Voici quelques éléments de contexte avant de lire le texte biblique de ce matin. Nous sommes dans les premiers temps de l’histoire de l’Eglise. Sous la conduite des apôtres, une certaine effervescence règne dans la première communauté chrétienne : Dieu accomplit des prodiges, et de nombreuses personnes découvrent la foi et viennent grandir la foule des disciples.
Tout cela n’est pas du goût des responsables religieux Juifs, qui s’étaient déjà opposés à Jésus lors de son ministère. Alors ils prennent les choses en main et, pour essayer de faire taire les apôtres, ils les jettent en prison. Ils sont alors miraculeusement libérés et aussitôt… ils recommencent à enseigner dans le temple. Arrêtés une nouvelle fois, ils comparaissent devant le conseil.
Actes 5.27-4227Après les avoir ramenés, ils les firent comparaître devant le conseil et le grand-prêtre se mit à les accuser. 28Il leur dit : « Nous vous avions sévèrement défendu d'enseigner au nom de cet homme-là. Et qu'avez-vous fait ? Vous avez répandu votre enseignement dans toute la ville de Jérusalem et vous voulez faire retomber sur nous les conséquences de sa mort ! »29Pierre et les autres apôtres répondirent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux êtres humains. 30Le Dieu de nos ancêtres a ressuscité ce Jésus que vous aviez fait mourir en le pendant au bois de la croix. 31Dieu l'a élevé par sa main droite et il l'a établi comme chef et sauveur, pour donner l'occasion au peuple d'Israël de changer de vie et de recevoir le pardon de ses péchés. 32Nous sommes témoins de ces événements, nous et l'Esprit saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. »33Les membres du conseil devinrent furieux en entendant ces paroles, et ils voulaient faire mourir les apôtres. 34Mais il y avait parmi eux un pharisien nommé Gamaliel, un spécialiste des Écritures que tout le peuple respectait. Il se leva au milieu du conseil et demanda de faire sortir un instant les apôtres. 35Puis il déclara à l'assemblée : « Gens d'Israël, prenez garde à ce que vous allez faire à ces hommes. 36Il n'y a pas longtemps on a vu se lever Theudas, qui prétendait être quelqu'un d'important ; environ 400 hommes se sont joints à lui. Mais il fut tué, tous ceux qui l'avaient suivi se dispersèrent et il ne resta rien du mouvement. 37Après lui, à l'époque du recensement, on a vu se lever Judas le Galiléen ; il entraîna bien des gens à sa suite. Mais il fut tué, lui aussi, et tous ceux qui l'avaient suivi furent dispersés. 38Maintenant je vous le dis : ne vous occupez plus de ceux-ci et laissez-les aller. Car si leurs intentions et leur activité sont d'origine humaine, elles disparaîtront. 39Mais si elles viennent vraiment de Dieu, vous ne pourrez pas les détruire. Ne prenez pas le risque de combattre Dieu ! » Les membres du conseil acceptèrent l'avis de Gamaliel. 40Ils rappelèrent les apôtres, les firent battre et leur ordonnèrent de ne plus parler du nom de Jésus, puis ils les relâchèrent.41Les apôtres quittèrent le conseil, tout joyeux de ce que Dieu les ait jugés dignes d'être maltraités pour le nom de Jésus. 42Et chaque jour, dans le temple et dans chaque maison, ils continuaient sans arrêt à enseigner en annonçant la bonne nouvelle de Jésus, le Christ.
Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains
Cette formule choc est bien connue. Elle est au cœur de notre récit. Savez-vous qu’elle n’est peut-être pas d’inspiration biblique ? Elle vient peut-être de Socrate. En effet, elle est très proche d’une parole attribuée au philosophe grec. Dans l'Apologie de Socrate, Platon évoque la défense de Socrate lors de son procès. Pour qu’il soit acquitté, il devait accepter de cesser de philosopher, c’est-à-dire de propager son enseignement. Et Socrate a répondu : « Athéniens, je vous sais gré et je vous aime ; mais j'obéirai au dieu [le dieu de Delphes] plutôt qu'à vous ; et, tant que j'aurai un souffle de vie, tant que j'en serai capable, soyez sûrs que je ne cesserai pas de philosopher, de vous exhorter, de faire la leçon à qui de vous je rencontrerai. »
Les apôtres se sont peut-être approprié cette parole de Socrate… D’autant qu’elle peut aussi tout à fait entrer en écho avec l’enseignement de Jésus, notamment cette célèbre parole, à propos de l’impôt : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Matthieu 22.21).
Toutefois, dans notre récit, les apôtres ne se contentent pas de dire « nous obéirons à Dieu plutôt qu’à vous » mais ils expriment leur réponse sous la forme d’un principe, qui est appelé à s’appliquer dans tous les contextes : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains. »
Ce principe implique-t-il, pour le chrétien, une défiance de principe à l’égard d’une autorité humaine, dès lors qu’elle n’est pas chrétienne ? Evidemment non ! Il ne suffit pas d’être chrétien pour être un bon homme politique (ou une bonne femme politique) ! Comme il ne suffit pas d’être chrétien pour être un bon boulanger, un bon médecin ou un bon psychologue. Mieux vaut un bon homme politique athée qu’un mauvais homme politique chrétien !
Ce qu’on voit aujourd’hui dans le nationalisme chrétien aux Etats-Unis, dans le soutien inconditionnel à Trump parce qu’il serait l’envoyé de Dieu pour l’Amérique, peut être vu comme un exemple de perversion du principe de notre récit…
Comment faut-il donc recevoir, aujourd’hui, le principe énoncé par les apôtres ?
Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains… dans notre récit
Voyons d’abord comment ce principe a été appliqué dans notre récit. Qu’est-ce qui est reproché aux apôtres ? D’enseigner au nom de Jésus-Christ. C’est rappelé au début du texte. Or c’est là le fondement même de leur mission d’apôtre. C’est pour cela que Jésus les a choisis. Au début du livre des Actes, il leur a donné explicitement leur ordre de mission : « Vous recevrez une force quand l'Esprit saint descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'au bout du monde. » (Actes 1.8).
Pour les apôtres, obéir aux autorités religieuses juives qui leur demandent de ne plus enseigner au nom de Jésus, ce serait renoncer à la mission que Jésus lui-même leur a explicitement confiée… ce serait donc forcément désobéir à Dieu. Il y a en effet ici un conflit : il est impossible d’obéir aux deux. Et lorsque ce conflit se manifeste alors il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains. C’est cela le principe et son application.
D’ailleurs, il suffit de voir la conclusion du récit, après les menaces, les coups et l’interdiction renouvelée par les autorités de juives, que font les apôtres ? « Chaque jour, dans le temple et dans chaque maison, ils continuaient sans arrêt à enseigner en annonçant la bonne nouvelle de Jésus, le Christ. » (v.42) Bref, ils obéissent à Dieu plutôt qu’aux êtres humains !
Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains… comprendre le principe
Il faut d’abord remarquer qu’il y a deux aspects à ce principe :
- Il faut obéir à Dieu.
- Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains.
Il faut obéir à Dieu
Le principe évoqué par les apôtres affirme d’abord qu’il faut obéir à Dieu. Ce n’est pas une option pour le croyant. C’est une obligation. Ce n’est certes pas une obligation sous la contrainte, c’est un engagement libre mais conséquent. Il s’agit d’une exigence de fidélité pour celui ou celle qui a choisi de placer sa foi en Dieu.
L’obéissance est bien une dimension de la foi. Elle est une expression de la pleine confiance en Dieu. J’obéis à Dieu parce que je lui fais confiance, je crois que ce qu’il me demande est bon pour moi, que ses exigences sont bienveillantes et justes. Je ne lui obéis pas parce que j’aurais peur de lui, d’une quelconque punition de sa part. Je lui obéis parce que je l’aime et je sais qu’il m’aime.
