Récemment, j’ai vu un très beau film dont le titre est « Bergers ». Librement adapté d’un roman autobiographique, il raconte l’histoire d’un gars qui, du jour au lendemain, plaque tout de sa vie de publicitaire à Montréal pour devenir berger en Provence. Il s’est documenté sur le métier mais il n’a aucune expérience, et la réalité à laquelle il va faire face n’est pas celle qu’il imaginait. Il découvre un métier épuisant et des éleveurs souvent à bout. Mais quand il rencontre une jeune femme, qui elle aussi a décidé de tout quitter, ils vont tous les deux se voir confier un troupeau de plus de 800 moutons pour une transhumance.
Au-delà de la belle chronique rurale et montagnarde, j’ai été frappé par la figure du berger qui ressortait du film et qui, forcément pour moi, entrait en écho avec la figure biblique du berger. C’est en effet une métaphore souvent utilisée dans la Bible. J’ai notamment été marqué par la façon dont le film décrivait la relation du berger avec les moutons de son troupeau, son souci de chaque brebis, et notamment cette obsession, très présente dans le film, de tout faire pour ne pas perdre une seule de ses brebis.
Je ne sais pas si les échos bibliques étaient intentionnels de la part de la réalisatrice mais ça souligne en tout cas la pertinence de la métaphore biblique.
Pourquoi est-ce que je vous parle de ce film ? Parce que le texte de l’évangile qui nous est proposé pour ce dimanche est justement un des usages les plus connus de la métaphore du berger, dans l’évangile de Jean.
Au début du chapitre 10, deux métaphores se mélangent, celle de la porte et celle du bon berger. Deux métaphores qui parlent du salut. Jésus se compare à la porte de l’enclos qui permet aux moutons d’entrer et de sortir. Ceux qui entrent par lui sont sauvés. Il est aussi le bon berger. Contrairement aux mercenaires et aux voleurs qui ne se soucient guère des moutons, lui il donne sa vie pour ses moutons.
La réaction à cet enseignement de Jésus est mitigée. Plusieurs ne comprennent pas et certains prétendent même que Jésus est possédé d’un démon. Alors un peu plus tard, c’est la suite du chapitre 10, Jésus revient sur la métaphore du berger et des moutons, et c’est ce texte que nous allons lire maintenant.
Jean 10.22-3022On célébrait à Jérusalem la fête de la Dédicace. C'était l'hiver 23et Jésus allait et venait dans la galerie à colonnes de Salomon, au temple. 24Les autorités juives se rassemblèrent autour de lui et lui dirent : « Jusqu'à quand nous maintiendras-tu dans l'incertitude ? Si tu es vraiment le Christ, dis-le-nous ouvertement. » 25Jésus leur répondit : « Je vous l'ai dit, et vous ne croyez pas. Les œuvres que je fais au nom de mon Père témoignent à mon sujet. 26Mais vous ne croyez pas, parce que vous ne faites pas partie de mes moutons. 27Mes moutons écoutent ma voix ; je les connais et ils me suivent. 28Je leur donne la vie éternelle, ils ne seront jamais perdus et personne ne les arrachera de ma main. 29Ce que mon Père m'a donné est plus grand que tout et personne ne peut rien arracher de la main du Père. 30Le Père et moi, nous sommes un. »
Il y a bien sûr un ton polémique dans ces paroles de Jésus, lorsqu’il dit aux autorités juives, qui sont sans cesse dans l’opposition face à lui : « vous ne croyez pas, parce que vous ne faites pas partie de mes moutons. » Aux chefs religieux, appelés à être les bergers du peuple, les guides spirituels d’Israël, Jésus dit qu’il est lui-même le bon berger, et qu’eux ne sont même pas des moutons… ou du moins qu’ils ne font pas partie de ses moutons.
Mais au-delà de la polémique, il y a aussi une image tendre et belle de la relation qui existe entre le berger et ses moutons, c’est-à-dire entre Jésus et les croyants, aux versets 27-28. Ce sont sur ces deux versets que j’aimerais surtout m’arrêter ce matin : « Mes moutons écoutent ma voix ; je les connais et ils me suivent. Je leur donne la vie éternelle, ils ne seront jamais perdus et personne ne les arrachera de ma main. »
D’une certaine façon, le début du verset 27 clôt la polémique avec les chefs religieux. On pourrait dire : « mes moutons, eux, écoutent ma voix ! » Sous-entendu : contrairement à vous ! Mais la formule fournit aussi une sorte de définition du croyant. Qu’est-ce qu’un chrétien ? C’est quelqu’un qui écoute la voix de Jésus-Christ !
Cette définition s’enrichit de deux affirmations complémentaires, introduites en grec par le même petit mot kagô (et moi) : « Et moi je les connais et ils me suivent ; et moi je leur donne la vie éternelle… » Arrêtons-nous donc sur ces trois affirmations.
Mes moutons écoutent ma voix
On a eu, il y a quelques semaines, une série de prédications sur l’écoute de Dieu. Vous pouvez retrouver ces prédications sur notre chaîne YouTube. Je ne vais donc pas trop m’attarder sur cette première formule qui souligne bien que, au cœur de la vie chrétienne, il y a l’écoute de Dieu.
