusion de la chanson : une même vie s’offre à tous mais les destins sont différents. Douloureusement différents. Pour l’un le chemin est facile, pour l’autre il est difficile.
Et face à ce constat, une question : Jésus, l’entends-tu ? C’est une question qui traduit un désarroi, une incompréhension face à un sentiment d’injustice : pourquoi Jésus ne fait-il rien ? « Ces filles et ces garçons perdus, ne sont-ils pas assez précieux ? », « Ces dames et ces messieurs pieds nus, ne sont-ils pas assez gracieux ? »
Et cette question, qui revient deux fois, différemment : « Nos âmes volent avec leurs ailes. Toi, tu choisis lesquelles ? » et « Nos âmes volent pareillement. Toi tu choisis comment ? »
En réalité, la démarche de cette chanson est proche de celle de plusieurs psaumes dans la Bible, qui n’hésitent pas à interroger l’apparente inaction de Dieu face à l’injustice. Combien de « Pourquoi ? », combien de « Jusqu’à quand, Seigneur ? », pour traduire l’incompréhension du psalmiste devant les injustices du monde, où l’innocent souffre et le méchant prospère ?
Il n’est donc pas illégitime de se poser la question. Car jamais on ne peut se satisfaire des souffrances et des injustices de notre monde. On ne peut pas les regarder de loin en disant que c’est comme ça, que c’est la réalité pécheresse du monde et qu’on n’y peut rien. Et ne pas s’en soucier plus que cela…
Si le Seigneur avait porté un tel regard sur notre monde, il ne se serait jamais passé ce que nous célébrons à Noël !
Lisons justement le récit de la naissance de Jésus dans l’évangile de Matthieu, qui nous est proposé dans les lectures de ce dimanche. Il est très sobre et se centre plutôt sur Joseph et la façon dont il va accepter de devenir, d’une certaine façon, le beau-père de Jésus…
18Voici dans quelles circonstances Jésus Christ est né. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; mais avant d'habiter ensemble, elle se trouva enceinte par l'action de l'Esprit saint. 19Joseph, son fiancé, était un homme droit et ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la renvoyer en secret. 20Comme il y pensait, un ange du Seigneur lui apparut dans un rêve et lui dit : « Joseph, descendant de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme, car l'enfant qui a été conçu en elle vient de l'Esprit saint. 21Elle mettra au monde un fils, et tu l'appelleras Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. »
22Tout cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète :
23« La vierge sera enceinte et mettra au monde un fils,
et on l'appellera Emmanuel »,
ce qui se traduit “Dieu est avec nous”.
24Quand Joseph se réveilla, il agit comme l'ange du Seigneur le lui avait ordonné et il prit sa femme Marie chez lui. 25Mais il n'eut pas de relations sexuelles avec elle jusqu'à ce qu'elle ait mis au monde un fils, que Joseph appela Jésus.
Jésus, Emmanuel
Ce qui m’intéresse dans ce récit de Matthieu, pour ce matin, ce sont les deux noms qu’on donne à celui qui va naître de Marie : Jésus et Emmanuel. Ce sont deux noms messianiques, qui identifient l’enfant qui va naître au Messie, celui que Dieu a choisi pour accomplir son projet de salut. Jésus, Ieshoua, signifie « le Seigneur sauve ». Quant à Emmanuel, Immanouel, il vient d’une citation du prophète Esaïe (Esaïe 7.14) et signifie « Dieu avec nous ».
On se rend compte par ailleurs que les circonstances de la naissance de Jésus sont quand même un peu compliquées. Matthieu insiste sur la situation familiale complexe, liée certes à une conception pour le moins particulière… Mais Jésus a failli être élevé par une mère célibataire, ce qui était, bien plus qu’aujourd’hui, très problématique. Luc insistera plus sur la précarité de cette famille modeste, Marie étant obligée d’accoucher dans une étable, alors qu’il n’y a pas de place pour les accueillir, couchant son bébé dans une mangeoire.
C’est ainsi, dans la complexité et la précarité de la condition humaine, que Jésus est devenu Emmanuel, « Dieu avec nous ». Il est devenu un être humain parmi les êtres humains, marqué par les mêmes limites, les mêmes souffrances, les mêmes injustices… Faut-il rappeler comment il va mourir ?
Il y a là une leçon essentielle en lien avec notre question du jour… La réponse de Dieu à l’injustice du monde, ce n’est pas de la résoudre d’un coup de baguette magique. Sa réponse à l’injustice du monde c’est de venir l’habiter de sa présence. Venir nous y rejoindre, y être avec nous. Dans l’injustice, dans les souffrances et les épreuves de la vie, Jésus nous dit : je suis avec vous.
Les raisons de l’injustice dans le monde sont complexes, et se serait se dédouaner trop facilement que de prétendre que Dieu, ou Jésus, en seraient seuls responsables ! En réalité, nous en sommes tous, d’une manière ou d’une autre, responsables… ne serait-ce que par notre indifférence, notre accommodation à un système qui ne résout pas, voire peut accentuer les injustices.
La réponse de Dieu, c’est la venue d’un Royaume qui n’est pas de ce monde, un Royaume en devenir. Un Royaume dont le Roi s’est fait serviteur. Un Royaume d’espérance, car nous attendons bien une Création renouvelée, délivrée du péché et de ses conséquences, dont l’injustice fait partie. Un Royaume duquel nous nous réclamons, en tant que disciples de Jésus-Christ… et que nous sommes donc appelés à manifester dès aujourd’hui.
Être signe de Jésus, Emmanuel…
La question que nous sommes appelés à nous poser est la suivante : Comment être signe de Jésus, Emmanuel, dans notre quotidien ?
Evidemment, nous n’allons pas à nous seuls éradiquer la pauvreté dans le monde et résoudre toutes les injustices. Mais nous sommes bel et bien appelés à prendre notre part, simplement, mais réellement, à notre niveau.
Jésus lui-même a souligné l’importance de ces petits gestes de solidarité du quotidien. Lui qui s’identifie aux petits, aux pauvres, à ceux qui souffrent, peut dire ces étonnantes paroles lors d’un de ses derniers discours :
Matthieu 25.35-36,40Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger et vous m'avez accueilli chez vous ; j'étais nu et vous m'avez habillé ; j'étais malade et vous m'avez visité ; j'étais en prison et vous êtes venus me voir.” (…) “Je vous le déclare, c'est la vérité : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits d'entre les miens, c'est à moi que vous l'avez fait.”
Et si nous le faisons vraiment, peut-être se demandera-t-on moins « Jésus, l’entends-tu ? » car on verra que c’est bien aussi par ses disciples que Jésus entend la souffrance et les injustices du monde, et c’est bien par eux qu’il y apporte une réponse, en attendant le plein accomplissement du Royaume qui vient, qu’il va lui-même réaliser au jour de son retour.
Conclusion
Accueillons donc aujourd’hui Jésus, Emmanuel – Dieu avec nous. Il est devenu l’un des nôtres. Il nous entend, il nous comprend, il est solidaire de nos épreuves et nos souffrances. Et efforçons-nous d’être, humblement mais avec détermination, avec l’aide du Seigneur, des signes de Jésus, Emmanuel – Dieu avec nous, auprès de notre prochain !
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