Mais obéir à Dieu implique des difficultés, et même parfois des épreuves voire des souffrances. Parce qu’il y a dans le monde, autour de nous et en nous-même aussi, des forces qui s’opposent à Dieu.
Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains
C’est pour cela que le principe des apôtres précise qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains. Il ne s’agit pas ici d’opposer l’autorité de Dieu à celle des humains. Elles peuvent très bien s’harmoniser. Et lorsque c’est le cas, alors il n’y a pas de problème.
On peut même dire que tant qu’il n’y a pas de conflit, obéir à Dieu implique d’obéir aux autorités humaines. C’est le sens des exhortations de l’apôtre Paul, par exemple, à se soumettre aux autorités établies, à respecter ceux qui exercent une gouvernance et à prier pour eux. Et il faut se rappeler qu’il le fait dans un contexte qui n’est pas vraiment favorable aux chrétiens, sous la domination d’autorités païennes.
C’est lorsqu’il y a un conflit d’allégeance, et seulement dans ce cas, qu’il faut choisir entre l’autorité de Dieu et celle des humains. Et alors, c’est évidemment à Dieu qu’il faut obéir plutôt qu’aux êtres humains.
Vous vous souvenez peut-être de ce débat, il y a quelque temps, pour savoir si la loi de Dieu est au-dessus de la loi de la République ? La question était mal posée. On ne peut pas les mettre sur le même plan. Il ne s’agit pas de les mettre en concurrence. Et la plupart du temps elles s’harmonisent…
Mais on ne peut exclure qu’au nom de notre foi, on doive résister et lutter contre certaines lois. Au nom de leur foi, Dietrich Bonhoeffer a résisté au pouvoir nazi en Allemagne, Martin Luther King s’est battu contre les lois de ségrégation aux USA et pour les droits civiques des afro-américains, Nelson Mandela a lutté contre les lois de l’apartheid en Afrique du Sud…
On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve en France. Sans être oiseau de mauvais augure, il y a quand même quelques signes inquiétants, avec les populismes qui gagnent du terrain, et les discours de rejet et de haine qui se multiplient. Qui sait ? Un jour peut-être faudra-t-il obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains…
Notez encore que ce principe s’applique bien dans notre rapport aux autorités politiques. Mais son application peut être plus large. Il est pertinent partout où il y a une autorité qui s’exerce. Dans une entreprise, dans une structure associative, parfois dans une famille. Dans toutes ces structures d’autorité, il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains. Lorsque les êtres humains faillissent ou abusent de leur pouvoir.
Et c’est vrai dans l’Eglise aussi, évidemment ! Si votre pasteur ou un responsable de l’Eglise dit n’importe quoi, ou se comporte de façon problématique, vous n’avez pas à obéir simplement parce qu’il est un pasteur. Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains, même s’ils sont pasteurs !
Conclusion
Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains. Ce principe énoncé par les apôtres face aux autorités juives de leur époque qui voulaient les forcer à renoncer à la mission qu’ils avaient reçues de Jésus-Christ lui-même est un principe universel, qui demeure valable aujourd’hui.
Il nous dit deux choses au moins. Tout d’abord qu’il faut obéir à Dieu. Cette obéissance fait partie de la vie chrétienne, elle est une dimension de la foi. Quelles que soient les circonstances de notre vie, favorable ou non. Ensuite que s’il y a un conflit d’obéissance, c’est toujours Dieu qui prime : c’est à lui seul que nous devons une obéissance totale.
L’obéissance que nous devons aux êtres humains qui exercent une autorité est légitime, tant qu’elle n’entre pas en conflit avec notre obéissance à Dieu. La bonne nouvelle, c’est que le Seigneur est souverain et qu’il règne au-dessus de tous les souverains de la terre, quels qu’ils soient.
C’est en lui que nous plaçons notre confiance et notre espérance.
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