Cette écoute passe évidemment par la prière et la méditation de l’Ecriture. Mais plus largement, elle s’ancre dans la conviction que Dieu parle, aujourd’hui encore, et qu’il peut dans sa providence utiliser de multiples moyens pour nous parler. Une rencontre, une circonstance, une expérience, une parole…
Disons encore que l’écoute implique non seulement d’entendre mais aussi de mettre en pratique ce qui a été entendu. A-t-on vraiment écouté si on n’a pas agi en conséquence de ce qu’on a entendu ?
Je les connais et ils me suivent
Quel est le lien entre les deux parties de cette affirmation ? Il n’est pas forcément évident au premier abord.
Je les connais implique plus qu’une connaissance théorique et froide. Je les connais c’est aussi je les aime, je me soucie d’eux, je sais qui ils sont, je connais leurs besoins. Quand on dit que Dieu nous connaît, on dit tout cela. Ce n’est pas un Dieu distant et froid qui nous regarde de loin. C’est un Dieu proche et prévenant, qui veut prendre soin de nous.
Et c’est ce qui explique la deuxième partie de la formule : « ils me suivent ». C’est la part qui incombe aux moutons. C’est notre part, celle de la foi. C’est parce que Jésus-Christ nous connaît, au sens fort du terme, que nous décidons de le suivre. Il sait ce dont nous avons besoin et il veut prendre soin de nous. Il est le bon berger qu’on choisit de suivre…
Notez aussi que la formule est au pluriel… on parle d’un troupeau. Les moutons ont l’instinct grégaire, c’est-à-dire une tendance à vivre en groupe. C’est une nécessité pour des êtres vivants aussi vulnérables que les moutons. Leur salut n’est que dans la fuite : ils ne peuvent pas faire face aux loups. Le berger les protège.
Est-ce que les chrétiens ont l’instinct grégaire ? Nous devrions l’avoir… L’instinct grégaire du chrétien, c’est son besoin de vivre l’Eglise, d’appartenir à une communauté. Il est fondamental. Et pourtant, il a probablement tendance à disparaître dans notre société si individualiste et consumériste.
Alors peut-être avons-nous besoin de retrouver notre « instinct grégaire » spirituel, ce besoin d’appartenance à l’Eglise pour suivre ensemble le bon berger ? L’image du berger et de ses moutons nous rappelle que les chrétiens ne sont pas appelés à vivre leur foi de manière isolée, nous avons besoin les uns des autres, de suivre ensemble Christ notre berger. Car nous sommes vulnérables, et cela est d’autant plus marqué lorsque nous nous isolons.
Je leur donne la vie éternelle
La troisième affirmation est une promesse. La plus belle promesse de la Bible : « je leur donne la vie éternelle. »
En ce qui concerne la vie éternelle, c’est Jésus seul qui est actif. Nous n’en sommes que les heureux bénéficiaires. La vie éternelle est tout entière le don de Dieu. Elle est pure grâce. Jésus dit « je leur donne la vie éternelle ». Il ne dit pas « je leur propose la vie éternelle », ou « je leur montre comment obtenir la vie éternelle ». Non, la vie éternelle nous est donnée. Comme un cadeau, une grâce.
Et pour le souligner encore plus fortement, Jésus précise que rien ni personne ne pourra jamais nous arracher de sa main. Et pourquoi ? Parce que Dieu s’y engage. C’est la conclusion des paroles de Jésus : « Ce que mon Père m'a donné est plus grand que tout et personne ne peut rien arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes un. » (v.29-30)
La promesse est donc certaine. Jésus nous donne la vie éternelle, et rien ni personne ne pourra jamais nous l’ôter. Aucun loup ne trompera la vigilance du parfait berger. Aucun ours ne sera plus fort car ce berger, c’est le Fils de Dieu : « Le Père et moi, nous sommes un. »
Nous pouvons nous approprier la fin du Psaume 23, qui développe aussi la métaphore du berger, et qui brille d’un éclat plus grand encore maintenant que notre berger est le Christ ressuscité :
Psaume 23.6Oui, le bonheur et la grâcem'accompagneront tous les jours de ma vie !Seigneur, je reviendrai dans ta maisonaussi longtemps que je vivrai.
Voilà qui est, pour le chrétien, une source intarissable d’espérance et de paix. Ça ne veut pas dire que nous ne connaîtrons pas d’épreuve et de souffrance, ou que notre vie ici-bas sera toujours agréable et facile. Mais ça veut dire que quoi qu’il nous arrive, il y a une promesse qui ne change pas, une assurance que même la mort ne peut nous ôter : Jésus-Christ nous donne la vie éternelle.
Conclusion
Il ne faut pas faire dire à cette métaphore ce qu’elle ne veut pas dire. Être des moutons est une formule plutôt péjorative aujourd’hui. Cela signifie suivre les autres sans réfléchir ou par peur. Ce n’est pas ce dont il est question ici.
Dans le prolongement de la métaphore proposée par Jésus, se reconnaître comme mouton, c’est accepter sa vulnérabilité et son besoin d’avoir un berger à suivre. Et le meilleur berger, celui qui nous connaît comme nul autre, c’est Jésus-Christ. Il nous donne la vie éternelle. Et de la part de celui qui est mort et ressuscité, c’est une promesse qui a du poids.
C’est peut-être aussi retrouver notre « instinct grégaire » spirituel, et reconnaître notre besoin les uns des autres, et d’appartenir à la communauté des disciples de Jésus-Christ, son Eglise.
Nous voulons écouter sa voix. Nous choisissons de le suivre parce que nous lui faisons confiance. Il n’y a aucune honte à être des moutons… surtout quand le berger est Jésus-Christ !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un commentaire !